Conférence
Notice
Langue :
Français
Crédits
Muriel RICHARD (Réalisation), Jean-Philippe Goiran (Intervention)
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/6rg1-3698
Citer cette ressource :
Jean-Philippe Goiran. Archeo Montpellier. (2014, 23 mai). Géoarcheologie du bassin portuaire d'Ostia : localisation, chronostratigraphie et comparaison avec les bassins de Portus , in Les ports dans l'espace méditerranéen antique. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/6rg1-3698. (Consultée le 1 novembre 2024)

Géoarcheologie du bassin portuaire d'Ostia : localisation, chronostratigraphie et comparaison avec les bassins de Portus

Réalisation : 23 mai 2014 - Mise en ligne : 31 janvier 2015
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Descriptif

D'après les textes, Ostie aurait été fondée par Ancus Marcius, le quatrième roi de Rome vers le milieu du VIIe s. av. J.-C.. L'objectif de cette fondation est triple : il fallait donner à Rome un débouché à la mer, assurer son ravitaillement en blé et en sel et enfin, empêcher une flotte ennemie de remonter le Tibre. Cependant, les fouilles archéologiques entreprises à Ostie ont montré que le noyau urbain initial (castrum) remonte au plus tôt au tournant des IVe s. et IIIe s. av. J.-C..

Si les principaux axes de circulation urbaine ont été dégagés ainsi que les grands édifices (thermes, théâtre, capitole, marché, forum, entrepôts...), l'emplacement exact du bassin portuaire fluvial d'embouchure d'Ostie reste inconnu. Pour certains, ce dernier était considéré comme un "port perdu". En effet, depuis la Renaissance, de nombreuses tentatives de localisation du port d'Ostie ont été entreprises, sans succès. Il faut attendre les XIXe et XXe siècles pour que des archéologues italiens définissent un secteur au nord-ouest de la ville, proche du Palais Impérial. Au début du XXIe siècle, les archéologues allemands confirment la probable localisation du bassin, dans ce secteur nord, grâce à l'utilisation d'instruments géomagnétiques. Pour certains, l'absence de structures archéologiques dans cette parcelle attestait la présence d'un bassin, pour d'autres cela impliquait davantage la présence d'une place ou d'un espace dédié au débarquement des marchandises et à leur manœuvre. Il n'y avait donc toujours pas consensus sur la localisation exacte du port et le débat restait vif. Une équipe pluridisciplinaire franco-italienne (associant géoarchéologue, paleo-biologiste, sédimentologue, archéologue et historien) a donc tenté de vérifier définitivement l'hypothèse d'un port dans ce secteur nord-ouest grâce l'utilisation d'un carottier géologique.

Ces carottages ont permis d'obtenir une stratigraphie remontant jusqu'au début du 1er millénaire avant J.-C. Trois étapes se distinguent. (1) L'unité basale (la plus profonde), antérieure à la fondation d'Ostie, indique que la mer était présente dans ce secteur au début du Ier millénaire av. J.-C. (2) La strate médiane, riche en sédiments argilo-limoneux de couleur grise, est caractéristique d'un faciès portuaire. Les calculs donnent une profondeur de 6 m au bassin au début de son fonctionnement, daté entre le IVe et le IIe s. avant J.-C.. Cette profondeur a été calculée par rapport au niveau marin antique de l'époque romaine positionné à environ 1m sous le niveau marin actuel. Considéré jusqu'alors comme un port essentiellement fluvial, ne pouvant accueillir que des bateaux à faible tirant d'eau, le port d'Ostie bénéficiait en réalité d'un bassin profond susceptible d'accueillir de grands navires maritimes : ceci est un résultat important. (3) Enfin, la strate la plus récente témoigne de l'abandon du bassin à l'époque romaine impériale par des accumulations massives d'alluvions. Grâce aux datations au radiocarbone, il est possible d'en déduire qu'une succession d'épisodes de crues majeures du Tibre est venue colmater définitivement le bassin portuaire d'Ostie entre le IIe s. av. J.-C. et le premier quart de siècle ap. J.-C. (et ce, malgré d'éventuelles phases de curage). A cette période, la profondeur du bassin est inférieure à 1 m et rend toute navigation impossible. Ces résultats sont en accord avec le discours du géographe Strabon (58 av. J.-C. – 21/25 ap. J.-C.) qui indique un comblement du port d'Ostie par des sédiments du Tibre à son époque. Il a alors été abandonné au profit d'un nouveau complexe portuaire construit à 3km au nord de l'embouchure du Tibre, du nom de Portus. Cette découverte du bassin portuaire d'embouchure d'Ostie, au nord de la ville et à l'ouest du "Palais Impérial", va permettre de mieux comprendre les liens entre Ostie, son port et la création ex-nihilo de Portus, commencé en 42 ap. J.-C. et achevé sous Néron en 64 ap. J.-C.. Ce gigantesque port de 200 ha deviendra alors le port de Rome et le plus grand jamais construit par les Romains en Méditerranée.

Au final, ces travaux ont permis de faire progresser nos connaissances sur Ostia dans 3 domaines : (1) Géographie : la localisation du bassin portuaire d'Ostia est maintenant connue : au nord-ouest de la ville, proche du palais impérial. (2) Bathymétrie : la profondeur du bassin lors de son creusement est de l'ordre de 6m sous le niveau marin antique. Cette profondeur permettait à certains navires maritimes de fort tonnage et tirant d'eau d'y accéder (et pas seulement les navires fluviaux). (3) Chronologie : les premiers sédiments qui se déposent au fond du bassin sont datés entre le IVe et le IIe s. av. J.-C. et les sédiments sommitaux, d'origine fluviale, sont datés entre le Ier s. av. et le Ier s. ap. J.-C.

 Institutions ayant contribué à la réalisation de cette recherche :

École française de Rome, Soprintendenza speciale per i beni archeologici di Roma – Sede di Ostia, CNRS, Institut universitaire de France (chaire de P. Arnaud), Université de Lyon, Maison de l'Orient et de la Méditerranée (UMR 5133), Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme (UMR 6573), IGAG-CNR, ANR JC.

Intervention

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