Cadre physiographique général du bassin de la Moselle - Laurent Schmitt, 2013

Nous vous proposons de vous emparer de l’article de Maire et Lasserre (1988) – Fichier Maire_et_Lasserre.pdf – dont les pages 39 à 61 proposent d’aborder le plan suivant :

I. Les grands traits du système fluvial Epinal-Méréville

1.1. Les composantes externes du système, expression synthétique des caractéristiques géographiques du bassin amont.

1.1.1. Le module hydrologique interannuel.

1.1.2. La répartition mensuelle de la masse d’eau introduite à Epinal, dans le système fluvial.

1.1.3. Les crues.

1.2. Les éléments intrinsèques du secteur Epinal-Méréville.

1.2.1. Configuration du bassin versant, de la vallée et du lit.

1.2.2. Les atteintes anthropiques à l’équilibre initial.

1.2.3. Les facteurs actuels de la dynamique.

Le reste de l’article développe des aspects de dynamique fluviale dont la lecture peut aussi s’avérer très intéressante, notamment la partie 2.2. Le secteur en aval du Pont de Bayon.

Référence

Maire G., Lasserre S., 1988. Structure et fonctionnement d’un système fluvial déséquilibré par l’intervention anthropique : la Moselle non canalisée à la sortie du massif vosgien. Mosella, XVIII, pp. 39-81. Fichier Maire_et_Lasserre.pdf.

Les zones alluviales alpines - Jean-Michel Gobat, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Zones_alluviales_alpines.pdf.

Les milieux alluviaux sont considérés comme des écosystèmes « azonaux ». Le qualificatif azonal traduit le fait qu’ils ne sont liés à aucune zone climatique particulière et qu’on peut les rencontrer dans toutes les régions du globe et à tous les étages de végétation. Ce qui est déterminant pour eux, ce sont les processus d’érosion et de sédimentation liés aux crues, qui supplantent en quelque sorte les contraintes climatiques.

Mais ces dernières influencent tout de même la végétation des zones alluviales, en « nuançant » le cortège floristique typiquement alluvial en fonction du climat général. Ce cortège est ainsi d’abord constitué d’espèces à très large amplitude climatique générale mais supportant très bien les remaniements du substrat dus à l’eau; un excellent exemple en est l’aulne blanc Alnus incana, qui est par exemple accompagné du frêne Fraxinus excelsior à basse et moyenne altitude (fig. 1), celui-ci laissant la place à l’épicéa Picea abies et au mélèze Larix decidua à l’étage subalpin (fig. 2).

À l’étage alpin, la végétation alluviale subit, comme celle des autres écosystèmes, les très fortes contraintes climatiques de ces altitudes élevées: températures basses, forte couverture neigeuse, courte période de végétation, intense rayonnement ultra-violet, etc. (fig. 3). Les sols présentent une granulométrie très grossière où dominent souvent les blocs et les pierres (fig. 4), à l’exception des secteurs les moins pentus (fig. 5). De nombreuses zones sont par ailleurs situées immédiatement à l’aval des glaciers, dont elles colonisent les surfaces libérées au fur et à mesure du retrait de ces derniers (fig. 6 à 9). De vastes étendues récemment mises au jour montrent ainsi un panorama complet des stades de succession végétale, de… l’an passé (fig. 10) jusqu’aux moraines libérées vers 1850 à la fin du Petit Âge glaciaire, en passant par des stades intermédiaires (fig. 11). Ces zones alluviales particulières, nommées aussi marges glaciaires, constituent ainsi un milieu à deux composantes géomorphologiques, à la fois alluviales et périglaciaires.

