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Langue :
Italien
Crédits
Université Toulouse II-Le Mirail SCPAM (Production), Bruno BASTARD (Réalisation), Giuseppina Poggi (Intervention), Jean-Paul Métailié (Intervention)
Conditions d'utilisation
Tous droits réservés à l'Université Toulouse-Le Mirail et aux auteurs.
DOI : 10.60527/r7cs-1c74
Citer cette ressource :
Giuseppina Poggi, Jean-Paul Métailié. UT2J. (1998, 20 mai). Les charbonniers de l'Antola [version italienne, extraits] , in Italien. [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/r7cs-1c74. (Consultée le 13 décembre 2024)

Les charbonniers de l'Antola [version italienne, extraits]

Réalisation : 20 mai 1998 - Mise en ligne : 10 octobre 2007
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Descriptif

Le Val Vobbia est une vallée encaissée de l'Apennin ligure, située à une trentaine de kilomètres au Nord-Est de Gênes, en Italie. À la fin des années 1920, l'économie était basée sur un système agro-sylvo-pastoral où l'exploitation de la forêt était essentiellement consacrée à la production de charbon de bois, une des productions qui pouvait le mieux s'exporter. Les derniers charbonniers ont poursuivi leur activité de façon traditionnelle jusqu'à la fin des années 1950. Le paysage forestier actuel ne peut se comprendre sans tenir compte de la longue histoire de la production de charbon. Aujourd'hui, le vieillissement des arbres, l'abandon de l'activité agricole et l'expansion des friches et des boisements de substitution condamnent à la disparition.

Générique

Images : Bruno Bastard. Son : Laurent Lecci.
Montage : Jean Jimenez.
Chargée de production : Nathalie Michaud.
Avec Gianni Biglieri, Renato Ratto, Alessio Ratto, Dario Ratto.
Commentaire : Alberto Bianco Franco.
Illustration/Infographie : Jacques Aguila, Jean-Paul Metailie.
Co-production : Parc Naturel Régional de l'Antola et Université de Toulouse-Le Mirail.
Avec la participation de : Laboratoire GEODE-CNRS, Laboratorio di Archeologio e Storia Ambientale (LASA), Corso di laurea in conservazione BBCC, Universita di Genova Laboratorio del Piovego, Universita di Padova Sovrintendenza Archeologica delle Ligura Cooperativa « Cartello della Pietra », Vobbia Circolo Culturale « G. Dagnino », Vobbia.

> Voir le documentaire intégral (version sous-titrée ou doublée en français).

