Conférence
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Langue :
Français
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Patrick Artus (Intervention)
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Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/7j4j-3j72
Citer cette ressource :
Patrick Artus. Pour un partage des savoirs. (2015, 8 octobre). Forum Nîmois - Charles GIDE - Patrick ARTUS - 8 Octobre 2015. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/7j4j-3j72. (Consultée le 19 mai 2024)

Forum Nîmois - Charles GIDE - Patrick ARTUS - 8 Octobre 2015

Réalisation : 8 octobre 2015 - Mise en ligne : 10 octobre 2015
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Descriptif

L’activité de notre association Charles Gide reprend, pour son cycle de conférences "le forum Nîmois Charle GIDE" Jean MATOUK président de l'assosiation et professeur des universités recoit, le 8 octobre 2015, au lycée Daudet de Nimes Patrick Artus.

Te voici de nouveau parmi nous. Ce soir, le Forum CharlesGide t’accueille dans le plus ancien Lycée de la Ville, celui sur les bancsduquel se sont assis  ,entre autres,quatre  Gaston célèbres : GastonDoumergue, Président de la république de 1924 à 1931, , Gaston Deferre, GastonDarboux  mathématicien, secrétaireperpétuel de l'Académie des Sciences, Gaston Boissier  écrivain,  professeur d'éloquence latineau Collège de France, et Secrétaire perpétuel de l'Académie Française en 1895  et quelques autres dont Jean-Pierre Serre,Médaille Fields à l'âge de 28 ans, Professeur au Collège de France...Nous t’accueillons ici àla demande de Madame Barbé, le proviseur, et d’enseignants d’économie qui ontpréparé  l’écoute de ton interventionavec quelques élèves.

Tu es l’un de nos grands économistes, l’un de meilleursd’entre nous oserais-je dire. Tu es ancien élève de l’Ecole Polytechnique et del’Ecole nationale de la statistique et des études économiques, professeur àParis I Panthéon Sorbonne. Tes mérites ont été largement reconnus, puisque tues membre de trois viviers des plus grands esprits de l’économie enFrance : Le Conseil d’analyse économique, près du Premier ministre, de laCommission économique de la nation, et, last but not least, du Cercle deséconomistes, dont j’essaye de ne manquer aucune manifestation, notamment lescélèbres rencontres d’Aix en Provence.

Ce soir tu viens, avec un livre à l’appui : Croissance zéro. Comment éviter lechaos, », publié chez Fayard, succédant, il faut le savoir, à unautre, qui, en quelque sorte l’anticipait, «  Les apprentis sorciers. Quarante ans d’échecs de la politiqueéconomique française », nous parler de la  croissance. Ou plus précisément du manque decroissance dont tu crains qu’il ne soit durable. Soyons clair, faudra-t-il quenous nous contentions définitivement, dois-je dire au mieux, d’une croissancede 1,5% à 2%, telle que celle que nous espérons encore pour 2016 enFrance ? Pourquoi ? Quelles sont ou seraient les causes de cetteanémie pernicieuse,  de cette« languitude économique» en osant ce néologisme.

Et, si c’est le cas, comment doit-on organiser la société,quelles actions l’Etat doit-il mener pour qu’elle ne se traduise pas, à moyenterme, par un chaos social.

Sur la première partie du sujet, la croissance languissante,à titre purement introductif, je voudrais brosser un tableau élémentaire  de départ des connaissances sur le sujet. Onapprend à nos étudiants que la croissance a deux facteurs : les hommes,c’est-à-dire la population active disponible et le capital. En fait, dans cetteoptique, elle en a trois, car il faut ajouter le facteur « mystère »,ou plutôt le « bouche trou », que dans la fonction de production laplus simpliste, celle a deux facteurs seulement on mesure par la marged’erreur, l’écart type de l’ajustement aux deux premiers.

