Entretien
Notice
Langue :
Espagnol, castillan
Crédits
Jean JIMENEZ (Réalisation), Université Toulouse II-Le Mirail SCPAM (Publication), Université Toulouse II-Le Mirail (Production), Enrique Colina (Intervention), Odile Bouchet (Intervention)
Conditions d'utilisation
Tous droits réservés à l'Université Toulouse II-Le Mirail et aux auteurs.
DOI : 10.60527/jt8t-0420
Citer cette ressource :
Enrique Colina, Odile Bouchet. UT2J. (2009, 21 mars). Entretien avec Enrique Colina (Rencontres 2009) , in Espagnol. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/jt8t-0420. (Consultée le 16 mai 2024)

Entretien avec Enrique Colina (Rencontres 2009)

Réalisation : 21 mars 2009 - Mise en ligne : 23 mars 2009
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Descriptif

Enrique Colina, nous parle de son documentaire "Los bolos en Cuba", qui entre dans l’intimité des foyers et dans les images d’archives historiques, afin de repérer les traces de trente ans d’aide soviétique, d’échanges culturels, de couples mixtes cubains-soviétiques, d’objets quotidiens qui rappellent une époque heureuse où, à Cuba, on avait de tout. L’ICAIC est l’organisme de la révolution cubaine qui a permis la naissance d’un cinéma, lieu de l’ouverture culturelle de l’île au cours de ces cinquante ans passés. Entretien réalisé dans le cadre des 21ème Rencontres Cinémas d'Amérique latine de Toulouse.

Transcription et traduction réalisées par Thérèse Dignan, Emmanuelle Dunn-Vazquez, Nora Ochoa De Olza.

Intervention
Thème
Documentation

Odile Bouchet : Bonjour Enrique Colina, cinéaste cubain. Vous venez ici, cette année, avec deux films : la fiction que nous avions déjà découverte il y a deux ans, et Los Bolos en Cuba, votre documentaire. Pouvez-vous nous parler de la construction de ce documentaire, de sa thématique ?

