Conférence
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Français
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Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/62jz-ja13
Citer cette ressource :
Pour un partage des savoirs. (2015, 5 novembre). Forum Nîmois - Charles GIDE - Jérôme CLÉMENT - 05 novembre 2015. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/62jz-ja13. (Consultée le 19 septembre 2024)

Forum Nîmois - Charles GIDE - Jérôme CLÉMENT - 05 novembre 2015

Réalisation : 5 novembre 2015 - Mise en ligne : 11 décembre 2015
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Descriptif

L’activité de notre association Charles Gide reprend, pour son cycle de conférences "le forum Nîmois Charle GIDE" Jean MATOUK président de l'assosiation et professeur des universités recoit, le 5 novembre 2015, à la maison du protestantisme à Nîmes JérômeCLÉMENT Fondateur et Ancien président d’ARTE.

JérômeClément, je suis particulièrement heureux de vous accueillir ce soir au Forum nîmoisCharles Gide pour nous parler de « La Culture à la télévision ».

Dans mabouche et probablement dans la vôtre, ce soir, le mot «  culture »est entendu en son sens usuel, que nous allons tenter plus loin d’approcher, etnon dans son sens anthropologique comme on parle de la « culture  inca » ou de la culture du fer ou dubronze, même si les deux sens de « culture »ne sont pas sans liens

Vous êtesparticulièrement bien placé pour en parler. Après  Sciences Po Paris, puis l’ENA, que vousintégrez en 1970 dans une promotion grandiose, puisque vous avez collectivementchoisi Charles de Gaulle, vous  débutezvotre carrière administrative au Ministère de la Culture. Vous deviendrezsous-directeur de la Direction du Patrimoine de ce Ministère, puis, après uneexpérience de Conseiller culturel et scientifique auprès de l’Ambassade deFrance en Egypte, vous allez participer au Cabinet de Pierre Mauroy en 1981,avec quelle responsabilité ? la Culture, les relations culturellesinternationales et la communication.

Après avoirété directeur général du Centre de la Cinématographie, vous prenez la directiond’une Chaîne de télévision, la Sept, avec pour objectif d’en faire une chaîneeuropéenne de la Culture. , ce qui aboutira, selon la volonté commune deFrançois Mitterrand et Helmut Kohl à ARTE ( Association relative auxtélévisions européennes) l qui voit le jour en 1991, dont vous prenez la têtedu Comité de gérance. Conformément à la Convention initiale, vous avez cédévotre place  à un cadre allemand en 1999,puis la reprendrez de 2003 à 2011, après diverses modification statutaires.

Ajoutonsqu’entre 1997 et 2000 , vous aviez été aussi président de La Cinq, avantqu’elle ne devienne France 5..

Vous êtes ouavez été- c’est difficile de suivre pas à pas une carrière aussi denses, maistoujours dans la Culture- membre des conseils d’administration de l’orchestrede paris, du Théâtre du Chatelet,  et duMusée d’Orsay, et vous êtes aussi actionnaire et membre du Conseil de lasociété de vente Piasa, concurrent de Christies. Vous baignez vraiment danstous les domaines de la Culture. Je ne cite pas tous les festivals dont vousavez été président ou animateur.

Je ne peuxpas clore cette biographie si riche sans ajouter que vous êtes aujourd’huiaussi Président de la Fondation Alliance Française, tête de réseauorganisatrice et pensante des 811 alliances françaises , présentes dans 133 pays, et qui ydiffusent  cette culture française quireste si appréciée dans le monde, par laquelle même j’ose dire que la Francereste principalement appréciée, et pour laquelle, chez nous , le goût s’affadit.

Ajoutons que vous êtes l’auteur de neuf livres etde deux émissions de radio. Trois de vos livres sont présentés ici ce soir parla librairie Moda que je remercie, dont un , le « Choix d’Arte » estrévélateur de vos propres choix culturels

On vous attribue,Jérôme Clément,  une phrase qui me paraitfort juste et que notre ami Régis Debray présent il y a trois semaines ici nerenie certainement pas : « Lechamps politique n’est plus irrigué par des personnalités nourries de culture ». Tout le monde pense évidemment aux Président de Gaulle, Pompidou etMitterrand, vraiment nourris de Culture dès leur plus jeune âge. On ressortaittoujours plus riche d’un entretien avec eux, quand on avait la chance del’avoir et, surtout, quand leurs phrases éveillait en vous un certain écho… cequi signifiait que notre humus culturel avait lui-même été travaillé. Il estvrai que, dans le « mundillo » politique, dirait-on à Nîmes, MesdamesH  et L , H pour l’histoire, et L pour lalittérature, selon la linguistique  deDebray,  semblent bien s’en être allées,et elles étaient, qu’on le veuille ou non meilleure conseillères, que lessondages d’opinion sur 1000 personnes, ou la lecture de journaux qui n’ont envue que l’événementiel politique, quitte à tenter de le créer eux-mêmes.

Une phrasesuffirait pour  donner à la culture unelégitimité absolue . Tout le monde l’a entendue ! Mais  excusez moi de la prononcer en allemand, carc’est de là qu’elle vient « Wenn ich Kultur höre, entsichere ich meinebrowning » » , «  Quand j’entends le mot culture, j’arme monbrowning », phrase non pas de Goering ou Goebels, mais d’un personnage dethéâtre dans une mauvaise pièce célébrant un des premiers nazis,  écrite par un  scriboullard nazi lui-même,dénommé Hans Johst. .

