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Lieu de réalisation
FMSH
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Français
Langue :
Français
Crédits
Séverine Mathieu (Intervention)
Détenteur des droits
©FMSH2022
Conditions d'utilisation
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Citer cette ressource :
Séverine Mathieu. FMSH. (2022, 17 février). Embryon, personne et parenté - Interview de Séverine Mathieu , in Interviews d'auteurs. [Vidéo]. Canal-U. https://www.canal-u.tv/114799. (Consultée le 27 juillet 2024)

Embryon, personne et parenté - Interview de Séverine Mathieu

Réalisation : 17 février 2022 - Mise en ligne : 10 mars 2022
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Descriptif

Interview de Séverine Mathieu, dans le cadre de la sortie du livre Embryon, personne et parenté, publié le 20 janvier 2022 et disponible sur le site des Éditions de la Maison des sciences de l'homme.

 

L'ouvrage présenté ici trouve son origine dans un séminaire de l’EHESS, animé par Enric Porqueres I Gené de 2014 à 2017. Ce séminaire a été l’occasion de mener un travail collectif aux perspectives fructueuses et heuristiques. Le point central de la réflexion s’est focalisé sur le statut de l’embryon dans le champ de l’histoire et de l’anthropologie. L’Afrique de l’Ouest, la Mélanésie, le monde Inuit, la médecine ayurvédique constituent autant de cas explorés dans le cadre de ce séminaire, souvent accompagné de spécialistes de ces différentes aires culturelles. La mise en parallèle de ces ethnographies avec les travaux sur les contextes des biotechnologies contemporaines a permis de dégager une série de récurrences qui semblent bonnes à penser. Les parallélismes entre les discours embryologiques dans une approche ontogénétique, de constitution de l’être, et ceux sur les origines de l’humanité propres à chacun des contextes analysés ont été étudiés. Deux parties structurent cet ouvrage qui comporte douze textes, mêlant approche anthropologique, philosophique, historique, sociologique et ethnographique. Une première partie porte sur la vie prénatale, d’abord mise en perspective par l’histoire des idées. Est également évoqué l'embryon tel qu’ici et ailleurs il est thématisé. On y trouve les contributions de Luc Brisson (CNRS), Christèle Barois (Universitat Wien), Stéphane Dugast (IRD/MNHN), Laurent Dousset (EHESS), Mary Picone (EHESS), Alejandro Bilbao (Université de los Lagos, Chili). Une deuxième partie est consacrée à l'embryon dans le cadre des biotechnologies de la reproduction contemporaines en Europe. Y figure les textes de Enric Porqueres i Gené (EHESS, LAIOS-IIAC), Simone Bateman (CNRS, CERMES 3), Anne-Sophie Giraud (CNRS, LISST), Séverine Mathieu (EPHE), Giulia Colavolpe Severi (EHESS),,Noémie Merleau-Ponty (CNRS-IRIS) et Giulia Zanini (Queen Mary University of London).

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Thème
Documentation

Cet ouvrage, Embryon, personne et parenté, qui est sous la direction de Enric Porqueres et moi-même, a été pensé et conçu à la suite d’un séminaire qui s’est tenu pendant trois ans, le séminaire d’Enric Porqueres, notre collègue anthropologue trop tôt disparu, et ce séminaire portait sur la question de l’embryon. J’étais associée à ce séminaire et au bout de deux ans, Enric et moi avons pensé qu’il serait peut-être intéressant d’en publier certaines des contributions, puisqu’à chaque séminaire intervenait quelqu’un de différent, tant les différentes présentations auxquelles nous avions assisté faisaient écho les unes aux autres, dans l’espace mais aussi dans le temps. On a eu le sentiment que ça nous donnait à penser sur cette question de l’embryon. Nous avons commencé à contacter les intervenants, celles et ceux qui étaient intervenus dans ce séminaire, et tous ont été très enthousiastes à l’idée de ce projet. Les personnes sollicitées ont accepté de rédiger quelque chose à partir de leur contribution. 

