Chapitres
- Présentation01'42"
- Introduction03'45"
- Les premières époques géologiques12'03"
- Le site parisien19'21"
- Les constructions05'21"
- Quelques coupes géologiques14'29"
- Matériaux et carrières07'15"
- Conclusion07'00"
- Questions13'44"
Notice
Paris : origines et structures géologiques du site
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Descriptif
Je vais vous parler de l'origine de la structure géologique de Paris. Aujourd'hui la prise de conscience de l'importance de l'impact de l'homme sur l'environnement entraîne un regain d'intérêt pour la géologie. En effet, en 1950, il y avait 2,4 à 2,5 milliards d'hommes sur terre, aujourd'hui il y en a 6 milliards. Pour accompagner ce développement, il a fallu coloniser de l'espace, utiliser des terres nouvelles pour loger l'homme. Cette surface, cette terre solide est, par essence, de nature géologique. Il a fallu utiliser les ressources du sol pour nourrir l'homme. L'outil a été l'élément le plus important dans notre développement à partir du paléolithique. Il a d'abord été taillé dans le minéral, le silex entre autres. L'homme s'est abrité, a officié dans les structures que la géologie lui offrait : les grottes et abris sous roche. A partir du XIXe siècle, l'explosion industrielle des pays dits développés a reposé sur les ressources géologiques : l'énergie du charbon et du pétrole, mais aussi les matières premières, en particulier les métaux et céramiques et les matériaux de construction.
Enfin, l'histoire environnementale du XXesiècle nous rappelle, de façon parfois brutale, que nous ne pouvons pas utiliser les ressources du sol et sous-sol sans prendre en compte les impacts de l'extraction de ces ressources (séquelles des carrières et des exploitations minières dans le monde entier). Cela rejoint le concept de durabilité et de préservation de l'environnement. C'est bien dans ce cadre que s'inscrit l'histoire géologique récente du site de Paris...
Thème
Documentation
Documents pédagogiques
Texte de la 509e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 3 novembre 2003
Yves Caristan, « La géologie à Paris »
Je vais vous parler de l'origine de la structure géologique de Paris. Aujourd'hui la prise de conscience de l'importance de l'impact de l'homme sur l'environnement entraîne un regain d'intérêt pour la géologie. En effet, en 1950, il y avait 2,4 à 2,5 milliards d'hommes sur terre, aujourd'hui il y en a 6 milliards. Pour accompagner ce développement, il a fallu coloniser de l'espace, utiliser des terres nouvelles pour loger l'homme. Cette surface, cette terre solide est, par essence, de nature géologique. Il a fallu utiliser les ressources du sol pour nourrir l'homme. L'outil a été l'élément le plus important dans notre développement à partir du paléolithique. Il a d'abord été taillé dans le minéral, le silex entre autres. L'homme s'est abrité, a officié dans les structures que la géologie lui offrait : les grottes et abris sous roche. A partir du XIXe siècle, l'explosion industrielle des pays dits développés a reposé sur les ressources géologiques : l'énergie du charbon et du pétrole, mais aussi les matières premières, en particulier les métaux et céramiques et les matériaux de construction.
Enfin, l'histoire environnementale du XXesiècle nous rappelle, de façon parfois brutale, que nous ne pouvons pas utiliser les ressources du sol et sous-sol sans prendre en compte les impacts de l'extraction de ces ressources (séquelles des carrières et des exploitations minières dans le monde entier). Cela rejoint le concept de durabilité et de préservation de l'environnement. C'est bien dans ce cadre que s'inscrit l'histoire géologique récente du site de Paris.
Un globe géologiquement actif
Pour commencer, je vais prendre du recul et vous présenter une vision géologique de notre globe. J'ai enlevé les 5 000 m d'eau qui couvrent l'océan pour découvrir la structure géologique du fond des océans. C'est une structure relativement simple et homogène, constituée de roches basaltiques, noires comme celles qui ont servi à la construction de la cathédrale de Clermont-Ferrand, même si elles ne viennent pas du fond de l'océan. Elles sont jeunes. Les plus âgées ont 180 millions d'années. C'est jeune, d'un point de vue géologique, par rapport à la Terre qui a 4,5 milliards d'années. Une structure particulière se trouve aujourd'hui au milieu de l'Atlantique : la dorsale médio-atlantique. C'est une chaîne de montagne qui fait jusqu'à plus de 2 000 m d'altitude au-dessus du fond, ce qui est non négligeable par rapport aux 5 000 m de profondeur moyenne des océans.
