Entretien
Chapitres
Notice
Lieu de réalisation
FMSH
Sous-titrage
Français (Affichés par défaut)
Langue :
Français
Crédits
Camille Lancelevée (Intervention), Thomas Fovet (Intervention)
Détenteur des droits
©FMSH2024
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/38wf-ds59
Citer cette ressource :
Camille Lancelevée, Thomas Fovet. FMSH. (2024, 9 avril). La prison pour asile ?. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/38wf-ds59. (Consultée le 15 mai 2024)

La prison pour asile ?

Réalisation : 9 avril 2024 - Mise en ligne : 24 avril 2024
  • document 1 document 2 document 3
  • niveau 1 niveau 2 niveau 3
Descriptif

Interview de Camille Lancelevée et Thomas Fovet, dans le cadre de la sortie de leur ouvrage : La prison pour asile ? Enquête sur la santé mentale en milieu carcéral, publié le 11 avril 2024 aux Editions de la MSH.

Intervention
Thème
Documentation

Notre livre croise le regard d'une sociologue et d'un psychiatre. 
Notre coopération résulte d'une rencontre. 
Ça fait maintenant plus de 10 ans ou près de 10 ans que nous travaillons l'un et l'autre sur le milieu carcéral et en milieu carcéral. 
Mes terrains de recherche en milieu carcéral sont le lieu d'exercice de Thomas en tant que psychiatre. 
Il y a maintenant quelques années, nous avons coordonné ensemble une étude sur la santé mentale des sortants de prison à la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale des Hauts-de-France. 
C'est une étude au cours de laquelle nous avons réalisé que nous avions la même frustration autour des données que nous étions en train de produire, des statistiques que nous étions en train de produire. 
Cette frustration résulte de deux choses. 
D'une part, le fait que ces chiffres sont très intéressants, ils donnent des indications sur l'état de santé mentale dégradé des personnes détenues, mais ils sont aussi assez frustrants parce qu'ils posent plein de questions sur l'expérience réelle de ces personnes en détention. 
Ces chiffres, on s'est aussi rendu compte qu'ils pouvaient être utilisés comme arguments statistiques pour des politiques ou des choix politiques qui n'allaient pas forcément résoudre les problèmes que nous identifions en milieu carcéral. 
L'objectif de notre livre, c'est essayer de réinscrire ces données épidémiologiques sur la santé mentale en milieu pénitentiaire dans l'épaisseur de ce monde social qu'on a pu observer dans nos observations respectives, à la fois d'un point de vue clinique et d'un point de vue sociologique. 
L'idée est de croiser les regards et de permettre de toucher un public large, des personnels soignants en psychiatrie qui exercent à la fois en milieu pénitentiaire, mais pas seulement, puisque c'est une problématique qui intéresse l'ensemble des soignants en psychiatrie, et des chercheurs en sociologie avec l'idée de permettre de représenter cette réalité complexe des troubles psychiatriques en milieu pénitentiaire, de par ces différents points de vue. 
Dans le livre, nous essayons de déplier trois grandes questions qui structurent l'ouvrage. 
La première question, c'est tout simplement de comprendre pourquoi il y a aujourd'hui, dans les prisons françaises, une surreprésentation des personnes présentant des troubles psychiatriques et des troubles psychiatriques graves. 
On n'est pas les premiers à se poser cette question-là. 
On essaie de faire la synthèse des éléments qui permettent d'expliquer cette prévalence importante et de dépasser l'idée que la responsabilité incomberait à un seul acteur que seraient les experts psychiatres et se rendre compte que c'est une réalité beaucoup plus complexe que cela. 
La deuxième question que nous posons, c'est que les prisons ont aménagé un accès aux soins de santé mentale depuis une trentaine d'années. 
La question est de savoir si la prison est aujourd'hui devenue un lieu de soins. 
Et ici, nous répondons très rapidement à cette question que la santé mentale a du mal à devenir un but commun en milieu carcéral, en particulier dans la coopération entre professionnels pénitentiaires et professionnels médicaux, soignants. 