Vu les contraintes du climat alpin, la végétation se développe peu chaque année et la succession végétale est spécialement lente. Les ligneux sont particulièrement affectés par la faible période de végétation. Les stades les plus évolués sont ainsi représentés par des espèces herbacées dans les régions les plus rudes (fig. 12 à 15) et par des buissons, où les saules ou d’autres buissons dominent (fig. 16 et 17), sous des climats un peu plus favorables. Dans certaines situations de zones alluviales étroites à l’étage subalpin, où les arbres sont théoriquement possibles, on peut observer des taillis d’aulnes verts qui ont colonisé le milieu depuis les pentes voisines (fig. 18). Une fois en place, leur fort pouvoir de compétition empêche la croissance des arbres.

Le transport solide en rivière - Laurent Schmitt, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Transport_solide.pdf.

La charge dissoute (ou en solution) : certains éléments de la lithosphère sont dissous et exportés par l’eau, ce qui se retrouve dans la composition chimique de l’eau.

La charge en suspension : cela concerne les particules fines, argiles, limons et sables fins. Elles sont incorporées dans la masse d’eau et restent en mouvement tant que les vitesses sont supérieures à un seuil dépendant du diamètre des particules.

La charge de fond : les particules les plus grossières (sables moyens et grossiers, graviers, galets, blocs) sont transportés par charriage. Elles restent proches du fond en avançant par saltation, glissement, roulement ou basculement. Le transport a lieu lorsque les forces tractrices (ou contraintes de cisaillement) dépassent les forces tractrices critiques de mise en mouvement.

Hydrosystème fluvial, système pulsé - Annik Schnitzler, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Hydrosysteme_fluvial.pdf.

Rivières et écosystèmes riverains sont étroitement dépendants, tant pour leur fonctionnement hydro-géomorphologique que biologique. Cette interdépendance a été formalisée par plusieurs concepts : celui d’hydrosystème fluvial, proposé par Roux (1982) et Amoros et Petts. (1993) : « L’hydrosystème est un système écologique complexe, organisé hiérarchiquement et constitué de l’ensemble des biotopes et biocénoses d’eau courante, d’eau stagnante, semi-aquatiques et terrestres, aussi bien épigés que souterrains, établis dans la plaine alluviale, et dont le fonctionnement dépend directement et indirectement du cours actif du fleuve. Il s’agit d’un ensemble d’écosystèmes en interaction qui forment un écocomplexe ».

Le concept d’hydrosystème intègre celui de système pulsé des rivières, proposé par Junk et al. (1989) et affiné par Ward et al. (1999). Le concept de système pulsé met l’accent sur les flux d’eau, de matériaux, de propagules (graines, œufs d’insectes), pollen, bois flotté dans l’hydrosystème, en fonction des séquences récurrentes de contractions et expansions de la rivière au sein de son lit majeur. Tous les événements hydrologiques sont considérés, des plus fréquents aux plus rares.

Références

Amoros C., Petts G.E. (Eds), 1993. Hydrosystèmes fluviaux. Masson, Paris, 300 p.

Roux A.L. 1982. Cartographie polythématique appliquée à la gestion écologique des eaux : étude d’un hydrosystème fluvial : le Haut-Rhône français. Editions CNRS, Centre Région Publication, Lyon. [En ligne]

Junk J., Bayley B., Sparks R. 1989. “The flood pulse concept in river-floodplain systems”. In: Dodge D. (ed.) Canadian special publication of fisheries and aquatic sciences, Proceedings of the International Large Rivers symposium, 106, 110-127.

Ward J.V., Robinson C.T., Tockner R. 2002. ‘Applicability of ecological theory to riverine ecosystems’. Verhandlungen des Internationalen Verein Limnologie 28, 445-450.

Enveloppes des lits d’une rivière

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- PDF Enveloppes_lits_riviere.pdf

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Enveloppes et évolutions latérales de la Moselle

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La dissymétrie des berges concaves et convexes - Laurent Schmitt, 2013

L’instabilité de géoformes - Jean-Michel Gobat, 2013

Ces prolongements sont téléchargeables :

Fichiers Dissymetrie_berges.pdf et Instabilite_des_geoformes.pdf.

