Notice
colloque cerisy
Dépatiner, déniaiser, contredire… la démarche artistique de Cocteau expliquée par lui-même
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Descriptif
Résumé de la communication : "La forme de la pensée, un nombre limité de problèmes, un petit vocabulaire simple, l'angle de vision (véritable style) sont ce par quoi [un poète] se distingue des autres" (Le Secret professionnel) : dans le vocabulaire de Cocteau, dépatiner, appliqué aux lieux communs qu'il s'agit de nettoyer et éclairer sous un angle neuf pour qu'ils retrouvent leur jeunesse et leur fraîcheur, ou aux chefs-d'œuvre en général, du théâtre grec en particulier, qu'il s'agit de rafraîchir "car un chef-d'œuvre porte en soi une jeunesse que la patine recouvre mais qui ne se fane jamais" (à propos d'Antigone), est un mot-programme assez connu. Contredire et ses dérivés aussi, à travers les variations répétées du poète sur l'esprit de contradiction comme forme de l'esprit de création, accompagnant en 1928 l'affirmation qu'il a "toujours (et presque systématiquement) contredit ce qui se faisait à l'avant-garde" (Une entrevue sur la critique avec Maurice Rouzaud). Mais déniaiser est resté jusqu'à présent assez inaperçu, sinon dans le vers-calembour d'Opéra proclamant la nécessité de déniaiser le sublime : "Leur Ève nue, houle sublime, doigts, hêtres des nids aisés". De fait, les brefs essais réunis dans Le Rappel à l'ordre au milieu des années 1920 utilisent à peine le mot, pas plus que ceux d'après-guerre. Pourtant telle note de la préface de 1922 aux Mariés de la tour Eiffel nous apprend que le projet du ballet le plus célèbre de Cocteau était "en somme de déniaiser la niaiserie", et tels passages de la Lettre à Jacques Maritain qu'une des grandes leçons de Satie au groupe des Six a été "que ce qui est grand ne peut avoir l'air grand, ce qui est neuf avoir l'air neuf, ce qui est naïf avoir l'air naïf" et que cette leçon, le poète l'a appliquée à la littérature pour y "déniaiser quelques genres : le comique, la grâce, la tragédie, le roman, le théâtre", à quoi Radiguet a ajouté "la réclame". Or ce mot est aussi tout un programme, et même la clé de compréhension, sinon de toute la démarche artistique de Cocteau, du moins de ce qui la distingue au plus haut point, si l'on en croit une note de 1958 ajoutée au volume II de sa Poésie critique : "Si l'on découvre un jour ma spécialité, celle où j'étais seul et incomparable, ce sera le déniaisement des genres". Dans cette première intervention du duo inaugural, il s'agira d'expliciter ce que déniaiser veut dire, en faisant l'hypothèse que dépatiner et contredire aident à en déployer le sens sans l'épuiser.
Biographie de l'auteur : Pierre-Marie Héron, ancien membre senior de l'Institut universitaire de France, est professeur de littérature française à l'université Paul-Valéry Montpellier 3. Il a longtemps impulsé des recherches sur les écrivains et la radio en France (XXe et XXIe siècles), régulièrement publiées dans la revue en ligne Komodo 21 et aux Presses universitaires de Rennes. Dernier volume paru : Le désir de belle radio aujourd'hui (fiction, documentaire), en codirection avec Éliane Beaufils et Christophe Deleu, PUR, 2024. Auteur d'ouvrages sur Genet, Jouhandeau et Cocteau (Cocteau. Entre écriture et conversation, PUR, 2010), il anime aussi à Montpellier un programme de recherche sur ce dernier auteur, programme à l'origine du site internet Jean Cocteau unique et multiple, revu en 2022, et de nombreux colloques, parmi lesquels "Cocteau journaliste" (2014), "Douze ans de journal posthume. Le Passé défini de Jean Cocteau" (2019), "Cocteau d'une guerre à l'autre" (2019) ; dernier volume paru : Quoi de neuf sur Jean Cocteau ? (2024), co-dir. David Gullentops, Classiques Garnier. Pierre-Marie Héron codirige en ce moment, avec David Gullentops, la réalisation d'un Dictionnaire Jean Cocteau chez Champion, à paraître en 2027.