La troisième question qui s'articule aux deux précédentes est celle de savoir si l'entrée de psychiatres, de psychologues et d'équipes soignantes en milieu carcéral a transformé la peine elle-même, le sens de la peine, et en a fait une peine qui serait aujourd'hui thérapeutique. 
Là, on rejoint la réflexion d'un philosophe comme Claude-Olivier Doron qui parle d'un "singulier désir de soins dans les politiques pénales". 
On se pose la question de ce singulier désir de soins dans les politiques pénales et de la façon dont les politiques pénales cherchent à embarquer, à enrôler les psychiatres dans cette mission thérapeutique de la peine. 
Ces trois chapitres, ces trois grandes questions nous permettent d'aborder la problématique de la santé mentale en prison d'un point de vue très large, notamment de dégager des enjeux institutionnels forts, à la fois du côté de la psychiatrie, la psychiatrie publique est actrice de cette problématique, mais aussi la dimension du côté judiciaire et le rôle de la justice pénale dans les grands enjeux qu'on dégage dans ce livre. 
Cette idée de prison asile, nous reprenons ici une expression qui a beaucoup été mobilisée au début des années 2000 dans la dénonciation d'une forme de relégation carcérale de personnes présentant  des troubles psychiatriques graves par des associations, des militants, des psychiatres énormément et des médias. 
Nous reprenons cette expression, mais nous en travaillons la polysémie parce que prison asile, la prison pour asile, ça renvoie à plusieurs choses. 
La prison pour asile, c'est d'abord la prison qui prend la place de l'asile d'antan et qui devient un lieu de mise à l'écart de personnes présentant des troubles psychiatriques graves, qui ne trouvent plus complètement leur place ou qui ne sont plus complètement accueillies par la psychiatrie publique. 
Mais la prison asile, ça renvoie aussi à un univers d'hospitalité, un univers d'accueil. 
Ce qu'on constate en prison aujourd'hui, c'est que des ressources sont là pour prendre en charge et soigner ces personnes présentant des troubles psychiatriques, des ressources qui sont toujours insuffisantes par rapport aux besoins constatés en milieu carcéral. 
Enfin, prison asile, ça renvoie à un grand mélange des genres, une certaine forme de confusion morale entre le soin, la peine, le rôle des uns et des autres et encore une fois le sens de la peine. 
Pour nous, il allait de soi qu'un livre sur la santé mentale en milieu carcéral ne pouvait pas se passer de portraits et d'extraits de terrain qui allaient illustrer les expériences des personnes qui sont enfermées ou qui travaillent en milieu carcéral pour trois raisons. 
La première est méthodologique. 
Ces entretiens, ces observations, c'est le matériau, c'est le terreau à partir duquel on a compris cette réalité sociale et à partir duquel on a construit notre réflexion. 
Notre réflexion s'enracine dans ce matériau et nous avons fait le choix minutieux de sélectionner certains portraits qui permettaient d'illustrer l'hétérogénéité des situations rencontrées en milieu carcéral. 
L'idée est d'ancrer notre réflexion dans la réalité du terrain. 
L'apport de ces témoignages est également pédagogique puisqu'on pense tous les deux que c'est beaucoup plus parlant d'avoir des témoignages de personnes rencontrées plutôt que de grandes réflexions sociologiques. 
Pour prendre un exemple concret, celui de Boris qui est décrit dans le livre, dont le parcours à la sortie d'incarcération est émaillé de nombreuses difficultés à la fois pour poursuivre le parcours de soins initié au sein de la détention et marqué par plein de difficultés sociales qui sont beaucoup plus parlantes à partir de son histoire plutôt que de considérations qui restent théoriques. 
Enfin, le troisième intérêt, c'est une considération éthique puisqu'il y a beaucoup de représentations très négatives sur ce que peut être la pathologie mentale en prison, sur ce qu'elle inspire. 
Le fait d'écrire des cas concrets de personnes qu'on a pu rencontrer participe à démystifier ces problématiques, donc à contribuer à la déstigmatisation de cette population.
 

Avec les mêmes intervenants et intervenantes

Sur le même thème