Portrait de Lauriane Theullier - Étudiante en musicologie et militante féministe

Retranscription

[Alice Forge] Bienvenue dans Portraits de Paris 8. Aujourd'hui, je reçois Lauriane Theullier, étudiante en Licence 3 de Musicologie, militante féministe et organisatrice du festival "Faites pas genre !" en avril dernier consacrée aux artistes femmes et queers.
Bonjour Lauriane. [Lauriane Theullier] Bonjour Alice.

[Alice Forge] Peux-tu nous parler de ton parcours?

[Lauriane Theullier] Alors d'abord j'ai fait un bac littéraire en Normandie, à Evreux, où j'ai grandi, qui m'a ensuite amenée à faire un an d'hypokhâgne, donc de prépa littéraire...et c'est à ce moment-là que je suis arrivé à Paris, dans le neuvième arrondissement, au lycée Jules Ferry.
Et à l'issue de cette première année, je n'ai pas souhaité faire la khâgne (donc, la deuxième année de prépa) et j'ai préféré découvrir la fac. Et il se trouve qu'à l'époque, il y avait un partenariat (enfin, il y a toujours un partenariat) entre Jules Ferry et la Sorbonne. Et donc je me suis orientée vers une deuxième année de licence d'allemand...donc à Paris 4. Dans les faits, c'est pas une formation qui me qui me correspondait, donc j'ai pas...je n'ai pas poursuivi au-delà de deux mois.Et c'est à ce moment-là que je me suis donc posé la question de savoir ce que j'avais envie de faire réellement dans mes études et dans ma vie en général. Et la réponse était faire de la musique.

J'ai découvert qu'à Paris 8, il y avait une année qu'on appelle "Initiation", qu'on appelait "Initiation" en 2015 jusqu'à l'année dernière (qui se trouve être un DU aujourd'hui) qui permettait aux étudiantes et étudiants qui n'ont jamais suivi de formations en conservatoire ou de quelconques études de solfège, d'intégrer une licence de musicologie, ce qui pas possible dans les autres universités, à Paris 4 par exemple. Et donc j'ai intégré la formation de Musicologie en "Initiation" en novembre 2015 à Paris 8, et voilà, et depuis je suis cette formation.

[Alice Forge] Quelle est ta pratique musicale?

[Lauriane Theullier] Elle est multiple. J'ai commencé à faire du piano enfant à partir de 7, 8 ans. J'ai toujours été autodidacte, c'est pour ça que j'avais besoin d'une remise à niveau en solfège. Donc, c'est mon instrument principal, le piano, et j'ai pris un peu de cours de violon au lycée. Je fais un peu de guitare. Et grâce à la fanfare de Paris 8 j'ai découvert le trombone.

[Alice Forge] Tu es également militante. Est-ce que tu peux nous parler un petit peu de cette activité?
[Lauriane Theullier] Alors mon activité militante est une activité à temps plein, donc, que je ne mets pas de côté quand je viens à la fac, que je ne mets pas de côté dans ma vie personnelle, parce que c'est pour moi le premier combat à mener quand on est une femme, au quotidien. On a commencé par faire des graphes, par exemple, entre copines, qu'on a fait d'abord pour nous. Et on pensait collectivement, donc entre nous, on a lu des livres, on s'est rapproché d'eux, ensuite de deux spectacles féministe, donc de féministes.Donc, ça a d'abord été une, un militantisme personnel et rattaché à aucune structure. Et en arrivant à Paris 8, ça m'a permis aussi de découvrir d'autres militantes que je n'avais absolument pas rencontré, à Paris 4 en tout cas. Du moins pas pendant les deux mois que j'ai passé là-bas. Et donc c'est en arrivant à Paris 8, en découvrant ces autres militantes, que que j'ai pu, vraiment commencer à concrétiser ce militantisme là, en tout cas le partager. Et aujourd'hui je trouve que c'est une activité qui prend encore... qui prend encore plus d'ampleur et qui me prend encore plus de temps et que j'ai voulu. intégré aussi dans mon cursus en musicologie parce que le féminisme est applicable absolument partout, au même titre que la misogynie est présente absolument partout. Et c'est ce qui m'a amenée, donc, à organiser ce festival "Faites pas genre !" en avril 2019.

