La littérature par l'expérience de la création d'AMarie Petitjean aux Presses universitaires de Vincennes

Retranscription

Les Presses Universitaires de Vincennes, la bibliothèque universitaire et le service communication de l'université Paris 8 vous proposent de poursuivre leur série de podcasts sur la création avec d’AMariePetitjean.

Elle vous présente La littérature par l'expérience de la création, une enquête approfondie sur la création littéraire, et vous en lit plusieurs extraits.

Je suis AMarie Petitjean. J'enseigne à Cergy Paris Université, à la fois dans le master de Création littéraire, je sais que Paris 8 a un master de Création littéraire également, et dans une série de diplômes que j'ai fondé dans mon université, qui concernent en fait l'écriture créative pour les gens en particulier qui reviennent à l'université alors qu'ils sont en poste ailleurs et qu'ils ont très envie d'écrire et de faire écrire.

Ça, c'est mon, mon parcours d'enseignement, et puis j'ai un grand parcours de recherche en création littéraire également. Je me suis intéressée beaucoup aux cursus internationaux en écriture créative, collective writing, dans une optique de comparaison internationale. En ce moment, j'ai un travail de recherche qui s'appelle Recyclerie du patrimoine pour les écritures de demain : livres, écran, scène. Voilà, c'est un projet qui est porté par l'IUF et je continue à documenter, en fait, ce pôle là de la théorisation de la création littéraire dans les cursus littéraire.

La littérature par l'expérience de la création, donc, c'est un ouvrage qui essaie de théoriser le champ de la création littéraire dans une optique de recherche-création. En fait, j'ai voulu baliser théoriquement ce champ qui, c'est vrai, est un champ de pratique, beaucoup, pour les étudiants, on vient l'université maintenant pour faire de la création littéraire et souvent, on dit qu'on manque d'un certain substrat théorique derrière cette perspective pratique là. Donc, j'ai voulu vraiment faire le point de toutes ces années de pratique effective avec des étudiants à l'université et d'essayer de voir, en fait, ce que ça déplace du côté de la théorie littéraire de partir par de la création, en quoi ça déplace quelque chose en particulier par rapport à la recherche en littérature, qui est beaucoup une recherche qui s'en tient beaucoup à une archéologie des formes, des œuvres, des courants, des esthétiques. En quoi le fait de passer par de la création en fait ça implique une conception différente du littéraire. Alors, je vais vous lire l'introduction, ou en tous cas l'amorce de l'introduction :

“S'il fallait donner un visage à la littérature, il faudrait assurément s'en remettre au double visage de Janus, l'un tourné vers le passé, l'autre vers l'avenir. Or, c'est principalement le visage tourné vers le passé que les littérateurs se plaisent à considérer, négligent le second et faisant même du regard rétrospectif le critère d'identification de toute la littérature. Assurément, il n'en va pas de même lorsque l'observateur se place dans la posture de l'écrivain. Quel que soit le sérieux à donner à la posture, le regard tourné vers l'avenir devient alors le premier des visages de Janus à double forme, les œuvres du passé n'en étant que le verso constitutif mais éventuellement dans l'ombre. L'étude qui suit va chercher à considérer ce visage de la littérature en Janus bifrons, en tentant d'appréhender le regard prospectif comme un critère à son tour définitoire du littéraire.”

J'ai essayé de le documenter de la manière la plus exhaustive possible avec, en fait, trois grandes questions. Une première sur les conceptions de la création: quelle est la manière dont cette perspective, qui est quand même émergente et, en tout cas, innovante en France, déplace les conceptions de la création. La deuxième grande question, concerne en fait les repères littéraires qu'on voit dans les études de lettres habituellement. Voilà, en quoi ce qu'il y a un redéploiement de ces conceptions. Ensuite, j'ai interrogé le cadre génératif, puisque le la perspective dans laquelle je me trouve, c'est d'essayer de construire un cadre qui soit le plus large possible, plus dynamique, plus heuristique possible par rapport à des théories génératives du littéraire. Et je termine par les politiques du littéraire, parce que c'est très important d'interroger cette perspective professionnalisante. On a beaucoup de mal, en France, dire à, à osez dire que des étudiants viennent se former à devenir écrivain. Qu'est ce que ça veut dire que de venir se former à l'université pour devenir écrivain ? Est-ce que c'est possible de le dire et, en fait, qu'est-ce que ça engage comme conception politique de la place, en fait, de l'écrivain dans la société, dans la cité ? Je termine donc le livre sur la question du métier, la professionnalisation du métier d'écrivain. La partie commence en ces termes :

