Issa Koné Partie IV "Révolution de 1991 et radio Tabalé"

Issa Koné, passeur d’histoires

Issa Koné était un grand personnage de la vie marseillaise. Médecin généraliste du centre-ville, il a consacré sa vie aux autres, en les soignant bien sûr, mais aussi en faisant de chaque rencontre avec les uns et les autres, dans son cabinet, dans les rues de la cité, dans les espaces associatifs et militants, une source de curiosité, de connaissance, de réconfort et d’espoir. Il était un homme grand ouvert sur le monde, l’esprit vif et joyeux, un trait d’union entre les civilisations. Au moment où le monde semble inexorablement glisser vers le repli identitaire et l’exclusion, Issa incarnait une résistance au quotidien. En pensées et en actes, il proposait un autre chemin possible, vers une communauté universelle. Né à Bamako, au Mali, le 30 décembre 1953, Issa Koné est mort brutalement, le 7 février 2025, à Marseille, d’une crise cardiaque. Comme une ironie du sort, lui qui était si prévoyant pour la santé des autres.

Cette vidéo, présentée en 5 parties, est tirée d’un entretien réalisé à Marseille, dans son cabinet à Belsunce, le 15 juin 2024, par Kaourou Magassa, Ophélie Rillon et Charles Grémont. Dans le cadre d’un projet de recherches intitulé « Archives sonores du Mali – les voix du politique », nous voulions interroger Issa Koné sur sa participation, à distance, à la révolution de mars 1991 qui a amené la chute du régime dictatorial de Moussa Traoré. Depuis Marseille, il a suivi et soutenu la mobilisation populaire dans les rues de Bamako, en participant notamment à la création d’une radio dédiée aux voix éprises de liberté : Radio Tabalé.

L’histoire de cette radio était autant un point de convergence pour notre projet d’archives sonores qu’un prétexte à la réalisation d’un récit de vie. Dans cet entretien, Issa raconte ainsi des moments de sa vie, que tous ses amis de Marseille et de France ne connaissent peut-être pas bien : son enfance à Bamako, dans les dernières années du Soudan français ; l’histoire de ses grands-parents et de ses parents, leurs engagements politiques ; l’art de vivre et de débattre dans la concession familiale à Bamako-koura ; ses années au lycée et sa soif d’apprendre, jusqu’à son arrivée en France, en 1971, et son inscription à la faculté de médecine, à Marseille. A travers son histoire personnelle, c’est un pan de l’histoire du Mali, et de ses croisements avec la France, que ce récit donne à entendre.

Cet entretien ne devait être que la première étape d’un travail d’histoire, plus approfondi, qu’Issa avait très envie de réaliser… dès qu’il parviendrait à lâcher ses patients. Ce récit devient aujourd’hui un hommage au grand témoin et passeur d’histoires qu’il était. Depuis sa disparition et face à la tournure inquiétante du monde contemporain, les mots d’Issa Koné résonnent avec plus de force encore : « nous résisterons, comme nous l’avons toujours fait », comme il le rappelle dans cet entretien (partie III). Et avec le sourire !

Charles Grémont – LPED IRD / AMU