Les lionnes fontaines du Massif central

Description

 

Les sculptures antiques ont souvent été découvertes et étudiées au XIXe siècle, période faste pour l’archéologie naissante. Depuis quelques années, les vestiges antiques du Mont-Dore (découverts à partir de 1817) sont réétudiés dans le cadre du projet interdisciplinaire : « Les lionnes fontaines du Massif central ». Il réunit notamment Elise Nectoux, archéologue, conservatrice du patrimoine à la DRAC Auvergne Rhône-Alpes, Pierre Boivin, géologue du laboratoire Magmas et Volcans (Université Clermont Auvergne), Yves Connier, sculpteur et tailleur de pierre, Bertrand Dousteyssier, archéologue, ingénieur de recherche à la MSH de Clermont-Ferrand (Plateforme Intelespace). Il s’agit de comprendre l’économie du chantier de construction et de décoration de l’ensemble monumental : carrières de matériaux, méthodes de construction, restitution… Un grand puzzle dont il manque néanmoins beaucoup de pièces. Le corpus comporte à la fois des éléments architecturaux en grand nombre, et un lot de sculptures tout à fait intéressantes, liées à l’ensemble thermal et son sanctuaire.

Deux éléments particuliers ont retenu l’attention de l’équipe : des fontaines zoomorphes, crachant de l’eau à travers un corps hybride, mi lionne, mi louve. Ces membres ont cherché à en savoir plus sur ces œuvres : combien connait-on de pièces du même genre ? Le matériau est-il toujours le même ? S’agit-il de l’œuvre d’un même atelier ? Qui étaient les commanditaires ? Quelle a été la diffusion de ce genre de sculpture ? Le modèle de ces animaux hybrides, naïfs, dont les affres du temps ont souvent fait perdre la tête, est globalement le même, comme si toutes avaient été ébauchées de la même main. Mais toutes sont différentes. Ce modèle est uniquement connu dans le Massif Central. A une exception près les fontaines zoomorphes du reste de l’Empire romain n’appartiennent pas au même modèle (des panthères, des lions, des dauphins …). Ce corpus est donc probablement le reflet de la production d’un atelier, d’un groupe de sculpteurs qui ont diffusé leurs œuvres dans un rayon assez restreint.

Sculpter de la roche volcanique, tel le trachyte ou le trachy-andésite, représentait une gageure. Le matériau est difficile, peut-être était-ce la première fois que les sculpteurs se mesuraient à cette roche massive, façonnaient un volume, une expression. Et suprême défi, le percement du conduit hydraulique, à travers le corps de la bête, a visiblement été fait en dernier. Le risque était certainement mesuré pour éviter la casse, mais les nombreuses réparations rappellent des difficultés bien réelles. Ces bêtes hybrides ont été découvertes, soit en contexte thermal comme au Mont-Dore, soit dans de grandes villae. Les commanditaires devaient donc le plus souvent être de riches propriétaires des IIe et IIIe siècles de notre ère. Cette décoration perdure vraisemblablement, comme l’illustre une lettre de Sidoine Apollinaire au Ve siècle de notre ère, qui décrit sa villa d’Avitacum/Aydat (Livre II, lettre 2 ) « Six tuyaux, dirigés extérieurement autour de la piscine, amènent des torrents d'eau du sommet de la montagne ; ils sont terminés chacun par une tête de lion si bien exécutée, que les personnes qui entrent sans être prévenues croient effectivement voir des dents prêtes à les dévorer, des yeux étincelants de fureur, et une crinière qui se hérisse ».

Ce projet de recherche a donné naissance à une exposition du 13 juin au 4 novembre 2019, au Musée départemental de la céramique à Lezoux (63), exposition intitulée « Des lionnes dans le Massif central ? Fontaines gallo-romaines inédites ». Fruit d’un partenariat entre la Maison des Sciences de l’Homme de Clermont-Ferrand, Université Clermont-Ferrand, le Service Régional d'Archéologie Auvergne Rhône-Alpes et le Conseil départemental du Puy-de-Dôme, cet évènement a permis de réunir la majorité des pièces de ce corpus antique atypique. Il lie aussi la présentation d’une recherche en cours à l’archéologie expérimentale puisque le sculpteur Yves Connier a relevé le défi : reproduire le fac-similé d’une lionne fontaine en utilisant les outils et en retrouvant les gestes des tailleurs gallo-romains.

 

Documentaire

Les lionnes fontaines en 3D du Mont-Dore
Documentaire
00:07:57

Les lionnes fontaines en 3D du Mont-Dore

Le projet de recherche « Les lionnes fontaines du Massif central » a donné naissance à l’exposition « Des lionnes dans le Massif central ? Fontaines gallo-romaines inédites », du 13 juin au 4 novembre