“Cherchons à présent à définir pourquoi l'attention portée aux objectifs de formation gagne à penser une professionnalisation du métier d'écrivain. La perspective des métiers de l'écriture permet certes d'aborder la question des emplois auxquels forment les cursus en écriture créative de manière plurielle et sur le principe des compétences. Elle correspond à la réalité des débouchés professionnels polyvalents des cursus en écriture créative à l'échelle internationale. La mention Métiers de l'écriture permet de déployer, dans l'horizon des futurs diplômés et également dans le présent des stages, une palette de secteurs d'emploi et d'activités rémunératrices mobilisant les compétences plurielles effectivement développées au cours de la formation, principalement des compétences rédactionnelles et créatives, dans le sens de capacités de recherche, d'innovation, mais également organisationnelles et culturelles. L'étudiant sait, par exemple, travailler en groupe selon plusieurs modalités de collaboration, coopération et il sait montrer la richesse de sa bibliothèque intérieure et utiliser ses acquis culturels et, en particulier, littéraires pour des tâches qui ne supposent éventuellement pas d'avance. Ces enjeux de formations intéressent au premier plan l'université contemporaine et ne sont pas de peu d'importance pour l'institutionnalisation dont il retourne. Pourtant, la pluralité des emplois possibles ne doit pas cacher l'objectif premier de formation d'écrivain, qui est le critère explicite du nombre exponentiel des candidatures. La lecture des dossiers de demande en informe clairement : l’étudiant peut désormais afficher publiquement. Il se forme à devenir écrivain.”

L'ouvrage que je vous présente vraiment s'intéresse à la création dans la littérature, dans un champ qui est quand même petit dans l'ensemble des créations contemporaines et qui est le champ littéraire. Des déplacements, il y en a beaucoup. Il y en a en particulier par rapport à ce que Lionel Ruffel et Olivia Rosenthal ont beaucoup porté un comme comme principe de redéploiement du littéraire du côté de la littérature exposée. La littérature hors du livre aussi, j'aime bien penser que on rejoint là la question du numérique, qui m'intéresse très fortement. Vous savez combien, par exemple, François Bon a beaucoup parlé d'une littérature qui s'extrait de la perspective du livre, tout en en gardant les principes. Donc voilà, c'est vraiment mon ouvrage, vraiment, est, à ce point-là, du contemporain dans la pensée du littéraire. Est-ce qu'on peut penser un littéraire qui puisse s'extraire du livre ? Est-ce qu’on est obligé de penser l'œuvre, est-ce qu'on est obligé de penser la bibliothèque. Est-ce qu'on est aussi obligé de penser un cadre comme le genre ? Voilà, tout cela est posé, mais posé de manière vraiment heuristique, en envisageant qu'on puisse finalement ne plus tenir compte de ces grands repères classiques du littéraire pour essayer de définir les écritures de demain. Ça, c'est là la partie qui s'appelle l'œuvre :

“Une pensée de la création envisagée non comme simple archéologie de matériaux constitués, mais comme projection vers un devenir vers l'informe d'une littérature non encore advenue réclame une orientation qui aura ses conséquences artistiques mais aussi axiologiques et politiques. Se projeter demande à définir une direction. Que serait un projet qui ne distinguerait pas ce vers quoi il tend ? Acceptons de le penser comme un choix entre plusieurs possibles n'interdisant pas le jeu. Dans la liste ouverte de ses possibles, l'orientation vers l'œuvre apparaît comme la voie royale parce que déjà amplement tracée par la perspective lectorale. Or, ce n'est pas une évidence dans une pensée cinétique de la création, qui se méfie de la fixité des objets et tente de se démarquer de l'herméneutique strictement lectorale. L'accent y sera mis plutôt sur le processus que sur le produit d'une réalisation, sans que l'attachement au processus ne dise en soi quel est le point d'arrivée, ni s'il est même indispensable d'en prévoir.”

Merci à AMarie Petitjean pour sa participation à cette émission, enregistrée et réalisée par les PUV, avec le concours de la bibliothèque universitaire et le soutien du service communication.