Conférence
Notice
Langue :
Français
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/2twf-1r11
Citer cette ressource :
Pour un partage des savoirs. (2015, 3 décembre). Forum Nîmois - Charles GIDE - Tarik RAMADAN et Olivier ABEL - 3 décembre 2015. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/2twf-1r11. (Consultée le 18 mai 2024)

Forum Nîmois - Charles GIDE - Tarik RAMADAN et Olivier ABEL - 3 décembre 2015

Réalisation : 3 décembre 2015 - Mise en ligne : 7 décembre 2015
  • document 1 document 2 document 3
  • niveau 1 niveau 2 niveau 3
Descriptif

L’activité de notre association Charles Gide reprend, pour son cycle de conférences "le forum Nîmois Charle GIDE" Jean MATOUK président de l'assosiation et professeur des universités anime un débat, le 3 décembre 2015, à la maison du protestantisme un débatentre Tarik Ramadan et Olivier Abel.

Introductionau débat entre Tarik Ramadan et Olivier Abel

Nous organisonsce soir, non pas une conférence suivie d’un débat avec vous tous, même si vousaurez la parole comme à l’accoutumée, mais d’abord un débat entre deux universitaires.L’un Tarik Ramadan, bien connu des médias, est professeur d’études islamiques àl’Université d’Oxford. L’autre, Olivier Abel, est professeur de philosophieéthique à l’Institut protestant de théologie de Montpellier.

Tarik Ramadanest né à Genève ou ses parents avaient dû s’enfuir, en 1958, pourchassé par leshommes de Nasser. Rentré en Egypte pour y suivre des études, il failli être assassiné,mais il fut sauvé par sa nationalité suisse.

Il revintdonner des conférences en France en 1992,  et participa alors à diverses manifestationset séminaires sur l’Islam et les autres religions. Il assista, ou participa, àla création de l’Union des organisations islamiques de France, proche, par sesorigines, tunisiennes notamment, des Frères musulmans, dont il n’est pas, jepense, injurieux de dire qu’ils ont été fondés par votre grand père, si Hassanel Bana en 1928.

TarikRamadan commença sa carrière universitaire aux Etats-Unis, à l’Universitéd’Indiana. Le Gouvernement Bush tenta de mettre un terme, cette même année, àcette intervention américaine  en vertudu Patriot act. Mais de nombreuses personnalités s’élevèrent contre cettemesure attaquée en justice et finalement annulée en 2010. Le magazine Time a classéTarik Ramadan parmi les sept penseurs religieux innovateurs du XXIème siècle.En 2004, le même magazine, dont je ne sache pas qu’il soit actionnaire, leclasse  au huitième rang des 100 penseursles plus brillants au monde.

Après lesattentats de Londres de 2004, Tony Blair lui demanda en 2005, de participer augroupe de réflexion sur le problème de l’extrémisme islamique au Royaume uni.

C’est en2009 qu’il obtint une chaire d’études islamiques à Oxford, puis, en 2012, devintdirecteur du Centre de recherche sur la Législation islamique et l’éthique auQuatar. Je précise pour éviter les débats inutiles qu’ c’est son frère Hani Ramadanenseignant en Suisse, qui, de la lapidation des femmes, a osé dire dans LeMonde qu’elle était une punition mais aussi une purification. Tarik a largementpris ses distances avec Hani à ce propos et quelques autres.

C’est sansaucun doute sa grande culture, et son habileté rhétorique et dialectique, quilui vaut, de la part de certains intellectuels français, une vraie méfiance,voire une défiance. J’espère que nous ne repartirons pas ce soir avec cesentiment.

Il présideune société de réflexion, dénommée European muslim network, très active sur leréseau internet.

Il a écritune trentaine d’ouvrages personnels, deux ou trois collectifs, et diversarticles

Ses dernierslivres, sont présentés ici ce soir, notamment

Etre occidental et musulman aujourd’hui Presses du Chatelet 2015

Introduction à l’éthique islamique Idem

Notre autredébatteur de ce soir est Olivier Abel, fils de Pasteur, né en 1953 à Toulouse,qui a suivi des études de philosophie en 1972 à 1975 à Montpellier, uneMaitrise à Paris X Nanterre avec Paul Ricœur, mais aussi avec Levinas.  Son mémoire de DEA, toujours avec Ricœur,porte sur la «  Fonction imaginaire de la parole ». Il a travaillé beaucoupl’histoire de la philosophie, qui était au programme de l’agrégation quand ill’a préparée. Il a enseigné la philo au Tchad dans le cadre du volontariat duservice national, puis à Montpellier en 1979 et 1980.

