Matthieu Terrier : Des témoignages de « gens du livre » et de « purs monothéistes » dans l’apologétique du shiꜥisme duodécimain

Le témoignage est en islam une notion théologique avant d’être une notion juridique. La shahāda, nom d’action du verbe shahida/yashhadu (« être témoin, rendre témoignage, attester »), désigne la profession de foi de l’islam : « Je témoigne qu’il n’est d’autre dieu que Dieu, je témoigne que Muḥammad est l’envoyé de Dieu ». Le témoignage de la foi (shahāda) est un énoncé performatif, il fait le musulman (sunnite ou shiʾite), ce pourquoi la conversion consiste seulement à prononcer cette ­shahāda (double ou triple). Dans l’islam majoritaire sunnite, tout se passe comme si, après la mission prophétique de Muḥammad, il n’y avait plus besoin de témoin extérieur, le nombre de convertis étant en soi une preuve suffisante de la vérité de l’islam. Dans le shiʾisme minoritaire, au contraire, le témoignage de « gens du Livre » (juifs ou chrétiens) ou de « purs monothéistes » en faveur du prophétat de Muḥammad et de l’imâmat de ꜥAlī conserve une importance et une actualité considérables après la mort du Prophète, à la période des imâms successifs (1er/VIIe-4e/Xe s.). On trouve de nombreux récits de ces témoignages « exté­rieurs » dans les recueils de traditions attribuées aux imâms.