Les continents, eux, ont une structure beaucoup plus complexe car ils sont infiniment plus vieux et ont vécu une histoire plus longue de plusieurs milliards d'années. Leur structure reflète cette histoire. Ils ont effectué à la surface du globe une sorte de ballet au cours des ères géologiques : ils se sont regroupés, puis dispersés, puis regroupés, puis dispersés. A chaque fois qu'ils se rassemblent, ils entrent en collision les uns avec les autres, et c'est l'origine de la plupart des grandes chaînes de montagnes. Le dernier grand rassemblement des continents s'est produit il y a environ 300 millions d'années, à l'époque hercynienne, ce qui n'est pas trop éloigné par rapport à l'époque actuelle. A partir de cette date, ils se sont à nouveau dispersés, comme nous allons le voir.
Les roches qui constituent le socle de l'Europe et de la France datent en grande partie de cette période hercynienne. Les chaînes de montagnes de cette époque ont été arasées par l'eau qui tombe du ciel. C'est un agent particulièrement efficace pour faire disparaître les montagnes en moins de 60 millions d'années et laisser à la place de grandes plaines. Les roches figurées en vert et jaune sont des roches sédimentaires déposées par la mer.
(Figure 3) à venir
Histoire géologique des dépôts
Mais pourquoi la mer est-elle venue ici ? Quelques séquences du passé nous éclairent :
- 100 millions d'années, période jurassique (du nom du Jura) : les continents, regroupés en un continent unique, la Pangée, commencent à éclater. Un continent, Laurasia, se forme au Nord et un au Sud, le Gondwana. Une dorsale apparaît entre eux. C'est une chaîne de montagnes sous-marines qui se forme ; du magma s'injecte à cet endroit sur le plancher océanique. Les roches sont chaudes, elles gonflent et du relief apparaît qui repousse des volumes considérables d'eau. Alors l'océan déborde sur les continents puis, progressivement, après une longue période de stagnation, se retire.
- 95 millions d'années, période milieu du crétacé (du mot craie) : cette fois c'est l'océan Atlantique qui se forme ; l'Europe et l'Amérique se séparent, puis l'Afrique et l'Amérique. C'est un ensemble gigantesque de montagnes sous-marines qui se met en place et fait monter le niveau de la mer de 200 à 300 m par rapport au niveau actuel. Les continents qui existaient antérieurement sont submergés et, en particulier, toute cette zone européenne : la France est en grande partie submergée par une mer peu profonde. Sous l'eau se trouvent les roches des périodes antérieures qui sont très différentes d'un fond océanique basaltique puisqu'elles sont granitiques et sédimentaires.
- 66 millions d'années, la fin du crétacé s'approche : l'océan Atlantique Nord se forme par rupture entre l'Amérique et l'Europe. La mise en circulation d'eaux très froides influence le climat. La température chute brutalement. Vers 65 millions d'années, une gigantesque météorite tombe sur la péninsule du Yucatan. Les dinosaures disparaissent mais les mammifères prolifèrent. L'Inde a commencé sa migration et son détachement de l'Afrique.
- 45 millions d'années, nous sommes dans l'éocène, le tertiaire : la configuration de l'Atlantique est à peu près atteinte. Par contre, l'Afrique continue sa migration et provoque un serrage avec l'Europe. La craie du Bassin Parisien est encore recouverte d'une langue d'eau peu profonde. C'est pendant cette période que se déposent les sédiments qui vont constituer le site de Paris.
- 10 millions d'années : la mer s'est complètement retirée et les sédiments qui s'étaient accumulés pendant les périodes précédentes dans une mer peu profonde sont exposés aux variations climatiques de l'atmosphère. Le serrage de l'Afrique et de l'Arabie contre l'Europe et l'Asie se poursuit, entraînant la formation de toutes les chaînes de montagnes récentes depuis les Alpes jusqu'à l'Himalaya en passant par l'Anatolie, toutes les chaînes caucasiennes. La collision au niveau des Alpes n'est pas sans répercussion sur les couches géologiques qui constituent le reste de la France : elles se plissent, l'altitude moyenne augmente, les reliefs s'intensifient. La surface des terres émergées augmente. La Manche, elle, est encore à sec.
