Conférence
Notice
Lieu de réalisation
Réserves de la RATP, Villeneuve-Saint-Georges (94)
Langue :
Français
Crédits
Alexandre MOATTI (Publication), Quentin CENSIER (Réalisation), Arnaud Passalacqua (Intervention)
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/v0yn-nf06
Citer cette ressource :
Arnaud Passalacqua. cultureGnum. (2019, 12 juillet). « Dans l'autobus, dans l'autobon » : L'autobus et Paris au XXe siècle. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/v0yn-nf06. (Consultée le 10 juin 2024)

« Dans l'autobus, dans l'autobon » : L'autobus et Paris au XXe siècle

Réalisation : 12 juillet 2019 - Mise en ligne : 10 octobre 2019
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Descriptif

par Arnaud Passalacqua, maître de conférences en histoire contemporaine (Université de Paris, laboratoires ICT Identités, Cultures et Territoires, et LIED Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain). 

(le titre de la vidéo est un clin d'œil à Exercices de style de Raymond Queneau, 1947)

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Quelques éléments non exhaustifs de transcription (on regardera l’ensemble de la vidéo avec profit) :

Le premier transport en commun hippomobile à Paris date de 1828 ; sur roues, puis sur rails, quand le chemin de fer s’est développé (les chevaux tirent les« hippobus » sur rails).

L’arrivée du métro (mû quant à lui électriquement) au tout début du XXe s. force les transports de surface à évoluer. Parallèlement, à la même époque, les premières automobiles (moteur thermique) arrivent dans les rues parisiennes, et l’on voit qu’elles vont nettement plus vite : notons au passage que si l’automobile (invention) vient plutôt d’Allemagne, l’automobile (la pratique), ou automobilisme, a notamment été le fait de la France – les sportsmen automobilistes en gants. Ces deux facteurs (arrivée du métro en souterrain, et de l’automobile en surface) forcent les transports en commun parisiens à évoluer : l’omnibus à cheval disparaît en 1913, l’ensemble des véhicules est motorisé entre 1905 et 1913 – comme à Londres. Le choix est fait du moteur thermique (comme l’automobile), mais aurait pu se faire du moteur électrique (comme le métropolitain); les véhicules seront appelés autobus.

Pendant la 1re Guerre Mondiale, les autobus servent en transports de troupes, en avitaillement ; les Britanniques utilisent aussi leurs autobus en véhicules de combat, équipés de mitraillettes. De fait, entre 1914 et 1916, il n’y a plus un seul bus à Paris.

D’un point de vue économique, si l’on pensait au XIXe siècle que le transport en commun pouvait être de gestion privée (comme on le pensait du train), juste après-guerre l’état financier des compagnies impose une participation du public : c’est la création de la STCRP (Société des transports en commun de la région parisienne) en 1921, sous la tutelle du Conseil général de la Seine, par regroupement de plusieurs compagnies privées.

Le Renault TN, mis en service en 1931, devient l’emblème de « l’autobus » parisien, qui par ailleurs remplace progressivement le tramway électrique (le dernier circule sur une ligne de banlieue en 1938 ; à l’exception du réseau autonome de Versailles, dont le tramway fonctionne jusqu’en 1958). Ce Renault TN, autobus à« plateforme » arrière bien connu des Parisiens, fonctionnera jusqu’en 1971 (dernière utilisation sur la ligne 21) ; cependant la plateforme arrière existait déjà sur les bus hippomobiles et les tramways, depuis 1910.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les bus servent marginalement au transport de troupes vers l’Est, pendant la « Drôle de guerre » ; ils servent aussi à l’avitaillement de la capitale – aller chercher des légumes à la campagne, par exemple. L’usage le plus connu est évidemment celui de leur participation aux rafles de Juifs par Vichy en 1942-1943. Les mêmes bus servent, à la Libération, à ramener les déportés depuis les gares parisiennes, et à divers usages par l’armée américaine.

Signalons aussi que Vichy avait supprimé la 1e classe dans l’autobus (plutôt d’ailleurs la 2e – l’autobus était vu comme un transport plus« cossu » que le métro) ; et surtout fusionne les réseaux de surface (la STCRP) et souterrain (la Compagnie française du métropolitain) – ceci donnera à la Libération la RATP le 1er janvier 1949.