C’est une sortede « loi » politico-sociologique. La culture est nécessairementun « désordre » dans n’importe ordre qui prétend s’imposer. Elle adonc nécessairement avec les partis d’extrême droite une relation trèsconflictuelle allant jusqu’aux autodafés. La culture, c’est un désordreinventif, imaginatif, créatif , l’équivalent de la destruction créatrice dansle monde économique. Voyez vous, Jérôme Clément,,  j’avoue avoir peu de gout pour l’artcontemporain, et trouver assez souvent – excusez l’expression- qu’il s’agitd’un « foutage de gueule », mais je me battrais contre quiconqueexercerait une censure à son encontre. Quand on voit d’ailleurs, chez nous, lesnouvelles municipalités élues en 2014 dans quelques endroits perméables auxidées extrêmes, supprimer prioritairement les aides aux associationsculturelles , on ne peut que constater encore une fois, la réalisation de laloi socio-politique que j’évoquais.

 Une seconde phrase célèbre, elle aussitransmise déformée, m’est venue, bien sûr, à l’esprit : « La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié ». Cettephrase n’est pas d’Edouard Herriot, mais d’un homonyme académicien élu en  1945. La culture serait-elle une sorte detrace épigénétique, qui s’incrusterait dans nos neurones, au fur et à mesure denos divers  apprentissages dejeunesse,  et resterait latente en nous ?  Elle « exprimerait », ensuite , pourreprendre le terme génétique, tout au long de notre vie et de nos fonctions, desréactions ou comportements. Chez les politiques , elle« exprimerait » des compréhensions du monde, donc de grandesdécisions d’avenir. Je pense que c’est une image signifiante ! Et je pensedonc comme vous que les maths, les stats et l’économie, pour qui j’ai quelquesfaiblesses et qui dominent l’enseignement supérieur d’aujourd’hui,  ne suffisent pas à cet enrichissement   « génétique ».

Pour revenirà la première phrase citée, celle du « théatreux » nazi, j’aime àvoir aujourd’hui que la chaîne la plus culturelle est celle que nous partageonsavec les allemands d’aujourd’hui. La vôtre si je puis dire.Nos voisins ontainsi renoué avec leur grande  traditionculturelle trop ignorée d’ailleurs et que la nazisme avait temporairementeffacée.

Il y a unetroisième phrase, complètement apocryphe, celle là , attribuée par erreur àJean Monnet, qui aurait dit, à propos des débuts de la construction del’Europe : «  Si c’était àrefaire, je commencerais par la culture ».  Il n’a jamais prononcé cette phrase et etj’ignore les raisons de son succès apocryphe.  Pour faire l’Europe, d’ailleurs, compte tenude la diversité des « cultures »  au sens anthropologique despeuples d’alors, ne serait-ce que des langues, il a eu bien raison , comme Schumann et Adenauer, de commencer parl’économie. Parce que c’était la voie d’entrée la plus facile!  Au demeurant l’Europe de la culture seréalise peu à peu, à travers Erasmus et l’immense mobilité de nos jeunes. Atravers des entreprises culturelles comme Arte !  Par les alliances françaises ! Et même àtravers Airbus, Ariane et quelques autres grandes entreprises, où l’on parleanglais , bien sûr, mais ou se réalise quand même une certaine fusionculturelle. Et les institutions de Bruxelles, si critiquées qu’ellessoient,    et peut-être d’autant plusaujourd’hui qu’elles sont la cible du Front national, sont aussi d’heureuxcreusets de fusion des cultures

Mais pourvenir au sujet même de ce soir, la culture est-elle aujourd’hui absente de latélévision ? Evidemment, nous n’aurons plus, je crois, comme les plus âgésd’entre nous ont eu le plaisir de regarder, Les Perses d’Eschyle au prime time.Probablement plus Les Rois Maudits ! Mais nous disposons , quand même, sinous avons l’envie d’attendre les deuxième partie de soirée des émissionshistoriques, des réunions d’invités prestigieux, des opéras et concerts quiconstituent quand même un beau menu de culture.

Le problème,justement, c’est celui de l’envie.  Sil’envie en était plus forte dans le public, chez les téléspectateurs, cesémissions seraient plus nombreuses et en première partie de soirée, car ellesferaient de l’audimat et gonfleraient donc les recettes publicitaires.Peut-on donc, et comment, restaurer cette envie populaire au sensetymologique? Le mot «  culture populaire a-t-il encore un  sens ?Est-ce encore notre enseignementqui est en cause ? Les divers enseignements artistiques, dont nous ne bénéficionspoint dans notre jeunesse, mais que l’Ecole organise aujourd’hui largement pournos enfants, sont-ils des fausses portes pour stimuler l’envie de  culture ? Ou, pour reprendre votrephrase, la culture comme nous l’entendons est-elle morte , et nos futurs hommespolitiques ne pourront-ils plus être nourris que de séries, trop souventaméricaines, donc industriellement réussies, ce clips, de pages Facebook et deTwitts, voire de jeux vidéo. ? Vers quel monde alors vont-ils nousguider ?  N’y sommes nous pas déjàentrés ?

Nous vousécoutons aussi curieux qu’inquiets.