Conférence
Notice
Lieu de réalisation
FMSH Paris 6e
Langue :
Français
Crédits
Alexandre MOATTI (Publication), FMSH Production (Production), Quentin CENSIER (Organisation de l'évènement), Laurent Henninger (Intervention)
Conditions d'utilisation
cc-by-sa-nd avec mention de l'intervenant, de l'éditeur et du producteur FMSH
DOI : 10.60527/ysqd-ga17
Citer cette ressource :
Laurent Henninger. cultureGnum. (2021, 14 janvier). La révolution militaire des temps modernes. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/ysqd-ga17. (Consultée le 28 mars 2024)

La révolution militaire des temps modernes

Réalisation : 14 janvier 2021 - Mise en ligne : 4 février 2021
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Descriptif

par Laurent Henninger, chercheur en histoire militaire, membre du comité de rédaction du magazine Guerres & Histoire.

(transcription et synthèse par Quentin Censier de l’intervention de Laurent Henninger, févr. 2021)

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L'intervenant aborde les évolutions militaires de l'époque moderne (à partir du 16e siècle) comme une « révolution militaire » (il mentionne les questionnements historiographiques autour de la notion), qu’il inscrit dans la transformation profonde tant politique, économique, sociale et culturelle des sociétés européennes occidentales au sortir du Moyen-Âge. Une vision purement technique – ou technologique (nature des armes, p. ex.) – serait réductrice : cette « révolution »est en fait le volet militaire d’un tournant civilisationnel vers la modernité.

Un grand nombre d’exemples de la res militaris vient à l’appui de ce changement civilisationnel – social, politique et quasi anthropologique. Ainsi, pour parvenir à vaincre la cavalerie dominante, d’essence nobiliaire a fortiori à la fin du Moyen-Âge, des infanteries, d’essence populaire, se constituent – qu’elles soient urbaines comme dans les Flandres (organisées parles guildes d’artisans) et en Italie du Nord, ou rurales comme en Suisse et en Allemagne du Sud. Ces nouvelles infanteries se construisent autour de divers armements de maintien à distance (parfois issus d’outils agricoles), comme l’arc long pour les Anglais, l’arbalète pour les Italiens, mais surtout la pique, arme blanche longue qui deviendra caractéristique des infanteries des XVIe et XVIIe siècles – et qui ne verra que dans un second temps les armes à feu personnelles, comme l’arquebuse, l’accompagner sur le champ de bataille.

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Idiosyncrasie française : il n’y a pas de tradition d’infanterie populaire, il faudra attendre Louis XIV pour cela, et surtout les armées de la Révolution française qui en sont une belle illustration – à nouveau dans le cadre d’un processus éminemment politique.

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Cette « mise à distance » et ce caractère plus populaire des armées amène le « logiciel mental » du combat à évoluer profondément. D’une recherche du choc, d’une acceptation du corps-à-corps caractéristique de chevaliers dont le rôle social est de faire la guerre, le logiciel mental des infanteries modernes se tourne vers une approche plus stoïque, un courage plus froid et déterminé, voire fataliste. La mise à distance permet d’éloigner la perspective de donner la mort en pénétrant la chair – ce qui marque un impact physique sur le porteur du coup même –, mais elle apporte un risque de blessure et de mort de plus en plus aléatoire, contre lequel on ne peut absolument pas s’entrainer (compte tenu de la vitesse des projectiles tirés, non anticipables).

En dépassant l’idée de chevalerie, ces infanteries populaires plus nombreuses et massives apportent des gains politiques qui modifient les relations sociales. Ce à quoi s’ajoutent les armes à feu collectives, notamment les canons – l’artillerie étant en règle générale émanation de l’État (à la différence de la chevalerie, émanant de l’aristocratie, et l’infanterie, du peuple, comme indiqué). Ainsi, la construction moderne de l’État se fait-elle sur les ruines du féodalisme, car les canons et fortifications capables de se défendre contre une artillerie devenue mobile et plus destructrice coûtent bien plus cher que les armées féodales et les châteaux-forts des siècles précédents(à la fin du Moyen-Âge). Les canons (remplaçant les catapultes de siège), les fortifications à l’italienne (ou bastionnées, en étoile), apportent avec eux une approche plus scientifique et rationnelle de la guerre, mobilisant des matières telles que la balistique, l’architecture ou la chimie (pour la poudre, dont l’approvisionnement renforce le rôle de l’État).

 

"Ultima Ratio Regum" ([la force] est l'ultime argument des rois): la devise inscrite sur un canon du 17e siècle symbolise à sa manière la puissance de l'artillerie aux mains de l'Etat (image WikiCommons auteur Kadin2048)

 

D’autres changements marquent aussi cette « révolution ».Une nouvelle cavalerie bien plus légère (les « chevau-légers » :hussards, lanciers,…) et donc mobile fait son apparition, avec des tactiques plus axées vers le harcèlement plutôt que vers le choc frontal des siècles précédents. De par ses origines (Maures avec les Espagnols, Hongrois avec les Autrichiens, Dalmates avec les Italiens), cette nouvelle cavalerie (le terme élimine quasiment celui de chevalerie) peut être vue comme dotée d’un « logiciel mental » d’inspiration plus orientale. Le dernier changement notable à l’appui de cette transition est celui des forces navales, avec le renforcement du rôle de l’État, à commencer dans la construction des navires et sa rationalisation –les chantiers navals (militaires) seront parmi les sources de l’industrie moderne.

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En définitive, la révolution militaire de l’époque moderne apporte autant des changements sur le champ de bataille, par l’infanterie, l’artillerie et la cavalerie, que des évolutions socio-économiques, par l’anéantissement des élites féodales militaires ou par la nouvelle influence politique populaire ; et des évolutions structurelles, par le renforcement et la centralisation de l’État pour faire face aux dépenses induites par la nouvelle forme prise par la guerre.

 

 

Intervention

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