Entretien
Notice
Lieu de réalisation
FMSH
Sous-titrage
Français (Affichés par défaut)
Langue :
Français
Crédits
Massil Benbouriche (Intervention)
Détenteur des droits
©FMSH2023
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
Citer cette ressource :
Massil Benbouriche. FMSH. (2023, 26 juin). Programme Réseaux internationaux en SHS. [Vidéo]. Canal-U. https://www.canal-u.tv/145139. (Consultée le 20 mai 2024)

Programme Réseaux internationaux en SHS

Réalisation : 26 juin 2023 - Mise en ligne : 20 septembre 2023
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Descriptif

Lauréat 2022 Programme Réseaux internationaux en SHS, Massil Benbouriche nous parle du projet Réseau international sur l’ÉVAluation des Politiques Pénales.

 

Plus d'informations sur le site de la FMSH en cliquant ici.

 

Retrouvez la transcription dans l'onglet Documentation.

Intervention
Thème
Documentation

Je m’appelle Massil Benbouriche, je suis maître de conférences HDR en psychologie et justice à l’Université de Lille. Après une formation en psychologie clinique, j’ai obtenu un doctorat en psychologie sociale et un PhD en criminologie de l’Université de Montréal, où j’ai passé l’essentiel de mes études doctorales dans le cadre d’une thèse en cotutelle. Ensuite, j’ai fait un postdoctorat de deux ans aux États-Unis, à Détroit, dans le Michigan, en santé bio-comportementale en milieu urbain, en travaillant essentiellement au département de psychiatrie et neurosciences comportementales de la faculté de médecine de l’Université Wayne State.

La prévention de la récidive constitue un enjeu majeur des politiques publiques. On va attendre de l’action publique qu’elle puisse contribuer à prévenir la récidive et favoriser la réinsertion sociale des personnes condamnées. On a beaucoup de travaux qui portent sur les pratiques des professionnels en matière d’évaluation du risque de récidive et des besoins criminogènes pour définir les plans d’intervention. Finalement, la question de l’évaluation des politiques publiques, et en particulier des politiques pénales, est relativement absente d’un certain nombre de travaux, alors que c’est un élément indispensable d’une politique publique efficace. Dans ce cadre-là, notre réseau a deux objectifs. Le premier, ça va être de contribuer à l’essaimage des bonnes pratiques en matière de recherche évaluative et d’évaluation des politiques pénales. Le deuxième, c’est de contribuer à la promotion de ce qu’on appelle des pratiques fondées sur les données probantes en matière de prévention de la récidive et de réinsertion sociale, avec comme objectif également de pouvoir discuter les fondements et les implications de ce type de pratique, et leurs pertinences en matière de prévention de la récidive.

Le soutien de l’AFMSH est extrêmement important parce que les projets qui portent davantage sur le développement de réseaux, de partenariats, sont assez peu souvent ou trop peu souvent soutenus au profit de recherches qui sont plus fondamentales, plus appliquées, alors que c’est un espace indispensable pour pouvoir penser des problématiques de recherche transversales et surtout nouer des collaborations, avec comme objectif de porter des projets de recherche plus ambitieux dans un second temps.

Quand on parle d’évaluation d’efficacité des politiques pénales ou des politiques publiques, on cherche à établir un lien de causalité entre l’action publique ou des programmes d’intervention et des indicateurs d’efficacité qui vont dépendre des objectifs que vise l’action publique ou que visent les programmes d’intervention. Ça peut être des indicateurs de récidive, dans une acception juridique très restrictive ou au contraire assez large. Ça peut être des indicateurs de changement en matière de cognition antisociale, d’impulsivité, de motivation au changement ou n’importe quel autre indicateur de réinsertion sociale à partir du moment où c’est un indicateur valide et fiable de l’objectif visé par l’action publique. Tout l’enjeu de la démarche d’évaluation d’efficacité est de réduire ce qu’on appelle l’ambiguïté causale et s’assurer que les changements observés ou que les effets observés sont attribuables à l’intervention des professionnels ou l’action publique. Pour un certain nombre de chercheurs en SHS, l’approche expérimentale est considérée comme la méthode la plus robuste, notamment parce qu’elle va s’attacher à un contrôle relativement strict des conditions de recherche. Elle va porter un intérêt particulier à la constitution d’un groupe contrôle ou d’un groupe témoin en fonction de si on est dans une approche expérimentale ou quasi-expérimentale. L’ensemble de ces précautions permettent de contrôler ce qu’on appelle des menaces à la validité en matière d’interprétation des résultats ou de généralisation des résultats d’une recherche. C’est plutôt le pendant positif de l’approche expérimentale ou quasi-expérimentale. Il y a quand même des questions quant à la pertinence ou aux limites d’une telle approche dans un contexte d’intervention psychosociale ou de prévention de la récidive parce que ça va notamment poser des questions sur le plan éthique, notamment avec l’attention que porte l’approche expérimentale à ce qu’on appelle de la randomisation, la répartition aléatoire d’individus qui bénéficieraient de l’action publique et d’autres qui ne bénéficieraient pas de l’action publique, du moins pas dans un premier temps. Et également sur le plan pratique, est-ce que les approches expérimentales qui sont propres à des démarches médicales ou des recherches en laboratoire sont totalement adaptées pour rendre compte de l’action publique ? Et il y a un dernier élément qui est le danger de l’approche expérimentale de ne restreindre l’action publique qu’à des effets en termes d’efficacité, là où on doit pouvoir saisir une action publique, un programme d’intervention dans l’ensemble des effets produits, pas simplement en termes d’efficacité, mais également sur le déploiement, la mise en œuvre, les conditions favorables, les freins, les leviers, qu’on va interroger davantage avec d’autres approches, qu’un seul intérêt porté sur les faits ou un changement sur un seul indicateur.

