Notice
"De la nature « quand même ». Dénaturalisation ou retour du biologique ?", semi-plénière avec la participation de Jeanette Edwards, Corinne Fortier et Dominique Memmi
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Descriptif
De la nature « quand même ». Dénaturalisation ou retour dubiologique ?
Coordination : Dominique Memmi (CNRS - CSU), Gilles Raveneau (Université de Paris OuestNanterre, LESC, Cersm), Emmanuel Taïeb (Sciences Po Lyon, TRIANGLE)
Intervenants :
- Jeanette Edwards, professeur d’anthropologie sociale à l’Université de Manchester. Sontravail de terrain sur les milieux modestes du nord de l’Angleterre lui a permis de mettre à jour la façon, notamment, dont est pensée la filiation et dont sont appropriées les technologies de procréation assistées. Elle s’intéresse actuellement à « l’imagination généalogique » (y compris la passion contemporaine pour l’histoire de la famille et la recherche généalogique).
- Corinne Fortier, anthropologue au CNRS. Membre du Laboratoire d’anthropologie sociale (CNRS-EHESS-Collège de France), elle travaille sur les thématiques du corps, de la sexualité, du genre et de la filiation. Elle a mené une longue recherche de terrain sur les procréations médicalement assistées où se pose avec acuité la problématique du rapport à lanature et où se révèlent des représentations implicites profondes et largement partagées sur la procréation,la différence des sexes et la parenté.
- Dominique Memmi, directrice de recherche au CNRS. Ses thèmes de recherche sont : l’administration sociale de la naissance et de la mort au seinde la biopolitique contemporaine ; la naturalisation des questions sociales et politiques et le rôle qu’y jouele corps aujourd’hui ; le «corps» comme objet des sciences sociales.
Un débat récurrent en sciences sociales oppose constructivisme et naturalisme. Sous le poids d’enjeux politiques très actuels (la question du mariage pour tous, par exemple), il tend à se raviver aujourd’hui, et à radicaliser cette opposition. Or les faits la rendent en partie artificielle et obligent à la poser en d’autres termes.
Car, aux deux extrémités de l’existence, un bouleversement anthropologique majeur a affecté un certain nombre de pratiques sociales traditionnelles depuis le milieu du XXe siècle : désaffection exponentielle de l’inhumation au profit de la crémation, expansion simultanée du don d’organes, sacrifice d’enfants in utero à la faveur d’interruptions « volontaires » et « médicales » de grossesse (1975 en France), expansion des procréations artificielles… Au total, artificialisation de la procréation, dissociation radicale entre engendrement et activité sexuelle (fivette), voire entre engendrement et grossesse (GPA), et plus généralement maîtrise radicale par les individus de leur donné corporel (crémation, don d’organes, IVG) : à partir de la fin des années 70, le corps, comme donné de nature, semble devoir cesser d’être un destin.
Mais tout se passe alors comme si partout dans le monde social apparaissaient des agents acharnés à préserver « de la nature quand même » dans les pratiques sociales. C’est particulièrement net à propos de la reproduction, et tout particulièrement chez les professionnels, dans le cas de l’insémination avec donneur dans le monde, par exemple, comme en témoignera ici Corinne Fortier. Mais cela se vérifie aussi chez les profanes eux-mêmes, c’est-à-dire les usagers des nouvelles techniques comme des nouvelles formes de filiation, y compris dans les classes populaires, comme en témoignera Jeanette Edwards. Et ce phénomène touche autant la fin de vie que son début, l’administration du corps mourant et mort que celle du corps procréateur, comme en témoignera Dominique Memmi.
L’observation des pratiques sociales nous apprend donc que l’administration de l’antinomie nature/social aujourd’hui sécrète, plus que jamais, une inventivité sociale considérable, au coeur même des filiations les plus artificielles et des innovations biomédicales les plus sophistiquées. Le flot de l’histoire ne repassant jamais deux fois sous le même pont, on se refusera à parler de « retour ». Quels sont donc au total les types de « naturalité » qui ont droit de cité, chez les professionnels et profanes de nos sociétés occidentales contemporaines ? Au regard de l’observateur attentif, entre naturalisme et constructivisme ordinaires, et à travers des pratiques sociales concrètes, c’est un nouveau compromis idéologique et social qui se dessine. Quel est-t-il? Le décrire désormais avec finesse, et pour cela, rompre tant avec l’abstraction du débat « purement » épistémologique qu’avec les simplifications trop généralistes du débat politique, nous paraît aujourd’hui une des tâches prioritaires des sciences sociales.
Intervention
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