Intervention
Thème
Documentation

La charbonnière : construction
La vallée de Vobbia, près de Gênes. Enfoncée dans le massif de l’Antola, au coeur de l’Apennin ligure, cette vallée forestière est restée longtemps un pays de charbonniers. Jusque dans les années 1950, toute une population vivait de l’exploitation des forêts et de la fabrication du charbon de bois ”.
On a la preuve archéologique que la production de charbon est continuelle et active de la moitié du XVIIe siècle : les forêts de l’Antola produisirent du charbon pour alimenter la métallurgie du fer. Au XIXe et au XXe siècle, le charbon de bois était par contre destiné aux besoins domestiques de la ville de Gênes.
L’économie du charbon de bois s’est arrêtée dans les années 1950, concurrencée par les autres sources d’énergie, et les charbonniers appartiennent désormais à l’histoire de la vallée.
La plupart des habitants travaillent maintenant dans les villes industrielles voisines et il ne subsiste plus que quelques agriculteurs dans les vallées. Les friches et la forêt inexploitée envahissent les espaces ruraux, la mémoire des pratiques agraires s’efface.
C’est dans ce contexte qu’a été créé le Parc Naturel Régional de l’Antola, pour préserver l’environement du massif.
Le Parc et l’Université de Gênes ont entrepris des recherches sur l’archéologie de l’environnement, dont le charbonnage est un élément important. Ces travaux ont débouché sur un projet : reconstituer une charbonnière selon les techniques traditionnelles. L’opération a été confiée à un ancien charbonnier, Gianni BIGLIERI, et à Renato RATTO, issu lui aussi d’une famille de charbonniers
La reconstitution de la charbonnière va faire l’objet d’un suivi constant par les historiens, les archéologues et les naturalistes. Il ne s’agit pas seulement de faire revivre la pratique traditionnelle, mais surtout de la comprendre. A chaque étape, à chaque geste accompli, les charbonniers vont donner leur explication, et les scientifiques vont essayer pour leur part d’en reconstruire la logique technique.
Le site choisi pour construire la meule est une place nouvelle, qui n’a jamais été utilisée auparavant et dont le comportement n’est pas connu. Avant toute chose, le charbonnier va consacrer cette nouvelle place, en posant au milieu une croix en bois.
La charbonnière qui va être construite ne possède pas de cheminée centrale, contrairement à ce que faisaient d’autres charbonniers, même dans les vallées voisines.
Le piquet central fait office de cheminée et sert de point d’appui à la construction ; on l’appelle ici “ piantùn ”, mais des termes différents sont employés dans les autres vallées.
Les charbonniers commencent par disposer de grosses bûches de chêne qui vont stabiliser l’ensemble, puis ils élèvent une architecture végétale très soigneuse : le bon fonctionnement de la charbonnière va dépendre de sa régularité. Dans la vallée, toute cette tradition technique est historiquement liée à l’arrivée de charbonniers depuis la Vénétie, dans les années 1930-1950.
La fin de la construction se fait avec des bois de petit diamètre, qui vont recouvrir la meule d’une couche serrée et régulière. C’est la première étape de construction de ce que les charbonniers appellent la “ chemise ” de la charbonnière. C’est une couverture composée de petit bois, d’une couche de feuilles et d’une couche de terre, qui permettra la combustion à l’étouffé. La charbonnière renferme maintenant près de 35 quintaux de bois.
Le bel édifice de bois est maintenant terminé. Les scientifiques en font un premier relevé, pour enregistrer la forme de la meule avant la combustion.
Pendant que Gianni commence à ramasser les feuilles pour achever la couverture, Renato construit l’échelle qui servira à travailler sur la meule. Tout l’artisanat des charbonniers était à base du bois ramassé sur place, et tout était à la fin transformé en charbon.
La fin de la couverture se fait avec de la terre, qui doit être tamisée pour être la plus homogène possible. Les charbonniers considéraient que la meilleure était celle qui avait déjà servi à une carbonisation, mais chaque terre locale était connue pour ses qualités et ses défauts.

