Entretien
Notice
Langue :
Portugais
Crédits
Université Toulouse II-Le Mirail SCPAM (Publication), Université Toulouse II-Le Mirail (Production), Nathalie MICHAUD (Réalisation), Pedro Urano (Intervention), Odile Bouchet (Intervention)
Conditions d'utilisation
Tous droits réservés à l'Université Toulouse-Le Mirail et aux auteurs.
DOI : 10.60527/ex40-d762
Citer cette ressource :
Pedro Urano, Odile Bouchet. UT2J. (2009, 22 mars). Entretien avec Pedro Urano (Rencontres 2009) , in Portugais. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/ex40-d762. (Consultée le 15 mai 2024)

Entretien avec Pedro Urano (Rencontres 2009)

Réalisation : 22 mars 2009 - Mise en ligne : 10 décembre 2009
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Descriptif

Un entretien avec le réalisateur brésilien Pedro Urano qui nous parle de son film : « Estrada Real da Cachaça» est un voyage dans l’espace et dans le temps, car c’est un voyage dans l’imaginaire de tout un pays. Un voyage qui revisite tant les anciens mythes que les projets futurs structurant la vie quotidienne actuelle. Un documentaire sur l’invisible. La tentative de faire un cinéma épidermique, moins préoccupé d’enquêter sur la profondeur des choses et plus intéressé à explorer audiovisuellement leur ampleur.» Pedro Urano.

> Voir aussi l'entretien avec Pedro Urano réalisé dans le cadre des 21ème Rencontres Cinémas d'Amérique latine de Toulouse.
> Visionner un extrait du film "Estrada Real da Cachaça" de Pedro Urano.

 

Intervention
Thème
Documentation

Cristina DUARTE : Pedro Urano, vous êtes venu ici au Festival de Toulouse pour présenter votre documentaire A Estrada Real da Cachaça. Comment avez-vous eu l'idée de ce film?

Pedro URANO : C'est peut-être la question la plus difficile, mais l'idée a surgi par hasard. En fait, c'est le film qui s'est imposé à moi, d'ailleurs comme tous les films que j'ai réalisés. Comme vous le savez, je ne suis pas metteur en scène, je veux dire, je ne suis pas que metteur en scène ; je me considère davantage comme photographe que comme metteur en scène et tous les films que j'ai faits, c'étaient des films qui se sont imposés à moi, de telle façon que je n'ai pu ni fuir, ni m'échapper. En ce qui concerne ce documentaire, je faisais les prises de vue d'un court-métrage dans le sertão, au nord du Minas Gerais, un court-métrage sur l'univers de Guimarães Rosa, tourné par une réalisatrice qui était de Rio, comme moi. Et un jour, lorsque je discutais au bar avec l'équipe de tournage, j'ai fait une blague en disant que la cachaça méritait un film. C'était pour m'amuser, mais après ça, on a commencé à me le réclamer : "— Et alors, le film de la cachaça ? " et j'ai donc décidé de le faire. J'ai commencé à faire des recherches et je me suis rendu compte que la présence de la cachaça dans la culture brésilienne était immense, très grande, très forte, mais, en même temps, très diffuse. C'est-à-dire, la cachaça se trouve dans de nombreuses chansons, pièces de théâtre, romans, poèmes, tableaux ; partout, elle est toujours présente, mais rares sont les fois où elle est le protagoniste, le sujet principal. Lorsque je me suis rendu compte de ça, j'ai décidé vraiment de faire ce film.

CD : La cachaça, donc, est également un prétexte pour parler du Brésil, de l'histoire du Brésil, de ce "Chemin Royal"… Il a été construit au XVIIe siècle?

PU : Je ne saurais pas vous répondre … Mais, très précisément, on peut dire que le film, à travers la cachaça, parle sans doute du Brésil, comme j'ai d'ailleurs l'habitude de le dire. Je trouve que toutes les boissons distillées, celles qui ont une très grande concentration d'alcool, nous mènent directement à l'inconscient d'un peuple. Ce n'est pas par hasard que toute nation possède sa boisson distillée ; c'est comme ça avec la cachaça au Brésil. Je dis souvent que la cachaça naît au Brésil avant le Brésilien, c'est-à-dire, le Brésilien commence à exister lorsque le fils du Portugais arrête de boire le "vin de la métropole" — qui est le vin proprement dit — et commence à boire le "vin du pays", dénomination de la cachaça pendant la période coloniale brésilienne. Cela veut dire qu'il commence à comprendre qu'il se trouve dans un climat, un paysage, un endroit, une réalité, un contexte, complètement différent de celui de son pays d'origine. Il commence à comprendre qu'il est différent de l'Européen, bien qu'il soit fils d'Européen, né parfois au Portugal ou en Europe. Et c'est ainsi que naît le Brésilien, lorsqu'il commence à comprendre qu'il est nécessaire de donner de nouvelles réponses aux nouvelles questions, qui sont celles d'une société sous les tropiques. Sergio Buarque de Holanda commence son livre Raízes do Brasil – qui est magnifique – en disant justement ça, que la question fondamentale pour comprendre le Brésil est de comprendre qu'il est la tentative avortée d'instaurer une civilisation européenne sous les tropiques.

CD : Ce n'était pas possible…

PU : C'est clair, et l'histoire du Brésil est l'histoire de ces adaptations.

CD : J'ai beaucoup aimé cette idée, j'avais déjà entendu vos observations à ce sujet : le Brésil n'est devenu vraiment brésilien, ne s'est vraiment différencié du Portugal qu'à partir du moment où il a choisi le "vin du pays" en détriment du "vin de la métropole". Et une image m'est venue à l'esprit, une image du film Xica da Silva (Carlos Diegues, 1976), le moment où les personnages sont en train de faire un banquet dans la maison du Contratador et celui-ci appelle l'un des esclaves et crie : — "Le vin !" et l'esclave apporte une bouteille qui ressemble plus à une bouteille de cachaça qu'à une bouteille de vin portugais. Je trouve, donc, que vous avez très bien défini l'idée, et l'on voit cela très clairement dans votre film : la cachaça est un élément très important.
Et comment avez-vous réussi à faire parler tous les gens dans le film, à les faire parler, mais aussi chanter, danser…? Comment s'est déroulé le tournage ?

PU : Ce film avait deux très grands défis de production. D'abord, c'est un film très long ; je dirais qu'il ne s'agit pas d'un film profond et je joue même avec l'idée de profondeur : je dis qu'en même temps, ce film révèle un Brésil profond car nous avons tourné deux kilomètres sous terre, dans une mine d'or. Mais, naturellement, c'est un film long qui travaille avec l'idée de longueur et cela rendait les choses difficiles car nous étions obligés de tourner dans des lieux éloignés. En second lieu, on faisait un documentaire basé sur le contact avec les gens, dans le Minas Gerais, et les mineiros n'aiment pas beaucoup parler, c'est vrai, ils sont un peu méfiants. Il y avait, donc, ces deux aspects : on ne pouvait pas rester trop longtemps dans les lieux car on n'avait pas les moyens de rester toute une année en train de tourner et l'on était obligé de gérer la méfiance et l'extrême concision des mineiros. Je trouve cependant que ces choses-là n'ont pas de recette, on s'asseyait pour discuter d'égal à égal ; si les gens parlaient, c'est qu'ils avaient des choses à dire, tout simplement.

