Bonjour à toutes et à tous, bienvenue à la Maison des sciences de l'Homme, monsieur l'ambassadeur, mesdames et messieurs, permettez-vous-moi de revenir brièvement en tant que président de cette fondation sur l'engagement qui a été celui de la fondation dans la cause de l'océan, qui est assez récent et donc peut-être mérite une petite explication. La Fondation Maisons des sciences de l'Homme fait partie, si on croit le bilan qui a été tiré par le département des affaires économiques et sociales des Nations unies au mois d'août, des 855 organisations accréditées en tant que partie prenante de la troisième conférence des Nations unies sur l'océan de Nice en juin dernier, et elle fait partie des 77 organisations ayant déposé une déclaration écrite qui se trouve sur le site des Nations unies, donc je vous invite à la lire si vous le souhaitez en complément. Lors de cette conférence, deux choses nous semblent être apparues de manière éclatante, nette. La première est le rôle attendu des sciences dans la préservation et la gestion durable de l'océan. Le besoin affirmé de connaissances scientifiques, les innovations que promet le mode de coopération privilégiée par les sciences, comme l'illustre le développement du jumeau numérique de l'océan, ou encore l'importance de la diffusion des connaissances au plus grand nombre. La seconde qui m'a beaucoup frappé à entendre les interventions des chefs d'États et de gouvernements se succéder, venant des petits États insulaires en développement, mais aussi de nombreux autres États petits ou grands insulaires ou non insulaires, d'une affirmation peut-être moins attendue, en tout cas moins attendue de ma part, mais qui revenait de manière fréquente. Ocean is culture, l'océan est culture ou une culture ou une autre culture. Aussi je voudrais simplement redire ici fortement, en ce mi-temps de la décennie des Nations unies pour les sciences océaniques, que ces sciences ne sont pas seulement les sciences marines et biologiques, ou les sciences dites dures, mais ce sont aussi les sciences humaines et sociales. Un océan durable, c'est de la politique, du droit, de l'économie, ce que montrent bien les enjeux de la gouvernance, ce sont aussi des comportements individuels, des actions collectives, des politiques publiques, et je n'oublie pas, au titre personnel, en tant que chercheur, que l'Union européenne s'est construite dans les mines de lignite de Cologne à Aix-la-Chapelle et champs de blé de Beauce, entre Seine et Loire, aussi bien que dans les eaux poissonneuses de l'Atlantique à la mer du Nord. Ce sont encore des rapports sociaux, des représentations culturelles, des relations humains non humains, etc., toutes choses qu'étudient les sciences humaines et sociales. Les sciences océaniques sont donc des sciences humaines et sociales. Aussi, la Fondation s'est engagée dans la cause de l'océan en reprenant le fil de la pensée de son fondateur, Fernand Braudel, auteur de La Méditerranée, en créant un programme sur cinq ans, Océans, mondes sociaux, mondes vivants, ces deux choses sont aussi importantes pour nous, les unes que les autres. C'est un programme de financement de la recherche collaborative entre les sciences humaines et sociales et la société, en s'appuyant sur ses propres ressources et sur le mécénat. Je rappelle au passage que tout le monde peut contribuer à cet effort par un don. C'est aussi un programme de diffusion des connaissances qui vise à développer des actions innovantes en matière de synergie entre la diffusion textuelle et la diffusion audiovisuelle de ces connaissances. Ce cycle de conférences Océans, héritage commun, défi partagé fait partie de cette initiative et avant de céder la parole aux intervenants pour cette cinquième séance, que je tiens donc à remercier très chaleureusement monsieur l'ambassadeur Charles Tellier, Martin Alessandrini, Julia Tasse et Mélanie Chalandon, que je vais charger peut-être de les présenter plus avant. Donc permettez-moi aussi de remercier nos partenaires, la fondation Calouste Gullbenkian délégation en France, qui est partenaire de ce programme et de ce cycle. Je tiens à saluer (Nabstentia), sa directrice Teresa Castro et la fondation Tara Océans dont il doit y avoir plusieurs présents à part notre intervenant ce soir ici qui est partenaire de cet événement. Voilà je vous remercie de votre écoute pour ces quelques paroles d'introduction et je passe cette parole à Mélanie Chalandon que je remercie très sincèrement d'animer cette séance.
Merci monsieur le directeur. Merci beaucoup monsieur le directeur. Bienvenue à toutes et à tous pour cette cinquième rencontre du cycle Océan héritage commun défi partagé organisé par la Fondation Maison des sciences de l'Homme et nous parlons aujourd'hui des défis post-UNOC 3. Alors l'UNOC c'est la conférence des Nations unies sur l'océan dont le troisième sommet depuis sa création en 2017 s'est tenu à Nice du 9 au 13 juin. C'est pourquoi on l'appelle l'UNOC 3 et c'est un acronyme qu'on va régulièrement entendre. Il y aura beaucoup d'acronymes peut-être dans cette discussion mais je compte sur nos invités pour les expliciter au fur et à mesure. Cet UNOC 3 organisé par la France et le Costa Rica. Cet événement a été marqué par une importante mobilisation diplomatique tout d'abord, 175 délégations, 64 chefs d'États et de gouvernements, 28 responsables d'organisations onusiennes mais aussi de la communauté scientifique. Il y a eu par exemple le congrès One Ocean Science juste en amont de l'UNOC et puis sans oublier bien sûr la société civile, 130 000 visiteurs à Nice durant les cinq jours de l'événement. L'UNOC 3 a été saluée comme une réussite, un moment historique selon certains, avec quelques nuances près pour d'autres on va en discuter. Et de fait on a entendu des discours très forts de la part des dirigeants. Le processus de ratification du traité sur la haute mer, le BBNJ, s'est accéléré. Les participants se sont quittés avec une feuille de route, le plan d'action de Nice pour l'océan qui contient à la fois une déclaration politique commune et de nombreux engagements volontaires. L'objectif, je le rappelle et je cite l'ONU, était d'accélérer l'action et de mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l'océan. C'est un objectif qui est en lien avec la mise en œuvre des ODD, l'objectif de développement durable, le numéro 14 des Nations unies. Alors quelles avancées l'UNOC 3 a-t-elle vraiment permis ? Quel défi de mise en œuvre à présent ? Comment tirer profit de l'élan créé par la conférence pour continuer à avancer loin des micros et des caméras ? Quels sont les obstacles d'ores et déjà identifiés ? Quelle responsabilité des différents acteurs dans la protection de ce plus grand bien commun de l'humanité qu'est l'océan ? On en discute avec trois intervenants. Julia Tasse, bonsoir. Bonsoir. Vous êtes directrice de recherche à l'IRIS, l'IRIS c'est l'Institut de Relation Internationale et Stratégique, où vous êtes responsable du programme Océan. À vos côtés, Charles Tellier, bonsoir.
Bonsoir.
Vous êtes diplomate, ambassadeur, adjoint de l'ambassadeur pour l'océan et les pôles, Olivier Poivre d'Arvor, et notre dernier intervenant, Martin Alessandrini, bonsoir.
Bonsoir.
Vous êtes chargé de mission plaidoyer et coopération internationale à la fondation Tara Océan. Alors je vous propose qu'on essaie peut-être de se replonger dans cet événement. Trois mois ont passé. Est-ce que peut-être justement reprendre ce terme historique qu'on a beaucoup vu dans la presse, beaucoup vu dans les commentaires au moment de la clôture de l'UNOC. Julia Tasse, est-ce que vous reprenez à votre compte ce terme historique ? Est-ce que l'UNOC-3 a été un moment historique ? Est-ce qu'elle a été un tournant dans la gouvernance mondiale des océans ?
J'ai combien de temps pour répondre à cette question ? Je vais essayer de simplement donner quelques impressions personnelles aussi sur ce caractère historique. Ce qui était impressionnant, c'était la quantité de personnes qu'on pouvait voir dans la ville de Nice, parce qu'il y avait à la fois beaucoup de monde dans les zones de négociations et de discussions officielles, mais aussi énormément de monde dans la partie qui était dédiée à la société civile. Et ça avait cette particularité que l'on ne retrouvait peut-être pas dans les deux éditions précédentes. Celle de 2022 en partie parce qu'on était encore dans la fin du Covid, donc il y avait eu beaucoup de choses qui avaient empêché d'avoir autant de monde. Et puis parce que, et celle de 2017 qui était en comité beaucoup plus restreint. Donc qu'il y ait autant de monde à la fois dans les délégations, mais aussi dans la ville de Nice pour venir voir ce qui s'y passait, c'était impressionnant. Historique, parce que ces engagements sur le traité qui concerne la haute mer ont été obtenus, je pense, avec beaucoup d'efforts en amont puis les premiers jours de la conférence. Ensuite, personnellement, ce que je trouve, ce que je tire de cette conférence au-delà des engagements, parce que comme toute conférence internationale, ce sont des engagements qui, alors pour le traité de BBNJ, sont contraignants, mais pour beaucoup d'autres choses ne seront pas forcément contraignantes. Donc j'attends de voir, je pense que j'attends à peu près cinq ans pour voir si on peut qualifier ça d'historique. Mais sur mon impression personnelle, c'est qu'on n'a jamais autant parlé de la mer et des océans en France que cette dernière année. On va dire en commençant septembre 2024, il y a eu énormément de choses et notamment sur la gouvernance de l'océan et pas uniquement sur, par exemple, la pollution plastique ou en tout cas des sous-sujets. Là, il y a eu une vision assez globale de tous les enjeux maritimes depuis septembre 2024. Et à titre personnel, c'est vraiment ça que je vais tirer de cette conférence. Au-delà de son aspect international, c'est que parce qu'elle avait lieu en France et parce que la France était un des deux hôtes de cette conférence, il y a eu beaucoup de discussions et ça a généré de l'intérêt. Et ça, ça aura peut-être un impact en termes politiques au niveau français. Et peut-être que ce sera historique parce que les Français s'y seront intéressés depuis un an.
Charles Tellier,
est-ce
qu'en termes diplomatiques, la conférence a été un succès et si oui, quels étaient les critères de ce succès ?