Enrique Colina : Bien… Tout d’abord, il est important de préciser que pendant trente ans, c’est en fait la collaboration soviéto-cubaine qui, dès le premier jour, a permis à la révolution cubaine de résister au harcèlement des États-Unis. La vision que nous, Cubains, avons des Russes est probablement différente de celle qu’en ont les pays de l’Est, ex-communistes, car par chance nous sommes loin, n’est-ce pas ?… En effet, d’un point de vue stratégique, ils avaient avantage à ces relations avec Cuba, et réciproquement. On les appelait indifféremment Soviétiques, Russes, ou Bolos, (quilles en français). Pourquoi on les appelait Bolos ? Cela n’avait rien à voir avec le jeu de quilles à proprement parler. Cela représentait plutôt à nos yeux le côté rustre des Russes. Les premiers ingénieurs étrangers arrivés chez nous venaient pour la plupart de régions, de provinces, ou de différents pays constituant l’URSS de l’époque. C’étaient des rustres avec des dents en or, et leurs produits étaient aussi quelque peu rustiques. Les radios, par exemple, leur design était moche. Elles fonctionnaient, certes, comme presque tous les appareils électroménagers, mais bon. C’est de là qu’est venu le nom de Bolos.
Cette présence, qui a duré trente ans, a laissé une empreinte officielle qui est venue souligner le mauvais côté de cette relation. Les courants les plus dogmatiques, qui faisaient partie du mouvement de la révolution cubaine (car différents courants la composaient), se sont ainsi vus renforcés par cette aide. Les Russes ne sont pas directement coupables, nous avons nous-même copié ce modèle rigide, vertical, de fausse unanimité et où prédominait la censure. C’était une dérive par rapport à l’objectif final que nous avions en tête, nous qui faisions partie des secteurs les plus ouverts, de ce que devait être la révolution. Voilà le mauvais côté. Le bon côté, ce sont les subventions qui ont permis de réaliser bon nombre de choses importantes, notamment de développer l’éducation, la culture et la santé publique, d’instaurer un système de justice social, en somme, tout en vivant de l’aide russe. En bref, nous étions l’oiseau qui attendait la bouche ouverte la nourriture de la mère patrie socialiste.
Mon documentaire offre d’un côté la vision officielle de cette relation grâce à des images d’archives comme celle de la visite de Fidel Castro en Union soviétique, ou celle de Brejnev à Cuba, donc les échanges officiels, fruits de cette collaboration politique. D’un autre côté, et c’est celui qui m’intéresse, il y a la sauvegarde de la mémoire historique de l’homme de la rue qui se remémore comment il a vécu cette collaboration. Cela va de celui qui a mangé une conserve de viande russe, à la femme au foyer qui a fait ses lessives dans une machine à laver russe, en passant par les boursiers qui sont partis faire des études en Union soviétique. C’est le cas de milliers de Cubains. Ils ont épousé des Russes. Beaucoup de ces couples étaient formés d’un Cubain noir et d’une Russe blanche. Russe… ou plutôt Soviétique. Ukrainienne ou Biélorusse… C’est ainsi que les couples mixtes et un métissage très particulier, celui d’un Cubain noir et d’une Slave, sont apparus dans les Caraïbes. À Cuba, on appelle leurs enfants les eaux tièdes, pour rappeler le froid sibérien et l’eau chaude des Caraïbes. C’est pour ça qu’on les appelle eaux tièdes.
C’est donc un thème très riche que je voulais aborder depuis longtemps, car avec la chute de l’URSS, toute référence à ce qui existait alors, à ce qui a fait pendant longtemps partie de la vie quotidienne disparaît comme par magie. Il y a eu comme un « je veux oublier » général… Mais bien entendu, les secteurs plus dogmatiques ont toujours eu cette volonté de nous imposer ce mariage, cette fraternité quelque peu rhétorique, mais en l’appliquant dans la vie de tous les jours, en diffusant des films russes, en organisant des défilés militaires pour commémorer la Révolution d’octobre. Ils nous maintenaient dans une espèce de fraternité davantage tournée vers les pays socialistes que vers l’Amérique latine qui constitue pourtant notre identité. C’est ce qui…
Je voulais donc faire un documentaire où je pourrais jouer avec cela, où l’ironie aurait un rôle important, cette relation étant marquée par des intérêts concrets et revêtue de la rhétorique politique à la : « Vive l’amitié éternelle, inébranlable et indestructible entre les peuples de Cuba et de l’Union Soviétique. Vive la fraternité entre le Parti Communiste Cubain et le Parti Communiste… ». Toute cette rhétorique peut s’expliquer par les intérêts d’alors. En fait… c’est cette image figée de l’histoire que je jette contre le passé, contre les années passées, et qui rend ce discours plus rhétorique, et le teinte de toute l’ironie, de la prétention de pérennité que peuvent avoir les choses alors qu’au fond, rien n’est éternel, rien n’est inébranlable, rien n’est indestructible.

Odile Bouchet : Oui. Mais en même temps, vous préservez... Le sens de l’humour des gens face aux objets, à ce qui leur reste, et qui ont survécu à l’effondrement total…

Enrique Colina : Oui, oui, bien sûr.

Odile Bouchet : … autrement dit, cette aide se prolonge

Enrique Colina : Oui…

Odile Bouchet : … grâce aux objets du quotidien.

Enrique Colina : C’est pareil que… que l’influence économique que peut exercer un pays sur un autre. Par exemple, les pays riches sur les pays sous-développés, ou encore le colonialisme, le néocolonialisme. Nous, nous vivions sous l’influence américaine. Aujourd’hui encore, Cuba est un musée de voitures américaines. C’est là qu’est l’empreinte. Il y a peu encore, on trouvait des réfrigérateurs américains, des lave-linge américains. Bien sûr, en cinquante ans, tout s’est abîmé, sauf les voitures. Et c’est encore pareil maintenant. Vingt ans déjà se sont écoulés depuis la chute de l’Union soviétique, mais il reste encore beaucoup de ces appareils électroménagers. Il y a encore des Lada dans les rues, des Volga, des camions Gas, Sil. L’empreinte de cette… de ce référent spécifique qui a toujours fait partie de la culture cubaine. Il y a toujours eu un étranger dans la culture cubaine. C’était l’Espagnol, et c’est ce que dit l’une des personnes interviewées : dans l’histoire de Cuba, nous nous comparons toujours à un étranger, pour le meilleur et pour le pire. Les Espagnols d’abord, puis les Américains, puis les Russes, maintenant ce sont les touristes, l’étranger est devenu un concept plus général. Voilà un documentaire que je souhaite réaliser, un documentaire sur le concept que nous avons de l’étranger et sur le poids qu’il a eu dans notre culture.

