Serge Bardet, Piété et impiété chez Philon d’Alexandrie. L’une est-elle simplement le contraire de l’autre ?

Piété et impiété sont, dans un premier temps, des valeurs éthiques, qui s’opposent assez simplement : est pieux celui qui respecte l’ordre social et l’ordre hiérarchique du Créateur et des créatures ; est impie celui qui le viole ou s’y oppose. Ces valeurs peuvent avoir une valeur cosmique en déteignant sur le monde.

Mais ce sont aussi, pour le platonicien qu’était Philon, des attitudes face à la seule vraie connaissance : la connaissance de Dieu et de son Logos (plus que la conformité à sa loi). Et, en ce domaine, il y a une rupture de symétrie : toute indifférence, toute abstention du cheminement qui conduit au respect, à la reconnaissance et à la connaissance de Dieu et de sa création est en soi une impiété ; il n’y a pas besoin de transgression active.

Ainsi interprétée, la figure de Balaam (dans les Nombres), le prophète qui n’avait pas part à la parole de Dieu qui sortait pourtant de sa bouche, constitue pour Philon, à l’égal de Caligula qui voulait souiller le Temple de son propre culte, une figure originale de l’impiété au service de la puissance terrestre.