La dissymétrie des berges concaves et convexes - Laurent Schmitt, 2013

Les forces tractrices sont relativement élevées au pied des berges concaves (concentration de l’écoulement par force centrifuge…), d’où une tendance à l’érosion des berges concaves (sapements) et une topographie sub-verticale (terriers de martins-pêcheurs et d’hirondelles des rivages…).

A l’inverse, les vitesses et forces tractrices sont nettement plus faibles à proximité des convexes, d’où une tendance au dépôt (bancs de convexité) et une topographie à pente douce.

La « progradation » progressive des bancs de convexité permet le développement de communautés végétales pionnières.

Référence

Bravard J. P., Petit F., 1997, Les cours d'eau, dynamique du système fluvial, Colin, Coll. U, 222 p.

L’instabilité de géoformes - Jean-Michel Gobat, 2013

Rivière de moyenne montagne et de plaine, la Moselle présente une instabilité géomorphologique relativement faible à l’échelle de son lit majeur, alors que celle de son lit mineur peut être beaucoup plus forte sur certains secteurs. Cette particularité traduit un système fluvial « en méandres » (fig. 1). Ces derniers varient relativement lentement dans le temps, sous l’effet d’une énergie hydraulique qui rabote peu à peu la berge extérieure, concave (fig. 2), et qui permet le dépôt de sédiments moyens à grossiers sous la forme de loupes, sur la berge intérieure, convexe (fig. 3). Après plusieurs décennies ou siècles d’usure, une crue plus importante peut alors court-circuiter un méandre; ceci raccourcit drastiquement la longueur parcourue par l’eau, tout en augmentant la pente et, donc, le potentiel abrasif sur les secteurs situés immédiatement en aval.

Un autre système très répandu de dissipation mécanique, par érosion et sédimentation, de l’énergie hydraulique existe, celui des secteurs « en tresses ». Sur la Moselle, certaines petites régions très actives du lit mineur peuvent donner une idée de ce fonctionnement. Mais les véritables zones à tresses sont à rechercher en altitude, de la moyenne à la haute montagne (fig. 4 à 6). Dans ces régions, plusieurs facteurs concourent à une forte instabilité géomorphologique, jusqu’aux limites externes du lit majeur: pente accentuée du cours d’eau, étroitesse du fond de vallée, précipitations souvent intenses (orages estivaux violents par exemple), faible pouvoir tampon des sols face au ruissellement, etc. Les formations végétales sont souvent les mêmes que dans le système en méandres, avec des saulaies, des aulnaies, des frênaies, mais leurs formes vu du ciel sont très différentes, avec une imbrication de fuseaux souvent étroits, qui reflètent parfaitement le processus géomorphologique sous-jacent (fig. 7; Gallandat et al., 1993).

Cette distinction des deux types géomorphologiques en fonction des étages de végétation est toutefois un peu arbitraire. On peut en effet trouver des méandres en altitude, dans des replats correspondant aux ombilics glaciaires (fig. 8), et des tresses en plaine, à la faveur d’un rétrécissement du fond de vallée et d’une pente plus accentuée localement. Cette situation est toutefois devenue très rare avec les grandes corrections qui ont affecté les cours d’eau de basse altitude dès le milieu du XIXème siècle (fig. 9). On observe aussi parfois une combinaison des deux types, par exemple dans des vallées alpines de largeur et de pente moyennes (fig. 10).

Référence

Gallandat, J.-D., Gobat, J.-M., Roulier, C. - 1993. Cartographie des zones alluviales d’importance nationale. Cahier de l’environnement, 199, OFEFP, Berne, 112 p. + annexes.

Interactions entre la rivière et la nappe phréatique

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Les différentes formations forestières - Annik Schnitzler, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Diff_formations_forestieres.pdf.