- Enfin, la dernière période glaciaire de l'hémisphère Nord durera une centaine de milliers d'années. Les glaces ont recouvert une partie de la calotte Nord. Il y a 18 000 ans, leur extension géographique est maximale et le niveau de l'ensemble des océans est au plus bas : 120 m en dessous du niveau actuel. En effet, les eaux qui tombent du ciel ne parviennent plus à la mer de façon aussi abondante car elles sont stockées dans les glaciers qui couvrent des zones de plus en plus importantes : l'Allemagne, l'Angleterre, les Alpes, les Vosges, le Cantal. Même s'il n'est pas directement recouvert, le Bassin Parisien est affecté à la fois par le climat et par les répercussions sur l'hydrographie, en particulier au niveau de la Seine qui creuse profondément son lit dans les couches géologiques, en dégageant le site de Paris.
Revenons maintenant à la formation du socle géologique du site de Paris, à la craie, à cette mer crétacée de quelques centaines de mètres de profondeur. Le climat de cette période est chaud, les eaux sont propices à une véritable explosion de la vie. Les êtres qui y prolifèrent sont constitués d'une seule cellule, mais ils sont extrêmement nombreux et ils sécrètent chacun leur squelette calcaire. Celui-ci tombe sur le fond à la mort de l'organisme, donnant naissance à une roche très blanche et poreuse, la craie : c'est le résultat de la vie et de la mort. Sur ce socle, sur cette craie, les roches du site parisien vont se déposer durant toute la première partie de la période tertiaire et au gré des invasions successives de la mer d'abord, puis des lagunes d'eau saumâtre, et enfin de lacs d'eau douce.
Nous avons évoqué plus haut le plissement des couches géologiques sous l'effet de la formation des Alpes. Cela se traduit dans le Bassin Parisien par des forces dont la direction est perpendiculaire à un axe de plissement nord-ouest / sud-est, comme par exemple en Pays de Bray. Pour ceux qui connaissent, il y a de très belles randonnées qui permettent de découvrir les ondulations des terrains jurassique et crétacé. D'autres plis sont notables : celui de Vigny est intéressant pour le stockage de gaz. Le pli de Meudon nous intéresse particulièrement parce qu'il passe au niveau du sud de Paris. Ce pli se voit sur une coupe géologique verticale Nord Sud située au niveau nord-ouest de Paris. Il fait remonter la couche de craie, l'amène à affleurer à la surface du sol.
Lorsque l'eau s'est définitivement retirée de la surface du continent, les roches ont été exposées à l'air libre pendant des millions d'années. Elles se sont altérées. En effet, autant la mer peu profonde permet l'accumulation de sédiments et donc la fabrication de roches carbonatées, autant l'eau qui tombe du ciel (météorique) a un effet inverse. Elle altère la surface des roches et entraîne la matière carbonatée qu'elle dissout vers la mer. Pour la craie, le carbonate de calcium qui la compose s'en va, et il ne reste plus sur place en surface qu'un résidu solide d'argiles et de silex (on appelle ça les argiles à silex), très caractéristique des terrains en Haute-Normandie et Basse-Normandie. Pour les autres roches carbonatées, en particulier les roches qui se sont formées après le crétacé au tertiaire, c'est pareil, le carbonate va disparaître et la silice qui reste va être mobilisée pour former des encroûtements siliceux : ce sont les meulières bien connues dans le Bassin Parisien car elles ont servi à faire des roues pour les meules et pour la construction de nombreux bâtiments dans la région.
Au-delà de cette altération sur place des couches géologiques du Bassin Parisien, celui-ci va aussi recevoir les sédiments transportés par les fleuves et cours d'eau en provenance du Massif Central autour de - 1,6 million d'années. En effet, comme pour le calcaire, l'eau altère chimiquement la surface des massifs granitiques hercyniens du Massif Central et produit des arènes granitiques, ces granites altérés, très friables, que l'on peut voir sur les talus de bord des routes dans ces régions. Les fleuves emportent ces matériaux plus bas, dans une grande zone d'épandage du Bassin Parisien, zone d'épandage qui préfigure la vallée de la Seine. On retrouve actuellement des reliques de ces sables (dits sables de Lozère) sur toute cette zone. La vallée de la Seine va s'y former ultérieurement et y creuser son lit, en particulier durant la dernière glaciation.
Durant cette dernière glaciation, le niveau de l'océan baisse et la Seine, qui serpentait sur un plateau de calcaire altéré en surface, va commencer à s'encaisser et déposer des sédiments. Des sédiments anciens se trouvent aujourd'hui à des endroits d'altitude élevée par rapport au lit actuel (Daumesnil, Montreuil). Ils recèlent des restes d'animaux ayant vécu au moment de leur dépôt. La Seine va continuer durant ces 100 derniers milliers d'années à s'enfoncer et à déposer des sédiments.