Odile Bouchet : C’est une bonne idée.

Enrique Colina : C’est pour cela aussi que les Cubains sont des gens très ouverts, à tout. L’une des contradictions, c’est cette rigidité d’un système à mon avis contre-nature, même si le socialisme est un bon scénario, il a une mauvaise mise en scène. Voilà la situation que nous vivons. D’un côté, nous ne sommes pas en désaccord avec la notion de justice sociale, ni avec la réaffirmation d’une souveraineté nationale. Nous estimons que les Américains sont des gens sans scrupules. Enfin le gouvernement, plutôt. D’un autre côté, le fait de reconnaître que ce socialisme à forte tendance dictatoriale, très influencé par des conditionnements historiques lourds… Disons que le fusil avait bien visé la cible mais que la réalité l’a dévié, et précisément, nous voudrions en garder les bonnes choses mais cela nécessite des réformes et des changements importants tels que la sauvegarde d’une véritable mémoire historique qui dépasse ce discours rhétorique, engourdi, sclérosé, figé, que l’on applique à l’histoire lorsqu’on ne veut pas regarder les choses en face ni appeler un chat un chat.

Odile Bouchet : Oui, j’aimerais que vous parliez de tout ça, dans le cadre de votre profession, de l’ICAIC.

Enrique Colina : Parler de quoi ?

Odile Bouchet : De l’ICAIC et de son fonctionnement au sein de cette révolution en tant qu’organisme de…

Enrique Colina : L’ICAIC, l’Institut Cubain de l’Art et de l’Industrie Cinématographiques, est né avec la révolution comme un moyen de préserver une identité culturelle, comme une possibilité de développer la culture cinématographique et, en effet, ceci a été possible grâce à la révolution. Évidemment, il s’agit d’un cinéma d’État, subventionné par l’État, et indirectement par les Russes, par les Soviétiques. Avec la chute de l’URSS, nous nous retrouvons dans la même situation que de nombreux pays latino-américains, obligés de faire des coproductions avec l’Europe, etc., parce qu’il n’y a pas assez d’argent pour produire des films. Lorsque l’on observe l’histoire de l’ICAIC, on constate un processus de synchronie et d’asynchronie idéologique. Au début, il existait une lutte politique parmi les réalisateurs afin de définir le chemin de la révolution. Certains réalisateurs, qui n’étaient pas d’accord avec le socialisme, sont partis. Cela a entraîné un grand débat. La survie de l’ICAIC a toujours fait l’objet d’un débat autant interne qu’externe. En effet, il représente un courant révolutionnaire antisoviétique en ce qui concerne l’anti-dogmatisme, à la fois beaucoup plus libéral, pro latino-américain, ouvert à la discussion, à la participation démocratique, mais qui a toujours vécu sur la défensive. Il n’a jamais été dévoré parce qu’il fait partie intégrante de la révolution et parce qu’il lui a peut-être donné un certain prestige. Il a mis en évidence le caractère contradictoire d’un système quasi-dictatorial, doté d’une série de libertés individuelles, quoique remises en question, et le fait que l’émancipation sociale provoquée par la révolution n’ait pas été suivie d’une émancipation individuelle. Cette idée ainsi que l’existence d’organismes d’État dans le cadre de cette diversité d’approches sur le sens de la révolution ont permis de maintenir pendant cinquante ans cette situation paradoxale : nous vivons dans un système interdisant la libre expression critique et, pourtant, il existe des films critiques.

Odile Bouchet : Oui.

Enrique Colina : Cela s’explique par la réalité politique interne cubaine et le rôle joué par cet organisme. En général, c’est comme ça que ça s’est passé. Dans un cadre défini par une série de tabous, par une censure, il y a eu des options, nous avons essayé d’y glisser certaines idées, par la rivalité, souvent grâce à l’humour. C’est pourquoi la comédie est si importante à Cuba. Cette manière d’esquiver l’écueil consiste à le contourner et à s’en moquer un peu grâce à l’humour, à l’ironie, et à le remettre en question. C’est ça, l’histoire de l’ICAIC.

