Entretien
Notice
Lieu de réalisation
FMSH
Sous-titrage
Français (Affichés par défaut)
Langue :
Français
Crédits
Katie Ebner-Landy (Intervention)
Détenteur des droits
©FMSH2023
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/6pa4-b320
Citer cette ressource :
Katie Ebner-Landy. FMSH. (2023, 24 mai). "La fiction et le tournant éthique - Examiner ce qui lie et délie fiction et éthique" - Lauréate du programme Arts et SHS. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/6pa4-b320. (Consultée le 30 avril 2025)

"La fiction et le tournant éthique - Examiner ce qui lie et délie fiction et éthique" - Lauréate du programme Arts et SHS

Réalisation : 24 mai 2023 - Mise en ligne : 21 juillet 2023
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Descriptif

Lauréate 2022 du programme "Arts et SHS", Katie Ebner-Landy nous parle du projet "La fiction et le tournant éthique - Examiner ce qui lie et délie fiction et éthique"

Plus d'informations sur le site de la FMSH en cliquant ici.

 

Retrouvez la transcription dans l'onglet Documentation.

Intervention
Thème
Documentation

Je suis Anglaise d'origine. J'ai fait ma licence à Oxford, en Littérature anglaise. Et là, j'ai travaillé sur le rapport, les relations entre deux écrivains : Philip Roth et Milan Kundera. Deux écrivains qui ont été pris dans des contextes politiques sans vraiment le vouloir. J'ai vite compris que c'était un problème super intéressant. La question de la portée politique de la littérature. Est-ce que les écrivains veulent être vus comme des écrivains politiques ou juste des écrivains normaux ? Je me suis dit : "OK, c'est un problème qui a besoin de compétences philosophiques, de compétences politiques ainsi que littéraires." Alors j'ai fait un master en théorie politique aux États-Unis. Puis, je suis venue en France dans le cadre de la sélection internationale de l'École normale supérieure où j'ai été formée en philosophie de littérature. Là, j'avais vraiment eu un parcours mixte pour aborder la problématique. C'était le moment de choisir le sujet de thèse. J'ai décidé de focaliser sur une période historique, un moment qui était obsédé par la question de la portée éthique et politique de la lecture qui est celle de l'Europe de la première modernité. J'ai décidé de faire une thèse à Londres sous la direction de Quentin Skinner. Un historien intellectuel, historien des idées, je crois que vous dites en France. J'ai travaillé sur des esquisses de caractère. C'était une tradition très étrange qui a commencé en Grèce antique, mais elle était répandue dans toute l'Europe de la première modernité. Dans laquelle, les esquisses de personnages qui ont des vices normaux, comme quelqu'un qui a toujours un mauvais timing, étaient vues comme de la philosophie morale. La thèse trace la fortuna de ce très étrange genre de littérature. J'ai aussi commencé un nouveau projet sur ce que je suis en train de nommer l'esthétique du libéralisme. La manière dans laquelle il y a une esthétique du libéralisme, comme il y a une esthétique du communisme ou du fascisme ou du socialisme. Les philosophes libéraux, pour nos sociétés libérales démocratiques, ont besoin d'une esthétique politique qui crée des liens entre les citoyens. Le projet s'appelle La Fiction et le tournant éthique. C'est un projet sous l'égide de madame Barbara Carnevali qui est directrice d'études ici, à l'EHESS. Il comprend quatre chercheurs et chercheuses, moi, Doriane Molay, Emiliano Cavaliere et Martina Di Stefano. Le but du projet, c'est de voir ce qui lie et délie la littérature et la morale sur des perspectives interdisciplinaires et internationales, en croisant le regard de philosophes littéraires, historiens et aussi des artistes. Pour une petite mise en contexte, on a décidé d'élaborer ce projet après s'être rendu compte que, en fait, il y a 15 ans, le critique littéraire Pierre Jourde a dit que si les gens parlent du bien et du mal, concernant la littérature, on pense que c'est quelque chose d'anachronique, d'obsolète, d'un peu passéiste, mais maintenant, c'est quelque chose de très normal. On a vu, sur une période de 15 ans, un bouleversement dans la culture contemporaine. Si je dis la culture, je parle de la culture qui unit, le contexte qui unit nos cinq chercheurs. C’est l'Italie, la France, le Royaume-Uni, les États-Unis. Ce sont nos provenances, mais aussi où nous travaillons. On a vu une transformation dans laquelle on voit que les questions éthiques et politiques d'une œuvre d'art visuelle, une série, du cinéma, du théâtre, sont très très importantes aujourd'hui. C'est pour cela qu'on parle de fiction, de la fiction et le tournant éthique. Une fiction qui peut être pas seulement de la littérature, mais de tous les autres domaines d'art que je viens de nommer. Le projet est issu d'un séminaire de recherche qu'on tenait à l'EHESS, pendant trois ans, je crois. Il s'appelle Littérature, philosophie et sciences sociales. Et maintenant, avec le soutien de la FMSH, on a élaboré un projet avec trois volets. Le premier volet était un colloque dans un institut à Strasbourg. Il s'est déjà passé en mars sur L'Éthique et la littérature aujourd'hui, l'héritage du passé et l'état de la question. Puis il y a un volume collectif que nous sommes en train de clôturer aux Éditions Hermann. Le troisième projet, c'est le projet qui réunit les artistes et les chercheurs. Ça serait un cycle de conférences avec les artistes sous le titre, mais c'est work in progress, Peut-on tout dire ? Peut-on tout représenter ? Avec ces six artistes qu'on veut inviter, on va aussi établir le partenariat avec les institutions de l'art. Quand on invite les littéraires, on aimerait collaborer avec