Le mythe de la machine dans le roman français, 1850-1900
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Descriptif
Intervenant Jacques Noiray, professeur émérite de littérature à Paris-IV (Sorbonne Université); durée 55 mn.
(ci-dessous libre transcription par A. Moatti cultureGnum des idées-force de la vidéo)
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On illustre ici "les noces de la littérature et de la technique" dans le roman français du XIXe siècle, à travers notamment Jules Verne (1828-1905), Emile Zola (1840-1902), Villiers de L'Isle-Adam (1838-1889).
Quels types de machine sont représentés ? Principalement la mine, la métallurgie et le chemin de fer (la première ligne de transport de voyageurs ouvre en 1837).
La locomotive à vapeur a une particularité : elle roule à l'extérieur, tous peuvent voir cette formidable machine.
Animalité et monstruosité sont des métaphores romanesques de la machine. Animalité, car la machine est présentée comme vivante, comme un corps, doté d'une "vitalité animale hyperbolique". Monstruosité (souvent associée à l'animalité): la machine est présentée comme un Leviathan, un mammouth, un Cyclope — la mine dévore, la machine qu'est le grand magasin dévore ses clientes (Au Bonheur des Dames, 1883). La métaphore du corps débouche sur celle de l'érotisation : le cheminot frotte, fait reluire sa machine qu'est la locomotive.
La stricte acception de machine est dépassée dans le roman : la locomotive, mais aussi le grand magasin donc, mais encore les Halles de Paris ou la Ville de Paris elle-même. Cette dernière produit l'histoire, l'avenir : elle le forge, en quelque sorte. Tandis que les Halles sont une machine à aliénation politique, chez Zola (Le Ventre de Paris, 1873): pendant que la Ville mange et digère, elle se soumet au pouvoir impérial.
On peut aller plus loin dans l'analyse de ces métaphores, avec celle des machines imaginaires, comme le Nautilus chez Verne (Vingt Mille Lieues sous les mers, 1870): véritable palais sous-marin mû par l'électricité (sans qu'on sache comment...), perfection technique autant qu'esthétique.
Dans L'Ève future de Villiers de L'Isle-Adam (1886), le mythe érotique est poussé plus loin : un aristocrate anglais tombe amoureux d'une femme, très belle mais quelconque à son goût ; l'ingénieur Thomas Edison lui propose un être de même apparence, mais spirituellement supérieur ; cette "machine-femme est animée par le désir de l'homme".
Parmi les romanciers du XIXe siècle, on peut distinguer, vis-à-vis de la machine, les relativement optimistes, Zola, Hugo, et les adversaires comme Villiers. Mais la distinction est ténue : il y a chez Villiers une véritable fascination de la machine, et une angoisse sous-jacente chez Zola ; cette ambigüité fascination / rejet se manifeste bien chez Jules Verne.
En conclusion, c'est quand même une négativité fondamentale de la machine qui apparaît : elle en vient à détruire et à se détruire. Cet imaginaire romanesque traduit principalement une impossibilité d'intégrer la machine au patrimoine culturel, par les écrivains qui sont porteurs de ce patrimoine, et porte-paroles de la société du XIXe siècle.
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