Les forêts alluviales de la Moselle appartiennent à 6 associations végétales différentes (voir Planche_Associations_vegetales.pdf), qu’on peut subdiviser en deux groupes. Le premier grand groupe sont des forêts dites à bois tendre car elles sont composée d’espèces à bois qui casse facilement. La saulaie arbustive (Salicetum triandrae Tüxen 31) occupe les bords de rivière régulièrement balayés par les inondations. Cette saulaie ne dépasse pas les 2m (Fig. 1 et 2). Un deuxième type de saulaie (Salicetum albae, Issler 26) peut atteindre plus de 35m est constituée de grands saules (Salix alba ; S. fragilis et leurs hybrides) et parfois de peuplier noir (Populus nigra) (Fig. 3).

Le deuxième groupe correspond aux forêts à bois dur, composées d’espèces dont le bois est plus dense et donc plus résistant à la cassure et au gel comme le chêne, le frêne, l’orme, l’érable sycomore. Ce groupe comprend trois associations végétales à bois dur : l’aulnaie à frêne (Pruno-Fraxinetum Oberdorfer 93) (Fig. 4), la chênaie charmaie à orme, frêne (Stellario Carpinetum Oberdorfer 93), et l’aulnaie glutineuse (Filipendulo ulmariae-Alnetum glutinosae Lemee 37) dominée par l’aulne glutineux (Alnus glutinosa) (Fig. 5). Ces associations se situent en marge du lit mineur, sur des terrasses : basses pour l’aulnaie à frêne, haute et donc rarement inondable pour la chênaie ormaie et dans des bras morts externes en voie de comblement pour l’aulnaie pure.

Quatre de ces associations sont répertoriées dans les Cahiers d’Habitats Natura 2000 en tant qu’habitats prioritaires : l’aulnaie à frêne, l’aulnaie à hautes herbes, la saulaie arborée à saule blanc et la chênaie charmaie à orme.

Ces forêts sont loin d’occuper de grandes surfaces, en raison des activités agricoles de la vallée. Leur surface totale est de 490 ha environ au sein de la zone Natura 2000, ce qui représente un peu moins du quart estimé par rapport aux potentialités de la forêt. Ce sont en général de petits boisements de surfaces variables (entre 0,2 à 16 ha) qui ont pris la place d’anciennes prairies ou pâtures suite à la déprise agricole du 20ème siècle. Les saulaies peupleraies se situent en bordure du cours principal, totalisant 234 ha réparties en 151 petits boisements Les aulnaies à frêne totalisent 182 ha répartis en 127 petits boisements. Les aulnaies glutineuses sont plus rares (moins de 70 ha) répartis en 70 petits boisements. Les chênaies-ormaies sont encore plus rares et si petites qu’on ne peut pas réellement les considérer comme des forêts. Elles sont cantonnées aux marges de la plaine.

Ces forêts sont riches en espèces (126 espèces au total, dont 41 espèces ligneuses). Parmi elles on trouve des espèces exotiques (12 espèces au total).

Références

Schnitzler et Aumaitre D. 2007 Les forêts de la vallée de la Moselle entre Chatel-sur-Moselle et Tonnoy. Biodiversité, état actuel de conservation et propositions de gestion conservatoire. Rapport interne, Conservatoire des Sites Lorrains.

Pour approfondir

1. La distribution des forêts alluviales dépend de deux processus majeurs, la zonation et la succession, qui sont expliqués dans le fichier Zonations_successions.pdf.

2. Les cycles biogéochimiques en milieu alluvial dépendent non seulement des relations plantes/sols, mais aussi du système pulsé. Cette étroite dépendance entre forêts, sols et système pulsé explique le rôle majeur des forêts dans l’épuration des eaux de surface. Fichier Interactions_veget_systeme_pulse.pdf.

Des forêts à durée de vie plus ou moins longues - Jean-Michel Gobat, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Forets_duree_de_vie.pdf.