Il a étéensuite professeur à Istanbul, au Lycée Galatassaray, devenu Université et il apréparé un doctorat sous la direction toujours du même excellent Paul Ricœur, qu’ila soutenu  à Paris X en 1983. Le titre,que je serais bien en peine d’expliciter, c’est le « Statut phénoménologiquede la rêverie chez Gaston Bachelard ». Il a obtenu son habilitation àdiriger des travaux de recherche en 2000, avec un autre travail sur« L’intervalle du temps éthique entre le courage et le pardon ».

Il a étéensuite détaché de l’Education nationale à la Faculté  protestante de théologie de Paris et il estmaintenant professeur de philosophie éthique à l’Institut protestant dethéologie de Montpellier

Il a écrit10 livres dont 3 sur Ricœur, et un remarquable Calvin qui est proposé ici cesoir.

Ils vontdonc débattre  du thème titré par Tarik Ramadan,de la « Diversité des voies et voix de l’Islam moderne ». C’est TarikRamadan qui commencera avec un exposé d’une vingtaine de minutes. Puis ils serépondront par séquences de 5 à 10 minutes chacun.

Mais avantde leur laisser la parole, je voudrais leur dire qu’ils ne pourront pas, à monsens, éviter au moins trois sujets

Le premier, posépar un grand nombre d’amis présents, est celui de l’apostasie. Une religion quiprévoit la mort pour un de ses membres s’il choisit une autre religion ou necroit plus en Dieu, est-elle encore une religion au sens habituel du mot, etpeut-elle continuer à se développer dans un Etat « occidental » selonvotre propre expression ? J’y ajouterais une question subsidiaire, quivaut aussi d’ailleurs pour certaines « chapelles »protestantes : le prosélytisme, même pacifique, même sans le sabre,  n’est-il pas la source même des violencesreligieuses ?  

La secondequestion, c’est évidemment celle de l’origine doctrinale et politique del’actuelle violence à connotation religieuse qui a été déclenchée dans divers pays,et plus particulièrement le nôtre, par deux fois, en janvier et novembre, parl’organisation dénommée Daesch.

Problèmecomplexe, dont je voudrais, pour rendre le débat plus intéressant, évacuer, sije puis dire, des composantes  réellesmais trop immédiates et ressassées. Tout le monde sait bien que Daesh,résurgence  dévoreuse d’Al Qaida, estformé, pour une grande part, de groupes mafieux du désert, trafiquants detoutes sortes, auxquels se sont joints des officiers perdus de l’arméeirakienne . Ceux-ci avaient été les victimes, il faut le dire, d’unevindicte insensée du gouvernement chiite de l’ex-premier ministre irakien Maliki.Tout le monde sait aussi que les armes modernes dont dispose Daesh et lesgroupes qui s’en réclament, viennent pour une part de la déroute des troupesloyales en Irak, et, pour une autre, de la désastreuse destruction politique dela Libye, et du commerce trans-saharien des armes.

Enfin,certains, comme vous TariK Ramadan, dans vos textes des 17 et 18 novembre, considèrentles attentats en France, comme une simple riposte aux bombardements en Syrie.Je dois quand même à la vérité de rappeler que ces derniers ont commencé APRESles attentats de janvier, et des meurtres individuels, de 2012, et après,  qui visaient déjà des citoyens innocents. Cesfrappes ont visé au début seulement les camps d’entrainement de ceux qui sontdestinés à venir en perpétrer d’autres sur le sol français.