[Alice Forge] Et quels critères ont guidé tes choix en matière de programmation ?

[Lauriane Theullier] Déjà, l'origine de ce projet est né de la rencontre d'une femme qui s'appelle Claire Bodin qui est aussi militante, mais qui est d'abord claveciniste et professeuse de clavecin à Toulon que j'ai rencontré lors d'un séminaire organisé par Hélène Marquis, qui est enseignante au Département Danse, et en collaboration avec le Département Etudes de genre à Paris 8, et Frédéric Duhautpas, qui est professeur aussi au Département de Musicologie de l'université Paris 8 donc, qui a organisé un séminaire à l'université de Nanterre sur le matrimoine et le travail des femmes dans les différents domaines artistiques, et donc, il se trouve que Claire Bodin, a organisé et organise encore aujourd'hui un festival qui s'appelle "Présence féminine", qui est un festival, donc, à Toulon ou elle fait venir des compositrices et des interprètes.
Alors, dans les interprètes aussi, désormais, il y a des hommes et des femmes, mais dans ce festival, il se trouve que ne sont joués que des œuvres de femmes, donc de compositrices.
Et donc, en regardant un peu dans mon parcours en musicologie je me dis "Ok : où sont les compositrices? Quels sont les noms de compositrices que je connais, sachant que c'est quand même une formation universitaire qui se veut la plus riche possible. Et il se trouve que j'en connaissais très peu, mais vraiment très, très peu.
Et donc je me suis dit: très bien. Il faut qu'à l'université, absolument on on fasse la même chose. Et évidemment, la musique n'est pas la seule concernée, c'est-à-dire que les femmes sont invisibilisées dans l'histoire arts, dans l'histoire en général et ...au quotidien.
Et donc n'étant pas uniquement musicienne mais attachée à d'autres arts comme la littérature ou le théâtre, le cinéma (enfin tous les arts quels qu'ils soient en réalité) je me suis dit que c'était l'occasion de faire un festival pluridisciplinaire qui ne toucherait pas qu'à la musique, mais qui toucherait tous les arts, sachant que Paris 8 a quand même un gros UFR d'art qui est vraiment réputé de qualité.
A la base, le noyau, on était cinq, je crois, cinq copines de musicologie a organiser ça. Et après, on a fait des rencontres et on a  plein d'ami.es qui ont participé à ce festival, y compris des personnels, et des enseignantes, des enseignants qui ont pris part à ce projet avec qui nous ont fait confiance, et ça, c'est vraiment vraiment, vraiment très riche et ça a permis que le projet aboutisse et soit rendu possible.


[Extrait sonore du festival : "Alors moi, ça m'intéresserait assez de vous entendre vous :
ce que vous avez ressenti ? Vous en avez pensé ?
[Lauriane Theullier] Pour financer le festival "Faites pas genre !" on a d'abord candidaté auprès du FSDE, le fonds solidaire d'aide aux initiatives étudiantes de Paris 8 et également le cinquantenaire qui, célébrant les 50 ans d'existence de Paris 8 Vincennes Saint-Denis en 2019 permettait aussi de nous apporter quelques revenus pour organiser ce festival. Et donc c'était pour la première fois pour moi que je montais un dossier de subvention pour pour mener à bien un projet de cette ampleur qui a pas été une mince affaire.
A la fois, parce que c'est un travail de rédaction qui est vraiment très intéressant et très enrichissant, qui permet de de mettre des mots sur des idées et de les de les rendre claires, accessibles et riche à la fois.
Et donc l'aspect financier, qui est pas négligeable puisque, effectivement, il fallait qu'on ait des sous pour payer les artistes. Donc, il fallait faire un budget, il fallait déterminer de combien on avait besoin et ce qui était possible en fonction des fonds disponibles à Paris 8. Donc demander de devis aux artistes, aller chercher ces subventions là et monter un budget cohérent.
Il se trouve que, comme souvent dans des événements de cette ampleur, on s'est heurté.es à quelques difficultés administratives de gestion et de réception des fonds pour les subventions, ce qui a pas rendu la tâche facile.
Donc c'est quelque chose qu'il faut dire parce que c'est important aussi de parler des choses qui ont moins bien fonctionné
Après c'est aussi important de soulever que de tels projets sont possibles et sont réalisables à Paris 8 justement grâce à ces fonds, et est à la bienveillance des personnels qui du coup nous ont encouragé?. Et ils nous ont accompagné.