Odile Bouchet : Et pouvez-vous nous parler de votre passé en tant que réalisateur de fiction ? Voulez-vous prolonger cette expérience ? Comment ça s’est passé…

Enrique Colina : Oui, ça m’a toujours intéressé. Pour moi, documentaire et fiction ne font qu’un, un seul cinéma, et j’ai du mal à distinguer la limite entre les deux. Je trouve que les deux se rejoignent parce que l’objectivité n’est qu’un mythe et la subjectivité fait partie de l’objectivité. Cela comprend la vision et l’interprétation de la réalité que l’on veut offrir en ayant recours à deux moyens : extraire le drame directement des événements proposés par la réalité, ou construire le drame grâce à la maîtrise des techniques de mise en scène. C’est pourquoi, à mon avis, les deux se rejoignent. Même lorsque j’ai réalisé des documentaires, j’ai eu recours à la reconstruction, la mise en scène… Ils ont des éléments de fiction tout en restant des documentaires. Je n’ai pas beaucoup pratiqué la fiction parce que ma première œuvre a été réalisée dans la dégénérescence gériatrique mais bon, peut-être que j’aurai de la chance et que je pourrai en faire d’autres.

Odile Bouchet : Espérons. Dans votre œuvre de fiction Entre deux cyclones, on retrouve beaucoup des images de rue de vos documentaires, ceux que je connais, ces détails du quotidien révélateurs de tant de choses sur une culture.

Enrique Colina : Oui, à l’échantillon on connaît la toile.

Odile Bouchet : Tout à fait.

Enrique Colina : Lorsque je suis sur mon balcon et que je regarde ce qui se passe dans mon quartier, je sais que c’est relié par une sorte de cordon ombilical, non seulement au phénomène, mais au système. C’est là que réside pour moi la mesure de l’interprétation de la réalité, dans le fait de ne pas partir dans de grandes analyses mais d’utiliser le détail comme une porte qui s’ouvre vers ce qui est plus général.

Odile Bouchet : Oui, c’est ce qui ressort toujours dans vos…

Enrique Colina : Oui, c’est une tendance à m’attacher au détail, aux petites choses, et surtout à proscrire la solennité. Je déteste ça. Je déteste les rituels, je déteste tout ce qui est solennel, c’est quelque chose que je ne supporte pas. Tout ce qui est… à Cuba, et pardon pour l’expression, au lieu de dire protocole, on dit « protocul ». Je déteste ça, ça fait partie de ma personnalité.

Odile Bouchet : Oui, et c’est très bien comme ça.

Enrique Colina : Bon, jusqu’à présent je ne m’en sors pas trop mal dans les relations. Disons que le protocul me convient mieux que le protocole.

Odile Bouchet : Tant mieux. Merci beaucoup.

Enrique Colina : Merci à vous.

Traduction réalisée par :
Thérèse DIGNAN
Emmanuelle DUNN-VAZQUEZ
Nora OCHOA DE OLZA

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Odile Bouchet:Buenos días Enrique Colina, cineasta cubano. Vienes aquí este año con dos películas: la ficción que ya habías traído hace un par de años y Los Bolos en Cuba, tu documental. ¿Puedes hablar un poco de la construcción de ese documental, de la temática?