CD : Bien sûr, d'ailleurs vous avez rendu très bien cela, une très grande spontanéité. Les gens parlent de la cachaça, ce qui peut être considéré comme un peu superficiel, voire mauvais, mais ils en parlent avec amour et plaisir, n'est-ce pas ? Je trouve que cet aspect est le plus intéressant de votre film. Vous avez réussi à le transmettre.

PU : Dans le film que nous sommes en train de tourner, on peut en parler un peu — il s'agit d'un film tourné dans un hôpital — il arrive une chose très bien : on se rend compte qu'il y a une demande vis-à-vis de ce film. Cela s'est passé également avec A Estrada Real da Cachaça : les gens avaient envie de dire toutes ces choses-là. C'est pareil avec le film de l'hôpital, qui est totalement différent de Cachaça, très différent même. J'étais en train de parler de ce film de l'hôpital que je dirige avec une autre personne, une artiste visuelle, je travaille beaucoup avec les arts visuels, j'ai fait plusieurs films avec eux, et un jour, pendant les repérages, l'un d'eux m'a dit : — Toi, tu aimes vraiment les gens !" Et il a ajouté : — "Moi non, je n'aime pas discuter, toi, oui." Et je pense que c'est vraiment ça : j'adore discuter, m'asseoir… Dans le Minas Gerais, on dit que la cachaça n'est pas faite pour boire, mais pour discuter… On la boit pour, petit à petit, commencer à parler…

CD : C'est une bonne définition… D'autre part, votre film a déjà reçu un prix au Brésil, celui du meilleur documentaire au Festival de Rio de Janeiro.

PU : C'est ça, au Festival de Rio.

CD : … en 2008.

PU : Et il a aussi emporté le prix au Festival de Mar del Plata, en Argentine : meilleur documentaire latino-américain.

CD : Et comme se sent un metteur en scène si primé, cela veut dire que le film a touché les gens, n'est-ce pas? Vous, Brésilien, dans votre ville de Rio, recevant un prix, ça doit être quelque chose de très gratifiant…

PU : Bien sûr, avoir un prix c'est toujours très bien. Et si en plus, il y a de l'argent, c'est encore mieux… Ce n'était pas le cas, mais c'était bien quand même. J'étais très heureux à Mar del Plata, surtout parce qu'il ne s'agissait pas de ma ville. Il y avait cette envie de montrer ; je pense que ma préoccupation la plus grande, toujours, est d'avoir la possibilité de montrer le film, beaucoup plus que de savoir si les gens vont l'aimer ou pas, s'ils vont le trouver bien ou pas, enfin, s'ils vont sortir du cinéma emballés ou en colère contre moi, enfin, tout peut arriver…

CD : En effet, tout…

PU : Mais je suis plus intéressé par le fait que les gens puissent voir mon film et il est clair que c'est très bien si ça arrive dans ma ville, si mes amis vont le voir, mais pas seulement eux. J'étais très heureux parce qu'au Festival de Rio on a obtenu un prix et ce prix a été discerné par un jury composé de quatre membres qui sont des personnes que je respecte beaucoup. J'étais très heureux, pas seulement à cause du prix…

CD : Qui faisait partie de ce jury ?

PU : Je ne saurais pas vous dire le nom de tous les membres, mais il y avait Lita Stantic, une productrice argentine, celle qui a produit les premiers films de Lucrecia Martel ; un Allemand dont j'ai oublié le nom, mais qui est le responsable de la Mostra panorama du Festival de Berlin (Wieland Speck) ; un cinéaste chilien qui vit au Brésil qui est … j'oublie toujours son nom, le pauvre ! Mais je le trouve excellent, il a réalisé "Proibido proibir".

CD : Furtado ?

PU : Non…

CD : Vous vous en rappellerez plus tard… (Jorge Durán)

PU : Et Camila Pitanga, qui est belle, merveilleuse et intelligente. Pour tout vous dire, c'était un jury super… Je ne m'attendais pas, surtout pas : il y avait dix-huit, vingt, je ne sais plus combien de documentaires en compétition et c'est mon film qui … imaginez vous, un film sorti de rien, un metteur en scène inconnu… J'ai senti tout ça lorsque j'ai remporté le prix car certaines personnes qui n'étaient pas très proches de moi sont venues me parler, pleines d'enthousiasme, me féliciter, comme si c'était leur victoire. Je suis convaincu que mon film a été choisi seulement pour ces qualités car je ne connaissais personne.

CD : Les gens ont compris le message de votre film, quelque chose les a touchés et les touche encore profondément. Vous avez débuté votre carrière en tant que directeur de la photographie, n'est-ce pas ? Quel type de travail avez-vous fait avant de faire ce film ?

PU : J'ai commencé et je continue. Si vous me demandez : — Que faites-vous dans la vie ?", je vous dirais que je suis directeur de la photo, c'est ce qui me rend heureux et que j'aime faire. J'ai suivi des études à l'Université Fédérale Fluminense et j'ai été directeur de la photo là-bas. Ensuite, j'ai commencé à être assistant réalisateur professionnellement, mais ça a été une carrière très courte parce que j'ai continué à faire la photo des films à l'université et avec le temps, cela m'a occupé plus que le fait d'être assistant, chose que d'ailleurs je ne fais plus. Mais j'ai réalisé une série de films, pour la plupart des courts-métrages; je viens de faire la photo de deux longs-métrages qui ont été présentés au Festival de Brasilia, mais je ne vais pas parler de ces films ; disons que j'ai réalisé plutôt des courts-métrages.

CD : Et ces courts-métrages ? J'ai vu quelque part que vous en avez fait deux : Vulgo Sacopã, qui raconte l'histoire d'un gars dans un bidonville ?

PU : Non, ce n'est pas un bidonville. C'est un documentaire sur un personnage, sur Antônio, qui habite … connaissez-vous Rio ? Vous êtes de São Paulo, mais je pense que vous connaissez Rio.

CD : Oui.