Alors moi, je n'ai pas d'hésitation à dire que c'était un succès historique. D'abord parce que le président de la République voulait que ça soit un succès historique et qu'on a mis les moyens pour que ça le soit. On a mis énormément d'efforts dans la mobilisation de notre réseau diplomatique, dans la mobilisation de nos partenaires. On y travaillait depuis plusieurs années en fait. On travaillait depuis trois ans à faire ce succès de l'UNOC. Et puis, parce que la façon dont on l'a construite, c'était aussi la possibilité de, comme Julia vient de le dire, de faire converger beaucoup de sujets et beaucoup de parties prenantes qui ne se parlent pas toujours assez. Vous y avez fait allusion aussi, le One Ocean Science Congress, c'était la première fois qu'on réunissait pas loin de 3
000 scientifiques, chercheurs, universitaires sur le thème de l'océan. Je suis sûr qu'ils se parlent souvent entre eux, mais là, ils étaient tous ensemble. Ils ont fait des recommandations aux chefs d'États et de gouvernements en disant voilà la priorité pour vous, voilà ce qu'il faut que vous fassiez demain. Et donc, d'avoir ça, d'avoir la société civile aussi présente, le nombre d'organisations non gouvernementales, la venue de représentants des populations autochtones, à la fois du Grand Nord, mais aussi du Pacifique, tout ça contribuait à ce que des gens qui ne se parlent pas assez souvent se parlent. Et puis, le fait qu'on arrive à avoir 65 chefs d'États et de gouvernements, c'est extrêmement rare, en fait. C'est extrêmement rare et c'est extrêmement rare au point de vue de ce que certains disent de la crise du multilatéralisme. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, les Nations unies, ça dysfonctionne, les États n'arrivent plus à se parler, l'ONU est bloquée et c'est en partie vrai sur un certain nombre de dossiers. Mais là, nous, on a réussi à faire ça et on a vraiment réussi à avoir à la fois un texte fort, une déclaration politique forte, des engagements volontaires certes, mais des engagements forts. Et puis, quand on écoute les discours des chefs d'États et de gouvernements et ceux des petits États insulaires en développement, mais pas que, tout le monde a parlé de l'urgence, tout le monde a parlé de l'importance. On n'a pas cité là les grands chiffres sur l'importance de l'océan pour notre climat, mais c'est le régulateur du climat. Si vous pensez que c'est la forêt amazonienne, détrompez-vous, ce n'est pas ça. C'est vraiment l'océan. Et donc arriver à avoir un tel consensus sur le fait que c'est urgent d'agir, oui, ça, c'est historique et sans précédent. Et c'est ça qu'on voulait faire. C'est ça qu'on a... On est contents d'avoir réussi à faire ça.
Juste une précision sur la mobilisation diplomatique. Est-ce que, d'après ce que vous dites, il faut comprendre que ce n'était pas gagné d'avance d'avoir autant de chefs d'États et de gouvernements, autant de responsables d'institutions onusiennes réunies à ce moment-là ? Et qu'est-ce qui a fait que ça a été possible ? Qu'est-ce qui a fait que, par rapport à l'UNOC 2 ou à l'UNOC 1, outre l'aspect conjoncturel du Covid, qu'est-ce qui a fait que là, à Nice, la diplomatie française est arrivée à faire venir non seulement de nombreux pays, mais avec des représentations à haut niveau ?
Ce n'est pas pour faire un cocorico, mais objectivement, on a un réseau diplomatique extrêmement performant, des gens extrêmement motivés, qui ne comptent pas leurs heures, et que nous à Paris, et quand je dis nous à Paris, c'est tout le monde, on a harcelé jour et nuit en fait, pour que eux fassent ce travail de conviction, obtiennent le fait de faire venir le chef d'État dans leur pays de résidence, que les choses avancent. Encore une fois, ça s'est construit sur la longue durée. C'est parce que la négociation à New York était importante et que les pays l'ont vue, c'est parce que la France a un pouvoir d'attraction, parce que le président de la République, depuis son élection, a beaucoup fait sur ce qu'on appelle les enjeux globaux, sur la santé mondiale, sur la sécurité alimentaire, sur la nutrition, sur le climat, sur la biodiversité et l'environnement, tout ça, ça joue. Et donc, quand on dit aux gens, c'est vraiment important, on compte sur vous, venez, eh bien ils finissent par venir. Et puis après, il y a un effet boule de neige, heureusement, quand on leur dit, vous savez, Untel, Untel, Untel est là, venez. Mais ce qui est quand même extrêmement significatif, c'est qu'on avait tous les pays du Pacifique au niveau chefs d'États et de gouvernements. On avait tous les pays de la Caribe au niveau de chefs d'États et de gouvernements. On avait vraiment de très grands pays. La Chine était là au niveau de son vice-président, le président brésilien était là. Ce qui nous a juste manqué, c'est les pays du G7 en vrai. Et les États-Unis. Mais c'est un travail pour lequel je ne peux que louer les mérites et la force de notre réseau diplomatique, de nos ambassadeurs, de nos conseillers politiques en poste qui ont fait un travail absolument incroyable.
Martin Alessandrini, du point de vue des ONG, de votre ONG en particulier, quel bilan vous avez établi à l'issue de ces cinq jours ? Comment est-ce que vous, vous avez vécu l'événement ? Qu'est-ce qui vous a marqué ?
Je rejoins assez ce qu'a dit Julia en introduction. Je pense que ça a apporté un regard assez nouveau sur la manière dont on construit un événement international de cette ampleur-là. Jusqu'ici, je n'ai pas souvenir d'avoir participé à un événement où la société civile et le grand public, y compris, aient une place aussi forte. Et c'est sûr que ça apporte, un, une transparence assez forte avec le grand public qui permet un intérêt fort et donc une compréhension de ce qui se joue à cette UNOC. Et puis deux aussi, une certaine forme de pression, puisqu'il y a de l'intérêt, il peut y avoir de la pression un peu plus publique, qui permet d'avoir un levier de négociation qui est plus fort. Donc ça, c'est sûr que c'était quelque chose d'assez nouveau. On ne pourra pas faire tous les sommets comme ça, parce que je pense que sinon il y aura une certaine forme peut-être de lassitude d'avoir perpétuellement une mobilisation aussi forte. Mais là, c'était vraiment quelque chose d'assez nouveau et de très différent de la précédente édition, notamment de cette UNOC, qui avait peiné à rassembler du monde et surtout ce grand public. L'UNOC, vous l'avez dit en introduction, mais c'est un accélérateur. Il n'y a pas de textes spécifiques associés à l'UNOC. On ne peut avoir que des déclarations des États d'accélérer des textes contraignants qui sont associés à l'océan. C'est à la fois une force, parce que c'est génial d'avoir enfin une arène dans laquelle on puisse discuter de tous les sujets liés à l'océan et non pas spécifiquement du climat en novembre à la COP, puis ensuite de la biodiversité de manière complètement scindée, alors qu'en fait, c'est un sujet unique, et de pouvoir accélérer sur tous ces sujets-là. Les déclarations ont été présentes, et massivement, sur tous les sujets forts de l'UNOC, la haute mer, le traité plastique où il y a eu une déclaration conjointe forte de quasiment une centaine d'États, ce qui est énorme. C'est la majorité des États qui négocient aujourd'hui pour un traité plastique. Donc aujourd'hui, l'UNOC dans ce qu'il est, c'est-à-dire cette conférence accélératrice, a été une réussite. En revanche, il va falloir convertir cet essai en ayant vraiment des engagements concrets qui permettent de dire qu'après cet UNOC, oui l'océan est effectivement mieux protégé, oui on constate une amélioration de l'état des écosystèmes, et ça pour l'instant, ce n'est pas encore le cas, mais c'est normal, parce que ça tient à ce qu'est l'UNOC aujourd'hui, et l'UNOC, c'est cet accélérateur qui demande à être converti dans l'ensemble des sommets qui vont avoir lieu dans les mois et années à venir.
Et vous évoquiez le plastique. On a vu quelques semaines, deux mois après l'UNOC, malheureusement l'échec des négociations sur le traité pour la lutte contre la pollution plastique à Genève, ce qui illustre peut-être la difficulté et l'enjeu d'avoir un élan fort et puis qu'ensuite ça se concrétise dans des négociations plus poussées. Julia Tasse, vous aussi observé je crois cette place particulière de la société civile, j'insiste un peu sur ce point, la place des scientifiques également, la place de philanthropes aussi, d'entreprises privées, donc un monde très divers qui ne se limitait pas aux diplomates. Et est-ce que ça a pu créer une forme de pression sur les négociateurs que cette présence-là ? Et puis je poserai ensuite la question à Charles Tellier sur l'intention qui était celle de l'État organisateur de faire une place, est-ce que ça jouait aussi pour dire aux États qui avaient fait le déplacement, voilà l'attente qu'il y a derrière ?
Ça a mis une pression sur les délégués qui représentaient les États. Mais encore une fois, comme l'a dit Martin, ils ne négociaient pas. Il n'y avait pas d'échéance où on devait absolument arriver à un accord contraignant à la fin du sommet. Donc je pense que l'essentiel de la pression, si elle en a eu, elle a eu lieu avant. Là c'était plutôt donc d'une part un rendez-vous, c'est-à-dire que ça permettait de mettre au même endroit tous ceux qui travaillent sur toutes les thématiques océan. Et on l'a un tout petit peu mentionné, mais je pense que c'est important de peut-être le réexpliquer. Quand on parle de la conférence de l'ONU sur les océans, ça paraît être un cadre très réglementé où on parle de tous les enjeux maritimes. En réalité, tout est fractionné, c'est-à-dire que le traité plastique dont on parle n'est pas le même que le traité sur la haute mer, qui n'est pas le même que le traité sur les fonds marins, etc. Et en fait, on a l'impression de ne pas pouvoir suivre ce qui se passe parce qu'on a plein de noms, en plus on a des acronymes en anglais, donc ça ne simplifie pas les choses. Peut-être simplement resituer comment tout ça fonctionne. Les différentes agences de l'ONU vont avoir des responsabilités sur des thématiques qui touchent l'océan. Parfois ce sont des responsabilités qui sont en lien avec la pollution, la pollution plastique par exemple. Parfois c'est des agences ou des organisations de l'ONU, comme l'Organisation maritime internationale qui s'occupe du transport. Donc en fait on a l'impression que c'est lié, mais non il y a une autre organisation qui régule le transport maritime. Il y a une structuration de l'ONU autour du droit de la mer avec le droit de la colonne d'eau, le droit des fonds marins, etc. Et en fait cette fracturation a créé tout autant de discussions parallèles avec des négociateurs qui sont souvent les mêmes individuellement, mais qui vont passer beaucoup de temps à aller rencontrer leurs pairs qui sont aussi les mêmes mais pas sur le même sujet. Et c'est assez rare finalement qu'on ait l'occasion de mettre tout le monde au même endroit pour parler de tous les sujets de manière un peu plus transverse. Et donc je pense que c'est vraiment ça qui a été mobilisateur dans l'événement à Nice, c'est qu'il y avait énormément de monde qui traitait de sujets différents au même endroit, et ça permettait à des ONG de rencontrer des philanthropes, à des scientifiques de rencontrer des philanthropes, parce que par exemple à titre personnel ce que j'ai trouvé assez incroyable, c'est la mobilisation des philanthropes américains et notamment d'organisations philanthropiques qui vont financer des campagnes scientifiques avec des bateaux océanographiques immenses, avec des moyens qui sont assez considérables. Et donc voilà, ça permet de mettre autour de la table des acteurs qui peuvent travailler en réseau et dans les quatre, cinq prochaines années qui vont pouvoir lancer des projets parce qu'ils se sont rencontrés à l'UNOC. De là à vous préciser qu'il y a eu une pression sur les négociateurs, je ne suis pas sûre, mais il y avait un élan et une émulation qui a peut-être aidé à accélérer certains projets. Est-ce que ce sont des projets de traités ou d'accords internationaux ? Là-dessus je suis un peu moins certaine que ça ait vraiment eu un effet parce qu'on reste quand même dans un cadre onusien où les négociations sont fragmentées et chaque délégation a des ordres à respecter. Et évidemment ça peut évoluer mais on reste quand même dans des fragmentations donc ils sont peut-être rentrés chez eux ensuite avec des nouvelles idées et des nouveaux élans mais tout ça, ça reste à confirmer avec leurs ministères respectifs. Donc voilà, je suis moins enthousiaste sur l'historicité en termes de relations internationales.