(figure Terrasses alluviales n° 13) à venir
Une deuxième terrasse alluviale se présente sur le petit plateau de Nanterre, c'est une zone relativement limitée. Par contre, la terrasse suivante, elle, est une terrasse d'extension beaucoup plus importante et qui va couvrir quasiment tous les 15e et 16e arrondissements, Boulogne, la zone basse de Neuilly et puis toute la zone du méandre de Gennevilliers et c'est une couche tout à fait importante. Elle est riche en reste d'animaux variés : fragments de rhinocéros, d'ours, de chevaux, de bisons, de mégacéros (cervidés avec de très grands bois). Dans la couche Fxy, on a retrouvé, au niveau de l'Hôtel de Ville, des restes de rhinocéros. On a même retrouvé un mammouth quasiment entier au niveau du square de Montholon dans le 9e. Enfin, dans le bas de la rue de Rennes, de l'avenue de La Motte-Picquet, de l'avenue de Suffren, dans toute cette zone, qui est une zone alluvionnaire basse, on a retrouvé des silex taillés, des restes de mammouths. Ces couches témoignent d'une industrie « lithique » qui signe la présence de l'homme.
Finalement, la terrasse actuelle est une terrasse de comblement. Depuis 18 000 ans, le niveau de la mer est remonté et tous les fleuves qui creusaient leur lit dans les couches géologiques ont inversé leur action et se sont mis à déposer des sédiments. Au-dessus de toutes ces terrasses d'alluvions, l'homme a apporté ses propres dépôts : remblais et détritus, témoins de l'installation de l'homme et de son développement. Mais l'homme a aussi de tout temps exploité ces alluvions. Vous connaissez peut-être des noms de lieux tels que les rues des Sablons, de la Sablière ou les Tuileries qui témoignent de l'exploitation des sables et des alluvions argileuses durant des siècles.
Enlevons par l'esprit tous ces alluvions et dépôts anthropiques pour retrouver les couches géologiques situées en dessous. Sur la carte géologique, chaque couleur représente une couche géologique qui affleure en surface à l'endroit indiqué.
(Carte géologique n° 14) à venir
Le vert, dans le creux du pli de Meudon, représente la craie qui, à cet endroit, est au niveau de la surface. La Seine, en s'encaissant, a creusé dans les couches et mis à l'air la craie. On y a retrouvé des grands reptiles, des iguanodons. Avec la frontière de 65 millions d'années, qui correspond au sommet de la couche de la craie, intervient la fin des dinosaures. Au-dessus, se trouve tout un ensemble qui caractérise le mieux de nombreux quartiers de Paris. C'est ce que l'on appelle l'Eocène avec en particulier ces marnes et caillasses et les calcaires du lutétien. Ces terrains ont été utilisés par de nombreuses générations de parisiens pour faire de Paris ce qu'il est aujourd'hui. Ils affleurent sur une bande relativement continue avec, en plus sombre, le calcaire et au-dessus des marnes et caillasses, plus argileuses, moins consolidées et impropres à la construction. Au-dessus, jusqu'à 23 millions d'années, des accumulations avec une deuxième partie de calcaire et de sables, en particulier le calcaire de Saint Ouen car c'est là qu'on l'a décrit. Enfin, au-dessus encore, se trouvent des sables, mais surtout des grandes masses de gypse avec des intercalations de marnes.
L'exploitation des ressources géologiques
La craie qui affleure au niveau des falaises de Meudon, dans le méandre de la Seine, était exploitée en carrières, en particulier pour donner à la peinture blanche sa qualité et son blanc, ce que l'on appelle le blanc de Meudon. Ces carrières ne sont plus exploitées, mais la craie est toujours extraite de carrières en dehors de la zone parisienne. En effet, les minéraux ont un rôle absolument capital dans l'ensemble des matériaux que l'homme moderne utilise. Ils leur donnent leur couleur, ils servent de charge aux cosmétiques, aux dentifrices, aux matières plastiques, au papier. C'est une utilisation souvent méconnue.
Le calcaire grossier lutétien a été intensément utilisé pour la construction du Paris antique et médiéval. Son origine est aussi liée à la sécrétion de micro-organismes formés d'une seule cellule, les millioles. Et enfin, dans ces mers relativement chaudes de l'Eocène, se développaient aussi des gastéropodes, en particulier des cérithes. C'est un fossile caractéristique que l'on identifie bien dans les murs des bâtiments de Paris construits à l'aide de ce calcaire.
