Saison 3 (2023-2024) - Performance

évènement
Mise en ligne : 27 octobre 2023
DOI : 10.60527/48f1-pg18
URL pérenne : https://doi.org/10.60527/48f1-pg18
  • niveau 1 niveau 2 niveau 3
  • document 1 document 2 document 3
Visuel performance

Descriptif

À l’occasion de l’organisation en France de la Coupe du Monde de rugby en 2023 et des Jeux Olympiques en 2024, il est beaucoup question dans les médias de la performance de nos athlètes. Et pour cause : le culte de la performance appelle au dépassement de soi et fascine les foules. Mais que faut-il réellement comprendre derrière ce terme qui revient tel un leitmotiv dans le vocabulaire des journalistes et des commentateurs ? Que dit-il des contextes particuliers et des sociétés où il émerge, quels sont ses emplois, ses connotations, ses ambivalences ?

Issu du latin performare et de l’ancien français parformer, le terme traverse la Manche avant de revenir en France au XIXe siècle. Le verbe latin formare évoque l’action de donner une forme et, accompagné d’un préfixe à la valeur superlative (« per »), il en vient à indiquer un acte parachevé. La performance contient donc en germe l’idée de perfection. Pourtant, elle abrite également en elle ses propres limites : les performances de l’Intelligence Artificielle, aussi impressionnantes soient-elles, relèvent principalement de la synthèse au détriment de l’analyse.

On voit donc que, s’il s’applique aux succès du monde sportif et aux exploits de l’extrême, ce mot qui est au cœur de notre attention désigne aussi, par extension, le rendement (parfois suspect) et la fiabilité des humains et des objets. Nul ne s’étonnera du fait que la performance irrigue désormais le droit public à l’heure où les logiques managériales continuent à s’imposer dans les pays dits « développés ». Dans le langage courant, comme en économie, la performance suggère une forme de réussite financière. En linguistique, elle renvoie à la réalisation d’un acte de langage (le performatif) et souligne des qualités oratoires précises, où le pouvoir opère par le biais du discours. Tout l’art rhétorique, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, se fonde non seulement sur la composition du discours mais aussi sur la prise de parole de l’orateur qui, tel un acteur, se produit devant un public.

L’anthropologie, la sociologie, les études de genre font de la performance (qui peut être intériorisée et subie) un outil herméneutique à même de décrypter le monde qui nous entoure. Plus largement, la performance va souvent de pair avec la nouveauté et l’expérimentation. En architecture par exemple, différentes expérimentations de terrain sont aujourd’hui menées sur le thème de la « performance habitante ». Certaines communautés questionnent ainsi leurs pratiques habitantes à partir d’actions précises situées en des lieux précis. En psychologie, les épreuves de performance permettent d’apprécier l’intelligence concrète ou pratique des individus.

Chaque discipline aborde donc la performance par le biais d’un prisme particulier, sans jamais renoncer au sens anglais du terme. Dans les pays anglo-saxons, la performance désigne en effet l’accomplissement d’une action scénique, théâtrale notamment. Les « performance studies » fleurissent dans le milieu académique littéraire. De fait, en tant que genre artistique, la performance est comprise comme une action se déroulant pour et avec les spectateurs, et à forte dimension expérimentale. Depuis les années 60, l’art-performance implique des happenings et, de manière générale, des protocoles visant à perturber les codes et le quotidien et, dans certains cas, à ébranler l’ordre public. L’improvisation est une composante participant volontiers de cette modalité d’action artistique qu’est la performance.

Alors qu’elle se charge volontiers d’une valeur axiologique positive (elle désigne la prouesse ou, tout du moins, une forme d’excellence), elle sous-tend en creux la contre-performance et la désillusion. L’échec, la résilience, le renoncement sont en effet autant de thématiques qu’entraîne la performance dans son sillage. À l’heure où les entreprises attendent des salariés performants, la jeunesse voit dans la performance une forme de souffrance au travail et se projette dans un univers professionnel qu’elle rêve de voir synonyme de bien-être.

On l’aura compris, la performance entraîne avec elle des notions ambivalentes qu’il convient d’analyser au prisme de la littérature et des sciences humaines et sociales pour la contextualiser et l’éclairer comme elle le mérite. Quel est son apport épistémologique ? Quels sont les critères qui permettent de la mesurer ? Que nous apprend son emploi sur la manière même d’envisager la société et le monde ? Dans la troisième saison de ses podcasts, la Maison des Sciences de l’Homme de Clermont-Ferrand se propose d’aborder l’idée même de performance au sein du large éventail disciplinaire qu’elle représente, et de la questionner pour tenter d’évaluer sa pertinence à l’ère du « slow movement » qui nous invite davantage à ralentir le rythme qu’à nous dépasser, et à nous reconnecter à la nature plutôt qu’à la dominer.

Podcasts

acques_Saury_podcast_msh_clermont
Conférence
00:58:19

Compréhension et accompagnement de la quête de performance sportive de haut niveau : l'invention co…

Saury
Jacques

Jacques Saury explore la notion de performance selon son double point de vue de chercheur et d'intervenant auprès de sportifs de haut niveau dans l’analyse et l’optimisation de leurs performances.

Olivier_Spina_vignette
Conférence
01:09:47

La « performance » dans les spectacles de l'époque moderne

Spina
Olivier

Olivier Spina explore le théâtre anglais à l’époque moderne, éclairant ainsi des questionnements très contemporains autour de cet art devenu « performance dramatique ».

Intervenants et intervenantes

France

Professeur au Département Génie Civil et Urbanisme (GCU) à l'INSA de Lyon, responsable de l'Equipe Thermique du Bâtiment et directeur de thèse au au Laboratoire d'Equipement de l'habitat (LEH), INSA Lyon (de 1988 à 1989) puis au Centre de Thermique de l'INSA de Lyon puis CEntre de THermique de Lyon (CETHIL) (de 1994 à 2003). - Professeur Emérite des universités - CETHIL - INSA Lyon (en 2024)

France

Agrégé d'histoire. Docteur en Histoire moderne (Paris 4, 2011). Chercheur au Centre Roland Mousnier-Université Paris-Sorbonne (en 2011). Maître de conférences en histoire moderne à l'Université Lyon 2 (en 2022)