Entretien
Notice
Date de réalisation
Lieu de réalisation

Maison Suger

Langue :
Français
Crédits
Alberto Manguel (Intervention)
Détenteur des droits
©FMSH2022
Citer cette ressource :
Alberto Manguel. FMSH. (2022, 14 avril). Alberto Manguel - Création du centre de recherche sur l'histoire de la lecture. [Podcast]. Canal-U. https://www.canal-u.tv/135352. (Consultée le 24 mai 2024)

Alberto Manguel - Création du centre de recherche sur l'histoire de la lecture

Réalisation : 14 avril 2022 - Mise en ligne : 9 décembre 2022
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Descriptif

Interview audio de Alberto Manguel, chercheur invité en résidence à la Maison Suger, dans le cadre de la création du Centre de recherche sur l'histoire de la lecture.

Intervention
Thème
Documentation

Vous écoutez Histoires de recherche. Dans cette collection, vous entendrez des chercheurs et chercheuses vous présenter les axes et les méthodes de leurs projets. Aujourd'hui, vous écoutez Alberto Manguel, professeur invité au Collège de France, titulaire de la chaire L'Invention de l'Europe par les langues et les cultures. Il nous parle de la création à Lisbonne du Centre de recherche sur l'histoire de la lecture.   
Bonjour. Je suis Alberto Manguel. Je suis lecteur. Depuis toujours, je m'intéresse à la lecture. J'ai écrit plusieurs livres sur l'histoire de la lecture, sur les bibliothèques. Maintenant, je suis au Collège de France où j'ai la chaire Europe, langues et littératures, depuis septembre de l'année dernière jusqu'en avril de cette année. Comme lecteur, j'ai accumulé des livres le long de ma vie, depuis mon enfance. Je finis avec quelque 35 000 volumes que j'avais dans ma maison en France. Quand j'ai quitté la France, j'ai remballé ces livres. Ils étaient logés chez mon éditeur, au Québec. À partir de ce moment-là, je me demandais comment les faire ressusciter. J'ai eu la chance énorme, il y a deux ans, de recevoir une invitation du maire de Lisbonne, au Portugal, pour donner ma bibliothèque à la ville et, à partir de cette bibliothèque, construire un centre pour la recherche sur l'histoire de la lecture. Ce centre, maintenant, existe. Les volumes augmentent de jour en jour. Vous savez, on va se coucher avec un nombre de livres, on se réveille le matin suivant avec encore plus de livres, parce que les livres se reproduisent la nuit. Et donc, à partir de cette offre de Lisbonne, nous avons créé un centre qui s'appelle Espaço Atlântida, c'est-à-dire l'espace Atlantide, qui prend le nom de l'utopie de Platon, mais en laissant de côté les aspects négatifs de cette utopie, de cette ville qui a été engloutie par les eaux et qui renaît dans l'imagination des écrivains depuis toujours : Jules Verne, Pierre Loti et ainsi de suite. Maintenant, la ville nous a donné un merveilleux palais au centre de Lisbonne. Ils sont en train de faire des travaux pour installer la bibliothèque. Nous espérons qu'elle sera prête à la fin de l'année prochaine ou début 2024. Les livres sont en train d'être catalogués par une équipe de six bibliothécaires qui travaillent, sinon jour et nuit, au moins tous les jours, à cataloguer maintenant ces 40 000 ou 45 000 volumes. L'idée de monter ce centre à Lisbonne était le suivant. Le Portugal a un réseau de bibliothèques très important, mais surtout des œuvres en portugais, bien sûr. Donc, ma bibliothèque comporte des livres dans les langues que je parle, donc en français, en anglais, en espagnol, en italien, en allemand, en latin, et aussi des langues que je ne parle pas, comme le russe ou le chinois, l'arabe. Donc, c'est une bibliothèque multilingue, une sorte de Babel où la malédiction de Babel est transformée en bénédiction multiculturelle. Les chercheurs vont trouver surtout des livres sur l'histoire de la lecture, du livre, des bibliothèques. Mais autour de ce cœur qui est très important, j'ai monté d'autres aspects de la lecture, parce que la lecture s'étend dans tous les domaines humains. La lecture des mathématiques, de la musique, de la peinture, des sciences, la neurologie tiennent une part importante dans l'histoire de la lecture. Les chercheurs pourront trouver des matériaux pour travailler, mais aussi, nous voulons que le centre soit ouvert au public courant, que tout lecteur puisse venir et trouver des surprises, des révélations, des épiphanies. On va avoir des événements culturels. Nous avons commencé déjà, bien que le bâtiment ne soit pas prêt, la ville nous prête d'autres endroits comme la Casa Fernando Pessoa ou le Musée d'Art ancien. Et là, nous avons invité, par exemple, maintenant, Margaret Atwood, qui va faire un entretien avec moi, public. Et comme ça, il y a (inaudible) qui va venir. Il y a des séminaires de Roger Chartier (Darnton) qui sont prévus pour l'année prochaine. Il y a des expositions de livres d'artistes, par exemple la collaboration des artistes visuels avec le monde du livre, et plusieurs autres événements pour ouvrir ce centre, la lecture à tous les lecteurs et à ceux qui ne sont pas encore lecteurs. Nous sommes une espèce lectrice. Nous venons au monde avec le pouvoir de l'imagination, qui est un instrument de survie qui nous permet d'avoir des expériences sans les avoir en chair propre. Et cela développe dans l'espèce une sorte de nerf narratif qui nous fait raconter des histoires pour mettre en place notre expérience. Mais pour déceler ces histoires, nous avons développé cette chose que nous appelons la lecture, lire. Et nous ne lisons que les mots écrits ; nous lisons ce que nous entendons, nous lisons le visage des autres, les expressions des autres, nous lisons le ciel, nous lisons les courants de la mer, nous lisons la géographie de cette Terre si maltraitée. Donc la lecture est une fonction humaine, et sans lecture, nous ne pourrions pas survivre. Nous espérons que cet Espaço Atlântida sert à donner de la matière à réfléchir. Nous sommes des sociétés de consommation qui veulent produire des citoyens qui ne pensent pas, qui ne réfléchissent pas. Quelqu'un qui réfléchit n'est pas un bon consommateur. Et surtout à l'époque de l'électronique, la communication se passe à un niveau très superficiel. On ne réfléchit pas, on vit dans l'instant même. Et la lecture est tout le contraire. La lecture nécessite de la profondeur, nécessite du temps et surtout n'est pas un catéchisme. La lecture propose des questions nouvelles et ne donne pas des réponses. Nous sommes dans une société qui exige des réponses. Les politiciens nous répondent oui ou non. Mais la vérité discursive n'est pas dans ces réponses dogmatiques, mais tout le contraire. Seulement qu'un commerçant, un politicien qui ouvrirait la question et qui finirait par "je ne sais pas" ne serait pas un politicien ou un commerçant à succès.   
Depuis près de 60 ans, la Fondation Maison des sciences de l'homme soutient, valorise et diffuse les connaissances en sciences humaines et sociales. Ce podcast a été produit et réalisé par la mission média et science de la FMSH.   
  
  
   
 

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