Conférence de Louis André Dorion [ Se délivrer du plus grand mal : elenchos et châtiment dans le Gorgias ]

Socrate soutient dans le Gorgias deux thèses qui visent le même objectif, mais dont il n’est pas évident, du moins à première vue, qu’elles sont compatibles entre elles. Il soutient d’une part que c’est par le moyen de l’elenchos que l’on se débarrasse du plus grand mal (cf. 458a). Il soutient d’autre part que c’est par le moyen du châtiment physique que l’on est débarrassé ou délivré du plus grand mal (cf. 477a, 478d). L’objectif est donc le même, à savoir être débarrassé du mal, voire du plus grand mal, mais les moyens d’y parvenir sont extrêmement différents, puisque l’elenchos est une procédure dialectique qui s’adresse à l’âme seule, alors que le châtiment s’abat sur le corps dans le but éventuel de corriger l’âme. Je traiterai dans cette étude de deux questions principales. Premièrement, je m’appliquerai à montrer qu’il y a entre l’elenchos et le châtiment, malgré tout ce qui les distingue à première vue, de nombreux liens et recoupements. Deuxièmement, après avoir mis en lumière les principales divergences entre l’elenchos et le châtiment, je m’efforcerai de déterminer s’il est possible d’articuler de façon cohérente les deux thèses soutenues par Socrate concernant les moyens de se délivrer du plus grand mal.