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Les politiques publiques comme leviers de la société inclusive

Société inclusive : une question d'actualité - Dossier 04/10 Comment les principes de démocratie participative et de démocratie sanitaire participent de la définition et de l’adaptation des politiques publiques dans les champs du handicap et du vieillissement ?
Dossier

Objectif pédagogique

Quatrième des dix dossiers qui constituent la ressource globale "Société inclusive : regards sociologiques" proposée par Raúl Morales La Mura et Marion Scheider-Yilmaz, sociologues.

Ce dossier présente la manière dont les principes de démocratie participative et sanitaire sont et peuvent être mobilisés dans la poursuite d’une société inclusive.

Construire la société inclusive

La promulgation de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées entérine le principe de pleine participation des personnes en situation de handicap à tous les aspects de la vie en société. Qu’il s’agisse de l’accès physique aux établissements publics, du droit à une scolarisation ou encore à l’emploi pour tous, ce texte s’ancre dans un projet de définition d’une société plus inclusive. Co-construite par les décideurs publics avec les acteurs de terrain – associations de défense des droits des personnes handicapées, personnes concernées elles-mêmes, professionnels de terrain – cette loi s’est posée comme une véritable avancée pour la condition des personnes handicapées.

Cette dernière a engagé l’évolution de nombreuses politiques publiques, ceci en faveur de la prise en compte des spécificités du handicap et de l’acceptation des différences. Toutefois, nombreux sont les combats encore à mener par l’ensemble des acteurs concernés par la question du handicap pour inclure pleinement les citoyens dans toute leur diversité. Dans un dialogue entre société civile et décideurs publics, des espaces de débats, d’élaboration et d’adaptation des politiques publiques se sont développés dans les dernières décennies. Ces lieux s’appuient sur les principes de démocraties participative et sanitaire et organisent l’échange entre une pluralité de catégories d’acteurs pour tendre vers des sociétés plus inclusives.

Lumière sur les principes de démocraties participative et sanitaire

Entre idéal d’ouverture des processus de décision publique à une diversité d’acteurs et impératif de modernisation de l’action publique, les modes de gouvernance des politiques publiques accueillent aujourd’hui une variété de représentants dans les prises de décision collective. Cette évolution des modes de gouvernance publique se concrétise à partir de la deuxième moitié du 20ième siècle par la diffusion des principes de démocratie participative et de démocratie sanitaire (Muller, 2015).

Sous l’impulsion de collectifs qui s’organisent et se professionnalisent pour porter des revendications sur une diversité de thèmes comme l’environnement, l’égalité des genres ou encore les droits civiques, les décideurs publics ont progressivement organisé des espaces de discussion dans la définition des politiques publiques (Gaudin, 2010). La participation des citoyens et des collectifs qui les représentent s’institutionnalise alors progressivement par une myriade de lois.

Ces principes de démocratie participative se diffusent ainsi, donnant place et légitimité à une pluralité d’acteurs dans les processus de décision qui produisent et font évoluer les politiques publiques.

Dans la poursuite de ces principes, ce sont ceux de la démocratie sanitaire qui se diffusent également sur le territoire national. Ceux-ci favorisent alors l’ouverture de modalités de définition et de redéfinition des politiques de santé à différentes catégories d’acteurs. Dès lors, celles-ci ne sont plus portées seulement par les décideurs publics, mais se construisent en relation avec les professionnels qui la mettent en œuvre et des collectifs qui représentent ceux qui en font l’usage. Cette démocratie sanitaire se joue aussi bien au niveau individuel que collectif. D’abord, elle renforce la place de l’usager au cœur du système de soin en améliorant son accès à son dossier médical et de manière générale à l’information et aux services de santé. Ensuite, elle crée les conditions d’une implication incontournable des collectifs d’usagers dans la définition de la politique de santé au sein des territoires (Tabuteau, 2013).

En ouvrant les canaux de définition et d’adaptation des politiques publiques à la l’ensemble des acteurs qui détiennent une forme de légitimité dans les échanges, ces principes participent d’une adaptation des sociétés à la diversité des individus qui les composent.

Des lois et cadres règlementaires pour structurer les démocraties participative et sanitaire

De manière générale, et plus spécifiquement dans les champs du handicap et du vieillissement, nombreux sont les textes fondamentaux et les cadres législatifs qui viennent légitimer et organiser la participation de tous à la définition des politiques publiques et plus largement à la vie en société. Sans aller à l’exhaustivité, nous déroulons ici les principaux textes qui favorisent et régissent l’implication des représentants de personnes handicapées et de personnes âgées dans l’adaptation de la société française.

A l’échelle internationale :

- La Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies (1948), affirme le droit de tout individu de prendre part aux affaires de la Cité.

- La Déclaration des droits des personnes handicapées (1975) renforce le droit des personnes en situation de handicap à participer à toutes les activités sociales et rappelle leur égalité face aux droits civiques et politiques.

