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Date de réalisation
Lieu de réalisation

FMSH

Langue :
Français
Crédits
Marco Revelli (Intervention)
Détenteur des droits
©FMSH2022
Citer cette ressource :
Marco Revelli. FMSH. (2022, 29 juin). Intervention de Marco Revelli - Journée d'étude Nuto Revelli 4e partie , in Journée d'étude Nuto Revelli - L'œuvre et la méthode de Nuto Revelli parmi les récolteurs de récits. [Podcast]. Canal-U. https://www.canal-u.tv/132460. (Consultée le 14 juin 2024)

Intervention de Marco Revelli - Journée d'étude Nuto Revelli 4e partie

Réalisation : 29 juin 2022 - Mise en ligne : 20 septembre 2022
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Descriptif

Dans le cadre du programme de manifestations à Paris organisé par la Fondation Nuto Revelli à l'occasion du centenaire de Nuto Revelli, la FMSH accueille une journée d'étude autour de Nuto Revelli, écrivain italien du XXe siècle et l'une des figures majeures de la Résistance italienne pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

4e partie : 

Marco Revelli : Nuto Revelli officier. D’officier sur le front russe à commandant partisan

Jean-Louis Panicacci: mes rencontres avec Nuto Revelli (1974-1990) (en document joint)

Intervention
Thème
Documentation

MES RENCONTRES AVEC NUTO REVELLI (1974-1990)

J’ai rencontré pour la première fois Nuto Revelli à la Faculté des Lettres de Nice le 22 juin 1974 à l’occasion d’un colloque sur la La libération des Alpes-Maritimes organisé par le Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine comme par les deux correspondants départementaux du Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Il faisait partie de la délégation de l’Istituto storico della Resistenza di Cuneo, conduite par le directeur Roberto Oreggia et dont l’intervenant était l’avocat Faustino Dalmazzo, ancien commissaire politique de la 1ere division alpine Giustizia e Libertà. Il se montra alors relativement discret bien qu’il eût combattu dans les Alpes-Maritimes de la fin août 1944 au début avril 1945 avec deux événements marquants (la mort de son beau-frère Giuseppe Scagliosi lors d’une patrouille au col de Turini le 19 septembre 1944 puis son grave accident de moto à Belvédère quelques jours plus tard, dont il ressortit partiellement défiguré). Je pris contact avec lui dans la perspective de la collecte des témoignages oraux indispensables pour étoffer mes sources dans la préparation de ma thèse d’Etat consacrée aux Alpes-Maritimes de 1939 à 1945.

Ma seconde rencontre intervint lors du colloque de Cuneo des 3 et 4 novembre 1976 consacré à la désagrégation de la 4e armée italienne (8 settembre. Lo sfacelo della IV Armata) où, contrairement à moi, il ne présentait pas de communication mais faisait partie des intervenants. Il fit une intervention remarquée à l’occasion de laquelle il égratigna le chef de l’Ufficio storico dello Stato maggiore dell’esercito (le colonel des Alpini Rinaldo Cruccu) coupable à ses yeux de trop protéger les généraux Vercellino (commandant à Menton de la grande unité ayant occupé le sud-est de la France) et Operti (intendant résidant à Beaulieu et financeur théorique de la Résistance piémontaise), voire d’évoquer des faits de résistance d’unités de la division Emanuele Filiberto Testa di Ferro non confirmés par des témoins locaux de la province de Turin. J’avais alors apprécié la courtoisie avec laquelle il avait émis des observations pertinentes mais dérangeantes pour le politiquement correct.

Ma troisième rencontre eut encore lieu à Cuneo lors du colloque Italiani in Russia 1941-1943 que je couvrais pour le Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale du 19 au 21 novembre 1979. Là encore, il ne présentait pas de communication mais faisait partie des intervenants lors du débat final. Il polémiqua avec le général Cruccu, coupable à ses yeux de donner une version des faits trop idéalisée mais l’ancien officier de la division alpine Julia s’emporta, argumentant avec véhémence contre l’intervention lénifiante du chef du service historique de l’Armée de Terre. Je compris que cet emportement n’était pas qu’une querelle exacerbée d’experts mais aussi une façon de rendre hommage à ses camarades de combat disparus au cours de la retraite du Don, épisode qu’il avait évoqué dans son ouvrage célèbre La guerra dei poveri.

Je rencontrai ensuite Nuto à diverses reprises, au cours des années 1980, au siège de l’Istituto storico della Resistenza, alors situé au dernier étage du bâtiment de la province de Cuneo, que je fréquentais trois ou quatre fois par an pour mes recherches conduites en vue du doctorat d’Etat et il faisait toujours preuve de la plus grande courtoisie et de la recherche de la vérité.

Lorsque le Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine de l’Université de Nice, les Archives départementales des Alpes-Maritimes, la CDIHP et l’association des Croix de Guerre décidèrent d’organiser un colloque Les guerres du XXe siècle à travers les témoignages oraux, je fus chargé par les organisateurs de convaincre Nuto de présenter une communication, ce qui ne fut pas facile car il estimait qu’il n’était pas un chercheur reconnu comme la plupart des intervenants pressentis  (Jacques Basso, François Cochet, Jacques Fremeaux, Jean-Marie Guillon, Philippe Joutard, Dominique Veillon, Olivier Wieviorka) et après de longues tractations menées à son domicile du Corso Brunet, je parvins à obtenir son consentement grâce à la collaboration du directeur de l’Istituto storico, Michele Calandri, comme à une présentation originale de l’intervention tant attendue, à savoir un questionnement en français de ma part, une traduction italienne par Michele Calandri, les réponses de Nuto dans la langue de Dante et la traduction française par Daniele Jalla, alors vice-président à la Culture de la Région du Piémont. Cette intervention, intitulée L’expérience de Nuto Revelli dans la collecte des témoignages. Campagne de Russie et guerre de partisans dans le Piémont, fut la plus remarquée par le fond comme par la forme inédite, au sein de l’amphithéâtre du Centre universitaire méditerranéen le 15 décembre 1990 devant un public ignorant le plus souvent le passé de combattant comme l’activité de collecteur de témoignages de l’intéressé qui, comme à l’accoutumée, fit preuve de beaucoup de modestie.

Plus tard, devenu enseignant titulaire à la Faculté des Lettres, j’exploitai certaines de ses interventions de cette journée dans un cours optionnel mis en place par le département d’Histoire de 1998 à 2005 (L’exploitation du témoignage oral), insistant sur le caractère empirique et le sens de l’écoute, voire l’empathie, démontrés par le questionneur.

J’ai conservé un souvenir intense de mes rencontres avec Nuto, un personnage héroïque mais modeste, un chercheur scrupuleux ne se prenant pas au sérieux, un défenseur des humbles, des paysans et des femmes de la province de Cuneo.

Jean-Louis Panicacci (professeur honoraire à l’université de Nice, ancien correspondant départemental du Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale puis de l’IHTP-CNRS, président des Amis du musée de la Résistance azuréenne)

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