la Maison de la Poésie. Et qu'on invite les dramaturges avec le théâtre de La Colline et aussi peut-être avec les Bouffes du Nord. Avec le photographe, on aimerait faire une collaboration avec les Beaux-Arts. Pour vraiment établir des liens entre les artistes, les artistes en formation, un public plus général et les universitaires. Il y a, je crois, deux réponses à cette question. Une première réponse qui est une question de communication, de création de réseau de quatre jeunes chercheurs et chercheuses, et la possibilité de vraiment travailler ensemble dans un cadre institutionnel, de croiser le regard entre les disciplines. On parle beaucoup d'interdisciplinarité aujourd'hui, mais c'est très rare d'avoir un vrai contexte dans lequel on aborde le même problème. Et là, ça a déjà porté plusieurs nouvelles perspectives à mes recherches, et j'en suis sûre, aux recherches de mes collègues aussi. Deuxième partie, la partie vraiment matérielle et concrète. La FMSH a rendu possible l'organisation du colloque. La possibilité de vraiment financer un bouquin qui demande du temps, de l'énergie, mais aussi du soutien. Troisièmement, d'organiser et de contribuer à la venue d'artistes de renommée internationale. Pour ce cycle de conférences. Dans un certain sens, c'est un peu impossible d'ignorer toutes les polémiques qui se passent sur Roald Dahl. Je sais que j'ai eu une longue conversation avec ma mère là-dessus. Avec mes grands-parents qui auront aussi leur avis. Alors je crois que c'est quelque chose qui touche plusieurs générations. Mais en même temps, ce sont les gens plus âgés qui ont vu ce tournant parce que c'est un tournant qui se passait, je dirais, dans une période de plus ou moins 15 ans. Il y a une génération qui a vu une autre manière de penser, de penser la littérature ou la fiction. Que c'est autonome. Que c'est le plaisir. Que c'est la beauté. Et là, ils ont vu un changement massif qui prend en compte la position des auteurs, leur biographie, leur positionnement sur plusieurs questions politiques ainsi que le type de comportements qu'ils représentent dans leurs œuvres. Je dirais que quand on entend cette phrase : "On ne peut plus rien dire." Là, c'est quelque chose qui vient de la bouche, normalement, de personnes plus âgées, et pas des jeunes. Dans un sens, nous sommes tous concernés, mais je crois que c'est une autre génération qui a vu vraiment le changement en totalité. La troisième partie de notre projet, c'est d'organiser une série de conférences avec des artistes sur le titre Peut-on tout dire ? Peut-on tout représenter ? Le but est d'élargir notre conception, nos recherches qu'on porte à l'université en mettant le créateur ou la créatrice au cœur de nos préoccupations. En fait, quand on est un artiste dramaturgique ou un artiste dans le théâtre ou dans les arts visuels, on doit penser : comment je vais élaborer mon œuvre ? Est-ce que l'éthique est au cœur de la présupposition ou pas ? On a décidé d'inviter des artistes de plusieurs domaines différents. On va lancer ces invitations bientôt. Notre liste de stars qu'on veut cibler est : Virginie Despentes, pour sa description de la vie. Une vie réelle, on peut dire, de gens qui habitent dans les rues de Paris. Puis Alexander Zeldin, le metteur en scène britannique, qui, je crois, maintenant réside en France. Il est aussi super préoccupé par la représentation des misères. Antoine d'Agata, un photographe. Angélica Liddell qui est dramaturge. Javier Cercas qui est un romancier espagnol. Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature. On a commencé déjà cette série avec un séminaire avec l'autrice Rachel Cusk à l'ENS, il y a deux ans. Ce sera sa trilogie, Outline. On a recréé ce type de rencontres à l'Université de Strasbourg pendant le colloque. Là, en parlant avec elle sur ses préoccupations éthiques, la possibilité de créer une moralité de la fiction déjà portée, en entrée, d'impliquer les artistes dans nos recherches. Si on voulait faire un tas de questions, je crois que ce sont les universités, le monde de l'art et le monde de la culture qui sont le plus touchés par ce bouleversement de la fiction et l'éthique. Question de syllabus. Question de changement de canons. Et question de changement des mœurs. Ce qu'une maison d'édition veut vendre. Ce qu'un théâtre doit représenter. Tout cela concerne soit les artistes, soit les universitaires. Alors je crois qu'il est temps de nous mettre ensemble. Une dernière chose que j'aimerais préciser, c'est qu'il y a trois membres de notre équipe qui sont aussi pratiquants ou intéressés d'une manière plus pratique avec l'art. Pendant que j'étais dans le monde universitaire, j'ai aussi bossé dans le théâtre comme dramaturge. J'étais dramaturge dans le sens allemand, comme assistante du metteur en scène. Et je faisais des spectacles et des ateliers en Chine, en Corée du Sud. Vraiment, j'ai eu une chance de collaborer avec plusieurs artistes internationaux dans le théâtre. Ce qui m'a beaucoup formée sur la question du besoin de parler aux artistes, sur les enjeux pratiques de leur travail, les enjeux matériels et la manière dans laquelle se forment leurs questions théoriques. Doriane Molay était photographe. Elle était aux Beaux-arts de Paris. Barbara Carnevali maintenant enseigne l'architecture, ainsi que la philosophie et l'esthétique sociale. Trop souvent, le tournant éthique est discuté seulement par rapport à la littérature. Trop souvent, c'est discuté par des journalistes qui ont des réactions immédiates. Ce ne sont que des impressions, sans une conception historique. Trop souvent, c'est discuté loin des concern artistiques. Notre projet essaie de faire quelque chose de différent.