- La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) de 2001 place la notion de participation des individus à l’ensemble des activités de la vie sociale et civique au cœur de l’approche en termes d’égalité des chances et de lutte contre les discriminations envers les personnes en situation de handicap.

- La Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006) adoptée par l’ONU a pour objectifs la pleine jouissance des droits des personnes handicapées, ainsi que leur participation à tous les aspects de la vie en société. Son élaboration, portée par l’Assemblée générale des Nations Unies, a associé multiples associations œuvrant en faveur des personnes handicapées et s’applique aujourd’hui dans nombreux Etats membres.

A l’échelle nationale :

- La loi d’orientation en faveur des personnes handicapées (1975) crée le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) au niveau national. Cette instance est d’importance majeure dans la définition du champ du handicap puisqu’elle fait place, pour la première fois, à des représentants des associations de personnes en situation de handicap dans la définition et l’opérationnalisation des politiques publiques qui les concernent.

- La loi du 2 janvier 2002 réformant l’action sociale et médico-sociale vise à développer les droits des usagers des établissements et services sociaux et médico-sociaux et crée les Conseils de vie sociale (CVS) dans lesquels des représentants des usagers trouvent une place et une légitimité dans les prises de décisions relatives à la politique et la gestion de l’établissement ou du service.

- La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (2005). Parmi les principes majeurs portés par cette loi, se présente celui en faveur de la participation et de la proximité, ceci notamment à travers l’instauration des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Celles-ci sont rattachées aux Conseils départementaux et intègrent dans leurs principaux organes de gouvernance et opérationnels des représentants de personnes handicapées issus d’associations s’inscrivant spécifiquement dans ce champ. Parmi d’autres, des places leur sont dédiées en Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), permettant leur participation aux processus d’attribution des aides et prestations individuelles liées à la reconnaissance du handicap.

- La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) de 2009, qui en matière de santé consolide l’architecture participative s’adressant aux usagers du système de santé. Elle crée les Conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA) au niveau régional, ainsi que leurs déclinaisons à l’échelle infrarégionale. Prennent alors place, dans chacune de ces instances, des représentants de personnes handicapées et de personnes âgées qui portent la parole et l’expérience d’usage du système de santé de ces catégories de publics dans la définition et l’adaptation des politiques de santé et dans leur mise en œuvre. 

- La loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) de 2015 se pose comme un tournant dans l’organisation de la participation des représentants de personnes handicapées et de personnes âgées à la définition des politiques publiques. Elle supprime majeure partie des instances consultatives préexistantes dans les champs du handicap et du vieillissement et crée les Conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA). Ces derniers ont la particularité de rassembler exclusivement représentants de personnes handicapées et représentants de personnes âgées autour des principes de citoyenneté et d’autonomie. Placés aux côtés des Conseils départementaux, ces organes interviennent dans la définition et l’adaptation de l’ensemble des politiques et actions publiques concernant plus ou moins directement le handicap et l’avancée en âge.

- La loi de modernisation de notre système de santé (2016), crée l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé (UNAASS) et ses déclinaisons locales. Celles-ci rassemblent l’ensemble des organisations légitimées par les pouvoirs publics dans leur mandat de représentation des usagers. Au sein de l’UNAASS – devenue France Assos Santé – les représentants de personnes handicapées et ceux de personnes âgées trouvent une place prépondérante dans les processus nationaux de négociation et de décision relatifs à la santé.

Finalement, ce corpus de déclarations et de lois constitue progressivement un maillage en faveur d’un dialogue et de débats intégrant les représentants de personnes handicapées et de personnes âgées, et visant à co-construire et à adapter les politiques publiques pour tendre vers une société plus inclusive.

Principaux acteurs de la définition des politiques publiques du handicap et de l’âge

Les politiques publiques interviennent à différentes échelles de la décision publique. En matière de handicap et de vieillissement, certains acteurs jouent un rôle clé dans leur définition et leur adaptation en faveur d’une société plus inclusive.

D’abord, à l’échelle supranationale, l’ONU endosse un rôle structurant dans la réflexion et l’établissement de référentiels internationaux amenés à se diffuser à travers ses états membres. En ce qui concerne le handicap, cette organisation est engagée de façon marquée dans l’action en faveur d’une meilleure inclusion des personnes handicapées à travers les pays du monde. Elle s’est dotée pour cela d’un rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, ainsi que d’un Comité des droits des personnes handicapées composé d’experts indépendants. Leurs mandats assurent une meilleure prise en compte du handicap dans les politiques publiques nationales.

En ce qui concerne les personnes âgées, la pertinence d’établir une convention internationale spécifique à ces publics est étudiée depuis plusieurs années au sein de l’ONU. Pour cela, un expert indépendant chargé de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme est nommé depuis plusieurs années. Son rôle est d’étudier et d’informer les instances de l’ONU des situations existantes dans les pays du monde à l’égard des personnes âgées. Selon les conclusions issues de ce mandat, mais aussi des positions de la communauté internationale, une Convention internationale spécifique à cette catégorie de public pourra potentiellement voir le jour.

