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Langue :
Français
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Université Paul Verlaine - Metz (UPV-M) (Production), Claude ROCHETTE (Réalisation), L'Université Numérique des Humanités (Production), Olgierd Kuty (Intervention), Jean-Marc Leveratto (Intervention)
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Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/gp4f-xs60
Citer cette ressource :
Olgierd Kuty, Jean-Marc Leveratto. Canal Socio. (2010, 20 avril). La négociation contemporaine. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/gp4f-xs60. (Consultée le 2 juin 2024)

La négociation contemporaine

Réalisation : 20 avril 2010 - Mise en ligne : 28 mai 2010
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Descriptif

Cinquième partie de l'Essentiel "Eléments pour une rencontre de la Sociologie et de l'Economie" qui fait suite à la Grande Leçon "La sociologie peut-elle aider à comprendre l'économie ? - La négociation".

Les auteurs vous proposent de rencontrer Olgierd Kuty, Jean-François Orianne et Christophe Dubois, tous trois sociologues, pour aborder la question de la négociation contemporaine, au moment même où il est question de souffrance au travail, de stress, de violence au travail, de licenciements massifs ou d'exclusion.

L'analyse de la négociation contemporaine (depuis les années 1980), appelée aussi post-fordiste ou post-taylorienne, révèle une tension entre deux pôles microsociologiques : négociation contrainte d'un part, coproduction normative (négociation des valeurs) d'autre part, qui révèlent deux états de la régulation autonome. Elle succède à la négociation des Trente Glorieuses (1945-1975), celle des arrangements stratégiques clandestins, que les concepts de Crozier ont aidé à comprendre comme tournant autour d'une règle taylorienne. Aujourd'hui il faut approfondir davantage l'analyse dans deux directions : tout d'abord, le niveau institutionnel (méso) et son articulation au niveau micro; ensuite le monde des acteurs de la régulation de contrôle et la complexité de leurs relations internes, face à la régulation autonome.

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Nota bene

Le texte qui suit est extrait de l’article « Les Formes d’organisation du travail dans les pays de l’Union Européenne » d’Edward Lorenz et Antoine Valeyre, que vous trouverez dans son intégralité ici.

« […] 1.2. Une typologie des formes d’organisation du travail en quatre classes

Les clivages mis en évidence par l’analyse des correspondances multiples se retrouvent, dans une très large mesure, dans la classification ascendante hiérarchique des salariés en fonction des variables d’organisation du travail. Cette classification permet d’établir une typologie des formes d’organisation du travail en quatre classes :

- les organisations « apprenantes » ;
- les organisations en lean production ;
- les organisations tayloriennes ;
- les organisations de structure simple.

Ces quatre classes se différencient principalement selon les deux dimensions les plus structurantes de l’analyse des correspondances multiples : d’une part, l’opposition entre les variables d’autonomie procédurale et de contenu cognitif du travail et les variables de contraintes de rythme de travail et, d’autre part, l’importance ou non accordée au travail en équipe, à la rotation des tâches et à la gestion de la qualité (cf. tableau 1).

Les organisations « apprenantes »

La première classe regroupe 39 % des salariés (9). Elle se caractérise par une sur-représentation des variables d’autonomie procédurale et de contenu cognitif du travail (apprentissage dans le travail, résolution de problèmes, complexité des tâches) et, dans une moindre mesure, des variables de gestion de la qualité (autocontrôle et normes précises), et par une sous-représentation des variables de contraintes de rythme, de monotonie et de répétitivité du travail. Elle constitue une classe d’organisations « apprenantes » du travail qui s’apparente au modèle sociotechnique suédois. Ce modèle est fondé sur le principe d’équipes autonomes de travail qui s’auto-organisent pour réaliser les objectifs établis avec la hiérarchie et dont les membres sont polyvalents sur l’ensemble des tâches des équipes. En rupture avec la conception taylorienne de division des tâches, il donne une plus grande intelligibilité au travail, ce qui conduit Freyssenet (1995) à le définir comme un modèle de « production réflexive ». Cette classe d’organisations « apprenantes » se rattache également au modèle de « travail en équipes autonomes à l’américaine » (Appelbaum, Batt, 1994) qui combine les principes du système sociotechnique suédois et ceux du management de la qualité. Relevons que cette classification conduit à des résultats surprenants : le travail en équipe ne constitue pas un élément caractéristique de cette classe d’organisation du travail et la rotation des tâches y est plutôt peu répandue. Ces résultats invitent à s’interroger sur l’accent, mis dans de nombreux travaux (10), sur l’importance des pratiques de travail en équipe et de polyvalence pour le développement des dynamiques d’apprentissage, d’initiative et d’amélioration continue dans le travail (11).

