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Les droits comme leviers de la société inclusive

Société inclusive : une question d'actualité - Dossier 03/10 Comment l’approche par les droits peut être mobilisée par la communauté internationale et nationale pour tendre vers des sociétés plus inclusives ? Cette interrogation permet d’engager une réflexion sur les droits fondamentaux et donne à voir leurs portée et limites au regard du handicap et du vieillissement dans les sociétés démocratiques.
Dossier

Objectif pédagogique

Troisième des dix dossiers qui constituent la ressource globale "Société inclusive : regards sociologiques" proposée par Raúl Morales La Mura et Marion Scheider-Yilmaz, sociologues.

Ce dossier présente la manière dont l’approche par les droits est mise en œuvre et mobilisée en faveur d’une société inclusive.

La Convention Internationale sur les Droits des Personnes Handicapées (CIDPH)

La CIDPH a été adoptée en 2006 par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Elle est issue de l’importante implication d’États membres, d’experts du handicap et de nombreux acteurs de la société civile qui investissent la scène internationale en faveur de la défense des droits et intérêts des personnes handicapées et de leurs familles. C’est en réponse aux multiples formes d’inégalité et de discrimination auxquelles font face ces publics qu’un tel référentiel a vu le jour. Il « a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque » (Article 1er de la CIDPH).

Bien que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme officialise dès 1948 le principe d’égalité des droits et des libertés de tous les individus, la formulation d’une Convention spécifique aux personnes handicapées près de 60 ans plus tard souligne les limites de son effectivité pleine et entière. Alors que les publics handicapés font face à des obstacles particuliers dans leur environnement physique et social, la mise en œuvre réelle de ces droits fondamentaux se voit être parfois contrariée. Pour pallier ces lacunes, et les situations discriminatoires qui en résultent, le projet d’une Convention spécifique aux personnes handicapées a vu le jour, puis a été réalisé.

Cette dernière entre en vigueur dans les États signataires et se pose alors comme un référentiel privilégié mobilisable par les organisations et les individus qui s’engagent dans la lutte en faveur d’une pleine inclusion des personnes handicapées dans la société. 

Portée et limites des droits fondamentaux

Les droits fondamentaux de l’homme sont énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Sans aller à l’exhaustivité, elle souligne dès son article premier l’égalité en droits, sans distinction aucune, de chaque être humain. Elle cite également la liberté, le droit à la vie et à la sûreté. Elle évoque aussi le droit à la protection contre l’ensemble des discriminations allant à l’encontre de cette déclaration universelle. Puis, elle ajoute le droit à la nationalité, à la libre circulation et à la propriété.

Alors que ces principes se situent sur un large éventail de droits fondamentaux, ils partagent leur qualité inaliénable, universelle et imprescriptible. De la sorte, leur légitimité et leur validité ne peuvent être contestées, échangées ou minorées. Ces conceptions à la fois philosophique, politique et juridique sont généralement reconnues par la loi dans les pays démocratiques.

Malgré les principes forts d’égalité et de non-discrimination entre les hommes portés par la communauté internationale, les publics handicapés et les publics âgés – parmi d’autres catégories de population – peuvent faire face à de nombreuses situations bafouant ces droits. Ces situations conduisent alors à des logiques individuelles ou collectives de discrimination, à des conditions de vulnérabilité ou de maltraitance. Nous pouvons pointer notamment les phénomènes de discrimination à l’emploi pouvant s’appliquer aussi bien aux personnes handicapées qu’aux personnes âgées, à la régulière inadaptation des environnements physiques et sociaux à ces publics entravant leur participation sociale et leur mobilité, aux nombreux obstacles à leur droit de vote effectif, etc.

Les fondements de ces registres discriminatoires reposent sur des conceptions validistes (ou capacitistes – traduction usuelle du concept anglophone d’ableism) et âgistes qui caractérisent fortement les sociétés contemporaines. En d’autres termes, les environnements physiques et sociaux sont largement conçus et organisés aujourd’hui encore en plaçant les populations valides et actives au centre de la norme sociale. Les publics qui s’écartent dans les faits, ou dans les représentations, de cette norme se voient ainsi être confrontés à des formes de discrimination ou de relégation dans l’accomplissement de leurs activités quotidiennes et dans la vie collective.

Au regard des obstacles et difficultés concrètes auxquelles peuvent faire face les personnes handicapées et les personnes âgées, et qui contraignent parfois l’effectivité de leurs droits fondamentaux, certains référentiels supranationaux et nationaux ont été formulés pour rappeler ces derniers et la nécessité pour les États démocratiques d’apporter des réponses visant à accompagner leur mise en œuvre pleine et entière. C’est ainsi, en reconnaissant l’existence de situations ou de parcours de vie spécifiques, que ces textes soulignent les enjeux d’égalité et de pleine jouissance des droits pour l’ensemble des individus et réaffirment l’universalité du droit commun.

Grands référentiels pour les droits des personnes handicapées et des personnes âgées

Nous l’avons abordé, en 1948 la Déclaration universelle des droits de l’homme est adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU. Cette charte détaille les droits fondamentaux pour chaque individu et incite à leur reconnaissance et respect dans chaque pays signataire.

Ces droits universels posés, un corpus de déclarations et de conventions portant sur des franges de la population pouvant rencontrer des situations de discrimination ou des vulnérabilités spécifiques a progressivement vu le jour. Celui-ci vise à réaffirmer l’égalité en droit de tous les individus, ceci en prenant en compte l’éventail des caractéristiques et spécificités individuelles et en soulignant les obstacles qui peuvent en résulter. Nous pouvons citer brièvement les enfants, avec la Convention Internationale des Droits de l'Enfant ; les femmes, avec la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes ; les travailleurs immigrés, avec la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ; ou encore les personnes handicapées et les personnes âgées.

