Éloge de l’État. Fondements historiques et fonction anthropologique du droit.

(quelques notes autour de cette conférence — A.M. juillet 2025)

L'État est une invention du Moyen-Âge en Europe, comme institution de la société : du lat. sto, stare (tenir debout), racine qu'on retrouve dans État, dans institution). 

On parle aussi d'état (é minuscule) pour des assemblées représentatives d'une partie du corps social, ordres historiques de la société : état du clergé, Tiers état, ... Aussi : l'État comme seul garant de l'état civil des individus à travers les générations.

Origine romano-canoniques de l'État : tout commence avec le droit romain de Justinien (v. 482-565) puis passe par l'Église médiévale, ce qui conduit à la notion d'État (et à la constitution d'États) à partir de la Renaissance. Contrairement à ce que professe la philosophie politique qui voit l'Etat issu de la Grèce antique (qui elle-même ré-apparaît à la Renaissance), le Droit romain est à la base de la civilisation occidentale. 

Armis et legibus : conduire l'État par les armes, l'armer par les lois. On retrouve cela dans la devise ex utroque Cæsar : César par l'un et par l'autre, i. e. un glaive dans la main droite, un livre (le Code) dans la main gauche (voir illustration de la vidéo).

La méthode scolastique : l'État est le fruit d'une pensée produite par l'Université médiévale (Bologne, Paris, Oxford, ...). Et le Droit est issu de l'Université. Universitas = unus, versus : orienter vers l'Un (vers la Vérité). Méthode = méta, odos (gr.) : chemin vers après, vers la Vérité. Disputatio : échange du pour et du contre : ce qui préfigure le procès judiciaire ; ce qui préfigure aussi la science moderne, faite de débats et d'arguments.

Pour le pape Grégoire VII (pape 1073-1085), il s'agissait de rompre avec l'ordre féodal, en se protégeant des ingérences des empereurs et seigneurs. D'où l'institution d'une souveraineté fondée sur le Décret de Gratien (12e s.). Est souverain celui qui peut juger quiconque, mais ne peut être jugé par aucun. De nos jours, les Cours suprêmes sont en droite ligne de ce principe.

De fait, l'État-monarque de la Renaissance s'est inscrit dans la continuité de Justinien et de ces papes médiévaux, en se séparant de la théologie mais en gardant le Droit. Cette séparation de la théologie et du Droit, propre à l'Occident, offre les conditions d'émergence d'un pouvoir politique distinct du pouvoir spirituel. Loin d'être accessoire, le Droit est consubstantiel à l'État.

C'est aussi la personnalité morale donnée à l'État – morale, de mores, mœurs. Le caractère immuable de sa personnalité morale est symbolisé par la très célèbre théorie des Deux Corps du Roi (Kantorowicz 1957, Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, qu'il fait naître dans l'Angleterre des Tudor).

En conclusion, l'intervenante se demande si l'État postmoderne, avec la modernité et la technoscience, ne voit pas un retour de la féodalité, avec des nouveaux mastodontes financiers mondiaux (l'État profond ?) qui brouillent la distinction entre intérêt public et intérêts privés, et sont en passe de subvertir cette organisation politico-juridique et historique de l'État.

En annexe, elle renvoie vers le maître de l'ensemble de cette analyse, le juriste Pierre Legendre (1930-2023), dont les œuvres complètes vient d'être rééditées chez Ars Dogmatica.