Conférence
Notice
Langue :
Français
Crédits
Guillaume Besnier (Réalisation), François Pouthier (Intervention)
Conditions d'utilisation
Guillaume Besnier - François Pouthier - Ecole nationale supérieure de la nature et du paysage
DOI : 10.60527/1md3-vf39
Citer cette ressource :
François Pouthier. ENSNP. (2013, 25 septembre). Paysages d’estuaire(s), des artistes et des habitants co-producteurs de patrimoine et passeurs de territoires ? POUTHIER François ADES Cnrs UMR 5185, Bordeaux. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/1md3-vf39. (Consultée le 2 juin 2024)

Paysages d’estuaire(s), des artistes et des habitants co-producteurs de patrimoine et passeurs de territoires ? POUTHIER François ADES Cnrs UMR 5185, Bordeaux

Réalisation : 25 septembre 2013 - Mise en ligne : 7 octobre 2013
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Descriptif

L’estuaire de la Gironde peut être considéré comme paysage naturel (FLORENCE 2000) bien que l’on sache depuis Marx et Hegel que la « beauténaturelle » n’existe pas sinon en vue de la guerre. Si ce paysage estuarien ne peut s’inscrire ni dans la catégorie des paysages imaginés par l’homme, ni dans celle des paysages communautaires, il est cependant bien un « paysage évolutif résultat d’une exigence économique et administrative non fossile mais vivant, à rôle social actif » (UNESCO 1972). Car l’estuaire de la Gironde est l’aboutissement d’un isthme aquitain où se sont conjugués les trafics (COCULA-VAILLIERES 2006) : ceux du petit cabotage, noria d’échanges avec les provinces voisines ; ceux d’un cabotage européen de l’Espagne à la Hanse Baltique ; ceux du grand large du fait des Terres-Neuvas et du commerce triangulaire. Pour autant, si les eaux de l’estuaire de la Gironde et ses berges témoignent de ces passages, des points de rencontre entre cultures, son territoire est en fait rebutant et compartimenté (CLAVAL 2001), bien loin d’être le milieu ouvert que l’on peut imaginer ne serait-ce que parce que des bateaux venus de l’autre bout du monde remontent et descendent. De ces bateaux et surtout des hommes qui les ont maniés, habités, de ces navires qui sillonnent sans être à quai, allongent les distances terrestres et favorisent l’incommunicabilité tout en privilégiant le rêve et l’imaginaire, sont nés plusieurs projets artistiques, culturels voire touristiques, qui ne sont pas sans rappeler ceux développés par les Parcs Naturels Régionaux (POUTHIER 2012). Dés 2001, à travers la présence régulière d’auteurs européens issus de territoires fluviaux et maritimes, les habitants de la Gironde ont pu découvrir les similitudes et les différences entre des paysages où l’eau et son usage jouent un rôle primordial. Puis, à l’initiative du Service Social Maritime, Mémoires d’Estuaires a réuni différents acteurs territoriaux (culturels, éducatifs, sociaux) dans une opération liant travail de collecte orale et productions artistiques autour de la mémoire d’hommes et de femmes ayant travaillé dansles métiers attachés aux pêches proches et lointaines, au pilotage et aux techniques de navigation. Au travers de ces projets patrimoniaux et mémoriels, que peut-on saisir du lien entre culture et territoire, paysage(s) et patrimoine(s) ?Dans la transfiguration du banal, du quotidien, ces projets artistiques , sociaux et culturels ont d’abord une dimension cognitive qui combattent l’empêchement « de voir qu’il y a à voir parce que nous ne savons pas qu’il y a quelque chose à voir » ; preuve que si le passé ne change pas, c’est le rapport entretenu avec lui qui change. Le paysage estuarien ne serai t ainsi patrimonia l que parce qu’il est social et donc culturel. Domaine reconnu dusensible et des valeurs, il est, selon Montaigne, « artialisé » ; il ne s’agit pas d’un objet à l’état pur mais d’un précipité instable dont les composants et la formule changent sur des échelles spatio-temporelles, sociales et culturelles. C’est cette autorité du socia l dans le patrimonial, qui, en constituant un « bien commun, partagé pour une communauté imaginée» (MICOUD 2012) donnerait un statut à l’identité territoriale . Mais si l’intensité du sentiment d’appartenance à un territoire varie en fonction de l’élaboration du processus patrimonial et de la mémoire collective (DI MEO 2005), elle peut également faire l’obje t de stratégies marketing afin de différencier le territoire en légitimant un espace mal perçu par le citoyen ou en instrumentalisant le patrimoine paysager en une pure politique d’image (TEILLET 2004). Le paysage estuarien girondin serait donc une structure matérielle et une représentation mentale, un processus territorial de patrimonialisation où l’habitant est devenu acteur dans une production de lien social. Prendre le temps de regarder son environnement (le « déjà là » de G. Clément), les lieux et espaces arpentés quotidiennement ou ponctuellement, aller à la rencontre et à l’écoute d’autrui en façonnant des solidarités de proximité, construire de nouveaux récits (story telling) inscrits dans le présent mais qui puisent dans une mémoire, voilà comment un paysage vécu comme un stigmate (dans sa valeur d’usage) pourrait devenir un emblème (dans sa valeur d’échange), avec un risque non négligeable de dé-territorialisation et de marchandisation (dans sa valeur d’estime).

Intervention