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Langue :
Français
Crédits
UTLS - la suite (Réalisation), Ali Bayramoglu (Intervention)
Conditions d'utilisation
Droit commun de la propriété intellectuelle
DOI : 10.60527/kdhw-z077
Citer cette ressource :
Ali Bayramoglu. UTLS. (2009, 13 octobre). L'Islam et Politique : Turquie - Ali Bayramoglu , in La Turquie, aujourd'hui demain (octobre 2009). [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/kdhw-z077. (Consultée le 20 septembre 2024)

L'Islam et Politique : Turquie - Ali Bayramoglu

Réalisation : 13 octobre 2009 - Mise en ligne : 12 octobre 2009
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Descriptif

Une conférence du cycle La Turquie, aujourd'hui demain

L'Islam et Politique : Turquie par Ali Bayramoglu

Intervention
Thème
Documentation

Extrait de la 718e conférence de l’Université de tous les savoirs
donnée le 13 octobre 2009

Islam et politique : l’exemple turc par Ali Bayramoglu
Professeur de L’université Kultur à Istanbul

Pour l’intellectuel moyen français la Turquie est un modèle mixte. C’est un pays musulman avec d’un côté, un régime laïc et démocratique et où la laïcité subsiste face à la pression islamique, garantie par l’armée et, d’un autre côté, ce rôle inéluctable, voire utile de l’armée affaiblit la démocratie, éloignant la Turquie des valeurs et du système occidentaux …"
Certains intellectuels français se fondent sur ce modèle pour s’opposer à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, tandis que pour d’autres, l’adhésion de la Turquie est nécessaire au développement de sa démocratie déficitaire.
Diamétralement opposées en apparence, ces deux positions ont, comme point de départ, le même modèle.
Ce modèle ne tient compte ni du vécu, ni de l’expérience, ni de l’homme, ni de la société. Il ne serait pas faux d’affirmer qu’il s’agit là d’une approche, qui se ressource fondamentalement dans une image historique statique, amalgamant islam et musulman, et qui voit dans l’islam un tout uniforme d’actes idéologico-politiques.
Jusqu’à quel point une telle approche, qui réduit la société à une structure idéologique et qui ne croit à la possibilité d’un changement que dans les limites d’une politique donnée, peut prétendre raconter la Turquie ?
Nous ne pensons qu’il le fasse vraiment, ce modèle ne raconte ni la Turquie, ni ce que la France signifie pour la Turquie et la Turquie pour la France. Le premier pas sur la voie de la compréhension passe nécessairement par la reconsidération de notre optique d’analyse politique et sociale.
Peut-être que le premier nouveau “vrai“ serait de tourner notre regard de l’immuable et du statique vers le muable et le dynamique. C’est un exercice qui permettra même de revoir l’immuable et le statique.
En fait, aujourd’hui un changement notable est en devenir autour de l’Europe et si l’on considère le nombre croissant d’Européens musulmans, ce changement évolue vers un encerclement de l’Europe.
Cette évolution s’articule sur deux axes fondamentaux.
- un dynamisme engendré par la détermination du politique par la société et un “politique” guidé par un “social” nouveau et différent…
- un processus de “resubjectivation“ ou plutôt de personnalisation ou encore un “processus de "passage de l’individu à l’homme" consommateur simultané de différents systèmes de valeur, à assise multiple, donc pluraliste, qui remplace l“individu“ qui gère des intérêts, différents et contradictoires, avec un système de valeur unique aux parures de rationalisme...
Si la Turquie devait être un modèle, elle serait celui de ce changement…
Sur la terre où nous vivons ce développement à deux axes se produit autour de trois rencontres. Et l’importance de chaque rencontre réside dans le fait qu’elle est le produit de la société, qu’elle privilégie le social et dans le fait que ce social mis en exergue cerne le politique.
Ces rencontres s’opèrent entre:
1. identité et histoire
2. militaire et civil
3. religieux et laïc
La rencontre du couple identité-histoire assure la fonction de démocratisation et de transparenciation de l’identité attribuée, à travers d’une relecture de la période républicaine, de la découverte des non musulmans et de la discussion sur 1915. La société devance le politique et lui ouvre le chemin. Elle alimente divers systèmes de valeur. La tension entre les militaires et les civils va, pour la première fois, au-delà d’un conflit entre la conception politique et l’armée, en conséquence de la conjoncture de ces dernières années et le pays a atteint un stade où les fonctions politique et militaire de l’armée sont débattues par la société sous un angle sociétal.