PU : Antônio habite sur la colline Sacopã qui se trouve au bord du Lac Rodrigo de Freitas, c'est la morne la plus chère de Rio. Il vit où, avant, se trouvait le bidonville de Cantagalo, non, le bidonville de Catacumba, qui a été l'un des premiers bidonvilles de Rio à être transféré, à l'époque où l'on pratiquait ce genre de transfert. Actuellement, c'est devenu le Parc Catacumba, région arborisée. Mais à l'intérieur du parc, Antônio a sa petite maison et il lutte pour pouvoir y rester. Ce qui m'a le plus intéressé et qui m'intéresse encore dans ce film, c'est que, pour pouvoir rester là, Antônio a été obligé de créer tout un univers symbolique. On l'avait connu, moi et un ami qui aujourd'hui est géologue, et avec qui, d'ailleurs, j'ai réalisé le film… On faisait souvent de la marche à pied à Rio et un jour, lorsque l'on était sur un sentier, on a rencontré Antônio… Il était là debout sur le sentier, de dos, et demandait aux passants : —"Qui êtes-vous ?" Il jouait tout un personnage, il avait fabriqué une grande épée en laiton qu'il avait nommé Catana…

CD : Il jouait…

PU : Il jouait un rôle pour garantir son lopin de terre, il faisait peur aux gens. Il écrivait également des poèmes. Lorsque je l'ai connu, il disait : "— Je suis en train d'écrire en roman ; il aura 246 pages et j'en suis à la page 2…" Tout était planifié, il disait : "— A la page 86 je vais parler de ça, à telle page… enfin, c'était une personne très originale.

CD : En vous entendant parler ainsi, on a très envie de voir le film. Mais pour le voir ici en Europe, ce sera très difficile. C'est le type de film qui n'est pas distribué ici.

PU : Je ne sais pas, peut être… (regardant la caméra) : "— Allô, distributeurs !" Mais Sacopã a été présenté au Festival de Vila do Conde, au Portugal. Et ça s'est bien passé.

CD : J'ai pris connaissance d'un autre de vos films : O Latido do cachorro … un titre très long… (O Latido do cachorro altera o percurso das nuvens).

PU : Immense…

CD : Et qu'est-ce qu'il raconte ?

PU : C'est un film qu'on a fait, il y a très longtemps, on a pris du temps pour le finir, en fait, je pensais même qu'il n'allait jamais être fini car c'est un film qui a cinq réalisateurs. C'est un court-métrage avec un nom très long.

CD : Chaque réalisateur en a fait une partie ?

PU : L'idée a été plus ou moins la suivante : on était étudiant à l'Université Fédérale Fluminense, à Niterói ; on était cinq étudiants et l'on avait très envie de tourner, même sans argent et tout le reste. Alors, j'ai acheté une caméra super 8. À cette époque, on regardait beaucoup de films surréalistes français des années 20, René Clair, Man Ray, des films tournés ici en France, dadaïstes et surréalistes. Alors, on a décidé de tourner : chacun de nous achète deux rouleaux de pellicule, ce qui représente cinq minutes de film. Chacun tourne ce qu'il veut et après, on monte. Mais le cinéma brésilien a une tradition très narrative et, jusqu'au moment du tournage, les choses ont évolué, les histoires se sont fondues et devenues quelque chose de plus imbriqué. On a tourné à Tiradentes (Minas Gerais) tout le film. On était très jeune, ce fut une aventure extraordinaire…

CD : Une aventure esthétique intéressante, différente…

PU : Oui, un film en noir et blanc, en super 8, muet, car malgré le son, c'est un film muet. Bien, on a donc fait le film. Mais on était cinq réalisateurs et il fallait arriver à un consensus au moment du montage, mais ça n'a pas été possible. On n'a jamais pu monter ce film. Il n'existe que grâce à Ava Rocha, la fille de Glauber Rocha, qui l'a monté, comme elle a également monté Cachaça. Elle a monté le film, nous a appelé et elle a dit : "— Voilà, je l'ai monté comme ça !" Et l'on a discuté, on a changé de petites choses, mais c'est clair que ce film n'aurait jamais existé sans elle. C'est grâce à Ava qu'on est arrivé à un consensus.

CD : Et ce nouveau projet que vous avez déjà mentionné ? C'est sur un hôpital à São Paulo ?

PU : Non, à Rio.

CD : Vous continuez donc à Rio, votre territoire, le territoire carioca…

PU : Mon territoire est le monde ! J'ai même un projet au Maroc avec une réalisatrice portugaise qui est merveilleuse. Son titre est Reino do Ocidente, et il y a même un titre en arabe, qui est le nom du Maroc, le pays arabe le plus occidental, connu par les Arabes sous le nom de "Royaume de l'Occident". Mais il s'avère très difficile de faire un film réalisé par une Portugaise et un Brésilien, tourné au Maroc. Nous ne rentrons dans aucune catégorie.

CD : On dirait que vous aimez les projets qui échappent à la norme : cinq réalisateurs pour un court-métrage, tournage prévu au Maroc… Mais parlez-nous donc du film de l'hôpital…

PU : Vous avez remarqué que je parle sans arrêt… Ce film, jusqu'à maintenant, s'appelle HU, Hôpital Universitaire. Si Cachaça est un film sur l'eau-de-vie, celui-ci est sur un immeuble, celui de l'Hôpital Universitaire de l'Université Fédérale Nationale de Rio de Janeiro. Je vais vous raconter brièvement l'histoire de cet immeuble. Il a été construit pour être le plus grand hôpital d'Amérique Latine ; c'est un projet des années 50 qui n'a été conclu qu'en 78, c'est-à-dire, presque trente ans après le début des travaux. Il allait être le principal hôpital du pays, le plus grand d'Amérique Latine, c'était un hôpital-école, un hôpital universitaire, pour former des médecins. Il aurait été un modèle pour tous les autres hôpitaux du Brésil. Lorsqu'il a été achevé, Rio n'était plus la capitale du pays, il n'y avait plus d'argent et donc, on a inauguré seulement la moitié de cet hôpital. C'était un bâtiment moderniste, lecorbusien, très influencé par Le Corbusier… il a la forme d'un π, la lettre grecque. Or, un π est formé avec deux "t", l'un à côté de l'autre, un "t" est l'hôpital, l'autre "t" n'est que du béton, il n'a jamais été occupé…

CD : Par manque d'argent ?

PU : Surtout par manque de planification… il y avait de l'argent, mais il n'a jamais été achevé, donc, c'est un lieu qui condense beaucoup de questions, c'est un symbole, peut-être, de l'importance que l'État brésilien accorde à l'éducation et à la culture. C'est donc tout cela qu'on discute dans ce film. Il y a plusieurs questions : l'incapacité de mener des longs projets dans un pays comme le Brésil, le mauvais fonctionnement des institutions publiques… C'est un film sur la chose publique brésilienne, la res publica, à partir de cet hôpital qui est un hôpital qui fonctionne, mais qui reste extrêmement asymétrique. Il est très important, on y fait des recherches de pointe, c'est le principal centre de greffe du Brésil. Je ne sais pas s'il reste toujours le premier, mais il est l'un des trois uniques lieux au monde où il y a de la recherche concernant les cellules souches du foie, c'est un lieu de haute technologie et, en même temps, un endroit où il y a un manque énorme de moyens…

CD : C'est un lieu symbolique, à plusieurs niveaux… Et actuellement, comment se porte le cinéma brésilien au Brésil ? J'ai lu quelque part que vous avez dit que le cinéma brésilien produit beaucoup, mais que la distribution est défaillante ; cela veut dire qu'il y a de nombreux films oubliés dans les tiroirs ?

