Le pouvoir de la science comme force, pulsion, désir

Monsieur Rudolf Bernet était invité par le département de philosophie de l’Université de Caen Normandie et par l’équipe Identité et subjectivité EA 2129, à donner une master class, qui s’est achevée par une conférence plénière donnée le jeudi 10 mars au Grand Amphi de la MRSH.

Professeur émérite de l’Université de Leuven (Belgique), directeur des Archives Husserl, éminent spécialiste de phénoménologie, Rudolf Bernet est l’auteur de nombreux ouvrages en langue française et allemande, autour notamment des figures de Husserl et Heidegger, mais aussi de nombreux articles sur la psychanalyse et la philosophie française. Dans son dernier livre en date Force-Pulsion-Désir (Paris, Vrin, 2013), R. Bernet interroge la racine commune des forces de la nature et des pulsions des vivants, et invite à une autre philosophie de la psychanalyse centrée autour de la question de la pulsion. Il nous fait revisiter, dans une double relecture, la psychanalyse et la métaphysique des forces, selon trois moments notamment : avec  Aristote d’abord dont le concept de dunamis est marqué par la sterèsis, comme potentialité non réalisée et pourtant bien réelle ; puis avec Leibniz (la vis activa) qui inscrit selon l’auteur la pulsion dans le cadre d’une subjectivité individuelle ; enfin avec Schopenhauer dont la Volonté désigne une poussée active et irrationnelle. La force pulsionnelle y apparaît comme une force continue et opératrice, dont l’effet n’est pas manifesté mais pourtant bien réel, présence-absence entachée par conséquent d’une essentielle négativité (la pulsion de mort freudienne). La filiation ainsi dégagée permet d’interroger la dynamique de la vie, en évitant le vitalisme métaphysique, et invite à poser autrement la question de la subjectivité désirante (désirs, affects et représentations).

Résumé de la conférence

Dans sa conférence plénière, Rudolf Bernet explore un autre champ que celui de la vie humaine subjective balisé dans son dernier livre, et déplace sa problématique en la mettant à l’épreuve à la question de rationalité scientifique, depuis le moment galiléen, et insiste sur la discontinuité des trois termes de la triade Force, pulsion et désir. A la recherche de la puissance pour la puissance propre à la “techno-science” , semblable à la pulsion de mort freudienne, il oppose un désir de rationalité, enraciné dans l’expérience d’un manque ou d’une impuissance, la force de la force consistant à retenir sa propre puissance, et invite à une pensée problématique, interrogative.