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DOI : 10.60527/7ph7-km69
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UTLS. (2009, 14 octobre). La politique culturelle en jeu : le renouveau culturel en Turquie - Serhan Ada , in La Turquie, aujourd'hui demain (octobre 2009). [Vidéo]. Canal-U. https://doi.org/10.60527/7ph7-km69. (Consultée le 31 mai 2024)

La politique culturelle en jeu : le renouveau culturel en Turquie - Serhan Ada

Réalisation : 14 octobre 2009 - Mise en ligne : 13 octobre 2009
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Descriptif

Une conférence du cycle La Turquie, aujourd'hui demainLa politique culturelle en jeu : le renouveau culturel en Turquiepar M. Serhan Ada, Professeur Université de Bilgi à Istanbul

Thème
Documentation

Extrait de la 719e conférence de l’Université de tous les savoirs donnée le 14 octobre 2009

La Politique Culturelle en Jeu: Le Renouveau Culturel en Turquie par Serhan Ada Professeur à L’Université Bilgi d’Istanbul.

Le patrimoine culturel de la Turquie est plus à l’honneur que jamais en Europe et sur l’arène internationale. La saison de la Turquie en France en 2009-2010, le choix d’Istanbul comme Capitale européenne de la culture (CEC) en 2010, l’Alliance des civilisations sous les hospices des Nations unies dont la Turquie est coinstigateur avec l’Espagne, ne sont que quelques exemples parmi d’autres. Tout ceci n’est pas un hasard. La Turquie est en train de traverser une série de transformations d’ordre politique, social et économique. Dès lors, il est inévitable que la politique culturelle de la Turquie fasse aussi l’objet d’un débat portant sur son passé, son présent et son avenir. Commençons par aborder les transformations intervenues sous le régime républicain. La politique culturelle de la Turquie dans les décennies qui vont des années 1920 aux années 1960 peut être qualifiée de politique de “fondation et de structuration nationales”. La république de Turquie qui succède à l’Empire ottoman, revendique d’une part le patrimoine culturel dont elle est l’héritière et s’emploie, par ailleurs, à créer des institutions, qui permettent aux nouveaux citoyens, qu’elle fédère sous un dénominateur commun, dépouillé de toutes les diversités et dont le mot d’ordre “heureux qui se dit Turc” est l’expression, en ligne avec sa prétention de créer une société et une nation “sans privilège, sans classe et unie”. Trois initiatives importantes ont été prises à cette fin : l’unification de l’enseignement en vue d’en finir avec la structure multiple du système d’éducation nationale ottomane avec la promulgation de la Loi sur l’unité de l’éducation (1924) et enfin la création de l’Institut turc d’histoire (TTK, 1931) et de l’Académie de la langue turque (TDK,1932). Ces trois institutions, structurées à l’instar des institutions nationales françaises, avaient pour but de réglementer la culture nationale du haut vers le bas. Au fil du temps, toutes les trois ont vu leur fonction se modifier et perdre de leur ascendance. La Loi sur l’unification de l’enseignement a été abrogée perdant sa raison d’être face à la tendance mondiale à la privatisation de l’éducation et à la mondialisation. Quant au TTK et à la TDK, ils survivent en tant qu’entités autonomes dans l’enceinte du “Haut conseil Atatürk pour la culture, la langue et l’histoire” créé après le coup d’Etat militaire de 1980. Il convient également d’ajouter à ces trois institutions, qui ont orienté la culture pendant les 30 premières années de la République, les “Maisons du peuple” créées en 1932 et les “Instituts ruraux” mis en place en 1940, deux institutions à vocation plus populistes. Ces deux institutions s’inspirent, probablement, de l’organisation culturelle de masse qui caractérise l’Allemagne et l’Italie d’avant guerre. Néanmoins, il ne faut pas oublier que la souci de voir les idéaux de l’idéologie kémaliste-turque qui préside à l’instauration de la République, s’ancrer et se diffuser auprès des masses populaires, ainsi qu’en assurer la pérennité joue un rôle important dans la création de ces institutions. La politique culturelle en vigueur des années 1950 aux années 1970, exception faite de la courte période transitoire qui a suivi le coup d’Etat de 1960, caractérisée par le principe de “laisser faire” peut être qualifiée de “soft” ou de “sans politique”. Cette époque où le communisme est communément perçu comme une menace politique et