PU : Je pense que dans ce que l'on appelle "reprise" — je trouve d'ailleurs que c'est un mot mal choisi — parlant donc de l'exhibition et de la distribution des films, il y a eu une option du cinéma brésilien en faveur de la classe moyenne, je ne sais pas si c'était un choix conscient ou pas. C'est-à-dire : avant, il y avait beaucoup plus de salles et le prix de l'entrée était bien moindre. J'ai lu récemment un document des années 70 et le prix de l'entrée à ce moment-là était l'équivalent de 0,33 dollars. D'ailleurs, c'était bien moins cher qu'aux Etats-Unis. Actuellement, il y peu de salles, la plupart se trouvent dans les centres commerciaux et à des prix absurdes. Je ne vais pas au cinéma au Brésil, j'y allais lorsque j'étais étudiant (je payais tarif réduit), mais actuellement je n'y vais pratiquement plus. Je vais seulement voir les films de mes amis et ceux des festivals. C'est trop cher. Et c'est un choix stupide, à mon avis, car la classe moyenne au Brésil est très réduite. Je ne suis pas en train de vouloir mépriser la classe moyenne, loin de là, mais elle n'arrive pas à porter toute une cinématographie, c'est donc une question économique et industrielle, qui doit être réglée. Si on ne résout pas cette question, il n'y aura plus de cinéma brésilien car aujourd'hui on réalise des films avec l'argent du contribuable et grâce aux lois d'aide. Bien, j'espère que l'on continuera, mais il serait plus intéressant que ces aides n'aient à financer que les films les plus expérimentaux, ceux qui n'arriveraient pas à se faire rembourser avec les entrées, mais les choses ne se passent pas de cette façon. Je pense qu'il faut revoir ce choix. Je crois que le problème de la production cinématographique au Brésil n'est pas encore résolu, mais c'est en bonne voie, c'est-à-dire, il me semble que beaucoup de films sont produits ces dernières années, des bons films. Cependant, ils ne sont pas vus, l'immense majorité de ces films ne sont pas vus, et lorsqu'ils sont vus, ils sont peu vus… Le public moyen d'un film brésilien normal, pas trop cher, est de 30.000 personnes.

CD : Et ce n'est pas suffisant pour le rembourser…

PU : Pire que ça. Tu passes cinq ans à faire un film pour seulement 30.000 personnes ! Cela n'a aucun sens. Le film que je fais en ce moment est une co-production avec la TV Brasil, la télévision…

CD : J'allais justement vous demander : il n'y a pas une possibilité de travailler avec la télévision pour pouvoir toucher une partie plus grande du public ?

PU : La TV Brasil n'est pas une championne d'audience, loin s'en faut, mais dans la trance horaire dans lequelle mon film va passer, le public moyen est de 100.000 téléspectateurs dans tout le pays. C'est-à-dire, quatre fois celui d'un documentaire très bien reçu au cinéma, vous voyez ? Donc… Je m'amuse à dire qu'après avoir fait Cachaça, j'ai eu une envie énorme de faire de la télévision en tant que réalisateur, cela m'intéresse beaucoup. Je pense que n'importe quel réalisateur talentueux — je ne parle pas de moi — mais, si j'avais cette prétention, mon plus grand désir serait de tourner un feuilleton, qui est regardé par 98% de la population du pays. C'est comme une expérience, tu as le moyen de faire aller les gens là où tu veux. Moi, j'aurais fait un feuilleton très déjanté, ç'aurait posé des problèmes ! Ça devrait être le rêve de tout le monde, bien que les générations plus anciennes aient quelques résistances, mais c'est un espace qui doit être conquis.

CD : Et avez-vous déjà fait des documentaires pour la télévision?

PU : Je fais celui-là, en ce moment…

CD : …celui de l'hôpital… C'est le premier ?

PU : Oui, pour la télévision, oui. Les autres sont déjà passés à la télévision, deux de mes films ont déjà été projetés, mais peu regardés, d'une façon générale sur la télévision éducative, le Senac (Service national d'apprentissage commercial), ce genre de chose… Il n'y a pas beaucoup d'espace pour le documentaire dans la télévision brésilienne.

CD : Il y a plus de fiction, n'est-ce pas ? Des œuvres narratives…

PU : C'est fou, on regarde la télévision brésilienne et l'on voit "Festival de cinéma brésilien", ça arrive une fois par an, ils passent quelques films brésiliens et c'est tout. C'est vraiment un peu bizarre…

CD : Et le cinéma français, est-ce que vous appréciez l'actuel cinéma français ? Quel genre de film aimez-vous? Nous allons conclure comme cela car nous sommes ici en France, à Toulouse…

PU : Je connais très peu le cinéma français d'aujourd'hui… en fait, je ne le connais pas du tout…

CD : Il n'arrive pas au Brésil ?

PU : Très peu. Je me souviens de quelques films que j'ai vus, il y a longtemps. Je me rappelle surtout d'un film qui m'a semblé très intéressant et qui s'appelle Sans ça (?), je ne sais plus, je ne me souviens plus du nom du réalisateur… un film jeune, extrêmement… Le personnage était une sorte de Jean-Paul Belmondo mondialisé, un vagabond comme dans À bout de souffle. Il voyage dans le monde entier, prenant de l'argent, faisant des petits coups, c'est un film très intéressant. Mais, vraiment, je connais très peu le cinéma français.

CD : Ce que vous aimez vraiment, c'est le cinéma brésilien.

PU : Ce n'est pas une question de militantisme, de dire que c'est le meilleur cinéma du monde, pas du tout !

CD : Et quels metteurs en scène brésiliens actuels vous admirez, vous auriez aimé avoir réalisé tel film, par exemple ?

PU : J'admire beaucoup de monde, il y a des gens intéressants. Mais, s'il fallait citer quelques-uns, je citerais le nom d'inconnus, il y en a beaucoup, c'est difficile pour moi de les choisir, je vais donc contourner la question. Il y a des réalisateurs très jeunes qui travaillent actuellement et qui font des films très intéressants, surtout des gens de l'État de Pernambuco. C'est un pôle intense de création, pas seulement cinématographique. Je citerai donc Tião, un jeune de 24 ans qui a tourné un court-métrage qui a emporté le prix de la "Quinzaine de Réalisateurs" au dernier Festival de Cannes, et dont j'étais directeur de la photo ; Renata Pinheiro, qui est directrice d'art et qui a fait de nombreux films, elle a travaillé sur ceux de Cláudio Assis et d'autres encore, et elle commence dans la mise en scène. J'ai travaillé avec elle sur un court-métrage qu'elle a présenté au Festival de Brasilia, qui est excellent. Enfin, je pense qu'il y a une nouvelle génération qui travaille déjà au-delà du registre du vraisemblable, du réalisme, du naturalisme, qui travaille déjà dans un nouveau registre, rare dans le cinéma brésilien. Des gens qui travaillent au niveau de la fable, du surréalisme, de l'onirique, enfin, des chose qui m'intéressent beaucoup. Il y a une série de metteurs en scène qui réalisent des films. Et je pense qu'un élément nouveau dans le cinéma brésilien qui doit être considéré avec attention, ce sont les acteurs qui réalisent, comme Selton Mello, Mateus (Nachtergaele), des films très intéressants. Ils ne font pas forcément l'unanimité, mais ils sont très intéressants, ils apportent un air nouveau au cinéma brésilien. Le film de Mateus, en particulier, est très fort (A Festa da Menina Morta).