Enrique Colina:Bueno… Para empezar, lo que es importante precisar es que durante treinta años hubo una colaboración soviético-cubana, que en realidad fue lo que permitió a la revolución cubana… lo que le permitió sobrevivir al acoso norte-americano desde el inicio de la revolución, es decir la visión que los cubanos tenemos de los Rusos es distinta quizás de la que tienen los países del Este, ex-socialistas, porque por suerte estamos lejos, ¿no?... Y efectivamente, por razones estratégicas, a ellos les convenían las relaciones con Cuba, y a Cuba le convenía la relación con los… con los Rusos. Les decíamos indistintamente Soviéticos, Rusos y Bolos. Se les decía Bolos ¿por qué? Porque no tiene nada que ver con el juego de bolos concretamente, sino era por la, la… lo rústico, lo… un poco la cosa tosca, que para nosotros tenía el Ruso, ¿no? Los primeros técnicos extranjeros que llegaron eran en su mayoría gente que venían de las regiones, de las provincias o de distintos países que conformaban la Unión Soviética en aquel entonces. Eran gente tosca que venían con… con los dientes enchapados en oro. Y además, los productos que producían eran también bastante toscos. Es decir si tenían una… un radio, el radio… el diseño del radio era feo, ¿no? Funcionaba, pero casi todos los productos electrodomésticos... Es entonces… De allí salió el nombre de… de los Bolos, ¿no?
Es decir, esa presencia durante treinta años marcó una huella oficial, ¿no? Una huella, es decir el lado malo de esa… de esa relación fue que las corrientes más dogmáticas que formaban parte del flujo de la revolución cubana (porque habían distintas corrientes), las más dogmáticas se vieron reforzadas por esa ayuda. Y no era por culpa de los rusos directamente, sino por culpa interna que se copió ese modelo rígido, verticalista, de falsa unanimidad, donde predominaba la censura. Es decir, es la deriva de una descomposición del objetivo final en la mente… es decir de lo que nosotros teníamos en la mente, los sectores más abiertos de lo que debía ser la revolución. Ese es el lado malo. El lado bueno es que con la subvención se pudieron hacer muchas cosas importantes: el desarrollo de la educación, la cultura, la salud pública. Es decir instaurar un sistema de justicia social, pero siempre viviendo de la ayuda rusa, ¿no? Es decir éramos el pájaro con la boca abierta que recibíamos la comida de la madre patria socialista.
El documental, por un lado, tiene la visión oficial de esa relación que es los materiales de archivo: la visita de Fidel a la Unión Soviética, Brezhnev cuando vino a Cuba, es decir el intercambio de expresiones oficiales, ¿no?, de esa colaboración en el plano político. Y tiene por otro lado lo que es lo que a mí me interesaba, el rescate de la memoria histórica del hombre de la calle que recuerda cómo vivió esa colaboración, es decir desde el que se comió una lata de carne rusa hasta el que… la ama de casa que lavaba en una lavadora rusa, y el que viajó a la Unión Soviética estud… becado para estudiar, que fueron miles de Cubanos a estudiar allí. Se casaron con Rusas. Muchas de estas parejas eran un negro Cubano con una blanca Rusa. Rusa... o decimos Soviética, ¿no? De Ukrania, o de Bielorusia... Entonces eso trajo como consecuencia parejas mixtas y un mestizaje muy sui generis en el Caribe, que es el negro Cubano con una Eslava. Entonces tenemos los hijos de esas parejas que se llaman los… en Cuba se les conocen como los agua tibia. Y es el agua tibia porque es el frío de la Siberia con el agua caliente del Caríbe. Entonces el agua, les dicen agua tibia a los hijos de esas parejas.
Entonces todo esto es un… es un tema muy rico que hace tiempo yo quería tratar porque cuando se cae, cuando desaparece la Unión Soviética, como por arte de magia, desaparece toda referencia a eso que existió y que estuvo vigente en la vida cotidiana de la gente durante muchísimos años. Hubo como una especie de… de “querer olvidar cosas”, ¿no?... que por cierto siempre hubo esa voluntad por los sectores más dogmáticos de imponernos ese… ese maridaje o esa fraternidad un poco retórica pero aplicarla en la vida práctica, poniendo películas rusas, mostrando los desfiles militares por… en las celebraciones del Octubre. Es decir, volcándonos un poco en una hermandad más hacia los países socialistas que hacia América Latina, que es lo propio nuestro, ¿no?, es lo que…
Entonces yo quise hacer un documental donde estoy jugando con esto, donde la ironía iba a jugar un papel importante porque, es decir, toda esa relación que estaba marcada por intereses concretos, estaba revestida de la retórica política de “Viva la eterna inquebrantable e indestructible amistad entre los pueblos de Cuba y la Unión Soviética. Viva la hermandad entre el Partido Comunista Cubano y el Partido Comunista…”. Toda esa retórica que bueno, es explicable por los intereses que habían, pero que en fin… es esa imagen encartonada, ¿no?, de la historia, tirándola contra lo que ha pasado, los años que han pasado, que hace más retórico ese discurso, ¿no?, y que lo tiña de toda la ironía de, de la pretensión de perennidad que pueden tener las cosas cuando en el fondo nada es eterno, nada es inquebrantable, nada es indestructible.

Odile Bouchet:Ya. Pero a la vez, rescatas una… el sentido del humor de la gente también frente a los objetos, a lo que les queda, que sobreviven al descalabro total…

Enrique Colina: Sí, claro, claro.

