Conférence
Notice
Lieu de réalisation
LRA ENSA TOULOUSE
Langue :
Français
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/rsp4-6241
Citer cette ressource :
ENSA de Toulouse. (2019, 19 octobre). Apprentissage et travail convivial : l’héritage du Bauhaus dans les pratiques collaboratives contemporaines - Joanne Pouzenc enseignante, commissaire indépendante et doctorante en architecture au LRA Toulouse , in Colloque "Les 100 ans du Bauhaus : influences et enseignements" - 18 et 19 octobre 2019 - ENSA Toulouse. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/rsp4-6241. (Consultée le 17 mai 2024)

Apprentissage et travail convivial : l’héritage du Bauhaus dans les pratiques collaboratives contemporaines - Joanne Pouzenc enseignante, commissaire indépendante et doctorante en architecture au LRA Toulouse

Réalisation : 19 octobre 2019 - Mise en ligne : 27 avril 2020
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Descriptif

Joanne Pouzenc, enseignante et directrice de la Maison de l’Architecture Occitanie-Pyrénées s’intéresse à des questions sur l’apprentissage et le travail convivial. Quel héritage du Bauhaus dans les pratiques collaboratives contemporaines ?

« Not the product, but man, is the end in view. » László Moholy-Nagy, The New Vision: Fundamentals of Design, Painting, Sculpture, Architecture, trans. Daphne M. Hoffmann, rev. ed. (New York : W. W. Norton, 1938),

En 1938, László Moholy-Nagy revient sur son enseignement au Bauhaus et le définit comme portant non pas sur un produit, mais sur l’homme lui-même, comme objet du design. Cet homme, révolutionnaire, exercerait une activité enrichissante, son travail satisferait ses besoins intimes et la qualité de vie à laquelle il pourrait prétendre serait choisie. Ainsi, le Bauhaus, et plus spécifiquement son itération à Dessau de 1926 à 1932, à travers la mise en application spatiale de ses principes originels, pourrait être perçu comme le laboratoire expérimental de cette qualité de vie, où l’apprentissage, le travail et la vie quotidienne s’entremêlent par la pratique des arts et de la communauté. Cette expérience, enrichie par ailleurs au Black Mountain College grâce à l’application des pédagogies libres et démocratiques mêlées aux principes de l’enseignement du Bauhaus et de l’engagement de ses membres dans la vie communautaire se retrouve aujourd’hui dans des pratiques parallèles, bien que marginales, de l’architecture. Ces pratiques ne se revendiquent ni de l’institution, ni de l’enseignement, ni de l’apprentissage, ni du travail mais plutôt du faire et du vivre ensemble. Elles prônent, de la même manière que le Bauhaus, une vision sociétale conviviale et durable basée sur la transdisciplinarité et la transmission des savoirs et des savoir-faire par le faire et l’action collective. Souvent nées des écoles d’architectures, ces pratiques collaboratives, communément appelées « collectifs », empruntent au Bauhaus les idées et/ou la vision, dans une société de l’information à la fois (dé) connectée et en recherche de convivialité. À travers des exemples choisis issus des pratiques collaboratives de raumlabor Berlin, exyzt, constructlab et cons rts, où l’apprentissage et la transmission sont au centre du projet, cette communication vise à présenter les possibles héritiers contemporains du Bauhaus.Joanne Pouzenc est architecte, enseignante chercheuse commissaire indépendante basée entre Toulouse et Berlin. Parmi ses projets : Berlin Unlimited (2014), Make City (2015 et 2018), Public Space: Fights and Fictions, 36h Factory of Thought à l’Akademie der Künste Berlin (2016), projekt bauhaus Cours Preliminaire: du Bauhaus à la Silicon Valley à la Haus der Kulturen der Welt (2017) et projekt bauhaus Werkstatt : Datatopia à la Floating University (2018) en collaboration avec le magazine ARCH+.Joanne Pouzenc est l’auteur de nombreux articles et publications à l’international et est fréquemment invitée en tant que critique ou conférencière dans des événements académiques. Elle est actuellement doctorante à l’ED TESC à l’UT2J à Toulouse, conférencière à NODE, centre pour les études curatoriales, enseignante à l’ENSA Toulouse et membre actif du collectif international ConstructLab.

