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Langue :
Français
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Marianna Astore (Intervention)
Détenteur des droits
©FMSH2023
Citer cette ressource :
Marianna Astore. FMSH. (2022, 12 avril). Marianna Astore - "Europe and its Central Banks: Lessons from History" (podcast). [Podcast]. Canal-U. https://www.canal-u.tv/137457. (Consultée le 13 juin 2024)

Marianna Astore - "Europe and its Central Banks: Lessons from History" (podcast)

Réalisation : 12 avril 2022 - Mise en ligne : 27 février 2023
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Descriptif

Dans cet épisode Marianna Astore, Marie Curie Fellow à l'Ecole d'Economie de Paris and spécialiste de l'histoire de la banque centrale italienne pendant l'entre-deux-guerres, présente son projet de recherche Horizon 2020 " EUROCBH - Europe and its Central Banks: Lessons from History"

Intervention
Thème
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Dans cette collection, vous entendrez des chercheurs et des chercheuses vous présenter les axes et les méthodes de leurs projets. Marianna Astore est spécialiste de la Banque centrale italienne de l'entre deux guerres, et dans cet épisode, elle nous présente son projet de recherche Horizon 2020, EUROCBH, Europe and Its Central Banks: Lessons from History. En 2022, elle était Marie Curie Fellow à l'École d'économie de Paris. 

Je m'appelle Marianna Astore. Je suis une chercheuse italienne. Ma spécialité, c'est histoire éco. J'étudie surtout l'histoire de la banque centrale. Je suis arrivée à Paris en juin 2021 pour un projet comparé entre l'histoire de la Banque d'Italie et de la Banque de France. Mon institution, c'est l'École d'économie de Paris, Paris School of Economics. Je suis arrivée par Marie Curie Fellowship qui est une fellowship de l'Union européenne. Le but de cette fellowship, c'est de favoriser l'échange entre les chercheurs européens. C'est vraiment bien pour moi de faire cette expérience d'études, mais aussi de vivre à Paris et de travailler sur un sujet comparé.

Le nom du projet qui est financé dans le cadre des actions Horizon 2020 de l'Union européenne, c'est EUROCBH qui signifie Europe and Its Central Banks: Lessons from History. Et l'idée, c'est d'étudier l'histoire des banques centrales et de voir en particulier ce que l'histoire des banques centrales peut nous donner comme leçon pour aujourd'hui. Si on veut utiliser une expression en anglais, on pourrait dire : "In good times and in bad times." On a un projet qui est divisé sur deux parties. L'objectif de la première partie, c'est de regarder ce que les banques centrales faisaient pendant des situations pas exceptionnelles. Situations pas exceptionnelles, dans ma définition, ce sont des situations qui ne sont pas liées aux crises. On parle de la moitié de 1850 jusqu'à 1970, mais on focalise notre attention surtout sur la fin du 19e siècle jusqu'à la guerre mondiale. Et dans cette période-là, on étudie le rôle que la Banque centrale a eu pour le développement économique, car on a des données très détaillées sur les succursales de la Banque de France. Ces données-là nous permettent de regarder les opérations de chaque succursale de la Banque de France et de voir si les succursales de la Banque de France faisaient des opérations sur la même place financière vers Paris, qui est une façon d'étudier la centralisation française, ou sur autre place régionale, qui serait une façon, par contre, de voir l'intégration entre les régions françaises. On avait seulement 27 succursales de la Banque de France en 1850. La Banque de France a été établie au début de 1800. Mais à l'époque, on avait vraiment… on dit en langage technique, comptoirs des bureaux de la banque qui faisaient des opérations. Et au début, on avait vraiment peu de comptoirs. Et à la moitié de 1850, on a 27-28, moins de 30. Et on voit une très forte évolution du réseau de la Banque de France jusqu'à avoir 200 villes. Ça signifie la France entière. Donc, on a ces données sur cette opération de la Banque de France. Ces données nous donnent une extraordinaire photographie géographique de la France en termes économiques. Et à travers ces données-là, on peut étudier l'intégration financière et économique de la France. On voit en fait une très grande croissance de l'intégration française à la fin de 1800 et pendant la Belle époque. C'est un résultat pas standard, car la France devient un État-nation. Et c'est vrai du point de vue politique, il y a une très forte politique d'homogénéisation de la nation française après la révolution. Mais on voit que l'intégration n'était pas complète après la Révolution en termes économiques. Et ça, c'est très important aussi, si on pense à l'Union européenne d'aujourd'hui. Est-ce qu'il y a un lien entre l'unification politique et l'unification économique ? Et quel est le lien entre les deux ? Donc, on est en train d'étudier ça avec un chercheur de l'École d'économie de Paris, Eric Monnet, qui est spécialiste dans l'histoire de la Banque de France. Et je suis en train de faire un projet similaire sur des données des filiales, des succursales de la Banque centrale, aussi côté italien, avec la mission historique de la Banque d'Italie et une autre collègue d'université de Vienne qui s'appelle Maria Stella Chiaruttini. On a même donné un nom à notre database. Dans le deuxième cas, il va s'appeler DOIBI. C'est un acronyme anglais qui signifie Discount operation of italian banking of issues. Et quand DOIBI, la base de données, sera terminée, on va faire une version en ligne de la base des données qui puisse aider aussi les autres chercheurs à faire des recherches sur ça. C'est très important pour moi, car je disais que j'ai une Marie Curie fellowship. C'est un fellowship de l'Union européenne. Mais je partage cette idée. Ce n'est pas seulement important le résultat de la recherche, mais aussi la dissémination des résultats au niveau public. Donc, c'est très important de faire des initiatives, comme un site où on publie la base des données, qui puisse aider d'autres chercheurs. Bien sûr, même si on pense faire un site avec la base des données pour le grand public, ça va être très compliqué de comprendre ces données si détaillées de la banque centrale et ce qui s'est passé. Donc, on est en train de penser à développer avec l'équipe géomatique de l'EHESS une map historique qui est une façon un peu plus pédagogique de présenter les données au grand public, où on peut géoréférencer les données des succursales de la Banque de France, mais d'une façon vraiment simple et d'une manière qui présente le volume des crédits dans l'économie locale. Ce qui peut être sympa pour les gens qui sont curieux de savoir le niveau des crédits et le développement des crédits de leur argent, de l'argent de leurs parents, etc. Donc, on peut utiliser des outils très pédagogiques, comme des maps de chaleur, des maps et un géoréférencement des données. Aussi utiliser des images, des cartes interactives qui présentent le développement du crédit en France d'une façon très pédagogique. Et ça peut être utile aussi au niveau des lycées ou pour la préparation des sujets de recherche pour le bac ou quelque chose de similaire. 