La topographie du site de Paris met en évidence la présence d'un ancien lit de la Seine qui doublait le lit actuel, alimenté accessoirement par un ru qui venait du Mesnilmontant, et passait vers ce qui est aujourd'hui le pied de la gare St Lazare, derrière l'Opéra, pour arriver ici au pont de l'Alma. Le site de Paris s'est construit d'abord à partir de la zone émergée située entre les deux bras. Les constructions y ont été d'abord gallo-romaines, arènes de Lutèce, thermes de Cluny avec bien entendu du calcaire que l'on venait chercher sur des zones sur la rive sud où il affleurait à flanc de coteaux. Pourquoi affleurait-il à flanc de coteaux ? Très visible dans la topographie, la géomorphologie de la zone au sud du fleuve montre le tracé de l'ancienne Bièvre. La Bièvre en creusant son lit a dégagé à flanc de coteaux le calcaire grossier que les premiers lutétiens vont pouvoir exploiter à ciel ouvert. L'étage géologique a été d'ailleurs baptisé par les géologues du nom de ces premiers habitants : l'étage Lutétien. A partir du IVe siècle, le christianisme se développe et, avec lui, les premières églises en pierre dont on retrouve les restes et fondations parfois sous les grandes cathédrale. Le calcaire lutétien est encore utilisé. Arrive la période des XIe et XIIe siècles, le règne de Philippe Auguste où le royaume de France va s'accroître. On lutte contre les Anglais, les Plantagenêts. Une enceinte est construite autour de Paris pour sa protection, toujours en utilisant les mêmes calcaires grossiers lutétiens. Cette enceinte passe par la Montagne Sainte Geneviève où elle est encore visible aujourd'hui. La zone protégée est encore restreinte ; le mur est épais de 3 m et haut de 10. Les fondations des tours en calcaire grossier lutétien ont été retrouvées au moment de la création du grand Louvre. Et puis, c'est aussi le siècle des cathédrales. On construit Notre Dame de Paris en calcaire grossier lutétien, avec de très belles pièces, en particulier sa façade et les énormes piliers de la nef qui soutiennent la voûte.
Aux XVIe et XVIIe siècles, les autorités s'aperçoivent que le développement de Paris s'est fait de façon non durable : les carrières souterraines qui se sont développées dans les siècles antérieurs créent maintenant bien du souci par les effondrements de surface qu'elles provoquent et la difficulté à construire des édifices stables sur ces zones. Cependant, tout un ensemble d'églises, de bâtiments prestigieux voit le jour, comme le Val de Grâce, Saint Eustache, Saint Germain l'Auxerrois. Mansart a beaucoup souffert de l'instabilité du sous-sol lorsqu'il a construit le Val de Grâce et cela lui a coûté fort cher. Comme il est trop dangereux de continuer à tirer la pierre du sous-sol de Paris même, on va la chercher dans les communes autour de Paris, à Bagneux, Saint Cloud, Vitry, Arcueil, Clamart, mais toujours dans le même type de couche géologique. A la fin du XVIIIe siècle, les problèmes d'effondrements de surface liés aux carrières souterraines sont tels qu'est créée en 1777 l'Inspection Générale des Carrières.
Au XIXe siècle, on va continuer à utiliser ce calcaire grossier toujours provenant de l'extérieur de Paris. Mais, avec l'apparition de voies fluviales plus développées, des transports par chemin de fer, les matériaux peuvent provenir de plus loin. Ce sont parfois des calcaires différents : le calcaire de Bourgogne, le calcaire de Lorraine toujours en exploitation sont utilisés de nos jours tout comme le calcaire grossier lutétien extrait aujourd'hui dans la vallée de l'Oise (SaintVaastlèsMello).
Un survol de Paris
Je voudrais vous convier maintenant à un survol de Paris, toujours sans alluvions, afin de mieux en voir la géologie. Un forage au niveau d'Auteuil révèle la séquence suivante : la craie à la base, un conglomérat, qui est une sorte de roche consolidée avec différents éléments venant d'ailleurs, et enfin, presque en surface, les argiles plastiques qui vont être utilisées elles aussi pour la construction et les toits de Paris. Enfin, le tout est recouvert par les fameuses alluvions mentionnées plus haut.