Odile Bouchet:… o sea, esa ayuda tiene su prolongación…

Enrique Colina:Sí…

Odile Bouchet:… en los objetos cotidianos.

Enrique Colina:Es igual que con la... Es decir, toda la influencia económica que puede ejercer un país sobre otro. Por ejemplo los países ricos con los países subdesarrollados, la… el colonialismo, el neocolonialismo, nosotros vivíamos bajo la influencia americana. Y todavía tú vas a Cuba y ahora es un museo de carros americanos. Ahí quedó la huella, hasta hace poco estaban los refrigeradores americanos, las lavadoras americanas. En cincuenta años, claro, ya todo eso se desbarató, salvo los carros, ¿no? Y ahora igual, han pasado ya, ahorita veinte años, desde que desapareció la Unión Soviética pero todavía quedan muchos de esos electrodomésticos. Están los Lada todavía por la calle, los Volga, los camiones Gas, Sil. Es decir, la huella de esa… ese referente específico que siempre ha tenido la cultura cubana… siempre hay un extranjero en la cultura cubana, era el español, y por eso lo dice uno de los entrevistados que en la historia de Cuba siempre nosotros nos medimos con respecto a un extranjero, para lo bueno y para lo malo. Los Españoles primero, después los Americanos, después vinieron los Rusos, ahora vienen... son los turistas, ahora es más general, es el extranjero, que ese es un documental que yo quiero hacer, el concepto que nosotros tenemos del extranjero y el peso que el extranjero ha tenido en nuestra cultura.

Odile Bouchet:Eso está bien.

Enrique Colina:Es lo que determina también que el cubano es una gente muy abierta, a todo, ¿no? Esa es una de las contradicciones, esa rigidez de un sistema antinatura, a mi juicio, por más que el socialismo sea un buen guión, con una mala puesta en escena. Esa es la situación que tenemos nosotros, que uno no está en desacuerdo con las ideas de justicia social, ni con la reafirmación de una soberanía nacional, ni reconocer que los Americanos son unos sinvergüenzas, el gobierno ¿no? los gobiernos. Pero, al mismo tiempo, el reconocimiento de que la manera de hacer el socialismo, muy marcada por el caudillismo, muy marcada por condicionamientos históricos que han pesado en… digamos que se apuntó... la carabina apuntó hacia un blanco pero la realidad te la desvía, ¿no?, y justamente una de las pretensiones es no perder las cosas buenas, ¿no?, pero al mismo tiempo esto se tiene que hacer con reformas y con cambios importantes, y también con el rescate de una memoria histórica que esa sí, que vaya más allá de esa representación retórica y anquilosada, esclerosada, encartonada, ¿no?, que se quiere dar de la historia cuando no te conviene ver las cosas y llamarlas por su nombre.

Odile Bouchet:Ya. Quisiera que hables a propósito de esto, dentro de tu profesión, del ICAIC.

Enrique Colina:¿Que hable de qué?

Odile Bouchet:Bueno del ICAIC, de cómo funcionó dentro de toda esta revolución, como organismo también de…

Enrique Colina:El ICAIC es el Instituto Cubano del Arte y la Industria Cinematográfica cubana que nace con la revolución como una forma de rescate de una identidad cultural, como una posibilidad de desarrollar la cultura cinematográfica y efectivamente, eso es gracias a la revolución, ¿no? Evidentemente, es un cine de Estado, subvencionado por el Estado, e indirectamente subvencionado por los Rusos, por los Soviéticos, ¿no? Porque cuando desaparece la Unión Soviética caemos en la misma situación que muchos países latinoamericanos que necesitamos hacer coproducciones con Europa, etcétera, porque no hay dinero para producir películas. Si uno sigue la historia del ICAIC uno vería la historia de un proceso de sincronía y asincronía ideológica. Es decir, al principio, los directores, bueno había una lucha política para definir el camino de la revolución, hay algunos directores que se fueron, que estaban en desacuerdo con el socialismo, y de ahí hubo mucho debate, y el ICAIC siempre está... ha estado viviendo en el marco de un debate para su supervivencia, interna y externamente, porque el ICAIC representa una de las corrientes de la revolución que era antisoviética con respecto al antidogmatismo, es decir, era antidogmática, mucho más liberal, pro-latinoamericana, abierta a la discusión, a la participación democrática, pero esa corriente siempre ha estado a la defensiva, ¿no? Nunca ha sido devorada porque es una parte integrante de la revolución y es, quizás, la que le ha dado mucho prestigio y le ha dado también una… es decir, el carácter contradictorio de que exista un sistema prácticamente dictatorial en el país, con una serie de libertades individuales, cuestionadas, sin que se haya producido una emancipación individual junto con la emancipación social que supuso la revolución. Este pensamiento, y la existencia de organismos estatales en el marco de esa diversidad de puntos de vista de cómo entender la revolución, le ha permitido también a lo largo de cincuenta años esta cosa paradójica, de que vives en el marco de un sistema que no permite una libre expresión crítica, y sin embargo hay películas que son críticas.

