Entretien
Chapitres
Notice
Langue :
Roumain, moldave
Crédits
Université Toulouse II-Le Mirail SCPAM (Publication), Université Toulouse II-Le Mirail (Production), Bruno BASTARD (Réalisation), Gabriela Gabor (Intervention), Laura Parvu (Intervention)
Conditions d'utilisation
Tous droits réservés à l'Université Toulouse-Le Mirail et aux auteurs.
DOI : 10.60527/5jr3-9817
Citer cette ressource :
Gabriela Gabor, Laura Parvu. UT2J. (2005, 1 juin). Histoire de la mentalité roumaine : XVII et XVIIIe siècles , in Roumain. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/5jr3-9817. (Consultée le 2 juin 2024)

Histoire de la mentalité roumaine : XVII et XVIIIe siècles

Réalisation : 1 juin 2005 - Mise en ligne : 10 octobre 2007
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Descriptif

Ce film évoque quelques concepts spécifiques pour comprendre la mentalité collective et individuelle du Moyen âge roumain en Valachie dans une époque marquée par une évolution culturelle.

GénériqueAuteur : Gabriela GABORRéalisation : Bruno BASTARDTraduction-transcription : Gabriela GABOR avec la participation de Laura PARVU.

Intervention
Thème
Documentation

LE TERRITOIRE ROUMAIN DU XVIIe AU XVIIIe SIECLE : SOUS LA PRESSION DE TROIS EMPIRES
Pour bien comprendre ce que le Moyen Age roumain a représenté, il faut peut-être commencer par un bref parcours historique.
Voici, donc, une page d'histoire.
En 1683 éclata la guerre entre les autrichiens et les turcs. Ce conflit allait durer quinze ans environ. Les troupes du célèbre commandant Kara Mustafa entrèrent en Europe Centrale ayant un but bien définit: s'approprier le territoire de l'Europe de l'Ouest. Ce dont les pays de l'Europe de l'Ouest eurent peur. D'autant que, le puissant commandant avait manifesté son intention de transformer la ville de Vienne en deuxième capitale de l'Empire Ottoman, c'est-à-dire en une nouvelle capitale qui pourrait centraliser les nouvelles possessions européennes. Face à cela, les pays de l'Europe de l'Ouest ne développèrent pas le même degré d'inquiétude, les grandes puissances n'ayant jamais oublié où étaient leurs intérêts.
L'idée de prendre part à la défaite de l'Autriche aurait satisfait le roi de France, Louis XIV. La France n'eut en effet qu'un seul désir: influer sur les pays d'Europe de l'Est, mais l'Empire Ottoman s'y opposa.
En vérité, la France - un grand pouvoir militaire occidental, voire le plus remarquable à cette époque - pensa avoir les moyens de faire face aux assauts des turcs. C'est pourquoi qu'elle se cantonna à un rôle de spectateur (non impassible) devant le désastre qui allait s'abattre sur Vienne.
Pour Louis XIV, il n'y eut aucune raison d'aider son cousin, Léopold Ier, l'empereur d'Autriche. Bien au contraire, il désira sa défaite.
En février 1683, Léopold Ier signa, à Haye avec la Suède, l'Espagne et les Pays Bas, une alliance contre la France. C'est que durant toute l'année 1683, Louis XIV n'eut pas vraiment joué le rôle d'un spectateur impassible, il eut, au contraire, tenté à plusieurs reprises de faire obstacle au roi de Pologne, Jean III Sobieski, qui, à la demande inquiète d'Innocent XI, eut dû prêter main forte aux Habsbourgs.
La scène politique européenne commença alors à se disloquer. Ainsi, en janvier 1699, après le traité de paix de Karlovitz, se fit sentir le besoin d'une nouvelle carte politique, d'un nouvel équilibre de forces entre les puissances de l'Europe Centrale et de l'Europe de l'Est.
Par ailleurs, la Russie s'avança à grands pas sur le devant de la scène politique. "La question orientale" - le nom qu'on donna à ce conglomérat d'intérêts - allait naître.
La Pologne, elle aussi, tint à manifester ses fortes ambitions expansionnistes. Elle désira notamment s'emparer de la Moldavie et du Pays Roumain.
Par ailleurs, les intentions de l'Empire des Habsbourgs étaient, depuis longtemps, évidents, pour tout le monde. A son tour, la cour royale de Vienne tint à manifester les mêmes ambitions expansionnistes: en plus des autres principautés roumaines, elle manifesta un intérêt pour la Transylvanie, annexée après le traité de paix de Karlovitz.
Il faut donc considérer ces ambitions expansionnistes comme beaucoup plus importantes qu'elles ne paraissent.
En vérité, le destin du peuple roumain à cette époque, vit monter, successivement, sur le trône, à Bucarest, deux monarques qui tentèrent de comprendre le déroulement des événements. Ce qu'ils firent. Il s'agit de Serban Cantacusino et de Constantin Brancoveanu, deux monarques dont l'histoire du Pays Roumain atteste presque trente-cinq ans de règne.
Ces deux monarques comprirent très vite que le Pays Roumain devrait s'associer à l'alliance antiottomane (après les années 1683) et que cette position devrait également être celle des peuples chrétiens de la Péninsule Balkanique.
Dans cette perspective, les experts politiques de Bucarest pensaient que les tendances annexionnistes de l'Autriche ne pourraient être arrêtées qu'en faisant surgir sur la scène politique un autre pays candidat à l'hégémonie: la Russie.
Mais, en vérité, les princes de Rucarest et leurs conseillers jouèrent sur la scène politique un rôle diplomatique et politique imprévu et même dangereux. En effet, ils s'efforcèrent d'utiliser l'imminent changement de rapport de forces dans un but et à des fins précises: libérer le pays du joug turc sans que ce changement de statut entraîne un changement de monarque.
Peu à peu, la plupart des territoires roumains, notamment le Pays Roumain influèrent sur la vie politique de l'Europe de l'Est. Ce mouvement, fruit de volontés personnelles, est clairement défini, qui fit aboutir de nombreux projets concernant tant le territoire roumain que des répercussions sur les Balkans.
Sur l'importance de cette politique extérieure, l'historien Stefan Ionescu écrit:
"Serban Cantacusino et Constantin Brâncoveanu réussirent des actions politiques majeures et de remarquables manoeuvres diplomatiques qui témoignent clairement de la politique extérieure de Brâncoveanu, c'est-à-dire, d'une politique d'envergure européenne"