Thème
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Les 100 ans du Bauhaus, Influences & Enseignement

« La seule manière de défendre la langue, c’est l’attaquer, mais oui Mme Strauss »! Marcel Proust, lettre à Mme Strauss le 6 novembre 1908

Si la défense ne passe pas toujours par une attaque frontale, elle exige toutefois l’interrogation permanente voire l’instauration d’une distance critique. Lors du colloque Les 100 ans du Bauhaus, Influences & Enseignements, organisé le 18 et 19.10.2019 à l’ENSA Toulouse, des architectes, historiens, commissaires d’exposition et philosophes s’intéressent à la réception, parfois étroite et schématisée, du Bauhaus. Ils révèlent les oublis, les interprétations partisanes, les impacts ainsi que les filiations actuelles pour expliquer en quoi le Bauhaus nous regarde encore aujourd’hui. Fondée en 1919 à Weimar en Allemagne, cette école d’arts appliqués et d’architecture a déménagé à Dessau en 1925, puis elle a fermé ses portes avec l’arrivée des national-socialistes au pouvoir en 1933. En dépit de cette courte existence, le Bauhaus reste indéniablement une des écoles parmi les plus influentes du 20e siècle. Alors que ses réalités complexes sont fréquemment écartées pour en faire une icône de la modernité, il s’agit aujourd’hui de proposer des nouvelles compréhensions et d’autres points de repères pour la repenser. Philpp Oswalt, architecte, ancien directeur de la fondation du Bauhaus Dessau, constate tout d’abord que l’émergence de l’architecture moderne s’appuie sur un processus lent qui s’est déployé tout au long du 19e siècle. La modernité résulte alors d’un nombre important d’inventions et de postures dogmatiques qui participent à une fragmentation croissante de la société, aboutissant à une catastrophe majeure, la 1er Guerre mondiale. C’est pourquoi les avant-gardes dont fait partie le Bauhaus, ont joué un rôle tout autre qui leur est attribué habituellement. Au lieu d’initier le changement, il faut considérer cette école plutôt comme un « atelier de réparation » qui assemble à partir d’éléments in fine déjà standardisés voire obsolètes, des nouvelles formes. Visant à réparer les effets néfastes de cette fragmentation moderne, le Bauhaus cherche une synthèse à partir de connaissances hétérogènes entre sciences, arts et technologies. Si le Bauhaus est pourtant aujourd’hui le symbole de la nouvelle simplicité à travers la fabrication de prototypes, c’est parce que Walter Gropius a imposé cette vision. Pour autant, cette école n’a jamais formé une unité, tout au contraire, elle a toujours été instable et pleines de contradictions. Joseph Abram, architecte et historien, poursuit cette réflexion, abordant plus spécifiquement la modernité artistique à travers la figure d’Albert Mentzel-Flocon. Bien que proche d’Oscar Schlemmer, sa production artistique se révèle antagoniste face aux orientations artistiques d’enseignants du Bauhaus comme Wassily Kandinsky ou Laszlo Moholy-Nagy. Inventeur de la perspective curviligne, le travail de Flocon a été largement marginalisé après la 2e Guerre mondiale car en décalage avec l’imaginaire construit autour de la modernité artistique. Pour autant, Flocon qui a vécu à partir de 1933 en France, témoigne que le Bauhaus a toujours su développer une production polysémique et multiple. Tim Benton, historien de l’architecture, met en cause une autre icône de la modernité issue du Bauhaus, ses meubles en métal. Contrairement aux idées communément partagées, l’utilisation du métal et en particulier les chaises en métal, ne permettaient pas une économie, même dans le cadre d’une fabrication industrielle. L’utilisation de l’acier, notamment quand on veut donner l’illusion que la structure de la chaise est faite d’un seul morceau, s’avère bien plus onéreux que le bois. Pas plus fonctionnel que le bois qui persiste par ailleurs, le métal se transforme assez rapidement en un « matériau idéologique » ayant pour objectif de représenter ou plutôt de donner l’illusion cette modernité fonctionnelle. La question de l’économie est également au centre de l’intervention du philosophe Pierre-Damien Huyghe. À