Conférence
Notice
Date de réalisation
Lieu de réalisation

MRSH Caen

Langue :
Français
Citer cette ressource :
La forge numérique. (2017, 5 octobre). Dépaysement et déplacement : du rêve d’ailleurs au voyage immobile. [Podcast]. Canal-U. https://www.canal-u.tv/131854. (Consultée le 15 octobre 2024)

Dépaysement et déplacement : du rêve d’ailleurs au voyage immobile

Réalisation : 5 octobre 2017 - Mise en ligne : 18 juillet 2022
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Descriptif

Cette communication a été enregistrée lors du colloque Le Dépaysement au XXe et XXIe s. qui s'est tenu à la MRSH de Caen le 5 octobre 2017.

Professeur émérite à l'Université de Bourgogne, Jacques Poirier travaille sur les relations de la littérature française et des sciences humaines (deux ouvrages publiés sur les écrivains français et la psychananyse) ainsi que sur les mythes littéraires (Judith et Holopherne, 2004). Il a participé à de nombreux dictionnaires, et a contribué à l'édition en Pléiade des Romans de Michel Tournier (2017). Avec Arlette Bouloumié, il prépare un Dictionnaire Michel Tournier (2018); et il travaille en ce moment à un essai sur "Les Lettres françaises et la psychanalyse (1900-1944)".  

Résumé de la communication

La proximité phonétique et l’illusion étymologique incitent à percevoir le dépaysement comme le produit d’un déplacement. Dans toute une tradition, dont le tourisme constitue la forme dégradée, le dépaysement passe par la découverte des mondes lointains, ces mondes à l’envers qu’ont pu représenter les îles des mers du Sud au XVIIIe s., ou l’Orient fantasmatique du XIXe siècle, qui offrent au voyageur le spectacle d’un monde à l’envers. Mais le dépaysement est un terme équivoque, qui suggère aussi bien le plaisir que la crainte (la crainte de la dépossession, de n’être plus soi-même). Du coup, si beaucoup sont partis en quête de l’ailleurs, il est d’autres voyageurs qui se sont refusés à tout dépaysement. Quand le Robinson de Michel Tournier choisit de coloniser l’île, il réduit l’écart, et du coup c’est l’île qui se trouve “dépaysée” (arrachée à elle-même) ; quant à Phileas Fogg, il est en mesure de traverser le monde sans jamais être affecté par lui. Comme on le comprend à ces deux exemples, le déplacement peut ne susciter aucun sentiment de dépaysement. À l’inverse, le dépaysement peut atteindre sa plus grande intensité en l’absence de tout déplacement, comme il advient quand, soudain, le monde familier devient autre. Tel est le cas lorsqu’une révolution de la connaissance ou de la pensée entraîne un décentrement, et donc un dépaysement : soudain, nous ne sommes plus au centre (Copernic) ; soudain quelque chose en nous nous échappe (Freud) ; soudain nous apprenons que les dieux s’en sont allés (Le Gai Savoir) ; soudain, nous sommes « de trop » (La Nausée). Il suffit donc que notre regard sur le monde change pour que nous nous retrouvions “dépaysés”, c’est-à-dire en étrange pays dans notre pays lui-même.

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