L'ESPRIT ROUMAIN : UN EMBLEME DE L'EPOQUE BRANCOVENIENE

LE MODELE D'HUMANITE : UN MONARQUE INSTRUIT
A partir de cette époque, l'attention se porte sur un projet précis: le développement de la culture d'imprimerie, seule capable de favoriser l'idée d'une civilisation et des comportements qui y correspondent: il s'agit de l'invention de l'école et des institutions destinées à assurer un cadre à la vie collective. On retrouve cette vision des choses dans les Préfaces des livres dont l'impression fut soutenue par Brâncoveanu lui-même, un monarque qui souhaitait voir se multiplier les louanges à l'adresse de ses qualités.
En vérité, tout cela prouve le désir clairement exprimé de Brâncoveanu: qu'on le compare à Constatin le Grand. Ainsi, on assiste parallèlement au prolongement de la tradition byzantine et à l'éloignement par rapport aux "autres" traditions: celles des Habsbougs, des Ottomans et des Phanariotes.
Dans cette perspective, l'image de la royauté paternaliste s'impose. La référence récurrente à Constantin le Grand est frappante non seulement dans les écrits, mais aussi dans le style figuratif.
Bien que à cette époque la tradition continue à manifester sa puissance, ce qui est remarquable c'est le processus d'éducation spirituelle et sociale des masses. L'image du monarque se détache clairement, notamment dans les pages des livres de sagesse.
Brâncoveanu ne voulait pas être un simple"giusto e pio", comme Dante imaginait le monarque idéal, mais "un souverain absolu" (c'est-à-dire celui qu'on pourrait qualifier de baroque). Bon gouverneur, Brâncoveanu voulut plutôt s'affirmer comme un maître de la culture et des arts, et dans cette perspective il accueillit à sa cour un grand nombre de savants (roumains et étrangers) aspirant à ce qu'on peut nommer une "littérature raffinée", différente de la "culture commune". Il en est question même d'une "République des lettres" qui fut créée par le monarque Brâncoveanu, une "république" qui fut toujours à la recherche d'une conscience de soi et d'une identité propre. Cette "république" assura le mouvement des idées, notamment grâce à ceux qui se trouvaient à la cour de Bucarest.
Les activités intellectuelles, les conceptions et les images dominantes communiquées par les livres, mais aussi la tradition orale et le langage figuratif ont contribué à la formation du modèle culturel. Chacun de ces éléments devait être structuré convenablement, et devait offrir un exemple d'humanité pour que les idéaux collectifs puissent être propagés tant dans l'espace que dans le temps. Ce modèle culturel n'apparaît pas au hasard, mais il représente une conséquence directe d'une profonde analyse de la culture écrite, des concepts clefs, mais aussi des images mentales qui dominent l'écriture, les langages figuratifs ou bien la langue parlée de l'époque.
Le modèle culturel se définit également par rapport à d'autres modèles considérés comme "étrangers" mais qui permettent de reconstruire des formes universelles.
Dans cette perspective, un homme idéal naît qui devient un modèle et qui rencontre les aspirations collectives si bien qu'au XVIIe et au XVIIIe siècles on peut parler d'un modèle culturel brâncovénien ou bien de quelques relations avec d'autres modèles dominants à cette époque-là.
A l'époque brancovéniène, en dehors des autres créations culturelles, le langage figuratif du passé s'est également vu reconstitué tant en ce qui concerne l'expression que le choix thématique et cela a eu pour conséquence immédiate l'apparition de l'école de peinture.