De l’autrecôté, tout le monde est aussi d’accord sur le fait que le chômage et laprécarité qui touchent parfois 40% des jeunes de 15-24 ans, dans nos cités –beaucoup plus que dans les autres pays d’immigration maghrébine- est  à l’origine d’une frustration, puis, sansdoute, d’une forme de haine de ces jeunes vis-à-vis de notre société, ce qui apu, et peut, leur rendre sympathiques ceux qui se donnent pour objectif de ladétruire. C’est sans doute ce constat, Tarik Ramadan, qui vous avait conduit àsigner, en 2005, l’Appel des indigènes de la République. Olivier Roy, dans LeMonde du 25 novembre, creuse mieux, à mon avis, ce phénomène. Pour expliquerque des convertis, correctement intégrés, rejoignent Daesh, aux côtés de jeunesmaghrébins d’origine musulmane, parle non pas de radicalisation d’Islam, maisd’islamisation de la radicalité. Ce que cherchent ce jeunes, ce serait unerupture radicale, avec leur famille, leur milieu, notre société et ils pensentque Daesh en est aujourd’hui le vecteur le plus efficace. Nihilismepathologique qui les conduit au suicide !

Mais unefois ces attendus bien connus aujourd’hui, dans le juste procès que l’on doitintenter à la violence aveugle et absolue qui se drape dans l’Islam, il reste,et je l’ai dit au début, que Daesh a pris la suite d’Al Qaida, qui, par sonfondateur, était l’expression violente d’un wahabisme pur et dur, lequel, auXVIIème siècle, donc 1.100 ans après l’Hégire, a voulu déjà revenir ausoi-disant islam des origines. Il reste surtout, quelle que soit l’hypocrisiecriminelle d’Al Bagdadi et de ses sbires, et c’est la dessus que nous voudrionsvous entendre, que le djihadisme est l’expression violente du salafisme, c’est–à-dire selon la racine arabe du mot, du même retour en arrière vers lesancêtres, qui est, pour nous, un recul de civilisation. Et une double questionse pose : Y-a-t-il un lien entre le développement du salafisme et ladoctrine des frères musulmans ? Comment passe-ton d’un salafisme purementpieux, une sorte de quiétisme, au djihadisme ? Quel, dans la doctrinemusulmane, le sens réel de djihad : combat contre ses mauvais instincts,ce qui est une obligation très générale aux trois religions monothéistes, oucombat contre les soi-disant mécréants qui n’ont pas embrassé « ma »croyance ». Cette seconde version maléfique a été aussi, à divers moments,adopté par la religion catholique, comme le Pape François vient de le rappelerà Bangui. Contre les musulmans andalous, puis contre les amérindiens, puiscontre les protestants ! Mais les autorités religieuses catholiques en ontdemandé largement pardon. L’Islam radicale sera-t-il le dernier avatar ducouple violence et sacré analysé si brillamment par René Girard et notre amiRégis Debray

Enfin, et jetermine par là – votre livre  « Etreoccidental et musulman aujourd’hui » que je n’ai pas encore lu, doit entraiter, vous devrez aussi débattre, s’il vous plait, de la place de la femmedans la société. Posons la question de manière abrupte : alors que ladéclaration universelle des droits de l’homme pose, dès son préambule,l’absolue égalité de droits entre les hommes et les femmes, comment des Etatsqui se réclament de l’Islam, de la Charia, comme  Constitution, peuvent-ils adhérer à l’ONU.Franchement, la sourate 4 « Des femmes », dans les versets 12 sur lelegs, 24 et 25 sur le fait de prendre des épouses, 34 qui autorise à les battre,est-elle compatible avec la Déclaration des droits de l’homme, lesConstitutions écrites ou coutumières des pays civilisés, et le fait d’être,comme vous le dites, « occidental » si ambigu que soit ce mot.

Sur cespoints, comme sur tous les autres que tu jugeras bon, j’espère, Olivier qu’avecta faconde si sympathique, mais aussi ton immense culture philosophique et religieuse, tu vas, avec Tarik Ramadan,éclairer cette assemblée. Ici, à Nîmes, la guerre entre protestants etcatholiques, qui fut si violente, tant que l’une des religions a voulucontraindre l’autre, est bien loin. Je crois que la laïcité à la française dontnous sommes tous fiers, a largement contribué à cette harmonie religieuse et setrouve être aujourd’hui, comme le dit un Jésuite dans La Croix d’avant-hier :« la grande chance des religions ». Je crois exprimer le souhaitgénéral, ce soir en disant qu’à la suite de votre débat, nous soyons tous enmarche vers la même harmonie avec l’Islam.