Les organisations en lean production

La seconde classe regroupe 28 % des salariés. Les pratiques de travail en équipe et de rotation des tâches et le management de la qualité (autocontrôle de la qualité et normes de qualité précises) y sont particulièrement développées. Simultanément, les salariés se voient imposer des contraintes de rythme de travail particulièrement lourdes et exécutent des tâches souvent répétitives et monotones. Si, comme dans les organisations « apprenantes », ils sont souvent confrontés à des situations d’apprentissage et de résolution de problèmes imprévus, ils bénéficient en revanche de bien moindres marges d’autonomie dans leur travail. Cette classe correspond au modèle d’organisation en lean production (MacDuffie, Krafcik, 1992 ; Womack, Jones, Roos, 1990) qui se caractérise classiquement par la polyvalence, le travail de groupe, la production en flux tendus et le management de la qualité totale. L’autonomie procédurale modérée des salariés de cette classe s’exerce sous de fortes contraintes de rythme et de respect de normes quantitatives de production et de normes de qualité précises. Elle procède donc des formes d’organisation en « autonomie contrôlée » (Appay, 1993 ; Coutrot, 1998). C’est dans cette classe que les contraintes de rythme de travail sont les plus élevées. On retrouve ainsi à échelle européenne le résultat selon lequel l’intensification du travail est particulièrement importante dans les organisations où se sont diffusés les systèmes de production en flux tendus (Valeyre [a] et [b], à paraître).

Les organisations tayloriennes

La troisième classe, qui regroupe 14 % des salariés, s’oppose dans une large mesure à la première. Comme dans les organisations en lean production, les salariés qui la composent sont soumis à d’importantes contraintes de rythme de travail, effectuent des tâches répétitives et monotones et sont astreints à des normes de qualité précises. En revanche, leur travail présente une faible autonomie procédurale, un faible contenu cognitif et l’autocontrôle de la qualité est peu répandu. Par ailleurs, le travail en équipe et la rotation des tâches y sont légèrement supérieurs à la moyenne. Cette classe correspond aux organisations tayloriennes du travail. L’importance relative du travail en équipe et de la rotation des tâches souligne l’ampleur que prennent les formes flexibles d’organisation taylorienne du travail, que ce soit sous la forme d'un « taylorisme flexible » (Boyer, Durand, 1993) ou d'un « taylorisme assisté par ordinateur » (Cézard, Dussert, Gollac, 1992 ; Linhart, 1994).
Les organisations de structure simple
Enfin, la quatrième classe, qui regroupe 19 % des salariés, tend à s’opposer à la seconde. Elle se caractérise essentiellement par une sous-représentation de presque toutes les variables d’organisation. Le travail n’y est pas très autonome, à faible contenu cognitif, peu contraint dans ses rythmes et peu répétitif, mais relativement monotone. Le travail en équipe, la rotation des tâches et la gestion de la qualité y sont peu diffusés. Cette classe s’apparente au modèle des organisations de « structure simple » (Mintzberg, 1982) caractérisées par une faible formalisation des procédures et un mode de contrôle par supervision directe exercée sur les salariés, soit par leur supérieur hiérarchique, soit par leur patron dans les petites entreprises. […] »
Lorenz E., Valeyre A., (2004), « Les formes d'organisation du travail dans les pays de l'Union européenne », Document de travail, n° 32, Centre d'Etude de l'emploi, pp. 10-14.

Notes de bas de page

9. La répartition des salariés dans les classes d’organisation du travail prend en compte la pondération des individus de l’enquête.
10. Voir notamment les travaux de Womack, John, Roos (1990), MacDuffie, Krafcik (1992) ou Osterman (1994).
11. Ces résultats peuvent aussi provenir du fait que le travail en équipe et la polyvalence sont définis de façon trop générale dans de nombreuses enquêtes. »

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