Documentaire
Notice
Langue :
Français
Crédits
CERIMES (Production), Thierry THOMAS (Réalisation), CNRS - Centre National de la Recherche Scientifique (Production), Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) (Production), Pierre Jouventin (Intervention)
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/g0df-y533
Citer cette ressource :
Pierre Jouventin. CERIMES. (1987, 1 janvier). Le Paradoxe des empereurs , in Animaux. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/g0df-y533. (Consultée le 16 mai 2024)

Le Paradoxe des empereurs

Réalisation : 1 janvier 1987 - Mise en ligne : 15 novembre 2011
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Descriptif

Ce film qui s'adresse au grand public mais aussi aux chercheurs, présente dans son intégralité le cycle reproducteur du manchot empereur, seul animal capable de se reproduire pendant les neuf mois de l'hiver antarctique. De remarquables images montrent les pariades et les chants, les accouplements, la ponte, la couvaison, l'élevage des poussins, leurs chances de survie, jusqu'à leur départ au début de l'été austral suivant. La bande son révèle la communication entre adultes et poussins. Le commentaire souligne la remarquable adaptation à l'hiver austral de cette espèce animale et sa résistance aux blizzards les plus violents. (Pour l'été voir L'oasis dans les glaces).

Vues réelles.

 

Intervention
Thème
Documentation

En Terre Adélie, partie du continent Antarctique revendiquée par la France, la base scientifique permanente Dumont-Durville se situe sur la côte à seulement 2 km d’une colonie de Manchots Empereurs. Grâce à cette proximité unique au monde, les chercheurs possèdent maintenant une connaissance approfondie de cette espèce, qui est peut être la plus extraordinaire de tout le règne animal, et dont la biologie  et l’adaptation ne pourront seulement qu’être esquissées dans ce film.

Tandis que dans l’hémisphère Nord le mois de mars annonce le printemps, dans l’hémisphère Sud, en Terre Adélie et dans tout le continent Antarctique, des millions d’oiseaux marins ont déjà abandonné la côte où ils sont venus se reproduire pendant le bref été austral.

La côte redevient un désert sans vie. Le froid commence sa longue descente au dessous de zéro degré. La mer se fige et peu à peu, la banquise s’installe pour un interminable hiver de neuf mois.

C’est pourtant le moment que choisissent les Manchots Empereurs pour entreprendre leur grand débarquement. Sur la banquise depuis l’Océan, en longues colonnes, ces oiseaux marins vraiment pas comme les autres, car il s’agit bien d’oiseaux s’ils ne volent plus comme leurs ancêtres, sont les seuls à venir ici, au cœur même du terrible hiver polaire, pour assurer leur reproduction.

La colonie des Manchots Empereurs de Pointe Géologie compte 6 000 individus. Mais, certaines colonies peuvent dépasser 100 000. Tous les ans, chacune établit son camp sur la banquise, au même endroit.

Les mâles, plus corpulents que les femelles, mesurent environ 1m20. Ils pèsent jusqu’à 45 kg à leur arrivée.

Pendant de longs mois, les Empereurs vont affronter un jeune sévère et vivre sur leurs réserves. Ils ne pourront que se désaltérer en avalant de la neige.

Curieusement, ces oiseaux ne construisent pas de nid et ne sont inféodés à aucun territoire. Dès l ‘arrivée, ils commencent leurs parades nuptiales par un champ d’appel pour trouver un partenaire. Ce chant est un signe de reconnaissance de leur espèce, mais aussi de leur sexe.

Dans un tel brouhaha, aucune confusion n’est possible parce qu’un chant à lui seul paralyse tous ceux des voisins situés à moins de sept mètres. En fait, chaque Empereur ne peut chanter qu’à son tour.

Fait unique chez les oiseaux, dès qu’un couple est formé, il devient totalement silencieux jusqu’à la ponte. Comme les partenaires n’ont pas de nid, ils ne se repèrent et communiquent que par des postures. Ainsi, la démarche chaloupée leur permet de ne pas se perdre de vue dans une multitude où tous les individus se ressemblent.

Le silence est parfois rompu par un conjoint. Aussitôt, un célibataire attiré par le chant s’immisce dans le couple qu’aucune barrière territoriale ne protège. Mais le trio ne fait pas bon ménage et entraîne souvent la séparation définitive des conjoints. Le silence du couple est donc primordial pour la reproduction.