On va y venir Charles Tellier sur cette question de la société civile et puis après on va parler de ce que contient le plan d'action de Nice.
Alors en fait, le fait qu'il n'y ait pas de texte sur lequel on doit aboutir, ça a d'autres avantages. C'est-à-dire qu'on savait à l'avance parce que c'était prénégocié depuis plusieurs années à New York et qu'on avait abouti à un accord en mai sur un texte qu'il
n'y avait pas à se battre jusqu'à la dernière seconde, à arrêter les pendules comme on fait régulièrement pour les COP. Je pense à la COP Climat en particulier où on fait ça tout le temps et il n'y avait pas de compromis bancal donc à trouver. Donc on était d'une certaine façon, il y avait un peu plus de sérénité. Par contre la pression que nous on s'était mise pour faire aboutir en amont tout ça à l'organisation maritime internationale, trouver un accord sur la décarbonation du transport maritime, ça c'était en avril. On verra si ça passe en novembre, il y a une deuxième session. On est un peu plus inquiets parce que les Américains ont dit que c'était un accord qu'il fallait détruire donc on va voir ce que ça donne quand ça repasse à l'organisation maritime internationale. On s'était mis d'accord sur le fait qu'on allait avoir le maximum de ratifications déposées à Nice pour l'accord BBNJ. Donc ça c'était un enjeu important pour nous. Mais effectivement le maître mot de la gouvernance internationale de l'océan, c'est ce que disait Julia à l'instant, c'est que c'est extrêmement fragmenté. Ce que l'UNOC a permis, c'est de se réunir tous ensemble à un niveau qui est celui des chefs d'États et de gouvernements et ça, ça permet aussi de sortir des instructions que les négociateurs ont dans chacune des enceintes, les juristes qui négocient à l'agence internationale pour les fonds marins, ceux issus du ministère des Transports qui sont à l'organisation maritime internationale, et de se rappeler quel est le sujet, quel est l'enjeu. Et l'enjeu, il est, si on ne protège pas aujourd'hui tout de suite l'océan, et je dis bien de l'océan, ce n'est pas les océans, c'est l'océan, il n'y en a qu'un, il est pour tout le monde, et si on ne le fait pas tout de suite maintenant, on n'aura pas grande chance de préserver un climat vivable sur la planète. Donc ça, c'est ce que les chefs d'États et de gouvernements ont rappelé fortement et donc ça, ça permet dans ce climat apaisé dans lequel on n'est pas en train de négocier un texte sur lequel personne n'est d'accord et ce qu'on a vu pour le traité plastique, vous y faisiez allusion, le traité plastique on n'est pas d'accord du tout parce qu'il y a un petit groupe de pays qui fait une résistance acharnée pour continuer à produire du plastique. C'est indécent dans l'état actuel de la planète, mais on n'y peut pas grand-chose, si on veut un accord par consensus, eh bien on est obligés de faire ça. Ce qu'on a vu sur l'UNOC, c'est que la déclaration politique de l'UNOC, elle a été adoptée à la fin de la conférence par consensus. Il n'y a pas eu de vote et ça, c'est un succès phénoménal aujourd'hui dans le monde dans lequel on vit. À New York, quand il a fallu la refaire passer, les États-Unis ont demandé un vote et 162 États ont voté pour et un seul contre. Ce n'est pas du consensus, mais au moins c'est un signal très fort que la très grande majorité de la planète au niveau de leurs chefs d'États, de leurs chefs de gouvernements considèrent que cet agenda, c'est un agenda crucial pour demain.
Donc pas de texte sur lequel on s'écharpe pendant des heures jusqu'à tard dans la nuit à la virgule près. Mais néanmoins une déclaration politique commune qui a donc été rendue publique à l'issue des cinq jours, Martin Alessandrini, avec plus de 800 engagements volontaires, c'est peut-être là justement que se situe la différence avec les textes lors des COP ou des traités, parce que ce sont des textes engageants, contraignants, non pas engageants mais contraignants. Ces engagements volontaires, quelle solidité ont-ils, quelle garantie ? Et puis peut-être qu'on peut en donner quelques exemples de ceux qui ont été pris. Je ne sais pas si vous en avez en tête, il y a énormément de choses, mais est-ce qu'on peut rentrer un petit peu dans le détail de ces engagements-là ?
Il y en a énormément, évidemment qu'ils ont une solidité extrêmement forte parce que déjà, ils ont une rapidité d'application qui peut être beaucoup plus rapide. C'est le cas notamment par exemple de tous les États qui ont contribué à l'atteinte, en tout cas qui contribuent à ce qu'on atteigne, cet objectif de 30 % d'aires
marines protégées par exemple d'ici 2030, qui est un objectif global que tous les États ont porté, mais qui dépendra forcément d'annonces individuelles également, puisque si le traité haute mer va nous permettre dans les années à venir de déposer des aires marines protégées en haute mer où la responsabilité sera collective, il y a aussi tout le reste de l'océan qui est aujourd'hui couvert par les ZEE et qui sont, par les Zones économiques exclusives, excusez-moi, et qui sont donc celles sur lesquelles on a le pouvoir d'action dès maintenant, qui peuvent être portées et notamment qui ont été faites au moment de l'UNOC. Beaucoup d'États ont annoncé des nouvelles aires marines protégées, je pense notamment aussi en France au gouvernement de Polynésie qui a annoncé d'immenses aires marines protégées dans les Outre-mer, c'est un peu moins le cas en métropole, mais il y a eu de grandes surfaces qui ont contribué à atteindre cet objectif-là. Donc c'est sûr que c'est les engagements qui permettent d'avoir une action la plus rapide aujourd'hui, puisqu'ils ne dépendent pas de tous ces cadres qui ont été discutés et de toutes ces négociations acharnées qui sont discutées dans l'ensemble des textes type BBNJ, type Autorité internationale des fonds marins ou encore traité plastique pour ceux qui sont à venir et qui vont se rajouter à ceux qu'on discute déjà et sur lesquels on est déjà en train perpétuellement d'avoir ces COP pour rehausser les ambitions, d'autres vont encore se rajouter. On parle aussi des engagements des États mais il y a aussi des engagements individuels et tu l'as rappelé Julia de la part des philanthropes, il y a les philanthropes et la société également économique qui a contribué très fortement et ça a été le cas avant l'UNOC avec un congrès économique qui a permis aussi de réunir des acteurs économiques et c'est un levier extrêmement fort. Je pense que par exemple une des déceptions assez forte de l'UNOC, c'est le nombre d'États qui ont rejoint les propositions de moratoire pour l'exploitation minière des grands fonds. Personnellement et beaucoup d'ONG le pensaient, avec un sommet aussi fort, on pensait que l'effort permettrait d'avoir plus d'États qui rejoindraient cette proposition de moratoire pour l'exploitation minière des fonds marins.
En revanche côté économique...
Il n'y en a que 37...
C'est trois qui se sont rajoutés pendant l'UNOC et donc du coup on a
atteint 37 c'est ça. En revanche ça n'a pas été le cas du côté des acteurs économiques. On en a plusieurs qui ont retiré leur soutien économique et de fait ont fragilisé la viabilité de secteurs économiques à venir qui pour l'instant n'existent pas. Et c'est ça qui est intéressant, c'est qu'on est sur un des rares sujets sur lequel le principe de précaution peut encore être appliqué correctement dans l'océan, c'est cette exploitation minière des grands fonds. Et là on a eu des engagements aussi individuels de la part d'acteurs économiques qui se sont retirés. Donc je pense que cette intégration structurée et de la société civile et des acteurs économiques aux côtés des décideurs politiques, c'est un trépied supplémentaire pour avancer dans des actions concrètes et ces actions individuelles, elles sont nécessaires également.
Est-ce que vous êtes confiant sur la mise en œuvre de ces engagements ? Qu'est-ce qui protège du fait que dans six mois, un an, deux ans, les mêmes acteurs disent on n'a pas les financements, on a d'autres priorités pour notre entreprise ou pour notre État ? En tant qu'ONG, vous êtes confiant ? Quelles sont les garanties qui vous permettent d'espérer que sur ces 800 engagements, je ne sais pas combien seront vraiment pris dans les années à venir ?
C'est un travail aussi. On revient aussi aux acteurs économiques parce que souvent quand on parle de respect des engagements, on parle de est-ce qu'on obtient les financements suffisants pour qu'une action déclarative se transforme en action opérationnelle sur le terrain. C'est le cas encore une fois des aires marines protégées. Aujourd'hui, on peut annoncer des surfaces d'aires marines protégées, si on ne dispose pas des financements corrects pour faire un, la surveillance et deux, l'entretien des sites, forcément, on se retrouve avec des actions de papier. Il y a deux aspects dans ces déclarations. Si on reste sur cet exemple des aires marines protégées, il va y avoir est-ce que ces aires marines protégées, elles sont d'un point de vue qualitatif suffisamment protégées ? Puis ensuite, dans un deuxième temps, est-ce qu'on est capables de les gérer correctement sur le long terme ? Donc ça, c'est des choses qu'il faut pousser et qu'il faut, encore une fois, on en revient à est-ce que l'UNOC est une réussite ? Oui, si on arrive à la convertir dans la durée et à la suivre correctement et à faire en sorte que tous ces engagements, ils se concrétisent dans la durée. J'ai cru comprendre que c'était l'ambition de la France d'avoir ce suivi dans la durée de ces engagements de Nice. C'est le point le plus crucial et c'est celui qui convertit et qui permet de nous dire que l'UNOC est effectivement une réussite.
On peut peut-être rester encore un instant sur la question des aires marines protégées.
Julia
Tasse, il faut peut-être définir de quoi on parle exactement parce que l'idée d'aires marines protégées, on a vite l'idée de zones totalement sanctuarisées, peut-être comme mise sous cloche de parties de l'océan où il n'y aurait plus aucune activité humaine. Or, je crois que c'est un petit peu plus complexe que ça. Une aire marine protégée, ça ne signifie pas forcément qu'il n'y a pas d'activité voire même qu'il n'y a pas de pêche. Donc est-ce que vous pouvez nous redire ce que c'est que ces aires marines protégées et les attentes qui y sont associées puisque c'est un des points forts du BBNJ, du traité sur la haute mer ?
