SÉMINAIRE ERIBIA - 2024-2025
Descriptif
Le terme auctor désigne le fondateur, l’instigateur, celui qui fonde et établit, le grand ou souverain Auteur n’étant autre, selon la tradition, que le Dieu créateur qui, à l’origine du monde, fait naître et croître. Par extension, l’auctor devient celui qui donne naissance à une œuvre et la développe, acquérant ainsi le sens de principe organisateur qui lui est communément attribué aujourd’hui. Associée à la responsabilité d’une œuvre, l’autorité, du latin auctoritas, dérivé de auctor, désigne le fait d’être auteur et revêt à la fois le crédit d’un artiste et de son œuvre, d’un écrivain et de son texte, mais aussi le pouvoir d’imposer l’obéissance. Parce qu’ils sont dotés de ce pouvoir, les textes de l’Ecriture en particulier font autorité. Par la suite, le terme s’applique à la force d’une référence ou d’une citation servant de modèle, à l’état d’une personne reconnue comme un exemple, jouissant d’une indéniable considération, d’une supériorité morale.
Les sens du mot ‘autorité’ ont beau évoluer, les notions de force, de pouvoir, de supériorité demeurent. Conviennent-elles bien à l’auteur ? Ce dernier est-il vraiment le tenant d’un pouvoir ? N’est-il pas le détenteur d’une autorité par héritage ou par abus de langage ? Car enfin, sur quoi porte ce pouvoir ? Certes l’écrivain jouit d’un droit de possession sur son texte dont il est le garant, s’en fait caution, l’autorise et peut garantir la vérité des énoncés transmis, mais n’est-il pas valorisé avant tout par ce qui fait de lui un auteur, à savoir son originalité, sa singularité, son auctorialité, son authorship ? La pratique intertextuelle, avec citations, références et allusions à d’autres textes, ne remet-elle pas en cause la notion d’autorité de l’auteur ? Ne la supplante-t-elle pas par la notion plus discutable d’autorité du texte ? L’intertextualité est-elle le signe d’une autorité en crise ?
Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler que la notion d’intertextualité s’impose dans le discours de la critique littéraire en un contexte de crise, comme le souligne Antoine Compagnon : « Nous sommes en 1968 : le renversement de l’auteur, qui signale le passage du structuralisme systématique au poststructuralisme déconstructeur, est de plain-pied avec la rébellion antiautoritaire du printemps ». La notion d’intertextualité émane de la mort de l’auteur. Elle est issue de son autorité en crise et c’est autour de lui que se concentre la controverse des années 1960 sur le texte. Aux anciens, défenseurs de l’histoire littéraire, pour qui l’auteur est le principe producteur et explicatif du texte, s’opposent les modernes, partisans de la nouvelle critique, pour qui « l’auteur n’est jamais rien de plus que celui qui écrit ». Pour ces derniers, dont Barthes est un des éminents porte-parole, le texte « libère une activité que l’on pourrait appeler contre-théologique, proprement révolutionnaire, car refuser d’arrêter le sens, c’est finalement refuser Dieu et ses hypostases, la raison, la science, la loi ». Pour Barthes, qui procède par allusion à l’étymologie du mot auctor, refuser Dieu, c’est nier l’omnipotence de l’auteur. La mort de l’auteur entraîne derrière elle la polysémie du texte, la promotion du lecteur et une liberté du commentaire, notamment une reconnaissance du texte comme « un tissu de citations ». Née d’une crise d’autorité, l’intertextualité est donc le contrecoup de l’exclusion de l’auteur. Le sens commun, cher à Compagnon, nous incite aujourd’hui à nuancer la théorie radicale de la mort de l’auteur et à reconnaître avec lui qu’ « il paraît difficile de ranger l’auteur au magasin des accessoires ». Comme il n’existe pas d’auteur sans littérature, il n’existe pas de littérature sans auteur. Ce dernier indexe l’œuvre à la littérature. C’est sous son nom que les textes s’inscrivent en elle. Toute citation, toute référence induit des figures d’auteur dont le nom est inséparable du texte auquel on l’attache. Aussi n’est-il pas radicalement condamné par la théorie littéraire proclamant la mort de l’auteur, mais son fonctionnement s’en trouve éclairé d’une nouvelle façon. Son statut est également changé. La mort de l’auteur laisse ainsi apparaître une nouvelle idée de l’auteur et donc de l’autorité, désormais supplantée par la notion d’auctorialité.
Alors que l’autorité impose une figure d’auteur détenteur d’un pouvoir sur le sens de son texte, l’auctorialité l’envisage comme une instance de régulation du texte, en dehors de toute prétention à déterminer le sens. Le concept d’auctorialité permet de maintenir la présence de l’auteur sans pour autant croire en son pouvoir, en son utilité herméneutique. C’est le statut même de l’écriture qui s’en trouve questionné : qu’est-ce qui justifie que l’auteur soit tel ? Quelle position occupe-t-il par rapport à son texte ? L’auctorialité interroge le texte, en désignant ses conditions de possibilité elles-mêmes, et tendrait à penser qu’être auteur, ce n’est autre qu’assumer son discours et lui conférer une certaine cohérence. C’est tisser le lien entre un texte et un nom, car l’auctorialité suppose l’unicité de l’auteur.
Sur les cinq années à venir, les séances des séminaires déclineront donc ces pratiques liées à l’auteur, l’auctorialité, l’autorité selon des approches et points de vue divers et variés.
Vidéos
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Intervenants et intervenantes
Auteure d'une thèse en Langues et litteratures etrangeres à Lyon (en 2021). - Maîtresse de conférences en Langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes, Université PAris 1 (en 2025)