CD : C'est vrai.

PU : Hier, j'ai vu un film qui m'a beaucoup bouleversé, aujourd'hui je me sens déjà un peu plus tranquille, j'ai digéré ce film, mais sur le tas, j'ai eu un choc. Je pense que le réalisateur n'est pas Brésilien, c'est le film Terra Vermelha de Marco Bechis.

CD : A Terra dos Homens Vermelhos…

PU : Il n'est pas Brésilien ?

CD : Il me semble que c'est un Argentin d'origine italienne. Il a déjà fait plusieurs films qui sont passés ici.

PU : J'ai été impressionné par ce film car … C'est ça le Brésil !

CD : Il est arrivé à bien transmettre l'esprit…

PU : C'est extrêmement complexe : l'agriculteur n'est pas forcément un mauvais gars, les Indiens non plus ; enfin, personne n'a tort, c'est la situation qui est insolite, sans solution, et de plus, il y a les gringos.

CD : C'est vrai, c'est un film intéressant.

PU : Il m'a beaucoup touché, je suis sorti du cinéma en pleurant…

CD : J'espère que vous arriverez à vous remettre de ce choc, Pedro Urano… Et merci beaucoup d'être venu ici et d'avoir apporté ce documentaire si beau : A Estrada Real da Cachaça. Et j'espère que vous allez profiter…

PU : …du soleil…

CD : …du soleil et du festival de Toulouse.

PU : Merci beaucoup, c'était un plaisir.

Traduction : Cristina Duarte

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Cristina DUARTE : Pedro Urano, você veio aqui ao Festival de Toulouse para apresentar o seu documentário "A estrada Real da Cachaça". Como é que você teve a idéia desse filme ?

Pedro URANO : Essa talvez seja a pergunta mais difícil assim… mas surgiu de uma forma bem irresponsável. Na verdade foi um filme que se impôs a mim, ademais da forma como todos os filmes que eu fiz assim. Como você já sabe, eu não sou diretor, quer dizer, não sou só diretor, eu me considero muito mais fotógrafo do que diretor e todos os filmes que eu fiz foram filmes que se impuseram a mim, assim, de uma forma que eu não pude fugir, não pude escapar a eles. O da cachaça, eu estava fotografando um curta no sertão norte mineiro, um curta sobre o universo de Guimarães Rosa, de uma diretora carioca também, e uma vez, conversando com a equipe no bar, eu brinquei de que a cachaça merecia um filme. Isso foi uma brincadeira, mas desde então, passei a ser cobrado : "— E o filme da cachaça, e aí ?" e tal, e aí resolvi fazê-lo. Comecei uma pesquisa e percebi que a presença da cachaça na cultura brasileira era imensa, muito grande, muito forte, mas ao mesmo tempo muito difusa, ou seja, a cachaça está em muitas músicas, em muitas peças de teatro, muitos romances, muitas poesias, muita pintura, em tudo, ela está sempre lá, mas são raras as vezes em que ela é protagonista, em que ela é o assunto principal e quando eu percebi isso, foi aí que resolvi mesmo fazer esse filme.

CD : Quer dizer que a cachaça então é também assim um pretexto pra falar do Brasil, pra falar um pouco da história do Brasil, dessa "Estrada Real"… Como é, ela foi construída no século XVII ?

PU : Não vou saber te precisar, não, quando ela foi construída… Mas o fato é que exatamente o filme é um filme através da cachaça, costumo dizer, pra falar sobre o Brasil, sem dúvida. Eu acho que todas as bebidas destiladas, que têm uma concentração muito grande de álcool, elas te encaminham diretamente para o inconsciente de uma nação. Não é à toa que toda nação tem a sua bebida destilada ; isso se passa com a cachaça no Brasil. Eu costumo dizer que a cachaça, ela nasce no Brasil antes do brasileiro, ou seja, o brasileiro passa a existir quando o filho de português deixa de beber o "vinho do reino", que é o vinho, e passa a beber o "vinho da terra", que é a denominação colonial da cachaça. Ou seja, ele passa a entender que ele está num clima, numa paisagem, num lugar, numa realidade, num contexto completamente distinto daquele europeu. E aí ele passa a entender que ele é diferente daquele europeu, ainda que seja filho de europeu ou mesmo nascido em Portugal ou na Europa. E é aí que nasce o brasileiro, quando ele passa a ter o entendimento que ele precisa dar respostas novas para novas questões, que são as questões de uma sociedade nos trópicos. O Sérgio Buarque de Holanda começa o livro dele que é lindo, Raízes do Brasil, dizendo isso, que a questão fundamental para se entender o Brasil é a do entendimento de que o Brasil é a tentativa frustrada de instalar uma civilização européia nos trópicos.

CD : Aí não dava…

PU : É, não dava certo e a história do Brasil é a história dessas adaptações.

CD : Disso eu gostei muito, já tinha ouvido você falar : que o Brasil tornou-se brasileiro realmente, diferenciou-se de Portugal, quando ele escolheu o "vinho da terra" em detrimento do "vinho do reino". E teve uma imagem que me apareceu, foi uma imagem do filme Xica da Silva, no momento em que eles estão fazendo um banquete na casa do Contratador e o Contratador chama um dos escravos e grita : — "O vinho !" e o escravo traz uma garrafa que está mais perto da garrafa de cachaça do que da garrafa do vinho português. Então, realmente, a um momento, achei que você definiu muito bem e a gente vê bem no seu filme, que a cachaça é um elemento assim importantíssimo. E como é que você conseguiu fazer todas aquelas pessoas falarem, cantarem, dançarem até… Como é que foi essa locação ?

PU : O filme tinha dois desafios de produção muito grandes assim. O primeiro é que é um filme muito extenso, não é um filme profundo, eu diria. Eu até brinco com a idéia de profundidade, eu digo que ao mesmo tempo, o filme revela um Brasil profundo porque a gente filmou a dois quilômetros embaixo da terra, numa mina de ouro. Mas, enfim, naturalmente, é um filme extenso que trabalha com a idéia de extensão e isso trazia alguma dificuldade porque a gente tinha que filmar em muitos lugares distantes. E a outra é que a gente estava fazendo um documentário baseado no contacto com pessoas e tudo, em Minas Gerais, e o mineiro não gosta muito de falar, isso é verdade, ele é um pouco desconfiado. Então, foi essa conjugação de que a gente não podia ficar muito tempo nos lugares porque a gente não tinha como ficar um ano inteiro filmando e tinha que lidar com a desconfiança e a extrema concisão dos mineiros. Mas eu acho, enfim, que não tem receita, a gente sentava para conversar de igual pra igual, se as pessoas falavam algo, era porque elas tinham algo a dizer. Acho que é meio por aí.