Oui, alors je vais partiellement répondre à votre question parce que je pense que je vais laisser Martin la compléter. Il aura sans doute beaucoup plus de détails sur les niveaux de protection. Donc une aire marine protégée, ça définit simplement le fait qu'on désigne un morceau de mer comme étant sous une forme de régulation des activités, un peu plus forte, parce qu'on veut protéger les écosystèmes qui s'y trouvent. Voilà, je pense que ça, c'est une définition assez basique d'une aire marine protégée. Maintenant, la question est la suivante. Pour moi, la première question, parce que j'étudie plutôt la géopolitique, c'est qui s'engage à ne pas agir ou à réguler ou à contrôler ? Donc est-ce que c'est un acteur, donc par exemple, si c'est dans la zone économique exclusive, donc qui est une zone sous juridiction d'un État, c'est l'État qui s'engage à surveiller les activités qui s'y trouvent ?
Est-ce
qu'il a entraîné les acteurs privés avec lui ou est-ce qu'il y a en fait une opposition entre les acteurs privés et l'État ? Parce que déjà là, on va assister à des petits contournements, voilà. Donc ça, c'est la première chose. Ensuite, on parle souvent du traité sur la haute mer, qui est donc un traité qui porte sur la protection de la biodiversité au-delà des zones sous juridiction. Et alors là, je vous ouvre juste une porte, on pourra rentrer plus en détail dedans, mais les réponses aux questions que je viens de poser sont beaucoup plus complexes quand on parle de la haute mer, qui s'engage le monde entier, qui surveille, pareil, on ne sait pas trop. Donc tout ça, c'est des questions qui sont en cours de discussion. Mais là, ça va être beaucoup plus compliqué, d'une part parce qu'en fait, au niveau ne serait-ce que de la gouvernance, il faut qu'on se mette d'accord et qu'on définisse précisément qui est responsable, qui est en charge de la surveillance, quelles sont les sanctions, quels sont les moyens de régulation. Et ensuite, qu'on ait également les moyens financiers pour mettre en place tout ça, puisque je rappelle qu'on parle de zones qui sont à des milliers de kilomètres de nos côtes. Et donc on fait rarement ça sans coûts financiers associés. Donc ensuite, ça, c'est quand on a le cadre juridique. Après, il y a une question d'intention du régulateur, de la personne qui met en place ces aires marines protégées. À quel niveau de protection on pense quand on parle d'une air marine protégée ? Est-ce qu'on veut déjà, quel type d'écosystème on veut protéger, quel type d'espèces ? Et donc quels sont les cadres qu'on met en place pour protéger ces écosystèmes ? Et effectivement, quand on a toutes ces réponses-là, on peut finir avec des aires marines protégées qui ne régulent qu'une activité sur beaucoup d'autres. Donc peut-être une méthode de pêche ou alors un type de pêche à une telle saison avec telle espèce cible. En fait, il peut y avoir énormément de nuances. Et donc, il ne faut pas, peut-être juste pour finir ce propos, il ne faut pas s'arrêter au mot aires marines protégées. Je pense qu'il faut aller regarder ce que ça veut dire derrière. Il ne faut peut-être pas regarder tout ce dont je viens de vous parler, sinon ça peut être long. il faut aller regarder au moins quelle est l'intention première et quels sont les moyens mis en œuvre pour répondre à cette intention première.
Martin Alessandrini, peut-être quelques précisions sur ces aires marines protégées. J'ai lu qu'avant Nice, elles représentaient environ 8 %, entre 8 et 9 % de l'océan. Est-ce que ça a déjà sensiblement augmenté depuis Nice, ne serait-ce qu'en déclaration ? Et quelle différence entre l'aire marine protégée et l'aire marine protégée sous protection forte ?
C'est tout l'enjeu des aires marines protégées.
C'est qu'est-ce
qu'on met en effet derrière ? C'est le principal problème. Je pense que la réponse, elle peut d'abord être apportée par pourquoi est-ce qu'on fait des aires marines protégées ? Mais tout simplement parce que les aires marines protégées aujourd'hui, les scientifiques nous l'expliquent, ils nous l'ont porté d'ailleurs encore une fois à l'UNOC au congrès scientifique, aujourd'hui une aire marine protégée aux régulations suffisamment strictes, c'est-à-dire où on y interdit un certain nombre d'activités quand elle est correctement protégée et correctement gérée, elle apporte des bénéfices de conservation qui fait qu'on va avoir une résilience de l'écosystème marin. C'est le principe fondamental de l'aire marine protégée. On se base sur cette résilience de l'écosystème marin pour que lorsqu'il est correctement protégé, on ait un retour d'une certaine biodiversité. Alors malheureusement celle dont les stocks sont trop effondrés, elle ne reviendra jamais, mais certains stocks encore suffisamment solides permettent avec une aire marine protégée d'être consolidés et de revenir à des niveaux précédents. Et puis d'avoir cet effet de débordement également qui nous permet, en protégeant une certaine partie de l'océan, d'avoir un bénéfice global qui soit majeur. En fait, il sort de là, alors le chiffre de 30 % d'aires marines protégées, il est un chiffre qui a été aidé par les scientifiques. Il est aussi un chiffre politique puisqu'il est forcément issu d'une négociation âpre et il a le mérite évidemment d'exister. Mais donc on se doit désormais de mettre derrière ces 30 % d'aires marines protégées des aires marines protégées qui aient un niveau de protection réelle. Alors il y a quand même deux nuances qu'on apporte souvent dans ces négociations internationales. C'est la notion d'aire marine protégée et la notion d'aire marine protégé en protection forte. Donc l'aire marine protégé en protection normalement d'ailleurs stricte et non pas protection forte mais en protection stricte, c'est celle qui se rapproche de la définition que vous avez donnée juste avant de ce sanctuaire, de cette réserve, vous n'avez dedans quasiment rien si ce n'est des activités en fait touristiques plus ou moins. Vous avez aujourd'hui peu de définitions communes d'une aire marine protégée qui fait consensus à l'état global. Et c'est un vrai problème quand on n'a qu'un chiffre pour le mesurer. Ça veut dire qu'on est en train de mesurer des centaines de modèles différents avec un chiffre qui nous permet de l'atteindre, c'est ce 30 % d'aires marines protégées d'ici 2030. Et donc ça c'est un problème majeur et aujourd'hui les travaux qui font référence sont ceux de l'IUCN, l'Union internationale pour la conservation de la nature, qui nous propose une échelle de niveau de protection des aires marines protégées en fonction des activités qui y sont autorisées. Et donc aujourd'hui, une fois qu'on propose ces aires marines protégées en termes de surface, la prochaine étape c'est d'avoir des aires marines protégées en termes de qualité et donc de répondre à certains critères de cette union internationale de la conservation de la nature. Et donc ça, c'est un vrai enjeu et c'est difficile parce que quand on a ces annonces à l'UNOC en effet, on a tout le temps des surfaces et des surfaces et des surfaces qui nous sont annoncées et ensuite c'est difficile d'aller faire le tri entre l'intégralité des aires marines protégées qui nous sont annoncées, de savoir lesquelles vont traiter, de quelle activité et ça c'est un vrai enjeu et c'est quelque chose qui complexifie énormément le propos également pour le grand public. On a fait l'effort de l'intégrer dans cette UNOC donc il faut qu'on fasse aussi un effort de clarification sur ce que sont ces aires marines protégées pour qu'il puisse y avoir une appropriation aussi plus simple je pense de ces annonces qui sont faites dans les sommets internationaux. Et c'est un enjeu aussi majeur en France où on a ces aires marines protégées un peu au cas par cas où on a des aires marines protégées avec des formats très différents selon les différentes zones qui s'expliquent aussi par un héritage historique certain. Ça c'est sûr qu'on ne va pas avoir de transition du jour au lendemain d'une aire marine protégée avec un bassin de pêche historique par exemple à une aire marine protégée sanctuarisée du jour au lendemain, c'est évidemment impossible. En revanche on doit tendre vers une augmentation de la qualité de nos aires marines protégées en allant vers cette amélioration de la qualité et donc du niveau de protection des aires marines protégées pour que ces 30 % qu'on protège, ils servent effectivement à l'objectif initial pour lequel on les a protégées, c'est-à-dire non pas atteindre un objectif politique de 30 % d'aires marines protégées d'ici 2030 mais un objectif biologique qui est un objectif qui nous sert à tous, et à l'écosystème marin et à nous dont nous dépendons profondément, c'est-à-dire avoir une restauration et une résilience de cet écosystème pour assurer le futur de la vie sur terre.
Et que la pêche ne soit pas forcément strictement interdite mais qu'elle puisse se faire de manière durable.
Julia
Tasse vous parliez de l'enjeu de la surveillance à terme dans les zones de haute mer des moyens financiers qui pourraient être mis en place pour arraisonner un navire qui s'adonnerait à de la pêche illégale ou non réglementée. Charles Tellier, si on imagine demain qu'une aire marine protégée est définie dans le Pacifique sud mais qu'un navire de pêche chinois s'y rend pour pêcher le calamar, je prends cet exemple parce qu'il est emblématique de la surpêche, et qu'il est repéré, est-ce qu'on sait déjà qui pourrait intervenir avec quels moyens, avec quel mandat ? On est un peu dans la prospective mais puisqu'on parle de gouvernance, il faut bien parler à un moment de cadres contraignants donc est-ce qu'on réfléchit déjà à ces cadres contraignants-là qui s'appliqueront à tous à terme ?