En France, le Ministère des Solidarités et de la Santé joue un rôle prédominant dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques nationales relatives aux personnes handicapées et aux personnes âgées. Au sein de ce Ministère, la Ministre déléguée en charge de l’Autonomie porte et impulse les politiques nationales relatives à la perte et à la prévention de la perte d’autonomie. Dans ce cadre, son principal mandat repose sur l’accompagnement à la mise en œuvre de la branche « Autonomie » de la Sécurité Sociale qui a vu le jour en janvier 2021.

La question du handicap est quant à elle portée dans sa globalité par un Secrétaire d’État chargé des Personnes handicapées, placé directement aux côtés du Premier Ministre. Dans une forte logique de proximité avec les représentants de personnes handicapées issus de la société civile, ce secrétariat d’État vise une meilleure adaptation de la société aux spécificités de ces publics.

La mise en œuvre et l’adaptation des politiques du handicap et de la perte d’autonomie adressées aux personnes handicapées et aux personnes âgées est quant à elle confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Dotée de ce mandat, cet organisme national contribue au rapprochement de ces deux catégories de publics sous le prisme du maintien de l’autonomie. Depuis 2021, la CNSA s’est en cela vu confier la gestion de la 5e branche de la Sécurité sociale depuis sa création. 

Enfin, en véritables chefs de file de l’action sociale, les Conseils départementaux prennent une place prépondérante dans la mise en œuvre des politiques sociales adressées aux personnes handicapées et aux personnes âgées dans les territoires de proximité. Ces instances politiques assurent en cela l’opérationnalisation et la gestion des aides sociales et des prestations liées à la perte d’autonomie et au handicap dans les départements.

Dans une optique d’efficacité et d’adaptation des réponses publics à la spécificité des réalités rencontrées par les publics handicapés et les publics âgés, ces instances sont épaulées par des conseils ou des organes consultatifs composés de représentants du handicap et du vieillissement (Conseil de l’âge, CNCPH, CRSA, Conseil de la CNSA, CDCA, etc.). Ensemble, leurs objectifs sont d’élaborer des politiques et des réponses publiques les plus pertinentes possibles pour accompagner et inclure ces publics dans la vie en société.

Bibliographie/Webographie

Bacqué, M.-H., & Sintomer, Y. (2011). La démocratie participative. Histoire et généalogie (La Découverte).

Blondiaux, L. (2008). Le Nouvel Esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative. Le Seuil.

Gaudin, J.-P. (2010). L’espace de la représentation (politique) et l’espace de la participation. Articulo - Journal of Urban Research, pp. 115.

LOI n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées.

LOI n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

LOI n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

LOI n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST).

LOI n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV).

LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Muller, P. (2015). Les politiques publiques (11e édition). Presses Universitaires de France - PUF.

OMS. (2001). Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé : CIF. p. 304. (https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/42418/9242545422_fre.pdf)

ONU. (1948). Déclaration universelle des droits de l'homme. (https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/)

ONU. (1975). Déclaration des droits des personnes handicapées (https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000043670_fre)

ONU. (2006). Convention relative aux droits des personnes handicapées. p. 32 (https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-rights-persons-disabilities)

Szempruch, M. (2020). La société inclusive en question [Documentaire]. Le Fil Rouge.

Tabuteau, D. (2013). Démocratie sanitaire : Les nouveaux défis de la politique de santé. Odile Jacob.

Viriot Durandal, J.-P. (2003). Le pouvoir gris : Sociologie des groupes de pression de retraités. Presses Universitaires de France.

Viriot Durandal, J.-P., Moulaert, T., Scheider, M., Garon, S., & Paris, M. (2018). Adaptation des territoires au vieillissement : Politiques publiques et formes d’agencement démocratique. Retraite et société, N° 79(1), pp. 1741.

Weber, F. (2011). Handicap et Dépendance : Drames Humains, Enjeux Politiques. Rue d’Ulm.

Crédits

  • Réalisation audiovisuelle et enregistrements : Jonathan Eckly-Marcoux et Adrien Levillain.
  • Post-production vidéo : Jonathan Eckly-Marcoux.
  • Chef de projet multimédia et post-production web : Claude Rochette.
  • Direction de production : Fabienne Granero-Gérard.

Les vidéos ont été réalisées à l'occasion du 6e colloque international du REIACTIS "Société inclusive & avancée en âge" qui s'est tenu à Metz en février 2020. Elles ont été sous-titrées grâce au soutien de l’APF France handicap.

Une ressource pédagogique réalisée avec les moyens techniques de la Sous-Direction des Usages du Numérique de l'Université de Lorraine.

© Université de Lorraine, janvier 2023 - Licence CC-BY-NC-SA