Ce « bouche trou » on l’appelle PGF, productivitéglobale des facteurs a, c’est-à-dire la croissance du PIB résultant d’uneaugmentation unitaire des deux facteurs de base, travail et capital. Unequestion tout de même,  qui sembleaujourd’hui « ringarde », le capital peut-il avoir uneproductivité ? Une machine, une liasse de billets pour l’acheter, sont-ellescapables de produire sans les hommes ? A cette question les économistesd’aujourd’hui répondent avec cette productivité globale des facteurs, quiélimine la question en considérant que les deux facteurs ne font qu’un. En unsens, c’est tant mieux, car cela évite de délicates questions de doctrine.

C’est sur cette productivité qu’aujourd’hui les questions seposent. Cette productivité, elle est évidemment liée au progrès techniqueincorporé dans le capital, mais aussi à celui qui est dans la tête destravailleurs. D’ailleurs divers collègues ont écrit, à la suite de Cobb etDouglas, des fonctions de production incorporant le progrès technique, ou laquantité d’information technologique présente dans les machines et les têtes.

Devant la difficulté de « mathématifier » desfonctions de production de plus en plus complexes, nombre de nos collègues ontd’ailleurs fini par ignorer , en quelque sorte, les deux facteurs, et revenantau célèbre Joseph Schumpeter, mettre le progrès technique devant, à long termeau moins, au-delà de la conjoncture, comme seul facteur de croissance donc deproduction. Schumpeter, ses grappes d’innovations cycliques, et sadestruction-créatrice : destruction des vielles entreprises et de leursvieilles machines pour les remplacer par des neuves !

Je te laisse le soin de développer ou contredire, mais tun’échapperas pas s’agissant de la période actuelle, au paradoxe de Robert Solow,prix Nobel 1987, qui, la même année, s’étonnait, je cite  « quel’introduction massive des ordinateurs dans l’économie, contrairement auxattentes ne se traduisait pas par une augmentation statistique de laproductivité » .

Taux de croissanceannuels de la productivité globale des facteurs

1985-90

1990-95

1995-200

2000-07

2007-11

France

1,7

1,1

1,3

0,9

-0,3

Allemagne

1,4

1,1

1,1

0,1

Roy-Uni

0,4

1,6

1,4

1,5

-2,4

Etats-Unis

0,7

0,7

1,5

1,4

0,8

Japon

0,7

0,7

0,7

1,1

0,3

Source : OCDE et autres

Je ne sais pas si tu valides ce tableau de chiffre de laproductivité globale des facteurs. Elle laisse entrevoir un net ralentissementpour la France, l’Allemagne, et le Japon, moins net pour les Etats-Unis et uneévolution chaotique pour cette Angleterre dont on fait un modèle.  Or, effectivement, ces années sont celles del’explosion de l’informatisation, celle du passage à la production 2.0 puismême aujourd’hui à la société 2.0.  Commentse fait-il que cette explosion ne se traduise pas dans les chiffres.

J’avance une explication : sur 2000-2011, il y a eu lecreux de 2008-2009. Or on mesure cette productivité avec une fraction dont,sous une forme ou une autre, le numérateur est la production. Si elle baisse ouralentit, si le numérateur diminue, comme en 2008-2009, la fraction diminuemécaniquement

Et il y a , je crois , une autre raison, que tu as d’ailleursexpliquée un jour dans un article du Monde, et que sans doute tu vasreprendre : l’informatique, c’est non seulement une augmentation  de la productivité du travail- j’ai organiséla dématérialisation des titres dans une banque , des chèques, des retraitsd’espèces et j’ai pu l’observer de près, mais c’est aussi une offresurabondante de nouvelles informations, dont se servent les entreprises, mais,qu’elles ne comptent pas dans leur production, et qui est pourtant produite quelquepart. C’est aussi, ces derniers temps, l’horizontalisation des échangessociaux, de transports, d’appartements, de repas …qui ne sont pas non plus, entous cas pas encore, relevés comme production, puisqu’ils ne sont d’ailleurspas encore taxés.

Je crois donc qu’il n’est pas tout à fait exact de dire quela productivité baisse. Qu’en penses-tu ?  Le progrès technique se ralentit-il ?Avons-nous connu une période exceptionnelle dans l’après-guerre, certainsdisent même depuis 250 ans, et rentrons nous dans la grande stagnation. Quefaire ?

Intervention

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