Le développement d'une véritable école a eu lieu non seulement à un niveau élémentaire mais aussi au niveau supérieur. L'enseignement s'y faisait en effet en roumain, mais aussi dans la langue slave (ou bien grecque) et cela a attiré beaucoup d'élèves de Balkans. En outre, cet enseignement était dominé par la pensée aristotélicienne, une pensée qui a participé à la rationalisation de la tradition et à l'apparition d'un "rationalisme" orthodoxe souvent évoqué; c'était aussi un enseignement qui ne pouvait pas rester insensible à l'esprit encyclopédique soutenu par le progrès des sciences (comme en Allemagne, par exemple) et qui tenait lieu à la métaphysique aristotélicienne.
Le livre imprimé a pris donc un essor remarquable, la plupart des livres étaient écrits en roumain mais il y avait également des textes destinés aux slaves, aux grecs et aux arabes.
Dans les imprimeries de Bucarest ou d' autres grandes villes, comme par exemple: Snagov, Buzau, Râmnic et Târgoviste, un grand nombre de correcteurs, de traducteurs et de graveurs ont créé un véritable "monde du livre" qui a été soutenu par les études philologiques. Ces "petits érudits"-aux quels se sont associées de grandes personnalités culturelles, telles: Radu Greceanu, Mitofan ou bien Théodosie- ont constitué un remarquable mouvement intellectuel.
L'éloquence déployée selon les règles de la rhétorique a connu une évolution extraordinaire; en fait les fils du monarque ont été les premiers à bénéficier des livres imprimés et des cours de rhétorique.
Les conférences organisées au palais gardèrent la tradition de la culture méditerranéenne, ce qui a eu pour conséquence immédiate l'afflux à Bucarest de nombreux savants venus de l'Ouest.
De cette effervescence, de ce débat intellectuel, on a vu se représenter une série de conceptions dont les origines sont mentionnées dans les écrits de l'époque et qui n'ont pas eu de précedents dans la culture roumaine.
Brâncoveanu s'est imposé, premièrement, par l'amour pour sa patrie, un terme qui s'est imposé et qui a été mis en valeur dès cette époque, mais qui s'est embelli aussi de significations majeures.
Outre le terme "patrie", il y a un autre mot qui s'est imposé: le mot "politia" (du grecque byzantin: "politheia") qui renvoyait au sens de "société" (groupe humain) mais aussi au sens de "bonnes manières": "une façon <<civilisée>> de penser et de se conduire".
En relation étroite avec la "politia" apparaît l'idée de "civilisation" qui signifiait, en effet, une prise de conscience de la transformation de l'être biologique en personnalité humaine.
Dans un tel contexte, où le souverain avait su construire "les bonnes moeurs", l’adversaire devenait "le tyrain"- auquel manquaient la "politia", l'amour pour la patrie et les normes civilisées de comportement.
Suivant le modèle des autres pays européens, le Pays Roumain avait toujours considéré l'éducation comme étant fonctionnelle car, à cette époque-là, elle répondait aux normes et aux attentes de la société. Pourtant, contrairement à d'autres sociétés, la société roumaine gardait une attitude précise:
L'incompréhension des niveaux spécifiques qui lui conféraient une certaine homogénéité culturelle.
Comme tous les programmes culturels, celui que Brâncoveanu proposait, avait, lui-aussi, ses côtés positifs et ses côtés négatifs. Les grandes qualités de ce programme tenaient à la peinture et à l'architecture.
Le quotidien se transforme en art grâce aux apports de la cour royale. Le côté négatif dans ce programme est dû à la structure pyramidale de la société à cette époque-là et à tout ce qu'elle suppose (en particulier, à sa vulnérabilité).

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