Odile Bouchet:Ya.

Enrique Colina:Pero eso se explica conociendo la realidad política interna de Cuba, ¿no?, y el papel que ha jugado ese organismo.

Y en general ha sido así. Es decir, ha habido opciones dentro del marco de una serie de tabúes, de censura, preestablecidos en el que siempre se ha intentado colar, ¿no?, mediante la rivalidad muchas veces mediante el humor, por eso la comedia en Cuba es tan importante, porque una manera de sortear directamente el escollo es dándole la vuelta y burlándose un poco a través del humor, de la ironía, cuestionarlo. Y esa es la historia del ICAIC.

Odile Bouchet:Sí. Y bueno, tú como ficcionista ahora, habla un poco de tu pasado en la ficción, si lo quieres prolongar, cómo te fue…

Enrique Colina:Si, a mí siempre me ha interesado… bueno para mí el cine es uno, documental y ficción, y yo tampoco veo claro el límite entre una cosa y otra. Para mí las dos cosas se unen porque eso de la objetividad es un cuento, ¿no?, la subjetividad forma parte de la objetividad, ¿no? Y por ahí pasa toda la visión y la interpretación que tu vayas a dar sobre la realidad, valiéndote de recursos, extrayendo el drama directamente de lo que tú filmas en los acontecimientos que te oferta la realidad o construyendo tú el drama mediante el control de los mecanismos de puesta en escena. Entonces para mí van unidas, inclusive los documentales que yo he hecho han tenido mucho que ver con reconstrucciones, con puesta en escena… No dejan de ser documentales y tienen cosas de ficción. Y en la ficción no me he ejercitado mucho porque en realidad mi ópera prima es una ópera prima hecha ya en la degeneración geriátrica ¿no?, pero bueno a lo mejor tengo chance y puedo volver a hacer otras más.

Odile Bouchet:Bueno, está bien. Pero es verdad que tu ficción, o sea Entre ciclones, trae mucho de tus imágenes de calle, de esas de los documentales que yo conozco tuyos, ¿no?, detalles de lo cotidiano que revelan muchas cosas de una cultura.

Enrique colina:Si, por el rabo se mide al perro.

Odile Bouchet:Eso.

Enrique Colina:Cuando yo me asomo al balcón de mi casa y veo que hay algo que pasa en el entorno del barrio mío yo sé que eso tiene un cordón umbilical con… no con... no sólo con el fenómeno sino con el sistema, ¿no? Y para mí esa es la medida de mi interpretación de la realidad, es decir, no lanzarme al análisis de las grandes cosas sino partir de lo pequeño y lo pequeño se convierte en una ventana para revelar lo más general. ¿Entiendes?

Odile Bouchet:Si eso es lo que aparece siempre en tus…

Enrique Colina:Sí, eso es una tendencia a la cosa del detalle, a la cosa más pequeña, y sobre todo a la antisolemnidad. Yo detesto eso. Yo detesto los rituales, detesto la solemnidad, y... es algo que no soporto yo todo lo que sea… el protocolo en Cuba se dice, perdonando la expresión se dice protocolo y protoculo. Yo detesto eso, es así, es una parte de mi personalidad.

Odile Bouchet:Ya, y está muy bien así.

Enrique Colina:Bueno hasta ahora más o menos creo que me va bien en las relaciones. Sí, el protoculo me viene mejor que el protocolo.

Odile Bouchet:Bueno, eso está muy bien. Bueno, pues muchas gracias.

Enrique Colina:OK, gracias a ti.
Traduction réalisée par :
Thérèse DIGNAN
Emmanuelle DUNN-VAZQUEZ
Nora OCHOA DE OLZA

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