La géographie sociale confrontée aux enjeux de ce nouveau siècle
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Descriptif
Cette communication a été donnée en conclusion du colloque Approches critiques de la dimension spatiale des rapports sociaux qui s'est déroulé à Caen du 26 au 28 juin 2019. Le point de départ de ce colloque est la dynamique et la visibilité récentes des approches critiques des rapports sociaux dans la géographie française, alors que les analyses mettant l’accent sur les inégalités et les rapports de pouvoir et de domination sont incontournables depuis longtemps en géographie anglophone comme bien entendu en sociologie. Pour autant, les autres sciences sociales ne prennent pas toujours en compte la dimension spatiale de ces questions, c’est pourquoi ce colloque entend ouvrir un espace de dialogue transdisciplinaire et transnational.
Robert Hérin est géographe, spécialiste de la Péninsule ibérique et de la France de l'Ouest. Il est professeur émérite à l'université de Caen Basse-Normandie.
La géographie sociale s’inscrit dans les sciences sociales, et donc dans les pratiques de démarches pluridisciplinaires. Ces démarches restent à coordonner et à approfondir, dans deux directions principales : définir les champs spécifiques de chacune des disciplines (sans en faire des chasses gardées), expliciter les références théoriques et les choix méthodologiques des uns et des autres afin d’instituer au-delà des disciplines les débats de fond concernant les sciences sociales et leurs fonctions sociales.
Je me reconnais dans la nécéssaire complémentarité tout au long des processus des recherches des démarches empiriques et de la construction théorique. Et que les allers et retours entre projets de théorisation et enseignements des expériences du terrain comme disent les géographes ne s’achèvent jamais, ne devraient jamais s’achever.
La démocratie a besoin des sciences sociales, dont les connaissances qu’elles produisent (et dont on sait les approximations), pour informer non seulement ceux qui exercent des responsabilités publiques mais aussi les populations pour les aider à comprendre les situations auxquelles elles sont confrontées, à armer leurs regards sur les bouleversements qu’elles vivent. Une construction théorique cohérente et présentée comme un ensemble d’hypothèses confirmées par les recherches empiriques peut les y aider, les confirmer, dans les engagements qu’elles prennent.
De même qu’il oriente et développe ses recherches en fonction de la compréhension, implicite ou explicité, du monde ; de même le chercheur en sciences sociales est engagé, par ses enseignements, ses publications, ses façons d’être aussi, dans les sociétés où il évolue, comme habitant ou scientifique. L’état des sociétés, les inégalités, les injustices, interrogent les valeurs auxquelles il se réfère. Les connaissances des sciences sociales ne peuvent se parer de la neutralité, mais d’une éthique justifiée par l’objectivation à tous les moments de la recherche dans les orientations retenues.
Chercheur militant ? Placer les inégalités sociales dans toutes leurs dimensions et les rapports sociaux qui les produisent comme paradigme des recherches en sciences sociales peut résulter d’engagements politiques antérieurs. Et inversement. Mondialisation et médiatisation des informations, nous sommes quotidiennement confrontés aux scandales des inégalités, proches ou lointaines. En Afrique centrale l’espérance de vie n’atteint pas 40 ans. Elle dépasse 80 ans dans la plupart des pays d’Europe occidentale. « Mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade »—l’humoriste Francis Blanche aurait peut-être proposé une variante, s’il avait connu les inégalités de mortalité entre les territoires français. La fortune des ultra-riches français a 15 bondi de 14,5% en 2018 (classement Forbes).
Que faisons-nous ? Une géographie sociale radicale ? Des sciences sociales radicales ? Quelles alternatives soutenables face à la généralisation des sociétés néo-libérales ? Entre autres défis, les sciences sociales sont confrontées aux obligations de programmes et de contrats à courts termes, aux sollicitations de l’actualité. Revendiquons du temps pour des recherches au long cours, pour multiplier les collaborations, pour asseoir les postures de recherches, pour prendre avec recul la mesure des mutations en cours, afin de répondre avec une autorité assurée aux injonctions de l’actualité.
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