La charbonnière : Combustion
Le charbonnier retire le piquet central. Maintenant l’allumage va pouvoir commencer, en démarrant la mise à feu par le sommet de la charbonnière.
Selon la méthode suivie par le charbonnier, le feu n’est pas lancé dans une cheminée centrale. Il est mis directement au sommet du tas de bois, et se propage doucement vers le bas.
Il est 4 heures de l’après-midi ; Gianni ferme maintenant la charbonnière, mais en réalité l’opération d’allumage ne fait que commencer. Pendant tout l’après-midi et la nuit qui vont suivre, il va être nécessaire de rajouter périodiquement du bois pour réalimenter la cheminée qui se crée au coeur de la charbonnière.
Les charbonniers continuent de couper des bûchettes de bois frais pour disposer d’une réserve. Si l’on ne rajoute pas régulièrement du bois, si on ne le tasse pas, il risque de se produire des trous dans la meule, qui peuvent entraîner des effondrements et provoquer l’incendie de la charbonnière, ruinant des semaines de travail.
Tout au long de la carbonisation, des mesures de températures vont être effectuées à différents niveaux de la meule, pour mieux comprendre comment se passe la combustion interne, si difficile à évaluer de l’extérieur. L’art du charbonnier consiste à maintenir la température en dessous de 400 à 500°, mais il n’a aucun moyen technique sur lesquels s’appuyer, seulement son expérience et ses sens aux aguets.
Le début de la combustion est une opération délicate, qui demande toute l’attention du charbonnier. Il faut veiller à reboucher les trous qui s’ouvrent dans la couverture de terre, ou bien en creuser ailleurs pour augmenter l’aération. Tout doucement, en se guidant au toucher, à l’ouïe, à l’odorat, le charbonnier conduit cette combustion interne si mystérieuse ; il observe la couleur des fumées, ainsi que les changements de couleur et de consistance de la terre.
La nuit a été difficile : le charbonnier s’est battu pendant des heures avec une combustion irrégulière du bois et des affaissements de la meule.
La charbonnière, construite sur une terrasse, provoque un appel d’air dans le sol. Tout le coté situé du coté du mur brûle donc plus vite.
La lutte contre la mauvaise combustion de la charbonnière se poursuit toute la journée ; elle va durer encore pendant la deuxième nuit. Le charbonnier doit régulièrement ouvrir la meule et rajouter du bois.
La combustion s’achève, la charbonnière ronronne et crépite. Des petits trous d’aération ont été percés à la base de la meule pour activer la cuisson ; il va bientôt être temps de défourner le charbon de bois.
Après un soigneux nettoyage de la chemise et des abords de la meule, le défournage commence délicatement par les couches superficielles de la charbonnière, pour ne sortir que les charbons les plus froids. Dans ces parties externes, la combustion s’est mal faite, et il reste des bouts de bois à moitié consumés : les « mucchi ».
Couche par couche, tout doucement, à l’inverse de la construction, le charbon est recueilli et refroidi à l’écart de la meule, qui doit rester couverte de terre, car elle prendrait feu si on l’ouvrait brutalement. Quelques charbons encore incandescents sont éteints avec un peu d’eau.
Les charbonnières sont des sites très intéressants pour l’étude de l’archéologie de l’environnement. Les archéologues suivent tout le déroulement des opérations, et en particulier la façon dont est disposé le charbon au moment du défournage. Ces observations aideront à mieux comprendre les vestiges anciens de charbonnage, que l’on rencontre dans toutes les vallées du massif de l’Antola.
Le charbon est ramassé à la main, ce qui est le meilleur moyen de s’assurer qu’il n’en reste aucun morceau qui brûle encore avant de le mettre en tas.
Les petits charbons mélangés à la terre sont tamisés sur le sommier du charbonnier qui trouve ici un nouvel usage.
Voici maintenant la dernière opération : la mise en sac. Entre la coupe du bois et la cuisson de la meule, les charbonniers auront travaillé 10 jours pour produire 500 kilos de charbon.
Les charbonniers vont remplir les sacs en veillant à mettre les plus beaux charbons sur le dessus.
L’emplacement de la meule est maintenant livré aux archéologues qui vont étudier les traces laissées par la semaine de travail des charbonniers. Ils vont mesurer la répartition des charbons, et suivre l’évolution de la plate-forme au cours des prochains mois. Après la reconstitution expérimentale une nouvelle phase va commencer : le suivi archéologique et les analyses de laboratoire.
Il ne reste plus maintenant qu’à construire une dernière petite meule pour carboniser les résidus de bois mal brûlés.
Cinq journées de travail s’achèvent, pendant lesquelles le charbonnier a reconstitué une alchimie à base de feu, de terre, d’air, d’eau, et de bois. Il a transmis le savoir traditionnel d’une société disparue et répété l’antique labeur de ses prédécesseurs, qui ont cuit les forêts de la vallée pendant des siècles.