CD : Claro, lógico, aliás no filme eu acho que você conseguiu muito bem isso, entende… uma espontaneidade, as pessoas falam da cachaça, que pode ser assim considerada uma coisa até meio superficial, até ruim, digamos, eles falam com amor e com prazer, entende? Eu acho que esse é o aspecto mais interessante do seu filme. Você conseguiu transmitir isso, não é?…

PU : Nesse filme que a gente tá fazendo agora, que a gente vai falar ainda um pouco, é um filme num hospital, está acontecendo realmente uma coisa, isso é muito feliz, a gente perceber que existe uma demanda pelo filme. Isso acontecia no Cachaça : as pessoas queriam falar aquilo. Isso também está passando no filme do hospital que é completamente diferente do Cachaça, não tem nada que ver… Mas eu tô falando isso porque esse filme do hospital, eu estou dirigindo com outra pessoa, com um artista visual, eu trabalho muito com artes visuais, eu fiz uma série de filmes com artistas visuais, e um dia, durante a pesquisa ela virou pra mim e falou : — "Pôxa, você gosta de gente mesmo !" E ela falou : "— Eu não gosto muito de ficar conversando, eu não gosto não… você gosta." Acho que é um pouco por aí : eu adoro conversar, sentar… Em Minas se diz isso: que cachaça não é pra beber, é pra conversar… Se bebe para ir conversando aos poucos…

CD : É uma boa definição… E esse seu filme já recebeu inclusive um prêmio no Brasil : o melhor documentário no Festival do Rio de Janeiro.

PU : Exatamente, o filme ganhou o Festival do Rio

CD : …em 2008.

PU : …e ganhou um prêmio no Festival de Mar del Plata também, na Argentina: melhor documentário latino-americano.

CD : E como é que se sente um diretor assim, se o filme ganhou prêmio, é que o filme tocou as pessoas, não é ? Você, enquanto brasileiro, na sua cidade que é o Rio de Janeiro, recebendo um prêmio assim, deve ser uma coisa bem gratificante…

PU : É, receber prêmio, é sempre tudo bom assim. E quando tem tutu, então, é melhor ainda… Não foi o caso, mas foi muito bom, eu fiquei super feliz principalmente, não por ser a minha cidade, havia uma vontade de mostrar, eu acho que a minha preocupação maior, sempre, é de ter a possibilidade de mostrar o filme, mais do que se as pessoas vão gostar ou não, se vão achar ruim ou bom, enfim, se vão sair da projeção entusiasmados ou com raiva de mim, enfim, acontece de tudo…

CD : Pode acontecer, não é?

PU : É, mas o que mais me preocupa é a possibilidade das pessoas verem o filme e claro que na minha cidade isso era muito legal porque eram os meus amigos que iam ver, não só eles, mas alguns pelo menos. Mas eu fiquei muito feliz porque no Festival do Rio a gente ganhou o prêmio e o prêmio foi outorgado por… eram quatro jurados, e pessoas que eu respeito muito, então fiquei muito feliz assim… porque não foi só um prêmio…

CD : Quem eram os jurados ?

PU : Eu não vou saber dizer o nome de todos, mas era a Lita Stantic, que é uma produtora argentina, a dos filmes da Lucrecia Martel, os primeiros filmes ; um alemão que eu não lembro o nome, mas que é o diretor da mostra panorama do Festival de Berlim (Wieland Speck) ; um cineasta chileno radicado no Brasil que é o… eu sempre esqueço o nome dele, coitado ! Mas eu acho ele maravilhoso, que fez o "Proibido proibir".

CD : Furtado ?

PU : Não…

CD : Depois você lembra… (Jorge Durán)

PU : E a Camila Pitanga que é linda, maravilhosa e inteligente. Enfim, foi um jurado nota dez… Eu não esperava, absolutamente não esperava, eram dezoito, vinte, não sei, documentários concorrendo e o meu filme… imagine, um filme meio que do nada, uma pessoa que ninguém conhece, enfim… Eu senti muito isso quando eu ganhei porque pessoas que nem são tão próximas vinham falar entusiasmadas, que parabéns, como se fosse uma vitória delas. Eu tenho plena consciência de que se o filme ganhou, foi exclusivamente por seus méritos porque eu não conhecia ninguém.

CD : As pessoas entenderam a sua mensagem no filme, alguma coisa que tocou ou que toca ainda profundamente as pessoas. E você começou como diretor de fotografia, não é ? Que tipo de trabalho você fez antes desse filme ?

PU : Eu comecei e eu continuo. A minha ocupação, se você me perguntar "— O que você é ?", eu te direi que eu sou diretor de fotografia, é o que me faz feliz e que eu gosto muito de fazer. Eu estudei na UFF (Universidade Federal Fluminense) e comecei a fotografar filmes lá. Depois eu passei a fazer assistência de câmera no mercado, mas minha carreira de assistente de câmera foi muito breve porque eu continuei a fotografar filmes na universidade e com o tempo isso foi ocupando mais meu tempo do que a assistência de câmera, que hoje em dia eu não faço mais. Mas eu fiz uma série de filmes, na maioria curtas, na imensa maioria curtas; fotografei dois longas agora, que foram lançados no Festival de Brasília, mas não vou falar sobre esses filmes, mas fiz a maior parte de curtas.

CD : E os seus curtas ? Eu vi… não, eu fiquei sabendo que você fez dois : um que é Vulgo Sacopã, que é a história de um cara numa favela ?

PU : Não, não é favela, não. É um documentário de personagens, em cima de um personagem que é o seu Antônio, que mora no … você conhece o Rio ? Você é de São Paulo, não é, mas conhece o Rio, naturalmente ?

CD : Conheço.

PU : Ele mora no Morro do Sacopã que é um morro na beira da Lagoa, é o mais caro do Rio. Ele mora onde, antigamente, era a favela do Cantagalo, não, desculpe, a favela da Catacumba, que foi uma das primeiras favelas a serem removidas de lá na época que houve remoção de favelas. Hoje em dia é o Parque da Catacumba, que é uma região arborizada, mas lá dentro do parque. Ele tem a casinha dele lá e luta por estar ali. Mas o que mais me interessava e interessou no filme é que pra conseguir estar ali, ele se viu obrigado a criar todo um universo simbólico. Eu conheci o seu Antônio quando a gente era novo, eu e um amigo meu, eu dirigi com um amigo que hoje é geólogo. A gente fazia muita trilha ali pelo Rio e um dia, andando pela trilha, a gente encontrou o seu Antônio… (Tem que fazer uma bagunça…) Ele ficava de costas na trilha e "—Quem são vocês ?" Ele fazia todo um personagem, ele tinha construído uma espada de latão gigante que ele chamava de Catana…

CD : Ah, ele atuava …

PU : Ele atuava para garantir seu pedaço, ele assustava as pessoas, escrevia poemas. Quando eu conheci ele, ele falava : "—Estou escrevendo um romance vai ter 246 páginas, eu ainda estou na página 2…" Mas era tudo planejado, ele dizia : "— Na página 86 eu vou falar disso, na página tal… enfim, uma pessoa muito especial.

