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Français
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FMSH Production (Production), Bertrand Lavédrine (Intervention)
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DOI : 10.60527/ww9w-8182
Citer cette ressource :
Bertrand Lavédrine. cultureGnum. (2021, 1 janvier). Les premières images négatives — Des images accidentelles aux négatifs photographiques. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/ww9w-8182. (Consultée le 19 mai 2024)

Les premières images négatives — Des images accidentelles aux négatifs photographiques

Réalisation : 1 janvier 2021 - Mise en ligne : 21 juin 2021
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Descriptif

par Bertrand Lavédrine, professeur au Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN).

 

(transcription par A. Moatti de la conférence de B. Lavédrine, juin 2021)

 

Le négatif est aujourd’hui obsolète dans la photographie devenue très majoritairement numérique. C’est l’occasion de reconsidérer sa place dans la production immémoriale d’images. L’image négative est-elle nécessairement liée à l’invention de la photographie au milieu du XIXe siècle, ou en trouve-t-on trace avant ? C’est en tout cas cette invention qui rendra progressivement familière au grand public la notion d’image négative.

Notons dès l’abord que le sujet est à circonscrire aux images, en 2 dimensions, et non aux objets (le moule d’une statue est parfois décrit en termes de négatif de la statue – ce ne sera pas notre propos).

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Mais qu’est-ce qu’un négatif ? On trouve parfois des définitions lapidaires comme « image dont les noirs sont blancs et dont les blancs sont noirs »)… En fait, le négatif se traduit plutôt comme une inversion par rapport à une référence de l’échelle des valeurs (qu’on appelle à présent valeurs de gris).

Bien évidemment le terme négatif ne fait pas partie du vocabulaire en ce sens avant 1840. Mais on peut trouver des analogies de longue date. Par exemple celle d’ombre (et du théâtre d’ombres) ; ou celle du portrait-silhouette (voir aussi la légende de la fille de Boutadès qui trace le portrait de son amant endormi, la tête contre le mur, grâce à une lanterne).

 

 

Les matrices de gravure, utilisées dans l’estampe, mode courant de reproduction d’images pendant longtemps, peuvent aussi être vues comme négatives lorsqu'elles sont éclairées sous un certain angle. Les archéologues ont aussi décrit des images de mains positives ou négatives peintes dans certaines grottes préhistoriques. Il en est de même dans l'ébénisterie ancienne (ex. Ch. Boulle), avec des jeux d’arabesques complémentaires – dénommés la partie et la contre-partie.

 

Mais ces exemples restent binaires, qu’ils soient blanc sur noir ou noir sur blanc : ce qui caractérise à nos yeux le négatif, c’est la distribution (inversée) des gris. Et d’ailleurs, autant un portrait-silhouette peut être assez facile à identifier (ex. Louis XVI, Napoléon), autant un portrait en niveaux de gris inversé ne l’est pas(ci-dessous, vous savez qui c’est à droite – mais vous ne le sauriez pas avec simplement le négatif de g.).

 

Des images « négatives » comportant des demi-teintes existaient comme par exemple le célèbre suaire de Turin, photographié par Secondo Pia en 1898, mais on pouvait également trouver des images négatives couleurs : en 1743, Buffon décrit les« couleurs accidentelles », qui apparaissent lorsqu’on ferme puis réouvre les yeux après avoir regardé un objet très contrasté.

L’image négative, y compris en couleurs, existe donc depuis toujours ! Mais il faut attendre la photographie, et le procédé Fox Talbot (ou calotype), pour qu’elle soit nommée. Les sels d’argent utilisés (bromure, iodure, chlorure) noircissent à la suite d'une exposition à la lumière : il en résulte que les partie sombres d’un sujet sont traduites par des valeurs claires et vice-versa. Cette image inversée allait intriguer les premiers photographes : Niepce en 1843 la rattache aux anciens procédés de gravure, mais ne nomme pas l’image négative. L’image correcte est alors rétablie en répétant l’opération.

 

Il convient alors de nommer cette image : dessin photogénique, sciagraphie (étym. : description par les ombres) (Talbot) ; en France, daguerréotype sur papier. Talbot écrit par la suite reverse image pour le négatif, et re-inverse d'image pour le positif. Le terme inverse reste ambigu, car il couvre d’autres« inversions » : image de haut en bas, de g. à dr., dans un miroir. Sir John Herschel propose les termes négatif et positif, empruntés au vocabulaire de l'électrochimie ; ceci lève l’ambiguïté du mot inverse, qui n’a pas d’antonyme évident. Ces termes seront d’abord des adjectifs (une épreuve négative), puis substantivés.

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On attribue à l’image négative l’avantage d’autoriser la production de multiples copies ; en fait la production de multiples copies est uniquement liée à l’usage d’un support translucide. Une image positive sur support transparent peut aussi permettre la production de multiples copies,  mais ce n’est qu’au XXe siècle que l’industrie photographique introduira des procédés positifs-positifs performants. Il étai ttrop tard pour changer de paradigme : la photographie était ancrée dans le paradigme négatif/positif — le négatif reste propre à la photographie, sans entrer lui-même dans un processus historique de reconnaissance d’une catégorie particulières d’images, depuis l’Antiquité. En ce sens, finalement, le négatif n’a commencé à exister qu’avec l’avènement de la photographie.

 

 

Intervention

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