Déplaçons-nous sur les grands axes du 15e arrondissement : nous allons passer de la craie du crétacé proche de Seine vers les argiles plastiques le long du boulevard Victor, la porte de Versailles. Tout le monde connaît la remontée du boulevard Lefebvre. On y passe des argiles à la surface supérieure de la couche de calcaire lutétien qui s'étend jusqu'au 5e. Un forage, porte de Versailles, nous révèle la craie à la base, les conglomérats, puis ces argiles plastiques qui ont été exploitées en carrière à ciel ouvert à cet endroit jusqu'au début du XXe siècle, pour faire des briques, des tuiles au-dessus du remblai. L'argile est un matériau aussi important que la pierre car moins cher et demandant beaucoup moins de travail que la pierre. Ce type d'exploitation est encore en production dans la région de Provins.
Continuons plus à l'Est, sur le plateau lutétien des 14e, 13e et 5e arrondissements : c'est sur cette zone que le calcaire grossier a été le plus exploité, de façon intensive, en carrières souterraines. Au sommet de cette couche, au niveau du Panthéon, on retrouve un mince reliquat de la couche immédiatement supérieure, les sables de Beauchamp et le calcaire de Saint Ouen.
C'est ce dernier, d'ailleurs, qui constitue certaines hauteurs de la rive droite. On y reviendra. Le creux du vallon Corvisard-Glacière correspond au creux de la Bièvre. Le boulevard des Gobelins tout comme la rue Claude-Bernard descendent, chacun de leur côté, le flanc des calcaires grossiers lutétiens et des marnes et caillasses vers la vallée de la Bièvre. Un forage, rue Soufflot, au sommet de la topographie, met en évidence l'épaisseur du calcaire grossier et, au-dessus, les marnes et caillasses. Lorsqu'il s'est agi de faire passer le métro en souterrain dans ces zones, les ingénieurs ont choisi de réaliser le tracé dans les marnes et caillasses. Les carrières souterraines du banc de calcaire grossier n'auraient pas été propices à la réalisation des travaux. Entre Denfert-Rochereau et Place d'Italie, la ligne de Métro sort en aérien de la couche des marnes et caillasse pour enjamber la vallée de la Bièvre et redevient souterraine de l'autre côté de la vallée, toujours dans la même couche géologique. Enfin, mentionnons aussi la Tour Montparnasse, dont les fondations sur pieux viennent s'ancrer solidement à 60 m de profondeur dans la couche de craie du crétacé après avoir traversé toutes les couches citées ci-dessus.
Passons au Nord de Paris, dans la zone Montmartre, Ménilmontant, Belleville. Toutes les couches qui donnent son relief à cette zone sont absentes du sud de Paris. Le gypse y est omniprésent. Il a été fortement exploité dans les temps passés pour fabriquer du plâtre de Paris, envoyé depuis plusieurs siècles jusqu'aux Etats Unis. Il était aussi utilisé dès la Lutèce ancienne. Son exploitation s'est faite en carrières à ciel ouvert ou souterraines dans toutes les buttes du nord de Paris. Ceci est très préjudiciable à la stabilité de terrains. Certaines carrières à ciel ouvert ont été reconverties en parc ; c'est le cas du parc des Buttes Chaumont. Enfin, au-dessus, se trouvent des couches de marnes qui retiennent les eaux. Il s'y développe des nappes phréatiques perchées, rechargées par les eaux de pluie, et qui alimentent toutes les sources historiquement exploitées des collines de Ménilmontant, Belleville et Montmartre. Un forage à la porte des Lilas nous permet de retrouver le calcaire de Saint Ouen à la base, calcaire très résistant et au-dessus, en alternance, les masses de gypse et de marnes. Au niveau de Montmartre, les masses gypseuses sont ici très importantes. Elles ont aussi un intérêt paléontologique et c'est là que Cuvier a retrouvé des restes de mammifères d'un grand intérêt pour l'anatomie comparée. Aujourd'hui, l'exploitation du gypse est arrêtée sur Paris, mais se continue toujours à CormeillesenParisis : on fabrique toujours du plâtre, on utilise toujours du plâtre dans la construction, et la France en exporte toujours.
Passons au 17e arrondissement, c'est le plateau des sables de Beauchamp surmontés du calcaire dit de Saint Ouen qui constitue l'ossature géologique de cette zone, tout comme le calcaire grossier lutétien et les marnes et caillasses constituent celle du sud de Paris. On identifie dans ce survol la tranchée des Batignolles qui permet aux voies ferrées d'arriver à la gare Saint Lazare. Elle est creusée dans le calcaire de Saint Ouen, mais celui-ci est parcouru de nombreuses intercalations de gypse, parfois dissous, avec des cavités néfastes à la stabilité des terrains. La place du Havre, au pied de la Gare Saint Lazare, est constituée d'accumulation de remblais anthropiques et d'alluvions témoignant de l'ancienne présence de la Seine. Au niveau de Saint Augustin, la première partie du boulevard Malesherbes est relativement plate, constituée d'alluvions et de remblais. Elle correspond à l'ancien lit de la Seine puis le boulevard monte : cette côte est due essentiellement à la couche géologique du lutétien, puis du calcaire des sables de Beauchamp et du calcaire de Saint Ouen. Un forage au niveau du cimetière de Montmartre montre qu'il n'y a déjà plus de gypse au pied de la butte mais des remblais puis, immédiatement en dessous, le calcaire de Saint Ouen.