Je disais au début du podcast que l'idée, ce n'est pas seulement de voir les good times, mais, bien sûr, les bad times. Et donc, on est en train de regarder particulièrement ce que les banques centrales faisaient quand on avait une crise industrielle. La meilleure réponse, ce serait : "OK, mais une banque centrale n'a rien à faire, quand il y a une crise industrielle, car ce n'est pas une crise qui a forcément un lien avec la stabilité des prix du mandat des banques centrales." Après la crise de 2007-2008 et encore après la pandémie suivie à la Covid-19, la Banque centrale européenne a mis en place une série d'opérations pour pas seulement sauvegarder la stabilité des prix, mais pour donner une réponse de politique monétaire très forte à la crise et aussi à la pandémie en 2020. Le discours du président de la Banque centrale européenne à l'époque, Mario Draghi, est célèbre : il disait que la banque centrale devait mettre en place, en anglais, c'est "whatever it takes", tout ce qui était possible pour sauvegarder la stabilité de la zone euro. Et donc, la Banque centrale européenne a fait des opérations qui n'étaient pas forcément liées à la stabilité des prix. Elle a eu aussi des critiques de certains économistes qui disaient que ces opérations-là n'étaient pas dans le domaine de la banque. Qu'est-ce qu'on veut démontrer ? C'est qu'en fait, si on regarde l'histoire des banques centrales avec le point de vue d'un historien et pas d'économiste, une banque centrale qui intervenait dans l'économie et aussi avec des interventions industrielles dans le monde de l'industrie, aujourd'hui, c'est considéré non conventionnel. Mais on a plusieurs exemples dans l'histoire de la Banque d'Angleterre, de la Banque de France ou de la Banque d'Italie aussi, où les banques centrales intervenaient, par exemple, en achetant des bons du Trésor ou en faisant des opérations, quand on avait des exemples de crises industrielles. Donc, qu'est-ce qu'il faut faire ? C'est retracer cet exemple dans l'histoire et illustrer que le paradigme des banques centrales a eu une relation dans le temps et le gros coup, c'est en fait aux années 1970. Et on verra ce qui va se passer, car je mentionnais avant la guerre russo-ukrainienne : aussi, aujourd'hui, il y a un grand débat sur les banques centrales et on voit avec le blocage des réserves de la banque centrale russe qu'il y a aussi un côté économique très important du conflit qui va se dérouler au niveau des banques centrales. Donc, on espère, avec le projet, de ne pas intéresser seulement le niveau académique, car je disais que c'est un sujet très peu développé, mais aussi un peu le grand public. Je comprends que c'est un sujet très spécifique, très académique, quand on parle d'opération de la banque centrale, mais on voit, je disais, avec la crise, la Covid et les changements qui sont en cours au monde de la banque centrale que c'est un sujet très important pour mieux comprendre ce qui se passe aujourd'hui. Il y a une évolution dans le rôle de banque centrale qui ne s'est pas fixée dans certains moments stables, mais le rôle de banque centrale change sur la base aussi du cadre de l'actualité. Même aujourd'hui, on avait eu de grands débats sur les politiques de l'environnement et quel est le rôle que les banques centrales peuvent jouer sur cette politique-là, etc. Donc, c'est un monde qui est vraiment en train de changer. Je pense que l'histoire peut donner des coordonnées importantes pour mieux comprendre ce qui se passe.

Pour moi, la dissémination des résultats, c'est vraiment très important. Sinon, on est toujours en train d'être dans notre bureau et aussi détachés de la société. Dans ce cadre, je suis vraiment heureuse d'avoir aussi enregistré ce podcast et j'espère qui va susciter un peu de curiosité sur ma recherche, et en général sur les recherches sur l'histoire économique. 

Produite par la Fondation Maison des sciences de l'homme, cette interview a été réalisée en avril 2022.

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