Alors la réponse courte c'est non, on ne
sait pas. La réponse plus longue, c'est ça dépend où dans le Pacifique sud ? Si c'est en Polynésie française, c'est nous en fait, c'est notre marine nationale qui est chargée de ça dans notre zone économique exclusive et en fait la décision du gouvernement de Polynésie française, c'est précisément d'avoir une aire marine protégée. Alors pareil avec des détails sur la façon dont la protection est plus ou moins stricte en fonction des endroits, la façon dont on tolère la pêche traditionnelle qui est un sujet important pour beaucoup de populations qui vivent exclusivement de ça, beaucoup de populations côtières. Et puis donc il faut des bâtiments de la marine nationale pour pouvoir arraisonner des navires, ça il n'y a pas photo. Si c'est en haut mer, là c'est beaucoup plus compliqué et c'est ça dont la négociation et la première conférence des parties de l'accord BBNJ donc la biodiversité au-delà des juridictions nationales, c'est ça qu'il va falloir discuter, c'est ça dont il va falloir s'entendre sur quel est le modèle de surveillance, comment on le finance et comment on fait en sorte pour que cette cette protection soit effectivement efficace, c'est-à-dire qu'il y a une effectivité du droit et c'est toute la question du droit de toute façon, toute l'histoire de l'humanité, quelle est l'effectivité du droit quand il y a des passe-droits parce qu'on est riche, parce qu'on est aristocrate, parce que voilà. Et tout ça, c'est l'histoire de l'effectivité du droit donc demain, il y aura un droit plus efficace en haut mer. L'océan c'est 70 % de la surface de la planète et demain il y aura tout ça mais aujourd'hui on n'a pas de bonne solution, on n'a pas de solution, on sait ce que ça coûte, on sait à peu près comment il faudrait le faire. Ce qu'il faut aussi, et c'est là où la partie gouvernance internationale dans toutes ses subdivisions entre en jeu, c'est que pour lutter contre la pêche illégale non documentée et non régulée, dite pêche INN, il n'y a pas que BBNJ et en fait l'accord BBNJ servira entre autres à ça mais le sujet de base, il est comment est-ce qu'on limite le nombre de ces flottes qui font de la pêche illégale, comment est-ce qu'on empêche ces flottes de vendre leur cargaison à terre et que ce ne soit pas réexporté sous une fausse identité en fait. Tous ces enjeux-là, ils sont traités complètement ailleurs, ils sont traités à la FAO. C'est un autre accord qui existe depuis dix ans et vous mentionnez la Chine et la Chine a à l'UNOC annoncé parmi ses engagements qu'elle ratifiait l'accord sur les mesures de l'état du port. C'est une avancée considérable. Les mesures de l'état du port... C'est-à-dire en fait, le fait que quand on arrive avec un bateau de pêche dans un port, qu'on débarque la cargaison, on sait précisément ce qu'il y a dedans, on sait quel est le navire, quel est le nom du capitaine et à qui le navire appartient, s'il n'appartient pas au capitaine. En France on a un modèle où on est très habitués à ça en France que celui qui possède le navire, c'est le capitaine. Mais ce n'est pas du tout le cas ailleurs. Vous allez juste tout simplement 150 km plus loin aux Pays-Bas et en fait, c'est des grandes compagnies financières, c'est un système beaucoup plus capitalistique dans lequel les flottes de pêche sont possédées par quelques compagnies qui détiennent l'intégralité de la flotte de pêche et qui ont des beaucoup plus gros navires que ce que nous on voit quand on va en Bretagne ou quand on va dans un petit port en Méditerranée, ça n'a rien à voir. Et pareil pour la Chine, la Corée, le Japon ou ailleurs, ce n'est pas du tout le même modèle que ce que nous auquel on est habitués en France. Donc nous, la surpêche on ne la voit pas très bien au-delà de oui on pêche un peu trop dan le golfe de Gascogne, ce genre de choses, ce n'est pas du tout ça en fait selon ce dont il faut se prémunir demain grâce à l'accord BBNJ mais pas que. Et donc la FAO, elle a ce rôle et ce mandat de permettre de tracer cette traçabilité à la fois de la structure capitalistique des flottes de pêche mais aussi de la provenance du lieu précis où la pêche est réalisée, donc on a des balises sur les bateaux donc ça c'est facile de tracer ça. Donc tout ça, c'est faire converger l'ensemble de ces éléments de gouvernance qui sont effectivement assez disparates, qui sont d'une part à la FAO, d'autre part à l'OMC. Hier on a enfin, après presque 20 ans, BBNJ on l'a fait en deux ans grâce à la mobilisation de la diplomatie française, hier enfin il y a 100, on a eu, on était à 112 d'ailleurs, enfin les deux tiers des États de la planète ont ratifié l'accord dit Fish one à l'OMC qui interdit la subvention aux flottes de pêche dès lors que ça pourrait servir à cette pêche illégale non déclarée et non documentée. Donc ça, c'est une avancée majeure mais c'est ça en fait, c'est que cette fragmentation des forums avec des négociations et des bouts de textes qui se recoupent, c'est ça qu'il faut arriver à mettre à mettre ensemble et c'est ça qu'on va faire dans les prochaines années à l'issue de Nice. Pour nous en tout cas France, notre objectif, c'est d'arriver à ce que l'ensemble de ces forums où on parle de protection et de d'exploitation durable de l'océan, on arrive à faire converger tout ça pour assurer un vrai système de protection qui soit efficace et juste. Juste
quelques précisions sur le fameux BBNJ dont on parle beaucoup donc c'est le traité de protection de la haute mer, ces zones qui sont hors juridiction nationale. Le texte a été signé en juin 2020, le vrai terme, c'est adopté, voilà c'est ça en juin 2023, et c'est la course à la ratification qui est en cours et je crois à ce jour, on en discutait tout à l'heure que ce sont 57 États à ce jour qui ont ratifié, il en faut 60 pour qu'il entre, qu'il soit promulgué et donc on y est presque et je crois qu'on attend même cette semaine les trois derniers puisque c'est en ce moment l'assemblée générale des Nations unies à New York et que plusieurs États ont promis, vous nous le disiez, je crois, de se joindre et donc de... Qu'est-ce que, Martin Alesandrini, ces ratifications, cette barre des 60 représente pour vous ? Quelles attentes vous en avez ? On a déjà un petit peu évoqué des contenus mais à la fois symboliquement, concrètement, quelle aire ça ouvre en termes de mobilisation à partir de 2026 ? C'est l'aboutissement de plus de 15 ans presque
en comptant le temps de préparation aussi de mise en... c'est quasiment 15 ans de négociations à l'ONU pour avoir eu ce texte, mais ce texte, il n'est pas appliqué tant qu'on n'a pas ces ratifications. Donc là, c'est enfin l'aboutissement. Alors nous on a suivi ça à la fondation pendant plus de dix ans, toute la phase de négociations, c'était extrêmement long. D'ailleurs il y a beaucoup de points qui sera encore à négocier au moment des COP, monsieur l'ambassadeur l'a déjà dit et rappelé, ça sera un vrai enjeu. On parlait du contrôle juste avant, on peut presque se dire que aussi tant mieux qu'on ait pris autant de temps pour négocier ce traité et qu'il soit ratifié maintenant parce que la technologie dont on dispose aujourd'hui pour faire du suivi d'une activité en haute mer, elle a rien à voir avec ce qu'on avait il y a 15 ans aussi. Donc on peut se dire qu'aujourd'hui plus que jamais, le traité haute mer qui nous paraît extrêmement loin et fastidieux à suivre et est complexe à mettre en vigueur, au final on n'est pas mieux armés qu'aujourd'hui pour le faire respecter réellement. Donc il va apporter énormément de choses. Déjà cet enjeu encore une fois des aires marines protégées mais l'immense majorité de l'océan, c'est cette haute mer en fait. Alors déjà en surface mais alors je ne parle même pas du volume parce que le volume, l'immense, enfin c'est là pour le coup les zones économiques exclusives des États ne représentent quasiment rien en termes de volume. L'intégralité, elle est présente en haute mer et donc on va pouvoir couvrir cette zone immense de la planète de systèmes de protection efficaces pour contribuer à améliorer l'état de santé de l'océan donc ça, c'est forcément quelque chose de majeur et jusqu'ici, il nous manquait, alors ça a déjà été rappelé, ce n'est pas le seul outil qui nous permet de protéger ces zones en haute mer, il y en a plusieurs autres. Il y a aujourd'hui des instances qui se concertent pour gérer dans certaines régions la pêche y compris en haute mer donc là, ça va être un outil complémentaire mais en revanche, c'est le dernier maillon entre guillemets qui va nous permettre d'avoir cet outil qui fait, c'est un peu le seul outil dont on parle à chaque fois, pour protéger l'océan, ces aires marines protégées mais c'est quasiment le seul dont on dispose pour avoir un niveau de conservation le maximum possible. Le reste doit être évidemment durablement géré, ça c'est 100 % de l'océan qui est concerné par ça mais ces 30 %, ils vont enfin pouvoir être atteints en haute mer donc ça, c'est vraiment quelque chose d'immense. C'était énormément de négociations pour arriver à
ce moment-là. Et d'ailleurs dans les négociations, ce qui a été mis en balance aussi, c'est le partage des ressources scientifiques en haute mer, ce qui a permis je crois de rallier un certain nombre d'États dits du sud à cet engagement-là parce qu'au-delà de la protection, il y a aussi des engagements de partage des richesses de l'océan. Julia Tasse, on l'a évoqué en filigrane de cette discussion, on est dans un moment où on a la première puissance mondiale, les États-Unis, qui est dirigée par un gouvernement qui ne cache pas son hostilité au multilatéralisme, au système onusien en général, à la coopération et à la protection de l'environnement, comment est-ce qu'aujourd'hui, les autres nations peuvent avancer en dépit soit de l'absence, soit des freins mis par les États-Unis ? Alors peut-être pour simplement revenir à
donc quelques éléments qu'on a déjà mentionnés mais liés, les États-Unis ne sont pas partie de la Convention sur le droit de la mer donc en fait, la gouvernance est fragmentée, on en revient à ça mais il y a quand même un texte qui délimite les grandes zones dans la mer et ce texte, c'est la Convention des Nations unies sur le droit de la mer qui a été adoptée en 1982 à Montego Bay en Jamaïque et les États-Unis ne l'ont jamais ratifiée parce que pour ratifier un traité international, il faut l'accord du congrès américain et que les États-Unis n'ont jamais eu, le congrès américain n'a pas donné son accord. Donc la situation depuis l'entrée en vigueur de cette convention, elle était très paradoxale puisqu'on avait un traité que la majorité des États du monde ont signé et ratifié dont ils sont membres sauf quelques grands États comme les États-Unis mais les États-Unis s'appuyaient toujours sur ce traité pour justifier leur passage par tel détroit, leur activité à tel endroit, etc. Et donc il y avait finalement, et je ne dis pas ça de manière négative parce que ce traité en fait, il permet quand même d'organiser un peu notre usage de l'océan. Mais depuis des années, les États-Unis appliquaient sans l'avoir ratifiée la convention sur le droit de la mer. Donc il y avait une forme de statu quo qui arrangeait tout le monde. Ils ne s'étaient pas engagés donc ce n'était pas contraignant et en même temps ils l'appliquaient et nous, on était contents qu'ils l'appliquent. Donc il y a l'espoir qu'ils fassent la même chose avec le traité sur la haute mer ? Non là je n'ai pas d'espoir. Concernant Donald Trump malheureusement je n'ai pas cet espoir-là. Mais finalement ce que fait Donald Trump, il rétropédale en matière d'usage mais il ne rétropédale pas sur des textes internationaux contrairement à l'accord de Paris sur le climat où là, il a retiré son pays de l'accord de Paris. Ce qui fait qu'il y a eu donc beaucoup d'annonces de Donald Trump pendant le premier semestre 2025. Il a notamment affirmé qu'il allait laisser des entreprises américaines forer les fonds marins puisque de toute façon il n'était lié à aucun engagement et que donc il n'était pas dans les négociations sur les fonds marins. Ce sont des déclarations qui sont assez ambivalentes parce qu'en réalité, il n'était effectivement pas du tout obligé de respecter ces négociations-là et en même temps, quasiment l'entièreté des autres pays du monde sont en train de négocier donc tout le monde dit bon d'accord mais quand même là, il faudrait qu'on se mette d'accord entre nous parce qu'il y a quelqu'un à côté qui s'agite beaucoup pour détricoter ce qu'on est en train de construire. Et donc la présence américaine pour moi, elle a été renforcée en 2025 par les actions des acteurs privés et des philanthropes qui ont une importance assez non négligeable pour la protection des océans. Là où Donald Trump peut faire effectivement, enfin bloquer des processus multilatéraux, c'est notamment dans l'agence qui s'occupe du transport maritime puisque comme le disait monsieur l'ambassadeur, il est en train d'essayer de mettre en place une coalition contre une politique de décarbonation de la flotte qui était très ambitieuse, plus ambitieuse que ce qu'on imaginait en tant qu'observateurs. Donc là, c'est dans les prochains mois et là, je suis moins optimiste sur la capacité de nuisance de Donald Trump. Sur peut-être le multilatéralisme, deux points, et l'UNOC, le premier point c'est que si vous avez le temps et l'envie, vous pouvez aller regarder la liste des pays qui ont déjà ratifié le traité sur la haute mer dont on parle beaucoup. Vous allez voir qu'il y a plein de pays dont vous ne connaissez probablement pas forcément le nom qui sont des petits États insulaires dans les Caraïbes ou dans le Pacifique. En fait ce qu'on a ressenti aussi pendant l'UNOC, c'est une envie très forte de tous ces États maritimes qui reposent sur l'océan pour leur économie et pour leur subsistance, une envie très forte que le multilatéralisme se maintienne et qu'on puisse encore discuter. Et donc il y avait vraiment cet élan-là. Et pourquoi en fait, pourquoi la France peut avoir un poids dans ces discussions ? Parce que la France dispose du deuxième espace maritime mondial donc quand on parle de protéger 30 % des espaces maritimes d'ici 2030, si nous on protège 30 % de notre espace maritime, ça a un impact, symboliquement ça veut dire quelque chose. La France a aussi la chance d'avoir des institutions scientifiques majeures comme l'Ifremer, d'avoir des armateurs comme CMA CGM donc quand on s'engage dans telle ou telle direction, ça apporte un poids à cet engagement parce qu'on est responsables de la protection de 30 %, on est responsables de la protection d'un espace maritime considérable, 97 % de cet espace d'ailleurs est lié aux territoires en outre-mer donc la discussion entre les différentes administrations, elle est cruciale et donc je dirais que bon
effectivement. Et à
condition pardon qu'on soit sur un niveau de protection qui soit fort ou strict.