De plus, une harmonisation rapide du couple est nécessaire car les Manchots ont des réserves limitées, et, sur la banquise, le temps leur est compté. La position extatique favorise la synchronisation, et en moins de trois semaines, tous les couples sont constitués.

En l’absence de nid, les accouplements se font au hasard de la banquise.

Début mai : lentement, jour après jour, l’hiver gagne du terrain. Il fait déjà moins 20 degrés. Le soleil va bientôt disparaître pour de longs mois. C’est le moment où les femelles pondent.

Un seul œuf est pondu sur les pattes et pour le transporter, l’Empereur marche en équilibre sur les talons. Pour un animal aussi gros, l’œuf est petit. Il ne pèse qu’une livre.

Dès la ponte, les chants reprennent, mais cette fois en duos.

Le chant est l’unique mot de passe pour les conjoints qui doivent se retrouver après de longues absences. Chaque Empereur possède un chant qui lui est propre, et reconnaissable par son partenaire. Avant le premier départ des femelles, les couples s’écoutent avec la plus grande attention.

Affaiblie par la ponte et par deux mois de jeune, la femelle confie son œuf au mâle plus résistant. Sauf accident, il ne s’en séparera plus jusqu’à l’éclosion. Lui seul va prendre en charge les deux mois de couvaison.

Le transfert reste une opération délicate. Certains couples échouent dans cette entreprise et l’œuf, abandonné sur la glace, gèle très rapidement. Un quart des pontes est ainsi perdu chaque année.

Dès que les femelles sont libres, elles peuvent enfin partir s’alimenter vers la mer au delà de la banquise qui s’étend maintenant sur 200 kms et dépasse 2 m d’épaisseur.

Juin : 20 heures de nuit quotidienne, un froid infernal et la menace des blizzards qui descendent régulièrement du continent. Les mâles sont maintenant seuls face à l’hiver le plus terrible de la planète. Mais s’ils peuvent l’affronter, c’est grâce à l’isolation thermique remarquable due à leur plumage très étanche, et à leur énorme réserve de graisse. L’œuf englouti dans un repli du ventre reste bien protégé des violences du climat.
Dans une nuit presque permanente, par moins 30 degrés, les Empereurs affrontent des vents chargés de glace qui soufflent à plus de 200 kms heure, ce qui revient à supporter des températures équivalentes à moins 180 dégrées.

Malgré leur extraordinaire protection thermique, les Manchots ne pourraient résister s’ils ne savaient se regrouper en tortues. Tassés jusqu’à 10 au mètre carré, les oiseaux réduisent considérablement les pertes de chaleur et donc les dépenses d’énergie. Pour les empereurs, cette adaptation est sans doute la plus fondamentale. C’est en perdant leur barrière territoriale, au cours de leur évolution, et en s’installant sur le sol très plat de la banquise, qu’ils ont ainsi vaincu le froid polaire et réussi leur reproduction hivernale.

Juillet : au plus fort de l’hiver, les premiers poussins apparaissent.

Les femelles, absentes depuis deux mois, sont enfin de retour pour assurer la relève de leur mâle. Dès l’arrivée, elles chantent.

Quelques heures plus tard, le couple est à nouveau réuni.

Le poussin reçoit son premier repas de poissons… Puis sa mère le récupère.

Mais les mâles sont à leur quatrième mois de jeûne. Ils ont perdu près de la moitié de leur poids et sont épuisés. L’océan, à deux mètres sous leurs pattes, ne peut les nourrir. Il leur faudra souvent parcourir plusieurs centaines de kilomètres sur la banquise avant de rejoindre la mer libre et de pouvoir enfin s’alimenter.

Les jours augmentent peu à peu, mais le froid demeure aussi intense. Bien nourris et remarquablement protégés par leur mère, les poussins grandissent sans grand problème. La colonie reste près des îlots qui ancrent la banquise. Ils peuvent servir de refuge, et empêcher que toute la progéniture soit engloutie si les contrecoups d’une tempête au large brise la glace.