Ces deux dernières catégories de publics, qui nous intéressent fortement ici, ont fait l’objet d’une attention particulière au sein de la communauté internationale. Plusieurs référentiels internationaux sont venus couvrir l’ensemble des situations spécifiques auxquelles elles peuvent faire face dans leur vie quotidienne. Sans être exhaustifs, nous pouvons citer pour le handicap la Déclaration des droits du déficient mental de 1971, la Déclaration des droits des personnes handicapées en 1975, les Règles pour l’égalisation des chances des personnes handicapées de 1993 ou encore la CIDPH de 2006. Cette dernière convention se distingue des précédents cadres supranationaux en cela qu’elle impose aux États signataires d’établir un cadre national visant à promouvoir et implémenter les principes de la CDIPH au sein de leurs frontières. Elle précise pour cela des mesures particulières à engager par les différentes parties prenantes pour assurer l’effectivité des droits universels. Malgré la multiplication de ces textes réaffirmant les droits des personnes handicapées, les veilles réalisées dans les différents pays impliqués soulignent des marges d’amélioration importantes avant de garantir pleinement l’égalité de droits à ces publics.

En la matière, fin 2021, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies, pointait dans ses observations finales l’urgence et la nécessité pour la France d’engager des transformations profondes afin de se détacher de son approche essentiellement médico-sociale du handicap au profit de celle basée sur l’inclusion et les droits de ces publics.

En ce qui concerne les personnes âgées, nous pouvons mentionner principalement les Principes des Nations unies pour les personnes âgées en 1991. Ces derniers rappellent le socle de droits fondamentaux qui devrait être garanti à tout individu – ceci indépendamment de son âge. Parmi eux, nous comptons notamment le principe d’indépendance dans leurs choix de vie, de participation à la société, d’accès aux soins, d’épanouissement et de dignité. Malgré le caractère essentiel de ces Principes, ces derniers restent peu coercitifs en se présentant davantage comme un encouragement à leur prise en compte qu’à un impératif plus formel.

Bibliographie/Webographie

Bizzini, L., (2007), L'âgisme. Une forme de discrimination qui porte préjudice aux personnes âgées et prépare le terrain de la négligence et de la violence, dans Nouvelles problématiques du vieillissement, Gérontologie et Société, N°123, Volume 30, pp. 263-278.

Eyraud, B. & Béal, A. (2021). Le processus d’ancrage territorial des droits humains : l’exemple de la convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapées. Annales de géographie, 737, pp. 86-111. https://doi.org/10.3917/ag.737.0086

Fougeyrollas, P., (2016), Influence d’une conception sociale, interactionniste et situationnelle du handicap au sein d’un mécanisme de suivi de la mise en œuvre du droit à l’égalité : le modèle québécois, dans Handicap, âge, dépendance : quelles populations ?, Revue française des affaires sociales, pp. 51-61.

Lyazid, M., (2005), Le vieillissement pose-t-il la question du droit ?, dans Vieillissement et santé, Les Tribunes de la santé, N°7, Volume 2, pp. 81-88.

Lyazid, M., (2014), La défense des droits des personnes âgées : des citoyens comme les autres, Entretien avec  Maryvonne Lyazid, Réalisé le 10 juin 2014 par Marie Mercat-Bruns, dans Vieillissement, âge et capacité : réflexions sur une notion et bilan d’une réforme, Retraite et Société, N°68, Volume 2, pp.143-150.

Mercat-Bruns, M., (2018), L'influence de la Convention sur le droit des (in)capacités aux États-Unis, dans Choisir et agir pour autrui ? Controverse autour de la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, pp. 97-103.

Morales La Mura R., (2012), « La Révolution copernicienne du médicosocial. La personne n’est plus au centre du dispositif ! », in Trépos J.-Y. (dir.), Les dispositifs modestes du souci. Expérimentation, réflexivité et modélisation dans l’intervention sociale, Nancy, PUL,

ONU, (1948), Déclaration universelle des droits de l'homme, New York.

ONU, (2006), Convention internationale des droits des personnes handicapées, New York.

ONU, (2021), Observations finales concernant le rapport initial de la France sur la Convention relative aux droits des personnes handicapées du Comité des droits des personnes handicapées, New York, p.21.

Viriot Durandal, JP., Scheider-Yilmaz, M. (dirs), 2023 (à paraître), Citoyenneté et registres de droits spécifiques dans les champs du handicap et du vieillissement, Aequitas.

Crédits

  • Réalisation audiovisuelle et enregistrements : Jonathan Eckly-Marcoux et Adrien Levillain.
  • Post-production vidéo : Jonathan Eckly-Marcoux.
  • Chef de projet multimédia et post-production web : Claude Rochette.
  • Direction de production : Fabienne Granero-Gérard.

Les vidéos ont été réalisées à l'occasion du 6e colloque international du REIACTIS "Société inclusive & avancée en âge" qui s'est tenu à Metz en février 2020. Elles ont été sous-titrées grâce au soutien de l’APF France handicap.

Une ressource pédagogique réalisée avec les moyens techniques de la Sous-Direction des Usages du Numérique de l'Université de Lorraine.

© Université de Lorraine, janvier 2023 - Licence CC-BY-NC-SA