Après la Libération, d’autres formes d’énergie (qui avaient été expérimentées par force sous l’Occupation) sont utilisées. Le trolleybus électrique, lancé sous l'Occupation, fonctionne sur quatre lignes jusqu'en 1966. Mais Paris ne sera jamais une ville du trolleybus, à l’inverse de Lyon, Saint-Etienne, Limoges ou Marseille, ou Londres (qui avait remplacé ses tramways par des trolleybus à impériale); la culture du réseau de surface parisien était fort peu électrique. Et bien sûr arrivera le diésel, qui sera abondamment utilisé dans les moteurs thermiques d’autobus.

Les Trente Glorieuses voient l’arrivée en 1950 du Somua OP5. Le machiniste n’est plus hors cabine (comme il était, héritier du cocher, dans les TN) ; le receveur n’a plus sa fonction de régisseur de la plateforme et du « trafic »voyageurs, il est lui-même dans la cabine, assis dans un poste fixe, tournant quasiment le dos à la circulation ; les voyageurs entrent par l'arrière et descendent par l'avant (alors qu'auparavant, tout passait par la plateforme arrière).

Cependant, avec la pression de l’automobilisation massive, le réseau d’autobus parisiens se trouve englué dans un trafic toujours plus important, et n’a de cesse de trouver des solutions pour y remédier. En 1960 sont lancés de petits bus bleus dit Verney ; suivant la mécanique des fluides, le petit bus devait circuler mieux – ce ne fut pas le cas ; de même est testé, sans réel succès, l’autobus à impériale PCMRE Berliet. Mais les solutions seront en fait exogènes à la RATP : ce fut la création des couloirs d’autobus, enfin accordés par la Préfecture en 1964 – en même temps que dans d’autres villes européennes. Ce fut aussi la création du forfait « carte Orange » (équivalent de l’actuel Navigo, depuis 2010) en 1975 : le trajet en bus devient « gratuit » dans l’abonnement, ce qui permet de relancer le réseau.

La modernisation et standardisation endogènes se feront par l’autobus dit « standard »,des constructeurs Saviem et Berliet – notamment le Saviem SC10, avec ses banquettes en simili-cuir fort confortables. Seul un agent le sert, le machiniste-receveur, et les voyageurs entrent cette fois-ci par l’avant et sortent par l’arrière. Les autobus contemporains sont peu ou prou les héritiers de ces« autobus standards ». Avec les années 1980 se mettent aussi en place les autobus articulés, où l’on peut entrer et sortir sans voir l’agent RATP – un peu comme dans le métro. On peut considérer que, dans la lutte centenaire entre métro et bus, c’est le premier qui a largement influencé le second (et triomphé ?) ; le retour du tramway (électrique, comme le métro : sorte de métro de surface) dans la périphérie et la banlieue parisiennes en est archétypique. Et une forme de standardisation mondialisée a finalement gagné le réseau des bus parisiens – y compris avec les constructeurs de véhicules, à présent internationaux.

 

(Résumé de l'intervention vidéo cultureGnum d’Arnaud Passalacqua et bibliographie ci-dessous réalisés par Alexandre Moatti, septembre 2019)

 

Bibliographie et sitographie :

 

> STCRP (1921-1941) sur Wikipédia

> La gamme Renault TN (1931-1971) sur Wikipédia

> La Somua, Société d'Outillage Mécanique et d'Usinage d'Artillerie, et ses bus des années 1950 (elle est intégrée dans Saviem en 1955), fiche Wikipédia.

> L’histoire de l’abonnement « Carte Orange », à partir de 1975, fiche Wikipédia.

> Le titre de la vidéo « Dans l’autobus, dans l’autobon » est un clin d’œil aux variations sur le fameux autobus S de Raymond Queneau dans Exercices de style (1947) ; on trouvera le texte de cette variation et une version chantée ici.

> Arnaud Passalacqua, L'Autobus et Paris. Histoire de mobilités, Paris, Economica, 2011 (présentation sur le site de l'université).

 

 

 

Intervention