exagérément exploitée au-delà de sa perception, verra la Turquie adhérer à l’OTAN et faire le premier pas vers l’intégration avec le système européen. C’est aussi à cette époque que la “turcité”, un des composants de la politique culturelle se dote d’un fondement raciste dont la référence est l’Asie centrale et que l’islam se distingue comme un important composant d’identité. Les écoles d’imams et de prêcheurs qui défraient toujours la chronique culturelle et politique, avaient été créées à cette même époque au sein du système unitaire d’enseignement, mais dotées d’un cursus à dominante religieuse. Les débats sur la politique culturelle débutent en Turquie avec l’inscription aux programmes des gouvernements, toutes tendances politiques confondues, de l’adhésion à l’UE comme un choix sérieux. En outre, une série de “Congrès nationaux de la culture” a été tenue par le Ministère de la culture à la veille des années 1990. Certains passages de l’intervention d’Aziz Nesin, un des plus brillants écrivains que la Turquie ait connus à l’occasion du IIème Congrès de la culture en 1990 sont de nature à faire la lumière sur le temps présent. L’écrivain dit : “La culture nationale à laquelle se réfère la réglementation (de ce Congrès) doit, sans doute, être la culture turque. Dans ce cas, il sera nécessairement et exclusivement question de la culture turque lors du IIème Congrès national de la culture et l’on ne parlera pas des cultures de Turquie. Or la culture de Turquie n’est pas que culture turque. [...] Du reste, ce ministère s’appelle le Ministère de la culture de la République de Turquie et non pas le Ministère de la culture turque. [...] Même si ça ne l’est pas légalement, légitimement, même si ça ne l’est pas théoriquement, dans le fait la culture de Turquie est constituée des cultures de différents peuples, de différentes nations, de différentes langues, de différentes religions et de différentes écoles religieuses . Si nous ne considérons que la culture turque et renonçons à cette riche culture de Turquie, nous aurons dénié la richesse culturelle des peuples (kurde, arabe, syriaque, etc.) qui vivent en Turquie...” Des propos toujours d’actualité à un moment où les débats portent sur des initiatives telles que “La Politique de l’ouverture démocratique” ou “la Politique de l’ouverture kurde”. Le processus de CEC 2010 mérite que l’on s’y attarde. Les acquis du processus de CEC auront une contribution considérable à l’élaboration et à la mise en oeuvre d’une politique culturelle. Les travaux qui vaudront à Istanbul d’être ville candidate pour la CEC furent l’œuvre d’une poignée d’intellectuels et d’activistes de la société civile. Si bien que le rapport élaboré en avril 2006 suite à la présentation du projet à la commission européenne met tout particulièrement l’accent sur la nature “avancée, innovatrice et tournée vers l’avenir” du leadership de la société civile. Les problèmes et les discussions qui pourraient surgir lors des travaux menés par l’Agence Istanbul 2010 seront édifiants au regard de la gouvernance et des bonnes pratiques qui doivent nécessairement accompagner la préparation d’une nouvelle politique culturelle en Turquie. Le processus de préparation, les mécanismes de décision de 2010 offriront un cadre conceptuel beaucoup plus déterminant que les festivités qui marqueront l’année 2010 elle-même. La plus value que pourraient générer le dialogue et le débat entre les divers secteurs de la société, à savoir, les sphères privée et publique, la bureaucratie centrale et les administrations locales dont les priorités dans le domaine de la culture ont toujours divergé, mérite l’attention. Les perspectives de développement des industries culturelles, les quelques pratiques culturelles dynamiques déployées à Diyarbakır, à Eskişehir, à Bursa et dans d’autres villes d’Anatolie doivent également être prises en considération lors de ce processus. Il est inévitable qu’un projet d’une nouvelle politique culturelle en Turquie attise la discussion sur la démocratie. Dans un pays où traditionnellement l’Etat est et se croit être le seul décideur en matière de culture au nom de la nation dont, un débat auquel prendraient part toutes les parties est aussi nécessaire que difficile. La contribution à la démocratie d’une nouvelle politique culturelle sera à la hauteur du consensus politique dont elle sera le reflet.

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