La Place de l'Etoile constitue le point le plus haut du 16e arrondissement. Comme pour la zone du Panthéon, la surface est recouverte à certains endroits d'un très mince reliquat du calcaire de Saint Ouen. Un forage à cet endroit révèle la présence, à la base, du calcaire grossier lutétien où se trouvent les collecteurs et égouts, puis au-dessus les marnes et caillasses, comme dans le sud de Paris. C'est dans ces couches qu'a été construite la gare RER Charles-de-Gaulle Etoile. Puis, proches de la surface, se trouvent les sables dits de Beauchamp, où passent les lignes de métro. Tout comme le boulevard Malesherbes dans le 17e arrondissement, le début de l'avenue des Champs-Elysées, au départ de la Place de la Concorde, est plat puis monte légèrement. C'est, là aussi, la trace de l'ancien lit de la Seine. La pente s'accentue à partir du carrefour des Champs-Elysées pour monter sur la plate-forme des marnes et caillasses et des sables de Beauchamp. Le parc du Trocadéro est une ancienne carrière dans le calcaire grossier. Un forage au niveau du palais de Tokyo témoigne bien du fait que le lit de la Seine se trouvait par le passé à une altitude beaucoup plus élevée qu'actuellement. Avant qu'elle n'ait complètement creusé son lit, elle a déposé ici dans cette zone environ onze mètres d'épaisseur d'alluvions. C'est la zone où l'ancien bras rejoint le bras actuel.
L'eau du sous-sol de Paris
Les alluvions qui sont déposées sur l'ensemble du site, en particulier dans l'ancien lit de la Seine, sont plutôt perméables ; l'eau est donc un élément absolument capital du sous-sol de Paris. Les nappes sont retenues dans les différentes strates par les couches argileuses, et occasionnent souvent des difficultés lors de travaux de construction ou de consolidation. Lorsque le niveau de la Seine monte, l'eau pénètre dans les alluvions et provoque la montée de la nappe alluviale dans les zones situées autour des rives. C'est ce qui s'est passé pour la crue de 1910 où, même si l'eau n'est pas arrivée en surface sur l'ensemble des zones basses de Paris, d'innombrables caves dans ces zones ont été inondées, en particulier dans tous les quartiers construits sur l'ancien bras du fleuve. Le niveau de la nappe phréatique peut aussi évoluer lors de travaux souterrains. Ainsi, la construction du métro Eole a nécessité de pomper dans un premier temps dans la nappe phréatique pour pouvoir réaliser les travaux souterrains, puis, à la fin du pompage, la nappe est revenue à son niveau naturel. Les interférogrammes réalisés à partir des observations faites par des radars embarqués sur des satellites ont permis de suivre l'évolution de l'altitude des terrains au pied de la gare St Lazare, au niveau de l'ancien méandre de la Seine. La surface du sol s'est d'abord tassée avec le pompage de l'eau, puis est remontée avec le retour de la nappe phréatique à son niveau normal. Le niveau des terrains en surface évolue donc dans le même sens que la nappe.
Beaucoup plus profondément sous Paris, à la base des couches du crétacé, il y a de l'eau sous forme d'une nappe ancienne et très profonde : c'est la nappe de l'étage Albien. Cette eau est une réserve stratégique pour la consommation des habitants de Paris et la région parisienne. On la préserve à la fois de l'exploitation et de la pollution. Il existe quelques forages profonds dans Paris, mais les autorités de l'Etat ont en charge leur préservation.