Non mais en tout cas, sur notre espace maritime, oui bien sûr en fait, il faut qu'on discute à chaque fois avec les acteurs locaux pour savoir quels sont leurs usages. Typiquement le fait qu'il y ait une immense aire marine protégée autour de la Polynésie française, c'est parce que les Polynésiens n'ont pas le même usage de la mer que celui que peuvent avoir les Bretons ou les Corses ou les Mahorais donc à chaque fois, il faut qu'on définisse notre vision de la mer. Mais de manière générale, la France a un poids dans les discussions internationales parce qu'on représente une surface maritime importante. Et donc en termes de multilatéralisme, si l'Union européenne continue à être proactive sur le sujet, si des États maritimes comme la France continuent à être proactifs sur le sujet et si en fait, on fait coalition avec tous ces États insulaires qui eux ont un intérêt vital, et c'est un risque existentiel si l'océan, en tout cas la santé de l'océan est remise en cause, s'il y a cet élan-là, je pense qu'on va pouvoir faire balancier avec on va dire le pouvoir de nuisance de certains États qui n'ont pas du tout envie qu'on redéfinisse leur usage de l'océan, parfois par opposition pure au multilatéralisme et parfois pour d'autres États parce qu'ils ont un usage caché de l'océan qui est très avantageux. Charles Tellier j'imagine
que vous partagez cette idée que la France a un rôle à jouer, qu'il y a un élan, etc., mais j'ai quand même envie de vous entendre sur d'éventuelles inquiétudes qu'on pourrait avoir vis-à-vis encore une fois d'une administration dont on ne va pas redécrire les freins ou le pouvoir de nuisance qu'elle pourrait exercer sur la protection de l'océan. Je crois que Julia a
tout dit objectivement mais c'est là où je veux revenir sur l'adoption de la déclaration politique. Ok c'est une déclaration politique, ok ça n'engage que ceux qui y croient, enfin je veux dire au sens où c'est un texte, ce n'est même pas un traité, la déclaration politique de l'UNOC. Mais c'est un texte qui a été négocié pied à pied à New York pendant plusieurs années depuis presque deux ans, depuis deux ans avant l'UNOC. Nos négociateurs, notre négociatrice en plus en chef là-dessus Andrea Segura a fait un travail absolument incroyable avec l'Union européenne qui était derrière nous et avec nous et devant nous parce que c'est aussi un champ de compétences partagées avec avec l'Union européenne, avec la commission on a fait un travail remarquable pour emmener un grand nombre de pays vers un texte ambitieux. Et ce texte, il a été adopté à New York après avoir été adopté par consensus à à Nice parce que les État-Unis n'étaient pas là mais à New York ils sont là évidemment puisqu'ils ont une délégation permanente, et il a été adopté par 162 pays contre un, donc le pouvoir de nuisance oui évidemment mais encore une fois je crois que ce qu'il faut retenir de l'UNOC et ce qu'il faut garder, c'est cette ambition. Un des mots qu'on n'a pas encore utilisé mais je trouve que c'est un mot important qu'on a, enfin en tout cas moi ce que j'ai senti aussi, c'était l'enthousiasme à Nice. Il n'y a pas d'enthousiasme quand on va dans les négociations traités plastiques, il y en a un peu au début puis après ça s'étiole, les COP climat c'est pareil, l'enthousiasme on ne le sent pas vraiment quand on y va. Et là il y avait un enthousiasme réel, enfin je veux dire c'était très communicatif. Alors je ne sais pas si c'est juste la joie de se retrouver tous à Nice, il faisait beau et on était contents d'avoir abouti à un texte ambitieux, on était contents d'être à 50 ratifications de BBNJ, on était contents d'avoir un bon texte sur la décarbonation qui était passé deux mois plus tôt à l'organisation maritime internationale, on avait toute une série de raisons de se réjouir mais c'était aussi un enthousiasme pour l'avenir et ça c'est vraiment quelque chose qu'on ne voit pas souvent et c'est un vrai enjeu de survie pour toute une série de pays parce que c'est une survie à la fois économique même existentielle. Le réchauffement climatique, ça se traduit mécaniquement par la montée des eaux, la disparition aujourd'hui quasi programmée d'un certain nombre d'îles et peut-être même de certains pays, de certains États, c'est ça qu'il faut s'imaginer donc c'est un risque existentiel et donc il y avait ce sentiment que oui c'est possible, c'est possible grâce au multilatéralisme aujourd'hui d'avoir des textes ambitieux, d'avoir des résultats et de se projeter dans un futur dans lequel on a la possibilité d'espérer un monde meilleur, en tout cas un océan mieux protégé et un océan auquel on peut redonner la force de protéger notre climat et je pense que ça, c'était aussi un des succès de Nice, de redonner espoir. Alors loin de moi l'idée de oucher
cet espoir sur les quelques minutes qui nous restent mais juste... Mais les États-Unis on sait. Je
veux dire, ils sont isolés, ils sont tout seuls et les coalitions qu'ils arriveront peut-être à mener, c'est une action retardataire, enfin je veux dire, on n'a pas d'inquiétude sur le fait que ce n'est pas viable de faire de l'exploitation des grands fonds marins et que leur propre secteur privé, quoi qu'en dise The Metals Company, va expliquer au gouvernement américain, aux différents départements, que ce n'est pas viable, ça ne sert à rien et que ça ne les intéresse pas en fait. Donc cette action retardataire, elle va nous entraver, on va perdre du temps c'est sûr, un peu, peut-être beaucoup, je n'espère pas mais clairement, c'est une action d'arrière-garde et demain, on aura un cadre de gouvernance
beaucoup plus efficace et beaucoup plus juste. Simplement pour se poser encore dans les quelques minutes qui nous restent, comme il y avait l'idée dans cette rencontre de parler des défis, d'identifier aussi les obstacles à la mise en œuvre de tous les engagements, tout l'élan, tout cet enthousiasme que vous avez décrit, on a parlé des États-Unis mais on pourrait aussi parler des États pétroliers qui ont freiné de toutes leurs forces en août à Genève pour empêcher l'adoption d'un traité sur la régulation des pollutions plastiques et l'océan on le sait, est particulièrement vulnérable aux pollutions plastiques, particulièrement affecté. Martin Alessandrini, quels sont là aujourd'hui, vous, les défis que vous identifiez, les endroits où vous anticipez que ça va être plus compliqué, plus difficile, plus ardu
d'obtenir des avancées concrètes ? C'est devenu beaucoup plus ardu depuis qu'on a pris conscience de ce qu'est réellement la pollution plastique, c'est-à-dire une population systémique qui commence dès la phase de production du plastique, c'est-à-dire que ça contribue, on parlait du climat de 4 à 5 % aujourd'hui des émissions de gaz à effet de serre prévus pourraient être quasiment 16 d'ici 2050. Les dernières études qui viennent de sortir nous démontrent qu'il faut qu'on réduise de plus de 70 % la production plastique si on veut rester en ligne avec les accords de Paris donc c'est déjà un enjeu climatique majeur, c'est une pollution toxique immense qu'on commence à peine à découvrir parce qu'aujourd'hui, on a parlé beaucoup de l'intégration de la science dans l'UNOC, la science je précise académique et puis publique et partagée. Aujourd'hui sur les plastiques, on a une immense partie de la science et de la connaissance qui est une science privée à laquelle on n'a pas accès et qui nous obstrue beaucoup de visibilité sur ce qu'est le problème plastique dans son ensemble et on est au tout début des connaissances qu'on a sur les pollutions plastiques et les derniers résultats qu'on a, c'est plus de 16 000 molécules différentes qu'on retrouve dans les plastiques, 4 000 qui sont cancérigènes avérés et puis encore plus dont on ne sait même pas ce qu'elles sont ni ce qu'elles font sur l'homme. Donc en fait, le traité plastique, il est de passer d'un enjeu de pollution marine assez classique qu'on voyait pendant très longtemps, les tortues qui mangent les sacs plastiques, les déchets sur les plages qui est un enjeu majeur également, un enjeu systémique qui est en fait aujourd'hui en train de, si on veut un traité plastique ambitieux et à la hauteur de la pollution, on est en train de réguler potentiellement la production plastique à l'échelle globale donc là on touche aux perspectives d'exploitation pétrolière d'un certain nombre d'États dans les années à venir puisque la pollution plastique, si tout allait bien dans le business plan à l'avenir, c'était fois trois d'ici 2060 donc c'est énorme. Et on est déjà à 400 millions de tonnes donc on dépassait le milliard de tonnes produit par an. Donc c'est absolument immense et aujourd'hui on touche à ces perspectives d'exploitation pétrolière donc c'est sûr que là on a des obstacles majeurs qui sont les pays du Golfe, la Russie et les États-Unis, et le Brésil dans une moindre mesure. Mais alors déjà, il faut continuer à croire dans ces processus multilatéraux parce qu'il y a aussi des avancées qui sont majeures. Monsieur l'ambassadeur l'a dit, on arrivait très optimistes parce qu'on l'est toujours quand on arrive dans une négociation parce qu'on pense qu'on va repartir avec le meilleur texte possible mais on arrivait très optimistes à Genève, ensuite on a été douchés pendant les deux semaines qui se sont passées jusqu'à la dernière session de clôture où un pays comme la Chine est capable de dire et de reconnaître devant l'assemblée générale complète que les enjeux plastiques désormais ils l'ont compris, c'était un enjeu qui commençait à la production. Le terme est dit, ce qui est non négligeable pour un pays comme la chine et là pour le coup ça peut être un balancier et un pivot immense pour les négociations. Si ça ne tenait qu'à la déclaration de la Chine, les deux semaines, elle valaient largement le coup. Donc aujourd'hui on a des pivots qui sont majeurs, le problème c'est qu'on n'aura jamais un traité ambitieux au consensus parce qu'on n'aura jamais l'avis de ces quelques États potentiellement qui bloquent complètement cette négociation sur la partie de production. En revanche on voit aussi que certains arguments viennent se rajouter et viennent se compléter. On a cet aspect climat, on a cet aspect pollution marine et puis aujourd'hui on a aussi cet aspect santé humaine qui vient se rajouter et qui nous rajoute un levier de négociation supplémentaire. Et ça c'est quelque chose qui est très intéressant parce qu'aujourd'hui dans les négociations thématiques spécifiques, on commence à se rendre compte plus fortement de cette interconnexion en fait de tous les enjeux, notamment des enjeux santé globale, de l'enjeu de voir un océan en bonne santé parce que c'est un enjeu de protection de la santé humaine également, il y a plusieurs prises de position par exemple dans les traités plastiques de producteurs, de représentants, pas de producteurs en fait, je veux dire des personnes qui travaillent dans les secteurs de la production pour avoir un traité ambitieux de réduction