partir d’un texte que Walter Gropius écrit en 1923, Huyghe questionne la place de l’économie dans le cadre de la production de prototypes dans divers ateliers (bois, métal, verre etc.) au coeur de l’enseignement au Bauhaus. Si l’économie est une façon d’administrer la technique, Gropius défend pourtant une autre méthode de travail dans ces ateliers qu’il nomme des laboratoires. Mettant en place une union entre différentes façons de travailler, ces laboratoires excluent l’économie. Cette mise à l’écart est essentielle selon Pierre-Damien Huyghe, car l’économie travaille dans le secret et oriente la technique tandis que l’idée du laboratoire permet d’explorer toutes les possibilités techniques sans entrave économique. C’est à partir du laboratoire que le Bauhaus a su créer des nouveaux rapports à la technique. L’hégémonie et les idée préconçues sur le Bauhaus sont également discutées par Jean-Christophe Arcos, commissaire d’exposition qui explique que l’oeuvre d’art totale, l’objectif commun, s’incarne pour Oscar Schlemmer, un enseignant du Bauhaus, dans la scène. Plaçant l’homme au centre de ses préoccupations, Schlemmer nie cependant toute recherche autour de la différenciation de genre, évite les doctrines politiques, mais aussi l’humanisme et l’interprétation mystique. C’est à partir de ses protocoles et intentions scéniques que son travail agit sur de nombreuses postures artistiques des années 60. Il faut dire que les personnes et les idées du Bauhaus circulent massivement suite à sa fermeture, influençant de manière très diverse les productions et enseignements de l’après-guerre jusqu’à aujourd'hui. Cette mobilité impacte l’architecture, l’art et le design dans de nombreux pays. Explorée par Ana Chatelier, doctorante en architecture qui analyse les parcours des maitres et élèves du Bauhaus vers leur exil en Amérique latine dont les idées retournent dans les écoles d’architecture en France lors des années 60 et 70. Cette fluidité dans les échanges intéresse aussi Sigrid Pawelke, curateure, dans l’oeuvre de la chorégraphe Anna Halprin et son mari le paysagiste Lawrence Halprin. Des contacts aux Etats-Unis avec les « anciens » du Bauhaus, Josef Albers et Walter Gropius, inspirent les Halprin surtout dans leur travail interdisciplinaire. Divers workshops et le RSVP cycle, un outil destiné à la création en collectif, renoue directement avec des recherches expérimentées d’abord au Bauhaus puis à l’école d’art américaine Black Mountain College (1933-1957). Après l’Amérique Latine et les Etats Unis, Sophie Fétro, théoricienne du design, s’intéresse aux suites du Bauhaus en Allemagne. L’école de design, la Hochschule für Gestaltung, fondé en 1953 par Max Bill, un ancien étudiant du Bauhaus, et le graphiste Otl Aicher s’inscrit tout d’abord dans l’esprit du Bauhaus qui lie art et technique, pour s’y opposer quelques années après, prônant une approche rationnelle et scientifique du design. Toutefois les influences du Bauhaus ne s’arrêtent pas à la fin des années 60, mais retrouvent une nouvelle actualité comme l’explique l’architecte Joanne Pouzenc. Traçant une filiaLon du Bauhaus au Black Mountain College, de l’oeuvre New Babylon (1956-1974) de Constant à la Floa@ng University , Joanne Pouzenc souligne la centralité de l’humain et du collectif dans la construction. 1 A la place d’une démarche de projet, c’est le présent à travers une intensification des liens entre concepteurs et usagers, entre extension et résilience qui est ambitionnée ici. Lors de ces deux journées de colloque, le Bauhaus n’est pas apparu comme une expérience figée, se résumant à quelques éléments formels, répétés inlassablement, mais comme un précédent toujours vivant. Tous les intervenants ont ouvert des nouvelles pistes de réflexion sur l’hétérogénéité du Bauhaus qui est certes une icône de la modernité, mais une icône bien plus différent de ce qu’on aimerait trop rapidement croire. Installée à Berlin en 2018 sur un bassin de rétention d’eau par le collectif d’architectes Raumlabor et Contructlab 1.


Andrea Urlberger professeure ENSA Toulouse


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