Les besoins actuels en matériaux de Paris
Concernant les carrières et les matériaux de construction, revenons sur la période contemporaine. Les besoins en matériaux de construction sont encore aujourd'hui très importants. Le développement de nos sociétés continue à se faire en utilisant le minéral, et les volumes qui sont remués sont considérables. Mais on ne les remue plus sous Paris. Considérons quelques ordres de grandeur. L'érosion éolienne, c'est-à-dire les sables, débris très fins transportés par le vent annuellement, est de l'ordre d'un milliard de tonnes. L'érosion due aux glaciers, les moraines des glaciers qui rabotent le fond des vallées glaciaires, représentent 4,3 milliards de tonnes. L'édification des chaînes de montagnes, - c'est de la matière qui vient en surface -, représente 14 milliards de tonnes annuellement sur le globe. Les émissions volcaniques, y compris les dorsales sous-marines dont j'ai parlé, représentent 30 milliards de tonnes, les activités humaines entre 40 et 45 milliards de tonnes, soit environ 6 tonnes par personne et par an. C'est absolument considérable si l'on prend en compte que le volume n'est pas réparti de façon identique entre les individus sur la planète (on peut multiplier par 5 ou 6 pour ce qui concerne nos pays développés). Pour ceux qui font du jardinage et qui ont déjà eu à remuer une tonne de terre, ils peuvent se représenter en terme d'énergie nécessaire la masse de matériaux remuée annuellement pour la vie d'une famille de trois enfants ! Pour terminer, l'érosion des montagnes par l'eau qui tombe du ciel déplace environ 53 milliards de tonnes.
Nos ancêtres ont creusé sous leurs pieds, dans le site de Paris, pour satisfaire les besoins en matériaux de construction. Mais, aujourd'hui, le besoin en matériaux de construction est toujours important. Pour ce qui concerne Paris, on considère que rien que le tonnage de granulats nécessaires pour faire les bétons, les remblais, etc., c'est 12,5 millions de tonnes par an. C'est considérable. Bien évidemment, on ne peut plus les extraire du lit de la rivière. Il faut aller les chercher quelque part. Les chercher d'abord dans la grande couronne (66 %) mais les contraintes environnementales sont telles que bientôt cette source va, elle aussi, se tarir. Alors, il faudra aller les chercher plus loin, très probablement dans l'océan, sur les pentes du plateau continental, en particulier le long des côtes normandes, en minimisant l'impact environnemental. On peut utiliser aussi des calcaires durs, extraits de carrières, les concasser, les broyer pour en faire des granulats, ce qui évidemment consomme de l'énergie. Il faut aussi les transporter. A priori, dans la situation actuelle, le rail n'est pas suffisant, la route non plus parce ce qu'il faudrait des norias de camions. Enfin, les rivières et canaux sont déjà très utiles, mais sont-ils suffisants ? Cette problématique n'est pas une problématique de Paris, ni même une problématique de la France ou de l'Europe, c'est une problématique mondiale mais largement méconnue du grand public.
La chaleur du sous-sol parisien
Parlons enfin de l'énergie existant dans le sous-sol parisien. Je n'évoquerai pas les recherches faites par les compagnies pétrolières pour trouver du pétrole sous Paris qui n'ont débouché sur aucune exploitation, mais plutôt de l'énergie géothermique. Elle a été développée dans la région parisienne en utilisant l'eau de nappes situées dans l'étage géologique du Dogger, à des profondeurs de l'ordre de 1 600 à 1 900 mètres, et dont la température est de l'ordre de 56° C. Actuellement, il y a 29 installations en fonctionnement, 138 000 équivalents logements chauffés, une économie de 340 000 tonnes de gaz carbonique non envoyé dans l'atmosphère. A Paris, cette géothermie profonde est très peu utilisée. Seule la Maison de la Radio et la Tour des AGF au Pont Mirabeau utilisent cette technique. Par contre, d'autres bâtiments à Paris et à La Défense utilisent des techniques moins lourdes : ils sont équipés de pompes à chaleur. Les pompes à chaleur peuvent fonctionner même sur la nappe alluviale car il suffit de quelques degrés de différence entre l'extérieur et l'eau. Elles extraient du sous-sol les calories pendant l'hiver et peuvent extraire les frigories pendant l'été, avec des émissions de CO2 quasi nulles. Si un équivalent de la Tour Montparnasse devait être construit aujourd'hui, chacun de ses piliers de fondation pourrait être équipé d'échangeurs thermiques pour stocker la chaleur en été dans le sous-sol tout en réfrigérant le bâtiment et la prélever en hiver pour le chauffer. Mais, malheureusement, ce type d'équipement n'est pas assez généralisé à Paris. Voilà une nouvelle utilisation du sous-sol de Paris qui pourrait être développée dans le cadre d'une politique énergétique responsable.
Note
Je remercie particulièrement Denis Vaslet, Denis Bonnefoy et Michel Richard du Service " Connaissance et diffusion de l'information géologique " du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (brgm) pour leur aide dans la constitution de cet exposé.
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