[Alice Forge] A posteriori qu'est-ce que tu retiens de cette expérience ? Et quel retour tu pourrais nous faire sur le festival ?
[Lauriane Theullier] Beaucoup de richesses.
Vraiment réellement une grande fierté d'avoir réussi à mener à bien un projet qui paraissait vraiment vraiment très ambitieux pour une première édition.
Énormément de rencontres et surtout les retours très positifs des publics. Il se trouve qu'on avait déjà pour ambition de faire venir le maximum de gens de Paris 8 à ce festival, parce que c'était à ces personnes là qu'était destiné le festival avant tout.
Et il trouve que d'autres personnes sont venues d'extérieur aussi, notamment d'autres villes et même d'autres pays, puisqu'on a une étudiante qui est venu de Bruxelles, qui faisait des études de médiation culturelle, donc qui s'est intéressée aux festivals, qui en ont entendu parler, je pense, de bouche à oreille ou sur les réseaux sociaux. Un groupe de militantes qui sont venues de Lille aussi. Donc c'était, c'était une surprise au moment du festival, de voir que, finalement, il n'y a pas que des gens de Paris 8 qui sont venus et qui sont intéressés à ce projet.
Évidemment énormément de rencontres.
Comme on a fait des appels à projets sur internet des artistes se sont présenté.es et ont présenté leur projets. Et donc ça a permis de créer des liens à la fois avec ces artistes, avec les équipes. Et il se trouve que, parmi ces artistes il y avait d'anciennes étudiantes de Paris 8 qui ont été ravies de de remettre les pieds à Paris 8 et de découvrir les changements, les nouvelles personnes, le fonctionnement de l'université.
Parmi les choses positives que je retire de ce festival, c'est aussi, évidemment, j'insiste là-dessus parce que c'est très, très important dans la bienveillance de des équipes personnelles et enseignantes. De nos profs qui ont relayé les différents événements. De l'équipe de communication qui a été vraiment formidable à la fois dans ses conseils, dans la réalisation du teaser du festival... Donc de voir qu'il y avait autant de de richesses à l'université. Qu'on pouvait déjà créer quelque chose de solide et qui a du sens rien qu'avec les gens qui sont présents.


[Alice Forge] En guise de conclusion, Lauriane, je voudrais te proposer de faire un petit portrait chinois miniature.
C'est un jeu littéraire où il s'agit de s'identifier à des objets, des animaux ou des concepts. Si tu étais un son ?

[Lauriane Theullier] Je pense que si j'étais en son, je serais une mélodie au piano qui se passe de mots et qui a déjà beaucoup de choses à dire et à faire ressentir.
[Alice Forge] Si tu étais un livre ?
[Lauriane Theullier] Très certainement Une chambre à soi de Virginia Woolf.
[Alice Forge] Et si tu étais Paris 8 ?
[Lauriane Theullier] J'imagine que je serai... une petite respiration qui parcourt les couloirs de Paris 8. Qui a envie de faire vivre cette université. Malgré les tumultes qu'elle peut traverser. Qui a envie de voir comment ça a évolué. Qui a envie de voir comment était Paris 8 avant et qui a envie que ça dure le plus longtemps possible.


[Alice Forge] Lauriane, merci beaucoup d'avoir été avec nous.
Cette émission a été réalisée par le service communication et enregistrée à Studio huit avec à la technique Vincent Drouot.