La rencontre du couple religieux-laïc a été le principal déclencheur d’une coexistence des systèmes de valeurs différents au sein d’un même corps. Cette structure inédite où les systèmes de valeurs séculaire, religieux, traditionnel et moderne sont consommés par la même personne est importante.
Il est impératif pour comprendre ce qui se passe de regarder l’islam et la politique en Turquie à travers cette optique.
La consommation par un même acteur de systèmes de valeur différents signale un nouveau climat sociologique. Ce nouveau climat indique une structure où les identités, les individus et les subjectivations coexistent, ou plutôt, s’imbriquent et interagissent sans pour autant s’annihiler réciproquement.
Naturellement, cette structure témoigne de l’existence d’une sérieuse vague de changement et dénote un processus radical de remise en question et voire même de transformation, tant dans les milieux islamiques que laïcs. L’élément principal qu’il convient de ne pas manquer ici est l’autoreproduction des individus et de ces milieux en termes d’intérêt, d’attitude, d’attente et d’action.
Deux points méritent d’être soulignés à cet égard:
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce sont les conflits sociétaux qui opposent le laïc au religieux dans les années ’80 et ’90 dans le domaine public et sur tous les terrains du domaine public qui ont alimenté les dynamiques internes de ce changement. Les rencontres sociales, culturelles et politiques résultant de ces tensions qui présentent les caractéristiques d’un conflit centre/périphérie attisé par la visibilité accrue du religieux dans le domaine public ont engendré des expériences entrainant des interactions, chaque domaine d’expérience devenant ainsi une piste de changement. Car ce qui détermine les dynamiques du changement est le nouveau regard que les acteurs posent sur l’autre, stimulé par le changement intervenu dans le regard qu’ils portent sur eux-mêmes, en d’autres termes la transformation de l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. Donc, il s’agit d’avantage d’un changement issu d’un consensus résultant d’une imbrication sociale que d’un consensus politique.
Un deuxième point consiste à la transformation interne du camp islamique déclenchée par ce grand changement. A cet égard, se manifeste dans le camp islamique une ‘’désagrégation’’ dans le cadre du rapport à l’identité. Cette désagrégation se traduit par deux tendances fondamentales ou deux cercles, l’un modéré et l’autre dur.
D’un coté nous avons un groupe d’acteurs qui renouvellent leur rapport à l’identité islamique à travers divers vecteurs, comme le instruments politiques, culturels, moraux, les femmes et les enfants ou par de nouvelles significations chargées de valeurs et de postulats et une tendance au changement qui se profile dans ce cadre.
Cette tendance de changement est construite fondamentalement sur la hétérogénéisation de ‘’l’espace islamique’’ et sur la perception hétérogène de ‘’l’islamique’’ au moyen de motifs religieux, d’interprétations religieuses et de pratiques, qui se focalisent sur la religion sans pour autant la rationaliser. Dans ce cadre l’espace islamique est perçu d’une maniére fragmentée et les liens entre les différents morceaux de cet espace comme la religion, l’économie, la culture, la vie privée et publique se relâchent. “L ‘islamique’’ soumis à une désintégration similaire, sans concession sur l’identité et les symboles islamiques, se repose sur une sécularisation pratique issue de la religion dans une perception qui place l’homme au centre. Cette forme de changement qui procure à divers groupes et classes du camp islamique différents instruments et vecteurs définit la ‘’tendance dominante’’.
Par ailleurs il existe dans le pays et dans le camp islamique également un groupe et une tendance, qui réagissent ou pour le moins gardent leur distance vis-à-vis de ce climat de changement et qui accusent cette nouvelle vague en se refermant sur soi et vivent en restructurant leur tissu interne. Le scepticisme à l’égard des initiatives politiques de changement, une vision de l’occident ‘’autre’’ par nature et inconciliable, une attitude ‘’développementiste - étatiste – solidariste’’ porteuse de dynamiques de ‘’redroitisation’’ sont les pierres angulaires de ce durcissement. Cette tendance aujourd’hui significativement marginalisée est cantonnée à un espace exigu.
La nouvelle vague de subjectivisation créée par ce tissu constituera une des forces sociologiques impulsives des prochaines années. Aussi bien dans la détermination des rapports entre islam et politique en Turquie, qu’en termes de nouvelles structurations sociétales et de nouveaux systèmes de valeur, en général…

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