Focus

Résumé
Si les initiatives d’écritures alternatives en sciences sociales se développent depuis
quelques années dans la sphère de la recherche, on peut regretter la faible visibilité et la
diffusion confidentielle de ces œuvres dans l’espace académique et auprès du plus large
public. Pour pallier à l’absence de dispositif commun de diffusion, nous proposons une
stratégie reposant sur 5 étapes:
1/ Créer une structure de distribution pluri-institutionnelle pour améliorer la
distribution/diffusion de ces œuvres. Constituer un catalogue d'œuvres choisies, lever le
verrou essentiel des droits de diffusion par l’acquisition des droits non commerciaux de
ces œuvres.
2/ Créer une plateforme numérique de diffusion SVOD/TVOD dédiée, pour le public
académique et quelques autres publics cibles avec une forte éditorialisation.
3/ Élargir l’usage de cette plateforme aux territoires francophones.
4/ Créer un réseau de diffusion physique grâce à un partenariat avec des salles de
cinéma à proximité des universités membres du club des partenaires pour faire circuler
les œuvres à des publics étudiants, mais aussi auprès de la société civile.


Des outils de diffusion existants mal adaptés au film documentaire de chercheur.


En matière de diffusion de contenus vidéo en SHS, nous pouvons faire le constat suivant:
les actuelles plateformes institutionnelles ou inter-institutionnelles diffusent
principalement aujourd’hui des vidéos de captation (colloques, séminaires, cours,
ateliers, conférences…), des vidéos de vulgarisation ou à but pédagogique (émissions
télévisuelles, actualités scientifiques), ou encore des vidéos de communication
scientifique (portraits ou interview de chercheurs…). Le documentaire de création ou film
de chercheur construit dans une démarche autoriale est très marginalement diffusé ou
de manière très éclatée.
Pour donner une idée plus précise de l’objet filmique que nous évoquons, nous
renvoyons à la sélection annuelle du festival Jean Rouch organisée par le Comité du film
ethnographique ou d’autres festivals qui couronnent régulièrement des œuvres réalisées
par des chercheurs en SHS.
Par ailleurs, les plateformes actuelles sont principalement institutionnelles et n’ouvrent
naturellement leurs espaces qu’aux chercheurs qui lui sont associés. Notre objectif est
de construire un catalogue fédérant un ensemble d’institutions de recherche et ouvert à
la communauté des chercheurs dans son ensemble pour proposer une offre qui fait
défaut aujourd’hui.


Des oeuvres souvent invisibles voire indisponibles


Malgré l’explosion récente du nombre de plateformes de VOD, nous faisons le
constat que les films de chercheurs sont peu valorisés, parfois invisibles : difficulté
d’accès aux documents, pas de catalogue de référence, pas d’outil d’identification de
type DOI comme pour les articles scientifiques.
L’invisibilité de ces œuvres peut être en partie expliquée par des problèmes de droits
associés. En effet, de nombreux films de chercheurs sont produits ou co-produits par des
producteurs privés qui possèdent les droits associés aux films. L’auteur/chercheur ou
l’institution ayant financé ne sont pas détenteurs des droits et ne peuvent pas aisément,
ni sans négociation préalable, diffuser ces contenus. Par ailleurs, les catalogues de
producteurs ne sont pas systématiquement exploités dans la durée (catalogues
“dormants”), soit à cause de l’ancienneté des œuvres qui ont une faible valeur
marchande , soit parce que les producteurs ont mis la clé sous la porte. Cette absence
d’exploitation rend les œuvres “indisponibles”. On peut citer à ce titre le très riche
catalogue de la mission du patrimoine ethnologique du ministère de la culture où de
nombreux films sont indisponibles.
Outre ces “indisponibles”, il est important de souligner que de nombreux
auteurs/chercheurs diffusent par leur propres moyens leurs productions filmiques sur des
comptes Vimeo personnels, des sites web dispersés, des chaînes Youtube. Ce constat
rend plus criant l’absence d’un outil de diffusion commun à l’échelle nationale et illustre
une grande dispersion sur Internet d'œuvres ayant une identité commune, et à grande
valeur scientifique et sociétale.
Conséquence de cet éclatement, la constitution d’un corpus de référence
manque cruellement aux étudiants et professeurs de tous niveaux qui, du secondaire au
supérieur notamment, cherchent à s’emparer des films de recherche comme supports de
réflexion, voire pour à leur tour adopter une démarche de réalisation filmique. Excepté
peut-être les étudiants parisiens qui, grâce à la présence de la Cinémathèque, de la BNF
et de l’INAthèque, ont plus d’interlocuteurs pour orienter leurs recherches, le reste du
territoire français voire francophone souffre d’un manque criant de structures d’accueil et
de référencement des films de recherche. Une offre en partie en ligne et éditorialisée
telle que nous la proposons permettrait de rendre ces œuvres accessibles, sans avoir à
ouvrir des lieux nouveaux sur l’ensemble du territoire national.


Défendre des oeuvres: le documentaire de recherche


La création du GDR “Images, écritures transmedias et sciences sociales” en
2018, puis le lancement d’un rendez-vous annuel avec le Salon des écritures alternatives
en SHS à partir de 2020 ont permis de fédérer plusieurs centaines de chercheurs et
enseignants chercheurs en SHS relevant de différents EPST et organismes de recherche
français. Ces deux dispositifs ont contribué à créer un sentiment de communauté
indispensable à toute autre démarche. Notre réseau a permis ensuite d’identifier un
enjeu collectif majeur à relever: se fédérer pour mieux diffuser.
Le défi pour le futur est de consolider notre communauté autour du film
documentaire de recherche en SHS, afin de se distinguer d’autres communautés,
souvent très organisées et corporatistes, comme celle du reportage journalistique ou
encore du documentaire d’auteurs. Ces communautés disposent de leurs propres
réseaux, syndicats et instances de diffusion qui ne sont pas toujours ouverts à nos
démarches. Notre club des partenaires constituera rapidement un catalogue commun
riche et cohérent à partir de films récents, mais aussi d'œuvres appartenant au
patrimoine de la recherche en sollicitant les différentes institutions membres de notre
réseau. Ce catalogue sera organisé par un travail indispensable d’éditorialisation pour
faciliter sa lisibilité et son attractivité auprès des différents publics visés.

 

Responsable de la publication

Focus
Jean
président de Focus
Mise à jour le 3 avril 2025