Dans la partie inférieure des cours d’eau, comme c’est le cas pour la Moselle, la hauteur des inondations, leur fréquence et leur durée sont les principaux facteurs responsables de la différenciation des types forestiers, conjointement à l’âge de la terrasse alluviale (fig. 1). Plus haut en altitude, par exemple dans le secteur des tresses (cf. complément No 1 : Instabilite_des_geoformes.pdf), la situation est tout autre. La part de responsabilité de l’inondation « tranquille », liée aux affleurements de la nappe phréatique et aux débordements relativement lents du cours d’eau, régresse fortement au profit d’une régulation mécanique plus violente. La soudaineté des crues engendre une grande énergie, qui plus est souvent liée à des débits très importants et à une lame d’eau épaisse en raison de l’étroitesse des vallées (fig. 2).

Sur roche calcaire, cette violence est un peu contenue par l’infiltration d’une partie des précipitations dans les fissures du karst. L’effet de la crue est ainsi dilué dans le temps, même si certains rares épisodes peuvent ne laisser que quelques îles (fig. 3) ou même tout détruire (fig. 4). Les bassins versants formés dans des roches imperméables comme les granites et les gneiss, au contraire, sont incapables de tamponner les débits (fig. 5). Il en résulte des masses d’eau énormes et un remodelage très important et beaucoup plus fréquent d’une grande partie du lit. Les épisodes majeurs sont, eux, capables d’emporter des terrasses entières, abritant pourtant des forêts à bois durs, voire des forêts climaciques non alluviales (fig. 6). Cette particularité fait qu’il est souvent très difficile de délimiter précisément le lit majeur: ce n’est pas parce que la rivière n’a plus atteint tel ou tel point depuis 500 ans… qu’elle ne le fera plus!

Ces processus violents ont plusieurs conséquences pour l’écosystème alluvial. Dans un premier temps, ils font place nette à des sédiments très grossiers, vu la force de l’eau, situés parfois plusieurs mètres en dessous du niveau du sol forestier originel. La dynamique forestière et pédologique doit alors repartir de zéro (fig. 7 à 9), dans des conditions très peu propices à la formation de l’horizon organo-minéral (cf. complément No 2 : Formation_ sol_alluvial.pdf). Une autre conséquence en est l’accumulation de quantité énormes de bois plus ou moins déchiqueté, mais toujours très résistant à la décomposition (fig. 10 à 12); le milieu n’est en effet guère favorable aux champignons basidiomycètes responsables de la dégradation de la lignine! Certains de ces troncs couchés au sol, particulièrement ceux de saules et d’aulnes, seront le support d’une régénération forestière par levée de bourgeons dormants, prémices d’autant de futurs troncs (fig. 13). On observe parfois en forêt alluviale certains arbres bien alignés qui n’ont rien à voir avec des plantations artificielles, comme on pourrait le croire au premier abord. Les bourgeons dormants peuvent aussi se réveiller quand un sédiment d’épaisseur importante vient entourer la base du tronc; ici, ce sont de nouvelles racines qui sont formées (fig. 14).

A plus long terme enfin, ce bois mort représente un stock important de matière organique. Si la nouvelle terrasse reste stable durant un ou deux siècles, les troncs autrefois emportés vont s’incorporer peu à peu au sol, constituant une part de l’héritage organique (fig. 15; cf. aussi complément No 2 : Formation_ sol_alluvial.pdf). Durant leur lente décomposition, ces troncs seront encore, au gré de leur état, des supports importants de biodiversité muscinale, fongique et entomologique, des filtres à sédiments fins lors de crues de moyenne importance (fig. 16; cf. aussi complément No 5 : Effet_filtre_vegetation.pdf), des abris pour les micromammifères, des supports de croissance pour d’autres espèces ligneuses (fig. 17).

En altitude, la destruction des forêts alluviales par l’énergie des fortes crues doit ainsi être considérée comme faisant partie intégrante du fonctionnement de toute zone alluviale active, permettant le renouvellement des espèces végétales, des types forestiers et de la biodiversité en général.

Les types de styles fluviaux - Laurent Schmitt, 2013

 Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Styles_fluviaux_Evolution_holocene.pdf.

