NaCl

Qu'est-ce que la minéralogie ?

Une initiation vivante à la minéralogie, sur ses aspects scientifiques comme économiques
Dossier

Qu'est-ce que la minéralogie ?

Intervenant : Salim Eddé, collectionneur, fondateur du musée de minéralogie de Beyrouth.

1. Les minéraux les plus courants

Les minéraux les plus banals sont le quartz (de formule générique SiO2), constitutif du sable) ; la calcite (de formule générique CaCO3), constitutive des roches calcaires ; la halite (de formule générique NaCl) constitutive du sel.

Deux images ci-contre : 1) Cristal de halite (photo Didier Descouens WikiCommons ; 2) structure du chlorure de sodium — système cubique (schéma H. Padleckas WikiCommons) (en vert les ions Cl-, en bleu les ions Na+).

Halite
Cristal

2. Géométrie

→ Les atomes s’empilent comme les oranges dans la conjecture de Kepler, cependant avec différentes formes géométriques, car il existe des forces électrostatiques entre atomes, et qu’à la différence des oranges ils ne sont pas tous de même taille (ex. Na et Cl).

→ La théorie des groupes de symétrie disait qu’il existe 32 formes d’empilement de cristaux ; on en connaissait 31 pendant longtemps ; en 1907, un minéral (déjà connu, la bénitoïte, du nom de la vallée de San Benito, Calif.) a été etudié plus en détail et caractérisé comme relevant de la 32e forme…

Graphique de la structure de la bénitoïte BaTiSi3O9, silicate de baryum et de titane (auteur Perditax WikiCommons)

Bénitoïte

3. Un peu d’histoire

→ Lavoisier a chauffé du diamant, et a vu se dégager du CO-CO2, et uniquement ces gaz, comme pour la combustion du charbon : il en a déduit que le diamant était du carbone (en fait très compressé lors de la formation de la croûte terrestre) – c’est ce qu’on appelle « une méthode destructive » (pour du diamant, zut !)

→ René-Just Hauÿ (1743-1822), fondateur de la cristallographie moderne, avait chez des amis fait tomber par accident un spath d’Islande de forme rhomboédrique (parallélépipède incliné), et s’aperçut que tous les morceaux brisés conservaient cette forme : c’est ce qui lui donne l’idée des structures géométriques au niveau unitaire – ce à une époque où la théorie atomique était dans les limbes ou quasiment.

René-Just Hauÿ (1743-1822)

Hauÿ

4. Exploitations et utilisations, dans le passé et actuellement

→ Le cuivre est généralement extrait de la malachite Cu2CO3(OH)2 ou de l’azurite Cu3(CO3)2(OH)2 ; il existe quelques mines de cuivre natif, comme à Chypre qui a donné son nom au minerai, cupros.

→ L’étain était extrait de la cassitérite (SnO2) : on la trouvait dans l’Antiquité aux Îles Britanniques, c’est là que les Romains allaient chercher l’étain : allié au cuivre dans certaines proportions, il constituait l’alliage du bronze.

→ À 800°C on pouvait réduire les minerais de cuivre (c’était « l’âge du bronze »), il fallait 1500°C pour réduire ceux de fer, l’hématite ( Fe2O3) et la magnétite (Fe3O4). Un feu de bois montait difficilement au-delà de 800°C ; vers l’an 1000 avant notre ère, des techniques ingénieuses de fours ont permis d’obtenir des températures plus hautes et ainsi de réduire l’hématite et de couler du fer (ce fut « l’âge du fer »). Ce métal, plus dur que le bronze, permit de faire des outils agricoles et des armes plus résistantes.

→ Le fer représente 5% de la croûte terrestre (en masse) ; mais l’aluminium est le plus abondant, 8,5%. La première fusion du minerai de bauxite (alumine Al2O3, qui doit son nom aux gisements des Baux-de-Provence) et la caractérisation de l’aluminium est due à Sainte-Claire Deville (texte BibNum) ; mais à l’époque l’aluminium est très coûteux, plus que l’or. C’est 30 ans plus tard (four Héroult, texte BibNum), que vient l’idée de réduire la cryolithe (fluorure double de sodium et d’aluminium Na3AlF6 trouvé au Groenland, d’où son nom) pour commencer une fabrication industrielle d’aluminium à meilleur cout de revient.

→ De nos jours, on produit environ 1 milliard de tonnes de fer par an, et 40 millions de tonnes d’aluminium.

Ci-contre deux photos : 1) Cryolite d’Ivigtut (Groenland) (photo Didier Descouens WikiCommons, 2009); 2) Minerai d’étain, cassitérite (photo Didier Descouens WikiCommons, 2009).

Cryolite
Cassitérite

5. Et… les pierres précieuses ?

Fait peu connu, ce ne sont que de simples… oxydes d’aluminium, avec cristallisation particulière. Le saphir (bleu) est de l’alumine avec des impuretés de fer et de titane ; le rubis (rouge) est de l’alumine, avec des impuretés de chrome…

→ On synthétise du rubis artificiel pour utilisation industrielle dans les lasers (comme le minerai de néodyme, élément, simple, comme milieu amplificateur dans les lasers).

→ Quant au diamant, 99% de son extraction sert à l’industrie pour des outils de coupe (seuls 1% voire moins sont utilisés en joaillerie…)

→ Toujours dans les couleurs, mais en sortant des pierres précieuses, notons que les colorants industriels (comme le bleu outremer, notamment pour la teinture de vêtements) ont été produits à partir de la lazurite, silicate d’aluminium (Na, Ca)8(AlSiO4)6(SO4,S,Cl,OH)2, avant de connaître une fabrication de synthèse, nettement moins chère : l’industriel lyonnais Jean-Baptiste Guimet remporta en 1828 un concours de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, divisant par dix le coût de fabrication : c’est le bleu synthétique, qui sera fabrique à partir d’argile kaolin.

(vidéo Le Bleu Guimet, une histoire haute en couleur)

Pigments de bleu ultramarin de synthèse (WikiCommons, domaine public)

Pigments de bleu de synthèse