04 - "Le sanglier : chasses, politiques publiques et conséquences sur le rapport du chasseur au gibier" : Alain Gigounoux (EHESS)

COLLOQUE « HABITATS FORESTIERS ET FORÊTS HABITÉES » COMMENT USAGES, GESTIONS ET PRATIQUES SOCIALES INTERAGISSENT AVEC LA FAUNE SAUVAGE EN FORÊT ?"

Ce colloque international, qui s'est tenu au sein du Domaine national de Chambord (26 et 27 mars 2019), s'inscrit dans le cadre du projet de recherche COSTAUD (Contribution des OnguléS au foncTionnement de l’écosystème et AUx services rendus à ChamborD, financé par la Région Centre-Val de Loire et porté par l'Irstea, 2016-2019).

Toutes les informations sur le colloque : https://living-forests.sciencesconf.org/

Le colloque "Habitats forestiers et forêts habitées" a abordé la forêt, part de l'imaginaire et des paysages, comme lieu d’interactions entre l’homme et la faune sauvage.

Il a été l'occasion de réfléchir à l’empreinte passée de nos activités, aux déterminants actuels et leurs enjeux, ainsi qu’aux perspectives d’évolution des forêts et des habitats qui les composent.

Pour y parvenir ont été privilégiées les approches pluridisciplinaires tenant compte de l’écologie de la faune sauvage et des forêts, de leurs représentations sociales et de la fréquentation touristique associée à ces patrimoines naturel et culturel.

Session "Facteurs environnementaux et humains à l’origine des populations animales actuelles"

"Le sanglier : chasses, politiques publiques et conséquences sur le rapport du chasseur au gibier" : Alain Gigounoux (Ecole des hautes études en sciences sociales)

Résumé de l'intervention :

Ce travail s'appuie sur une approche comparative des praxis, représentations symboliques et enjeux de la chasse du sanglier dans le Sud-Ouest de la France, au regard d'autres pratiques cynégétiques françaises ou européennes et sur l'étude du droit et des politiques publiques, appréhendées sur le temps long.

En France, dès les années 1960, les pouvoirs publics ont instauré un système élaboré d'éducation des chasseurs et de normes réglementaires visant à restaurer et à développer le patrimoine naturel que constitue le grand gibier. Ces politiques publiques ont conduit à délaisser, au moins pour partie, des concepts et des pratiques cynégétiques traditionnels, au profit d'une approche d'inspiration plus septentrionale. La chasse de libre cueillette aléatoire, pratiquée au travers d'un jeu-duel avec le gibier, a lentement été dirigée vers la "gestion de la faune sauvage" et vers une "chasse de récolte" modérément "intrusive."

Dans un même temps, une très forte croissance démographique des populations de sangliers est intervenue et ce gibier occasionne désormais de plus en plus de nuisances. La régulation des sangliers est assurée par la chasse mais il est constaté un déclin prononcé et continu des effectifs de chasseurs. C'est également grâce aux taxes dont ils s'acquitent pour pratiquer leur loisir, qu'est financée l'indemnisation administrative des dégâts à l'agriculture. Confrontés à ces tendances inquiétantes, les pouvoirs publics imposent le retour vers des pratiques de chasse contribuant plus efficacement à la maîtrise des effectifs de sangliers, notamment en "libéralisant" de nombreux moyens d'intervention cynégétiques réprouvés ou interdits durant les quarante dernières années.

La réforme est plus profonde qu'il pourrait y paraître. Il s'agit d'une inversion de la révolution conceptuelle imposée jusqu'ici. Contrairement à un agent de régulation de la faune sauvage, auquel le chasseur est régulièrement assimilé, ce dernier comprend difficilement les nouveaux changements qui lui sont imposés. Pourtant, son adhésion est indispensable aux succès des "plans de maîtrise du sanglier." L'extraordinaire passion qui conduit le chasseur à pratiquer repose sur des dimensions fondatrices d'ordre culturels et symboliques, particulièrement le rapport au gibier, au sauvage et à la nature. Leur bonne compréhension et intégration dans la définition des politiques publiques s'avère alors essentielle.