Cours/Séminaire
Notice
Date de réalisation
Lieu de réalisation

MRSH Caen

Langue :
Français
Citer cette ressource :
La forge numérique. (2012, 26 octobre). Manille, clef des Indes orientales ?. [Podcast]. Canal-U. https://www.canal-u.tv/117461. (Consultée le 10 juin 2024)

Manille, clef des Indes orientales ?

Réalisation : 26 octobre 2012 - Mise en ligne : 29 juin 2022
  • document 1 document 2 document 3
  • niveau 1 niveau 2 niveau 3
Descriptif

Cette conférence a été enregistrée dans le cadre du programme pluridisciplinaire de la MRSH Le temps de l'Empire ibérique, dont le thème pour l'année 2012-13 est consacré aux Villes, espaces de pouvoir.

Clotilde Jacquelard est maître de conférences à l'UFR des Études ibériques de Paris-Sorbonne. Membre de l'équipe de recherche Civilisations et Littératures d'Espagne et d'Amérique (CLEA), elle est spécialiste de littérature géographique, de cosmographie et de littérature de voyages, concernant une partie assez peu étudiée des possessions de la Monarchie espagnole jusqu'à une époque récente : les Philippines. Ses recherches ont mis en valeur d'une part la projection asiatique de la Monarchie espagnole, ses relations avec la Chine, le Japon, le Pacifique et d'autre part la relation entre les territoires américains de la Monarchie et l'archipel philippin - point extrême de l'expansion espagnole - puisque la Nouvelle Espagne servait de relais entre l'Asie et le cœur de la Monarchie.

Résumé de la conférence

La fondation de la Manille espagnole en 1571 s'inscrit dans le gigantesque processus de créations urbaines entrepris par l'Espagne au Nouveau Monde, en étant son prolongement en Asie au point d'extension maximal de l'empire vers l'ouest.Cette capitale présente donc à la fois des similitudes et des différences, des spécificités par rapport au modèle américain dont elle hérite qui formeront notre objet d'étude. Manille fut un cas unique en Asie du Sud-Est où l'Occident laissa une empreinte aussi profonde, puisque l'Espagne y avait, comme en Amérique, des objectifs globaux de transformation socio-culturelle des populations par le biais de stratégies urbaines, et ce à la différence des Portugais à Macao à partir de 1553 ou des Hollandais à Batavia (1611) qui n'avaient développé que des entrepôts commerciaux sans objectif de conquête ou de transformation territoriale. Manille c'est aussi le cas unique d'une colonie d'une colonie puisque l'archipel avait été conquis par la Nouvelle-Espagne au nom du roi d'Espagne, par la génération des vétérans de la conquête et des premiers créoles. Cette conquête fut l'orgueil des Mexicains qui accomplissaient le rêve de Cortés en faisant de la Nouvelle-Espagne, située à mi-chemin entre l'Europe et l'Asie, le nœud principal de communication entre deux océans, entre les deux extrémités de l'oekoumène. Manille, ce fut aussi une place forte stratégique qui commandait aussi bien l'entrée en Extrême-Orient (un tremplin pour conquérir la Chine ou au moins l'évangéliser...) mais aussi une pièce stratégique du système de défense de la façade occidentale du continent américain pour empêcher les rivaux de l'Espagne (Angleterre, Hollande, France) de prendre pied en Asie et ainsi protéger la côte occidentale de l'Amérique espagnole au moment où le cycle de l'exploitation de l'argent s'imposait aussi bien au Pérou qu'en Nouvelle-Espagne.

Il fallut cependant 6 ans aux Espagnols pour trouver le site adéquat où fonder la capitale, au plus près du commerce avec la côte chinoise. Le commerce transpacifique entre produits chinois et argent mexicain va induire la morphologie urbaine de Manille entre un intramuros fortifié progressivement réservé à une minorité blanche extrêmement réduite, tandis que se développaient des faubourgs asiatiques, réservoirs de main d'œuvre, de commerçants et d'artisans, en croissance, à la différence de l'Amérique espagnole. Cette polarisation commerciale intercontinentale suscita la création du port de Cavite qui fut aussi chantier naval et arsenal. La croissance et la prospérité commerciale de Manille entre 1580 et 1615 en firent une capitale cosmopolite sans doute unique dans l'empire espagnol. Mais cette mono activité découragea un développement économique et urbain plus équilibré sur l'ensemble de l'archipel, faisant de Manille, déjà, une capitale macrocéphale. Les Philippines espagnoles présentent ainsi une colonisation à mi-chemin entre le simple emporium et le modèle américain de domination de vastes espaces.Manille étaitl'emblème asiatique d'une souveraineté espagnole durable et à visée mondiale, mais dont le maintien se faisait par des moyens extrêmement précaires.

Sur le même thème