Forcément, quand on parle de prévention de la récidive ou de réinsertion sociale, on n’est pas juste sur une problématique d’universitaire, on a besoin d’un ensemble d’acteurs. On a besoin de chercheurs, d’enseignants-chercheurs pour porter ou apporter une forme de rationalité scientifique, mais également pour avoir une distance nécessaire avec un objet qui a une très forte connotation politique, médiatique, parfois avec une forte valence émotionnelle en fonction de la nature des faits divers qui sont rapportés notamment dans les médias ou qui sont repris par le discours politique. On a également besoin d’acteurs politiques sur ces questions-là qui ont aussi leur propre rationalité, qu’on doit pouvoir interroger sans a priori pour la comprendre et engager un discours, un échange. On a aussi besoin des acteurs de la société civile parce que ce sont des acteurs qui vont aussi porter cette action publique au regard des actions que les acteurs de la société civile vont porter, parfois en permettant à la fois d’éclairer le travail des chercheurs, mais également l’action des politiques avec, à certains égards, une certaine marge de liberté que peuvent ne pas toujours avoir des acteurs institutionnels ou des administrations, avec des intérêts et des limites, mais vraiment l’idée de pouvoir discuter ces trois grands groupes d’acteurs autour de la thématique. Et pour la question des jeunes chercheurs, c’est un lieu commun, les jeunes chercheurs sont les chercheurs de demain. C’est important de leur permettre de nouer et de créer des relations dans le cadre d’un réseau qui va pouvoir leur servir à moyen et plus long terme. Également, il y a une vraie volonté qui, je pense, est partagée par l’ensemble des membres du réseau, et qui est de pouvoir travailler sur une problématique de manière interdisciplinaire et pluridisciplinaire, ce que la littérature anglo-saxonne appelle le team science, qui est assurément la recherche d’aujourd’hui et la recherche de demain, en particulier en SHS, qui a quand même un historique d’avoir un regard trop monodisciplinaire sur des objets et qui a pu avoir du mal à penser la transversalité qu’on essaye de mettre en avant dans ce réseau-là et auquel on essaye d’exposer les jeunes chercheurs.

On dit souvent que les criminologues ont le malheur de savoir ce qu’il ne faut pas faire en matière de prévention de la récidive ou plus généralement de prévention de la délinquance, de ne pas être écoutés ou ne pas être suivis par l’acteur politique. C’est peut-être encore plus vrai en matière de prévention de la récidive ou de réinsertion sociale où on a un travail assez important à faire de déconstruction d’un certain nombre de mythes, notamment auprès du grand public, sur l’efficacité supposée des approches punitives. On a un peu plus de 40 ans de recherche qui font la démonstration relativement claire que plus de prison n’amène pas moins de délinquance. Autrement dit, mettre les gens en prison pour des durées plus longues ou favoriser l’incarcération pour des courtes peines ne va pas favoriser la réinsertion sociale. Ça va avoir des coûts supplémentaires pour la société, des coûts financiers, mais également des coûts humains et sociaux en ne permettant pas de réduire la récidive qui, à nouveau, est une des missions de l’action publique. Au travers de l’ensemble de ces actions de vulgarisation, on va s’efforcer d’expliquer, de répéter, de diffuser pourquoi, lorsque c’est possible, il faut favoriser les alternatives à l’incarcération. Ce que peut nous apprendre la recherche en criminologie, mais pas que, sur cette problématique éminemment importante, qui est souvent restreinte à une réaction émotionnelle qui s’explique par les faits divers auxquels tout un chacun peut être exposé, ce sont des réactions humaines totalement compréhensibles qui vont avoir tendance à invisibiliser des résultats de recherche extrêmement robustes et qui peuvent servir à accompagner des politiques publiques sur une problématique aussi importante que celle de la réinsertion sociale.

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