de la production alors même que ça relève de leur métier parce qu'ils savent qu'ils sont exposés à des enjeux de santé majeurs. Donc on a des arguments qui viennent se rajouter qui nous laissent espérer un optimisme fort mais on voit bien, et je pense que la présence à Nice, elle relève de ça aussi, oui on a un retrait des États-Unis, on a aussi une réponse très forte quand on voit le nombre de personnes présentes à Nice des autres États qui disent que nous, on ne se retire pas du multilatéralisme, nous on vient et on négocie. Donc oui, ça tient évidemment aux efforts de la diplomatie française mais aussi une réaction très forte des États propres, je pense, au retrait de pays comme les États-Unis de ces négociations internationales pour montrer que eux oui, ils continuent à être présents et très fortement et que donc de fait, on voit qu'il y a des exemples comme la convention sur le droit de la mer où une simple présence forte de tous les autres États signataires impose aux États-Unis une certaine action et une certaine manière d'agir à l'international. C'est le cas aussi de la convention de Bâle sur l'exportation des déchets internationale, les États-Unis, ils n'ont pas ratifié ça non plus, ils ne sont pas partie. Pour autant, le Canada et le Mexique oui donc du coup, ils ont dû intégrer dans leur législation interne des éléments qui sont assez similaires à ce traité-là. Donc en fait on voit bien qu'on n'a pas forcément besoin d'eux sur tout, c'est pour ça qu'il ne faut pas se démoraliser complètement. Oui il y a des éléments où évidemment c'est un recul majeur, c'est le cas par exemple pour le climat, sur le climat on a cet objectif de 1.5 mais chaque centième de degré, c'est des États menacés, c'est des vies déportées, c'est un nombre d'impacts absolument fou. Donc oui c'est sûr que le retrait des États-Unis ça va nous impacter tous mais en revanche, on ne peut pas être complètement défaitistes sur l'ensemble des processus multilatéraux
juste parce que eux se sont retirés. Eh bien merci beaucoup pour cette conclusion, merci beaucoup à tous les trois pour cette discussion. Et je crois qu'on a un temps d'échange maintenant avec avec la salle, avec le public, oui oui je crois qu'il y a des questions.
Bonsoir, merci beaucoup pour toutes ces informations, j'ai deux questions. Une pour monsieur Alessandrini et une pour monsieur l'ambassadeur. Donc monsieur Alessandrini vous avez dit qu'il existe déjà des instances des négociations de la pêche en haute mer, est-ce que vous pouvez préciser s'il vous plaît ? Et monsieur l'ambassadeur vous avez beaucoup insisté sur le rôle de la France dans l'organisation et le déroulement de la conférence mais pas du tout évoqué le Costa Rica qui était co-organisateur donc j'aimerais savoir un petit peu ce qu'il en est, merci. Pour les instances internationales sur la pêche,
c'est ce qu'on appelle des ORGP, c'est des
organismes régionaux de gestion des pêches donc c'est des accords en fait internationaux qui existent déjà qui aujourd'hui ne couvrent pas l'intégralité de la haute mer mais couvrent certaines zones géographiques et donc aujourd'hui il y a déjà certains États qui se sont mis d'accord pour une gestion des ressources, ça peut être géographique, ça peut être aussi sur certaines espèces, c'est le cas notamment du thon par exemple dans l'océan Indien où on a une commission qui s'intéresse spécifiquement à la pêche au thon dans l'océan Indien et pour lequel il y a des quotas et des règles qui sont partagées et appliquées. Après on peut être plus ou moins d'accord sur le niveau de protection qu'elles apportent, ces institutions, en revanche elles existent déjà et donc il y a certains supports. Il y a des zones d'ombre, il y a des zones grises qui ne sont pas couvertes du tout et c'est le cas, on a parlé là du calamar, des pêches dans l'Atlantique sud, on parle notamment des pêches au calamar en face de l'Argentine par exemple. Donc on a des zones grises où on a ces activités illégales massives de pêche complètement dérégulées sans aucune perspective de maintien de la ressource. En revanche on a d'autres endroits où on a des instances de gestion des pêches. On pourrait aussi prendre dans une moindre mesure en exemple l'Antarctique qui est un endroit tout de même international et tout de même partagé avec un traité qui a été négocié et sur lequel la pêche, notamment la pêche au krill et la pêche à la légine sont deux points absolument fondamentaux des accords qu'il peut y avoir là bas et où le pour le coup il y a une véritable réflexion sur un maintien des stocks et le bon état écosystémique. Donc ça aussi c'est un exemple, qui est d'ailleurs un exemple aussi de suivi et de contrôle qu'on n'a pas forcément mentionné mais ça pour le coup, c'est très loin aussi et on est suffisamment capables de le faire. Et les États-Unis sont dedans ?
Et celui-ci, les États-Unis sont dedans. Exactement en tant qu'État possessionné. Non le rôle du Costa Rica était tout aussi fondamentale que le nôtre, ce n'était pas pour minimiser absolument que je ne les ai pas mentionnés mais parce qu'il faudrait saluer dans ce cas-là presque tous les États membres qui, un, ceux qui sont venus, ceux qui ont négocié à New York et ça, ce n'était pas là-haut et l'Australie qui conduisaient la négociation. Donc le Costa Rica comme nous ont fait un effort diplomatique incroyable pour mobiliser leurs partenaires et je crois que le track record pour faire un horrible anglicisme, du Costa Rica en matière de diplomatie environnementale a aussi énormément joué. La crédibilité du gouvernement costaricain sur ces dossiers-là, elle est parmi les plus fortes du monde. Et puis tout simplement dans leur région, leurs réseaux et leurs pouvoirs de conviction auprès des pays d'Amérique centrale, d'Amérique du sud, de la Caraïbe, de par leur propre exemplarité a aussi beaucoup joué pour faire de l'UNOC le succès qu'il est. Donc non, ce n'est vraiment pas le succès de la France, ce n'est pas le succès du Costa Rica, c'est le succès de tous et c'est le succès des négociateurs à New York beaucoup et en capital des gens qui ont cru à ce process. Bonsoir merci encore pour cette belle
conférence. J'avais une question concernant la difficulté de la haute
mer à réguler la pêche illégale. Si je me souviens bien il y avait l'exemple de Sea Shepard qui avait pu grâce à un mandat d'Interpol mettre en arrêt des chalutiers notamment pour la légine, est-ce qu'aujourd'hui il est encore possible d'envisager des partenariats avec des acteurs non étatiques, des associations qui auraient, pas une sorte de mandat d'arrêt mais pour pouvoir poursuivre en haute mer des acteurs de pêche illégalement ? Alors il y a plein de moyens d'associer en fait des
organisations privées à cette thématique-là. Effectivement on l'a très rapidement mentionné parmi les défis que je vois aux suites de l'UNOC, il y a l'application des textes qu'on signe puisque je le disais tout à l'heure, ça nécessite à la fois de l'expertise, il faut avoir des gens qui sont capables donc il faut avoir du matériel et des gens pour surveiller, et puis après donc il faut déjà savoir ce qui se passe. Ensuite quand on sait ce qui se passe, ce qui n'est déjà pas du tout évident, on ne va pas rentrer dans les détails mais il y a vraiment beaucoup de moyens de contourner, donc il faut savoir ce qui se passe et ensuite, il faut qu'on ait le temps d'intercepter le navire. Donc si nos moyens à nous, ils sont sur la côte, le temps d'aller intercepter le navire, ils ont eu le temps de faire à peu près trois rondes dans un sens, trois rondes dans l'autre et repartir. Donc ça c'est très compliqué. Et effectivement il va y avoir, pour moi les grands défis, ça va donc être qui met de l'argent en fait et donc dans cette question de qui met de l'argent, il peut y avoir des philanthropes. Par exemple une thématique qui est beaucoup revenue pendant l'UNOC et notamment par la présence des pays latino-américains, c'est l'utilisation des données d'une organisation qui s'appelle Global fishing watch, qui est une organisation qui grâce à des moyens techniques variés mais notamment des moyens satellitaires et des moyens financiers de Google, réussit à mettre à disposition gratuitement, si vous voulez regarder leur site, il existe, des données sur la localisation des bateaux et en particulier des bateaux de pêche et la possible désactivation de leurs moyens de localisation. Parce qu'en fait quand vous êtes un bateau, vous avez un petit beeper sur vous qui peut indiquer où est-ce que vous êtes et qui vous êtes et quelles activités vous menez. Mais vous pouvez très bien le désactiver, ce beeper. Vous l'allumez si vous voulez, vous le désactivez si vous voulez. Alors il y a beaucoup de lois dans le droit maritime notamment qui normalement interdisent de désactiver le beeper mais vous imaginez bien que quand vous êtes en train de faire quelque chose d'illégal, vous avez tout intérêt à ne pas signaler que vous êtes à cet endroit-là. Vous pouvez aussi dire que vous êtes quelqu'un d'autre en fait, vous rentrez ce que vous voulez donc si vous avez envie de dire que vous êtes un bateau de tourisme, vous pouvez dire que vous êtes un bateau de tourisme. Donc à chaque fois en fait, ce type d'organisation, il va mettre des moyens satellitaires à disposition, il va dire ok là il y a une trace qui a disparu d'un seul coup donc soit le navire a coulé, soit il a désactivé son beeper. Et ensuite il faut recouper ça avec de la donnée satellitaire d'images pour essayer de voir si le bateau, il a disparu, il n'a pas disparu, ça coûte cher. Et donc typiquement, le fait qu'il y ait des organisations qui mettent à disposition ces données gratuitement, ça aide beaucoup de directions des affaires maritimes dans beaucoup de pays dans le monde. Donc ça, ça a été un gros sujet, la donnée pour la pêche pendant l'UNOC ça a été l'objet de plusieurs événements. Et puis ensuite vous pouvez avoir effectivement le soutien sur l'eau avec des bateaux d'organisations privées donc Sea Shepherd c'est un exemple. Sea Shepherd a conclu des accords, alors je ne pense pas avec Interpol parce qu'Interpol n'aurait pas forcément le mandat pour faire ça mais avec des États pour surveiller les eaux de cet État-là et notamment avec le Gabon et le Liberia si mes souvenirs sont bons. Et là ça pose des questions. Alors moi à titre personnel parce que mon regard, il est géopolitique, ça pose la question de la souveraineté d'un État sur ses eaux parce que si en fait on délègue une activité souveraine à une organisation privée partiellement financée par Leonardo Di Caprio, que se passe-t-il si Leonardo Di Caprio change d'avis dans deux jours ? Et ça pose la question de la continuité de la souveraineté de l'Éétat dans le temps et dans l'espace parce qu'on délègue à des organisations privées donc qui sont beaucoup plus versatiles que des organismes publics normalement des rôles clés si on veut appliquer un traité international ratifié par des États.