CD : Ouvindo você falar assim, a primeira coisa é que dá vontade de ver o filme. Só que esse filme, pra assistir aqui na Europa vai ser difícil. É o tipo de filme que não é distribuído aqui.

PU : Não sei, poderia ser… Alô distribuidores ! Mas o Sacopã passou aqui, passou no Festival de Vila do Conde, em Portugal. Foi bem legal.

CD : E eu também fiquei sabendo de um outro : O Latido do cachorro … um título assim bem comprido… (O Latido do cachorro altera o percurso das nuvens).

PU : Imenso…

CD : E esse aí o que que é, a história é o que ?

PU : Esse filme a gente fez há muito tempo, ele demorou muito a ficar pronto, na verdade eu até achava que ele nunca ia ficar pronto porque é um filme com cinco diretores. Um curta com cinco diretores, e com um nome imenso.

CD : Cada um fez uma parte ?

PU : A idéia foi mais ou menos a seguinte : a gente era aluno da UFF, bem no início, a Universidade Federal Fluminense, de Niterói; éramos cinco alunos com muita vontade de filmar, sem dinheiro e tal. Aí eu comprei uma câmera super 8 e na época a gente via muitos filmes surrealistas franceses dos anos vinte ali e tal, o René Clair, o Man Ray, filmes feitos aqui na França, dadaísta e surrealista, e aí a gente falou, bom a gente quer filmar, vamos cada um compra dois rolinhos, dois cartuchos que são cinco minutos de filme, filma o que quiser e depois a gente monta. Só que o cinema brasileiro tem uma tradição muito narrativa, então, desse dia até o dia que a gente filmou de fato, as histórias se juntaram e viraram uma coisa não tão solta assim. E a gente filmou lá em Tiradentes o filme inteiro, a gente era muito novo, foi uma aventura incrível assim…

CD : Uma aventura estética interessante, uma coisa diferente…

PU : É, um filme preto e branco, super 8, mudo, que tem o som, mas é um filme mudo. Bom, a gente fez o filme. Aí, somos cinco diretores e para chegar num acordo na montagem, a gente nunca chegou a acordo nenhum. A gente nunca conseguiu montar. Esse filme só aconteceu… a gente deve muito à Ava Rocha que, não porisso, mas por acaso é a filha do Glauber, que foi quem montou o Cachaça também, uma excelente montadora, e ela montou o filme e chamou a gente : "— Olha, montei ! É isso aí !" E é claro que a gente discutiu, mexeu mais um pouco, mas sem ela não haveria esse filme. Foi graças a ela que a gente conseguiu chegar a um acordo.

CD : E esse novo projeto do qual você já falou um pouco ? É sobre um hospital em São Paulo ?

PU : Não, no Rio.

CD : Você continua então no Rio de Janeiro, que é o seu território, o território carioca…

PU : O meu território é o mundo ! Tenho até um projeto no Marrocos com uma diretora portuguesa, que é maravilhoso. Chama Reino do Ocidente, tem até nome em árabe, que é o nome do Marrocos, que é o pais árabe mais ocidental, conhecido como "Reino do Ocidente" entre os árabes. Mas é muito difícil fazer porque é o filme de portuguesa com brasileiro, filmado no Marrocos. A gente não encaixa em nenhum edital assim.

CD : E você gosta, pelo jeito, de projetos assim desafiadores : cinco diretores para um curta-metragem, vai filmar no Marrocos… Mas fala então do filme do hospital…

PU : Você já viu que eu falo pra caramba… Esse filme chama, atualmente ele chama HU , que é exatamente Hospital Universitário e, como o Cachaça é um filme através da cachaça, esse é um filme através de um prédio, que é o prédio do Hospital Universitário da UFNRJ (Univeresidade Federal Nacional do Rio de Janeiro). Vou contar brevemente a história desse prédio. Esse prédio foi construído pra ser o maior hospital da América Latina ; é um projeto dos anos 50 e no entanto só foi concluído em 78, portanto quase que 30 anos depois do início das obras. Ele ia ser o principal hospital do país, o maior da América Latina, e era um hospital-escola, um hospital universitário ; um hospital para formar médicos. Seria um modelo para todos os outros hospitais do Brasil. Quando ele ficou pronto, o Rio já não era mais capital, e aí não havia mais dinheiro e só inauguraram metade do hospital. Então hoje, além disso é um prédio modernista, corbusiano, principalmente influenciado por Le Corbusier… ele tem a forma de um "pi", a letra grega. Um "pi" são dois "t" um ao lado do outro, um "t" é o hospital e o outro "t" é só concreto, nunca foi ocupado…

CD : Por falta de dinheiro ?

PU : Por falta de planejamento, basicamente… dinheiro há, mas nunca foi feito, então é um filme, portanto é um lugar que condensa muitas questões e é um símbolo, talvez, da importância que o governo, o Estado brasileiro dá para a educação e para a cultura. Então é isso que a gente ta discutindo no filme. Há várias questões : essa, a incapacidade de projetos de longo prazo num país como o Brasil, os descaminhos da administração pública, é um filme sobre a coisa pública brasileira, a res publica brasileira, a partir desse hospital que é um hospital que atende, mas que na parte ocupada é extremamente assimétrico porque é um hospital muito importante, porque é um hospital em que se faz pesquisa, pesquisas de ponta, é o principal centro de transplante do Brasil. Não sei se hoje ainda é, mas é um importante centro de transplante, é um dos três únicos lugares do mundo, por exemplo, em que há pesquisa de célula-tronco do fígado, é um lugar de alta tecnologia e ao mesmo tempo, um lugar onde há muita falta de recursos, enfim…

CD : É um lugar simbólico em vários níveis, finalmente… E atualmente, como está o cinema brasileiro lá no Brasil ? Eu li também em algum lugar que você disse que o cinema brasileiro atualmente tem muita produção e pouca distribuição ; quer dizer que tem muito filme engavetado no Brasil, como é que é isso ?

PU : Eu acho que nessa chamada "retomada", que é inclusive um péssimo nome, falando da exibição e da distribuição, houve uma opção do cinema brasileiro, não sei se consciente ou não, pela classe média. Ou seja : antigamente havia muito mais sala e o preço do ingresso era muito mais barato. Há pouco eu li uma pesquisa que nos anos 70 o preço do ingresso era equivalente a 0.33 dólares. Era muito mais barato que nos Estados Unidos, inclusive. Hoje existem poucas salas, a grande parte nos shoppings e a um preço absurdo. Eu não vou ao cinema no Brasil, eu ia quando era estudante e pagava meia, hoje praticamente eu não vou; vou nos filmes dos amigos e em festivais. É muito caro. E é uma opção estúpida, ao meu ver, porque a classe média no Brasil é muito pequena. A questão é… não estou aqui desprezando a classe média, não é isso, mas a classe média, no Brasil, não sustenta uma cinematografia, então isso é uma questão econômica assim, de indústria, que há que ser resolvida. Se não resolver não vai haver cinema brasileiro porque hoje a gente faz filme com o dinheiro do contribuinte… e graças às leis de incentivo. Bom, eu espero que a gente continue, mas que o interessante fosse que elas só suportassem os filmes mais experimentais, os que não se pagassem na bilheteria, não é o que acontece. Acho que a gente tem que rever essa opção porque o que eu disse é que acredito que o problema da produção no Brasil, não diria que está resolvido, mas está mais bem equacionado, ou seja : se produzem muitos filmes e nos últimos anos muitos filmes bons, me parece. Agora, esses filmes não são vistos, a imensa maioria desses filmes não são vistos, e quando são vistos, são pouco vistos… O público médio de um filme brasileiro normal, sem muito dinheiro, é de 30.000 pessoas.

