«Attention danger : écrans ?» : les usages inégaux des médias par les enfants selon les milieux sociaux et les configurations familiales (et autres surprises)

Communication de Kevin Diter, maître de conférences en sociologie à l’Université de Lille et chercheur au CLERSE 

Peu de domaines culturels ont fait l’objet d’autant de paniques morales et de recommandations institutionnelles que ceux qui ont trait aux rapports des enfants aux écrans. Qu’elles proviennent de recherches en santé publique ou en sciences cognitives, les enquêtes consacrées à cet objet sont souvent normatives et présentent une même vision biaisée de l’enfance et des médias : la première serait par définition une population fragile qu’il serait nécessaire de protéger du monde numérique, quand les seconds seraient des outils par nature dangereux pour les esprits comme pour les corps, notamment lorsque ceux-ci sont en pleine formation. Cette présentation a pour but d’interroger ces paniques morales en soulignant, d’une part, les raisons (sociologiques) de leur émergence et, d’autre part, en questionnant leur bien fondé, leur véracité, à partir de l’examen des dernières enquêtes scientifiques sur le sujet. La présentation se décomposera en trois temps. Dans un premier temps, nous reviendrons sur la (difficile et sempiternelle) question des effets des médias et retracerons sa construction historique et sociale. Dans un deuxième temps, nous reviendrons sur les résultats (ambivalents) des dernières recherches sur les effets des médias et soulignerons la nécessité de s’intéresser aux usages, et plus précisément à ce que font les enfants - et leurs parents - des médias plutôt qu’à la manière dont ces derniers agissent sur eux. Enfin, dans un dernier temps, à partir des différentes vagues de l’étude longitudinale française depuis l’enfance (ELFE) réalisée auprès de 18000 enfants nés en 2011, nous mettrons en évidence les différentes trajectoires de consommation des écrans des enfants et leurs variat ions sociales. À cette occasion, nous dépeindrons les différents déterminants sociologiques de ces multiples trajectoires et insisterons sur le rôle primordial des pratiques culturelles et éducatives des parents, ainsi que de leurs rapports aux institutions (notamment scolaires).