Mais les moyens qu'on a aujourd'hui sont quand même beaucoup plus grands que ce qu'on avait, c'est ce que disait Martin tout
à l'heure. Les moyens sont incommensurablement plus grands que ce qu'on avait il y a 15 ou 20 ans, on ne pouvait pas faire ça il y a 20 ans donc là aujourd'hui, on a les moyens de contrôler. Avant c'était vraiment à la longue vue donc là aujourd'hui on sait qu'on peut le faire, c'est vrai que ça continue de coûter un peu cher.
Bonsoir, je vous remercie pour la richesse de vos interventions, c'était vraiment très très intéressant. De mon côté, je m'intéresse particulièrement au phénomène de l'élévation du niveau des océans et j'étais également bénévole à l'UNOC et je me demandais est-ce que vous pouvez nous expliquer peut-être pourquoi c'est un sujet qui n'a pas pris plus de place pendant ces négociations pendant tout cet événement qui a duré plusieurs semaines et notamment regarder les petits États du Pacifique, leurs liens, enfin plutôt leur place face aux États gigantesques face à eux qui n'ont plus les mêmes intérêts et tous les enjeux que ça en découle avec les modifications des frontières, les crises migratoires, etc.
Moi je peux parler déjà, il y a eu un temps assez fort quand même sur ces enjeux d'élévation du niveau de la mer, je me ferai porte-parole de la plateforme Océan et climat dont la fondation Tara Océan est membre qui est une association qui structure et coordonne un petit peu le travail sur le lien entre océan et climat de l'ensemble des ONG initialement françaises, mais maintenant, d'autres ONG également et d'autres acteurs, pas que des ONG d'ailleurs, internationaux aujourd'hui, ils avaient un projet qu'on appelait CITIES qui était un projet justement de mise en relation de tout un tas de villes pour travailler à l'adaptation côtière, notamment sur l'adaptation technique et puis après il y avait aussi tout un volet sur le financement et l'adaptation financière. Et ce projet CITIES, il a abouti aussi notamment avec l'accompagnement du gouvernement français à une coalition des villes justement pour la résilience et la résistance à l'élévation du trait de côte. Et donc il y a eu, il me semble que c'était une journée complète, je crois que c'était le samedi juste avant le début de l'UNOC où il y a eu cette journée de rassemblement et de travail de partage de connaissances notamment pour des solutions techniques majoritairement sur l'adaptation à l'élévation du trait de côte. Donc il y a quand même eu un temps assez fort parce que c'était une journée complète qui était dédiée à ça. En revanche sur l'aspect financier par contre, je sais moins ce qui a été travaillé.
Sur l'aspect financier, je ne saurais pas dire comme ça, je ne
me souviens plus. En revanche, il y a effectivement, en fait on a conçu l'UNOC comme une série de mini sommets dans lesquels chacun apportait sa pierre à l'édifice de la construction d'une gouvernance internationale de l'océan plus efficace. Et ce sommet sur la résilience des villes et régions côtières à l'initiative du maire de Nice sous sa présidence et à l'invitation du maire de Nice Christian Estrosi, elle a réuni des maires, elle a réuni, je dis des présidents de région parce que c'est le terme français mais des chefs d'exécutifs régionaux, des chefs d'exécutifs locaux de territoires côtiers, qui représentaient presque un milliard d'habitants de la planète donc des grandes villes de Chine, la maire de la Nouvelle Orléans, enfin tous ces endroits qui sont aujourd'hui menacés par la montée des eaux et aussi des petites îles du Pacifique ou de la Caraïbe et l'idée, c'était précisément d'élaborer les solutions locales parce que la partie internationale multilatérale, c'est très bien mais il y a aussi effectivement un enjeu d'adaptation au changement climatique qui se joue au niveau local. Les politiques publiques, elles se déclinent à tous ces échelons. C'est très bien d'avoir une politique nationale mais c'est aussi individuellement chaque collectivité territoriale qui doit prendre la responsabilité de mettre en œuvre et de traduire localement ce que ça veut dire. Il y a toute une série de questions aussi autour de l'usage, on n'en a pas parlé mais on est dans la Maison des sciences de l'homme, la question de l'usage, la question de la façon dont les populations elles-mêmes s'adaptent, la façon dont on change, c'est sur le plastique aussi, ce sera un des grands enjeux sociétaux demain, c'est comment est-ce qu'on fait sans le plastique, en tout cas sous une forme très différente, il va bien falloir penser ça et je pense que cet échelon local, cet échelon-là, on l'a mis aussi en valeur fortement au moment de ce sommet, de cette coalition qu'on a lancée et qui va perdurer parce que c'est un enjeu crucial quand on est un représentant d'un exécutif local, c'est que demain, qu'est-ce qui se passe dans ma ville, qu'est-ce qui se passe dans mon territoire si l'élévation du niveau de la mer met en péril la façon dont on vit là depuis des centaines ou des milliers d'années.
Je me demandais s'il y avait une réflexion sur la stratégie pour influencer le monde économique à pivoter. Vous avez une belle déclaration, enfin il y a un momentum comme on dit, quelle est la stratégie pour que ça change ? En fait ça fait des dizaines d'années que le monde économique pilote quand même, on en est là pour des raisons fortes, qu'est-ce qui va être mis en place, qu'est-ce que vous envisagez ou qu'est-ce qui a été discuté pour essayer de faire basculer le monde économique qui pour moi reste sur la même trajectoire ? Je ne vois pas d'inflexion en fait.
Je vais commencer. Encore une fois, on a fait plusieurs mini-sommets et à Monaco, c'est tenu juste avant l'UNOC, le Blue Economy and Finance Forum, le forum pour l'économie et la finance bleue.
Oui,
l'ODD14 c'est celui sur l'océan et le moins financé de tous les ODD, à tous les niveaux. Et clairement, il y a un enjeu qui va être de combiner des engagements du monde économique, des acteurs économiques avec une régulation plus forte, notamment parce que les deux vont de paire. Il faut trouver un bon équilibre entre les deux. Typiquement, le secteur de la pêche, c'en est un. C'est un secteur économique totalement marginal en France aujourd'hui, donc ça ne représente pas un enjeu économique massif. Mais est-ce que demain, on veut se dire que parce qu'on a interdit la pêche dans les eaux territoriales françaises avec de la protection forte partout, on n'a plus de pêcheurs. Donc qu'est-ce que ça veut dire pour nous en termes d'identité, pour notre pays ? Sur le plastique, quand on sera à l'interdiction, ça veut dire clairement un changement majeur de la façon dont un grand nombre d'entreprises fonctionnent. Et ça va du supermarché au producteur de papeteries. Comment est-ce qu'on produit nos stylos ? Tout ça, on le voit déjà se traduire par des coalitions volontaires d'acteurs qui sont prêts à aller plus loin dès maintenant. Sur les grands fonds marins, un des événements auxquels, je n'ai pas eu le temps d'en faire beaucoup, des événements, parce que je suis un peu occupé par ailleurs, mais un des événements auxquels j'ai accompagné d'ailleurs le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barraud, on a entendu des entreprises françaises, Renault dans mon souvenir, on a entendu des banques françaises, la Société Générale si je ne me trompe pas, annoncer qu'elles soit ne financeraient jamais l'exploitation des grands fonds marins et donc ne financeraient pas des projets d'exploitation, ou Renault qui n'utiliserait pas dans leur chaîne de production des nodules polymétalliques qui seraient récupérés dans les grands fonds marins. Je suis d'accord, ça c'est de l'engagement volontaire, mais c'est le même degré d'importance que les engagements volontaires des États, on sait que ce n'est pas suffisant mais c'est toujours un signal fort et quand on le combine à de la régulation plus marquée, c'est là qu'on fait changer les choses. Est-ce que ça va assez vite ? Je ne sais pas, ce que je peux espérer, c'est que la prise de conscience aussi, ce genre de conférences, elle a aussi pour mérite de créer une prise de conscience. Est-ce qu'on aurait eu un engagement de Renault ou de la Société Générale à dire ça demain s'il n'y avait pas eu l'UNOC et s'il n'y avait pas eu cet événement où il y avait plusieurs ministres, des ONG et des scientifiques réunis pour dire l'exploitation des grands fonds marins, c'est une aberration, il ne faut pas le faire, est-ce que s'ils n'avaient pas été invités à ça, et ils n'étaient pas prêts à faire cette déclaration parce qu'il y avait l'UNOC, est-ce qu'ils l'auraient fait ? Est-ce qu'ils l'auraient fait dans cinq ans ou dans dix ans ? Est-ce qu'ils ne l'auraient jamais fait ? Il y a aussi un effet de (catalyste) et ce momentum, c'est ça qu'on veut préserver en continuant le travail demain, de plaidoyer et de mobilisation internationale des États, travailler avec la société civile, avec les ONG, à continuer à entretenir cette mobilisation collective dont on a vu pour la première fois, j'allais presque dire, cet élan à l'UNOC, à l'UNOC3 à Nice.
Merci beaucoup, merci à tous. Merci.
Gouvernance internationale de l’Océan : les défis post-UNOC 2025
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