Ce livre est structuré en deux parties, je dirais. La première partie concerne l’être prénatal autrefois, aujourd’hui, ici et ailleurs. Il comporte plusieurs contributions qui s’intéressent, par exemple celle de Luc Brisson à l’Antiquité, celle de Christèle Barois à l’Inde à la fin du premier millénaire, mais aussi Laurent Dousset qui s’intéresse à l’Ouest australien, ou bien Stéphane Dugast qui s’intéresse au Togo, ou encore Mary Picone sur le Japon. Donc, vous voyez, il y a plusieurs approches de cet être anténatal. Ça, c’est la première partie. Et la deuxième partie qui structure cet ouvrage est consacrée à l’embryon à l’heure des biotechnologies. Cette partie comporte toute une série d’interventions réalisées sur la base de terrains ethnographiques pour la plupart, et qui concerne le devenir, mais aussi le statut de cet embryon à la lumière des biotechnologies, pour le dire vite, notamment de l’assistance médicale à la procréation. Vous y trouvez des contributions d’Anne-Sophie Giraud sur ce statut de l’embryon, de Giulia Zanini et Noémie Merleau-Ponty sur les questions de latéralité, ou encore Simone Bateman, la pionnière des études sociologiques sur ces questions de l’embryon en AMP, ou encore un texte de moi-même sur l’accueil d’embryon. 

Peut-être citer, parce qu’il est tout à fait parlant, le texte de Laurent Dousset qui explore l’Ouest australien et qui montre comment, à propos de cette question de représentation de l’embryon, lorsqu’un enfant naît, on a deux façons de l’inscrire dans la société, à la fois avec l’idée qu’il y a un esprit enfant qui s’est implanté dans le fœtus, qui vient d’un ailleurs, et en même temps, parallèlement à cet esprit enfant, ce fœtus est marqué également par la transmission de traits de caractère et la personnalité d’un parent éloigné. On voit ici comment, précisément, cette représentation de l’embryon préside à la façon dont est pensée à la fois la descendance, mais aussi la parenté et, au-delà, la question de l’engendrement. Deuxième exemple tout à fait éclairant peut-être, celui de Mary Picone qui porte sur les mizuko. Les mizuko, qu’est-ce c’est ? Ce sont les esprits des embryons qui ont été avortés, à la suite de fausses couches ou d’avortements, et auxquels des rites de commémoration sont associés et célébrés au Japon. Ce texte est particulièrement intéressant parce qu’il donne à réfléchir sur la personnification de l’embryon et, au-delà, qu’est-ce qu’une vie prénatale : est-on devant un rien, un individu, n’y a-t-il pas de vie, une vie, etc. Je prendrai ces deux exemples. 

Tout d’abord, ce qui est intéressant dans le cas des biotechnologies, c’est que le processus de procréation médicalement assistée fait que pour la première fois, et c’est ce que souligne très bien Simone Bateman dans son texte, l’embryon est dissocié du corps reproductif. Avec les embryons fécondés in vitro et congelés en attente d’une procréation médicalement assistée, on a cet embryon qui existe à côté du corps de la femme, en sorte que ce qui est intéressant d’interroger ici, c’est comment situer cet embryon, à la fois dans sa place, dans ses relations. Et Anne-Sophie Giraud développe très bien cette question de l’approche relationnelle de l’embryon : cet embryon, à qui est-il relié et comment le pense-t-on ? De la même façon, on peut aussi essayer de comprendre cet embryon précisément pour qui il n’est rien, pour qui il est une personne, pour qui il n’est pas de vie et pour qui il est une vie en devenir. C’est ce qu’on voit à propos de l’accueil d’embryons, mais aussi dans le texte de Giulia Colavolpe, qui a fait un terrain non pas sur l’embryon, mais sur les fœtus dans une clinique échographique de Barcelone. 

Précisément parce que, notamment au regard des deux parties que je viens d’évoquer, cette première partie historique qui va puiser dans différentes époques de l’histoire et dans différents espaces nous montre qu’il y a déjà plusieurs façons de penser l’embryon, nous montre également que cet embryon est pensé de toutes les façons depuis des millénaires et dans différentes cosmologies. Donc, d’une part, cet aspect à la fois chronologique, historique et spatiotemporel permet de donner plusieurs façons de réfléchir à cet embryon. Et ensuite, au regard des biotechnologies, précisément à cause de ce que je rappelais tout à l’heure, le fait que désormais cet embryon se pense à côté et en dehors du corps reproductif, il donne à penser quels sont les gestes éthiques ou non à accomplir sur certains embryons. Ça concerne aussi bien la PMA, le don d’embryon, mais aussi cette recherche sur l’embryon. En termes d’enjeux éthiques, ce qui est intéressant, c’est de voir que tous ces textes permettent de réfléchir à ce qui, hier et aujourd’hui, permet d’envisager ou non un statut de l’embryon et quel est ce statut.  

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