Début septembre : les poussins ont maintenant 6 semaines et commencent à s’émanciper. Ils sont assez gros pour passer de la poche incubatrice de leur parent, où il fait plus de 30 degrés, au froid extérieur qui avoisine les moins 30. C’est alors que le danger les menace.

A cause de l’absence de nid et de barrière territoriale, le jeune risque de se faire enlever par des parents voisins qui ont perdu leur petit. Il peut alors mourir écrasé dans la bataille que se livrent les ravisseurs.

Si le petit est épargné au cours du rapt, son parent adoptif se désintéresse rapidement de lui et la plupart du temps l’abandonne.

Le poussin finit généralement par mourir de froid. Le rapt ne semble donc pas bénéfique à l’espèce, contrairement à ce qu’on aurait pu croire.

Mais ce n’est pas le seul danger qui guette le poussin aventureux.

Les agressions des pétrels géants, arrivés depuis peu, sont cependant très occasionnelles.

Fin septembre : les mâles sont de retour pour prendre la relève.

La durée du jour augmente, mais le froid intense persiste et les blizzards, plus violents que jamais, provoquent de véritables hécatombes parmi les jeunes les moins bien nourris.

Les rescapés grandissent. Au loin, la banquise commence à reculer. Pour nourrir leur petit devenu de plus en plus exigeant, les deux parents font maintenant d’incessantes allées et venues entre la colonie et la mer libre.

En l’absence des adultes, les jeunes se regroupent en crèches. Ce sont leurs premiers rassemblements en tortues. A leur retour, les parents chantent devant les crèches jusqu’à ce que leur poussin se manifeste.

Dès qu’un petit est identifié, le parent l’accompagne le temps de quelques repas.

Octobre : premiers signes du printemps austral Les poussins sont de plus en plus robustes et maintenant hors de danger.

De longues fissures dans la banquise préparent la débâcle. Elles sont aussitôt exploitées par les phoques de Weddel, qui viennent mettre bas sur la glace.

Les Empereurs ne sont plus seuls. Ils côtoient maintenant les premiers manchots Adélie, nettement plus petits, qui eux, parviennent à se reproduire pendant le cours été austral.

Dans les rochers, les damiers du cap déneigent leur nid de l’été passé. Eux aussi peuvent profiter de cette brève saison pour assurer leur reproduction.

Avec novembre et ses longues journées de soleil, la banquise se transforme en un bourbier pestilentiel de glace fondante et de déjections accumulées depuis de longs mois.

C’est la grande débâcle. Le soleil et les courants marins rongent la  glace de toutes  parts et la houle disloque d’immenses radeaux de banquise qui partent à la dérive.

Les petits manchots Adélie sont de plus en plus nombreux. Chez les animaux, plus l’espèce est de grande taille, plus l’élevage des jeunes dure longtemps. L’imposant Empereur n’échappe pas à la règle. Seul l’hiver polaire a pu lui offrir, avec l’océan gelé, tout le temps et tout l’espace nécessaires à sa reproduction. Rivé à la banquise depuis huit mois, il a maintenant rempli son contrat et part en haute mer pour quatre mois reconstituer ses réserves.

En perdant le pouvoir de voler, l’espèce a acquis celui de nager. Son adaptation au milieu aquatique est remarquable.

Les poussins restent encore quelque temps en compagnie des derniers adultes. Le jour dure maintenant 24 heures et les températures avoisinent 0 degré. Par cette douceur toute relative, les jeunes suffoquent de chaleur.

Décembre : c’est l’été antarctique. Les poussins ont maintenant  5 mois et pèsent  10 kgs. Avec leur première mue, ils connaissent leur premier jeune. Il y en aura d’autres, un Empereur peut vivre jusqu’à 30 ans.

Et c’est enfin le premier départ, en pleine débâcle… Dans cinq ans, quand ils seront adultes, ils reviendront, eux aussi, assurer leur reproduction.

Pour affronter un environnement aussi extrême, cette espèce est parvenue, au terme de son évolution, à faire converger les adaptations les plus sophistiquées.

Cette stratégie a permis au manchot Empereur de lier le sort de sa reproduction au neuf mois du redoutable hiver austral. Il ne s’agit pas là pour autant d’un paradoxe de la Nature, mais d’une solution élégante et originale à un problème de survie de l’espèce, en apparence insoluble.

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