Gianni le charbonnier
On a la preuve archéologique que la production de charbon est continuelle et active de la moitié du XVIIème siècle : les forêts de l’Antola produisirent du charbon pour alimenter la métallurgie du fer. Au XIXème et au XXème siècle, le charbon de bois était par contre destiné aux besoins domestiques de la ville de Gênes.
Gianni
“ C’était l’unique ressource dans ce temps-là. Quand je suis né, on faisait déjà du charbon. J’allais avec mon père et je l’aidais à amener le bois, la terre, je lui apportais le dîner, je dormais avec lui. La nuit, je lui passais le bois... tout ça, touts ces choses-là, quand il devait recharger la charbonnière. J’avais 4 ou 5 ans, et après j’ai continué ”
“ Il y a une saillie de rocher qui gêne... Car la charbonnière doit être bien ronde... comme un cône... ”
“ On fait le père éternel... pour la protéger ”
“ Ce que l’on appelle “ bosco ”, le bois, pour nous, c’est la châtaigneraie, des arbres cultivés pour les fruits ”
“ On dit “ scabbia ” pour le bois qui sert aux coupes... Ici... là... partout où on fait des coupes, on dit scabbia... ”
“ Quelque fois, on coupait le bois au printemps et on mettait le feu en automne... On laissait la charbonnière sans la couvrir avec la terre... Pour que le bois soit bien sec, il faudrait attendre jusqu’en septembre. Le bois doit être “ passera ”, c’est à dire à point, comme ça le feu sera plus régulier. Si le bois est trop vert, le feu mettra plus de temps, et si au contraire le bois est trop sec, le feu ira trop vite ”
“ C’est du charme. C’est le bois que nous disons le plus fort, dur... Pour les autres bois, au contraire, on les dit doux, tendres... ”
“ Le feu.. hé, il va triompher, il ne rigole pas, le feu !… alors il faut le contrôler, l’étouffer. Pour ça il faut mettre de la feuille, et de la terre par dessus, ça étrangle le feu... ” ; “ quand la feuille est tassée, il y en a comme ça d’épaisseur, puis elle brûle complètement, il n’en reste plus rien... Il y en avait qui se servait de la mousse. Mais elle reste allumée, et quand on ouvre la charbonnière, elle est carbonisée, mais elle maintient le feu ; c’est pas bien, mais certain l’emploient... ”
“ Hé! il y a des qualités de terre qui laissent respirer le feu, d’autres qui le suffoquent. Je n’ai pas l’habitude de cette terre, la notre est meilleure, elle bien le feu... mais celle-ci ne tient pas bien le feu... c’est de la terre de châtaignier, de bois de châtaignier... ”
“ Il y en a assez. Quand il y aura le feu, on pourra en rajouter. On en ajoute un peu ici, un peu là...Quand on voit qu’il en manque, que ça fume davantage, alors on rajoute de la terre. ”
“ Le trou qui s’est formé va se remplir, parce que la terre descend... le cratère se remplit de charbon et de terre, et le feu tourne autour. On pourrait rajouter du bois en bas, mais ça ne se fait pas, c’est trop difficile. ”
“ Si la plate-forme avait été bien étanche, le feu aurait tourné, tourné ; il serait descendu régulièrement. Comme si on dessinait avec un compas... il descend, il descend, tout en bas, régulièrement, de la cime jusqu’au fond... Il tourne, vrrrr ! en bas, en bas, en bas, régulièrement... Ici, la plate-forme n’est pas étanche, à cause du muret, alors une partie cuit plus vite que l’autre...”
“ mucchi! mucchi! ... Ici il est cassé, jusqu’ici il est cuit, mais là c’est encore du bois. Dans le temps, s’il y avait beaucoup de résidus, on revenait faire une petite charbonnière. On gardait la moindre miette de charbon.
“ La charbonnière aurait pu être meilleure, mais on ne pouvait pas savoir avant... Premièrement, la plate forme était neuve... la terre était neuve aussi... Avant, on utilisait de la terre qui avait déjà brûlé ; la terre était toujours la même, elle tournait... on l’utilisait d’une charbonnière à l’autre. Tout cela influence la réussite. Et après il y a le feu ! Dans la charbonnière personne ne sait pas se qui se passe...Dieu seul le sait! ... et voilà !.. ”

Dialogue de charbonniers
Pino : Faut voir si la plate-forme fonctionne bien, parce que l’important, c’est ça!
Gianni : J’aurais pu la faire plus grande, mais il y a le muret en pierre de la cabane.
Pino : Elle va trop tirer de ce coté et de l’autre coté il y a le rocher, elle ne va pas bien tirer.
Gianni : Elle va s’affaisser du coté du mur ; nous on dit qu’elle s’avachit.
Pino : Il y a beaucoup de plates-formes dans le coin, mais des bonnes...
Gianni : Des bonnes, il y en a peu!
Pino : C’est comme les chiens, il y en a beaucoup, mais des bons il y en a peu...Il y a des plates-formes qui laissent des résidus, des qui tirent trop bien, ou pas assez...Madonna!
Gianni : Ah oui, ça c’est vrai ! ... ”

La légende d’Alessio
“ J’avais apporté le dîner à mon compagnon, et il m’a dit qu’il avait tué un serpent. Il a toujours été un homme un peu farceur... et voilà qu’il a voulu qu’on amène le serpent sur la plateforme! Moi je lui dis que je n’irai pas le prendre... A la fin c’est lui, ce farceur, qui est allé chercher le serpent, et il l’a jeté près de la charbonnière. Il disait qu’il l’avait tué avec un lance-pierre, mais je ne le croyais pas. Un moment passe et voilà tout d’un coup qu’un autre serpent arrive, et il se met à tourner, tourner autour de la meule... et puis, vlan! il en arrive encore un autre, je vous dis ! Il lui a envoyé un coup avec le lance-pierre, alors il a ouvert un gueule large et rouge et il a fait demi-tour. Il a tourné, tourné, puis les deux serpents sont allés sur celui qui était mort, et alors là... ils se sont mis à chanter!... ”

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