CD : Não reembolsa, não é ?

PU : Mais do que isso. Você fica cinco anos fazendo um filme para 30.000 pessoas verem ! Não faz o menor sentido. Esse filme que eu estou fazendo agora é uma co-produção com a TV Brasil, a televisão…

CD : Era o que eu ia te perguntar : não há uma possibilidade de trabalhar junto com a televisão para tocar uma parte maior do público ?

PU : A TV Brasil não é uma campeã de audiência, tá longe disso, mas o horário que o meu filme vai passar, o público médio é de 100.000 pessoas em todo o país. Ou seja, é quatro vezes um documentário muito bem sucedido no cinema, entendeu? Então… Eu brinco que depois de ter feito o Cachaça me deu uma vontade louca de fazer televisão como diretor, me interessa muito. Eu acho que qualquer diretor mais talentoso assim – não estou falando de mim — se eu tivesse essa pretensão, o meu maior desejo seria fazer novela que 98% do país vê. É como um experimento assim, você tem como fazer as pessoas irem para onde você quiser ; eu ia fazer uma novela louquíssima, ia dar muito problema ! Deveria ser o sonho de todo mundo, talvez as gerações mais velhas tenham alguma resistência, mas é um espaço que tem que ser conquistado.

CD : E documentário para a televisão, você nunca fez ?

PU : Estou fazendo esse agora…

CD : …esse do hospital… É o primeiro?

PU : Para a televisão, é. Os outros já passaram na televisão, já tive dois outros filmes exibidos, poucos exibidos, em geral em televisão educativa, Senac (Serviço Nacional de Aprendizagem Comercial), essas coisas… Não tem muito espaço pra documentário na televisão brasileira.

CD : É mais ficção, não é ? Coisa narrativa…

PU : É uma loucura você chegar na televisão brasileira e você tem "Festival de cinema nacional" ; acontece uma vez por ano, passam alguns filmes nacionais e é só. É um pouco estranho assim…

CD : E o cinema francês, você aprecia o cinema francês atualmente ? O que que você gosta ? Para terminar assim, como estamos aqui na França, em Toulouse…

PU : Eu conheço muito pouco do cinema francês de hoje assim… eu praticamente desconheço, na verdade…

CD : Não chega no Brasil ?

PU : Chega pouco. Eu lembro de alguns filmes que eu vi, não tão recentemente assim. Eu lembro especialmente de um filme que me pareceu muito interessante, que chama Sans ça (?), não sei… não me lembro do nome do diretor … um filme jovem, extremamente… o personagem era como um Jean-Paul Belmondo globalizado, um vagabundo que fica como Jean-Paul Belmondo no Acossado (À Bout de souffle), como um vagabundo assim, só que num nível global. Ele fica viajando o mundo inteiro, pegando dinheiro, dando pequenos golpes, é um filme muito interessante. Mas realmente, cinema francês eu conheço muito pouco.

CD : Você está mais ligado mesmo é no cinema brasileiro…

PU : Não tem uma questão de militância, não, o melhor cinema do mundo, não !

CD : E dos diretores atuais brasileiros, quais são os que você admira, que você gostaria de ter feito aquele filme, por exemplo, ou coisa assim…

PU : Eu admiro muita gente, tem muita gente interessante assim. Mas, se fosse pra citar alguns, vou citar o nome de alguns desconhecidos que… não sei, tem muitos diretores interessantes no Brasil, eu fico numa situação um pouco difícil de citar alguns, então vou sair pela tangente e vou falar. Existem alguns diretores muito jovens que têm trabalhado recentemente e que têm feito filmes muito interessantes, principalmente pessoas de Pernambuco. Um pólo de criação, eu diria, não somente cinematográfico, de criação muito intensa. Então eu lembraria do Tião que é um garoto de 24 anos que fez um curta-metragem que ganhou o último Festival de Cannes, na "Quinzena dos Realizadores", que eu fotografei ; a Renata Pinheiro, que é uma diretora de arte que fez muitos filmes, fez os do Cláudio Assis e vários outros, e que agora está começando a dirigir. Eu fiz um curta dela do Festival de Brasília, que é excelente. Enfim, eu acho que tem uma nova geração que já trabalha para além do registro verossímil, realista, naturalista, que já trabalha numa coisa que é nova, que é raro no cinema brasileiro, que trabalha no nível da fábula, do surrealismo, do onírico, e que são coisas que me interessam bastante. Tem uma série de diretores que estão aí filmando. Acho que tem uma novidade recente no cinema brasileiro e que eu acho que tem que ser vista com atenção, que são os atores dirigindo, como o do Selton Mello, o do Mateus (Nachtergaele), que são filmes muitos interessantes, tem pessoas que acham melhor ou pior, mas são muito interessantes, trazem coisas novas para o cinema brasileiro. O filme do Mateus principalmente, é muito forte.

CD : Eu também achei.

PU : Eu vi um filme ontem que eu fiquei impressionado, hoje já até estou mais tranqüilo, já reavaliei o filme, mas no momento eu fiquei extremamente impactado, eu acho que o diretor não é brasileiro, é o Terra Vermelha do Marco Bechis.

CD : A Terra dos Homens Vermelhos…

PU : Ele não é brasileiro ?

CD : Ele é de origem italiana e argentino. Ele já fez vários filmes que passaram aqui.

PU : Eu fiquei impressionado com o filme porque… o Brasil é aquilo ali !

CD : Ele conseguiu transmitir bem o espírito…

PU : É super complexo : o agricultor lá não é um cara mau exatamente, os índios também não ; enfim, não tem ninguém errado, a situação que é insólita, sem muita solução e você ainda tem os gringos…

CD : Realmente, é um filme interessante.

PU : Eu fiquei assim super chocado, saí chorando do cinema…

CD : Então espero que você consiga se refazer desse choque, Pedro Urano… E muito obrigada então por você ter vindo aqui e por ter trazido esse documentário bonito : A Estrada Real da Cachaça. E espero que você aproveite bastante aqui…

PU : … o sol…

CD : … o sol e o festival de Toulouse.

PU : Muito obrigado, foi um prazer.


Transcription : Cristina Duarte.

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