On distingue classiquement quatre types de styles fluviaux (Figure téléchargeable), en fonction de deux paramètres qui sont la sinuosité et la multiplicité des chenaux :

- rectiligne : lit à chenal unique ; faible sinuosité (< 1,2)

- à méandres : lit à chenal unique ; sinuosité élevée (> 1,2 à 1,3)

- à tresses : lit à chenaux multiples ; faible sinuosité des chenaux. Les chenaux, très dynamiques latéralement, sont séparés par des bancs vifs ou faiblement végétalisés. Les chenaux et les bancs font partie du lit mineur.

- à anastomoses : le lit se divise en plusieurs bras, sinueux et étroits, relativement peu dynamiques, séparés par des îles végétalisées dont le niveau topographique est celui de la plaine alluviale. Les anastomoses sont des formes fluviales du lit majeur.

Références sur les types de styles fluviaux :

Bravard J. P., Petit F., 1997. Les cours d'eau, dynamique du système fluvial, Colin, Coll. U, 222 p.

Amoros C., Petts G.E. (Eds), 1993. Hydrosystèmes fluviaux. Masson, Paris, 300 p.

Synthèse sur l’évolution holocène des rivières - Laurent Schmitt, 2013

Les systèmes fluviaux peuvent réagir par enfoncement/exhaussement du lit et changement du style fluvial (du tressage au méandrage et inversement) en réponse aux changements relatifs des flux hydriques et solides, sur des échelles temporelles de plusieurs décennies à plusieurs siècles (voire millénaires). Ces variations relatives des flux hydriques et sédimentaires sont contrôlées par les changements climatiques et/ou d’occupation du sol dans le bassin versant. Les héritages des fonctionnements du passé laissent généralement des traces (anciens chenaux plus ou moins colmatés, levées…) qui peuvent contrôler le fonctionnement contemporain des cours d’eau et des plaines alluviales adjacentes (ont dit que les plaines alluviales sont des « palimpsestes »).

Voici une synthèse succincte et schématique de l’évolution holocène des rivières d’Europe :

- fin du Würm (ou Weichsélien) : développement de plaines de tressage sous le contrôle d’importants apports sédimentaires depuis les versants (processus péri-glaciaires) ou d’apports fluvio-glaciaires ;

- 12 000 et 11 000 BP (Alleröd notamment) : enfoncement et contraction des lits fluviaux du fait d’un réchauffement climatique ;

- Dryas final (11 000 – 10 000 BP) et Préboréal (10 000 – 9 000 BP) : retour vers une forte activité fluviale durant la péjoration climatique qui caractérise cette période ;

- du Boréal à la fin de l’Atlantique (9 000 – 4 500 BP) : longue période de « calme » hydro-morphologique, interrompue par des phases fraîches et/ou humides. De manière générale, les cours d’eau présentent des méandres incisés dans des lits majeurs boisés ;

- Subboréal et Subatlantique : période marquée par une alternance de phases multi-séculaires d’incision (avec méandrage) et d’accumulation (avec tressage). A cette variabilité se superposent, à l’échelle des bassins versants, des impacts anthropiques croissants :

a) 800 – 400 BC : accumulation et tressage ;

b) 400 BC – 600 AD : période sèche marquée par une recrudescence de crues aux 1er et 2è siècles AD ;

c) 600 AD – 700 AD : recrudescence de crues et augmentation du transport solide (accumulation) ;

d) 700 AD – 1 400 AD : « optimum climatique médiéval » avec des températures plus chaudes qu’actuellement et une pluviométrie modérée et régulière. Les cours d’eau sont en général à méandres et incisés ;

e) 1 400 AD – 1 900 AD : Petit Âge Glaciaire, où les précipitations et la fourniture sédimentaire sont élevées, d’où une tendance à l’accumulation, au tressage et aux inondations (les crues plus élevées sont d’autant plus « inondantes » que les lits fluviaux s’exhaussent). La fourniture sédimentaire a été fortement accentuée par une forte pression démographique dans les milieux ruraux (y compris les moyennes montagnes et les piémonts des hautes montagnes) pendant cette période ;

f) depuis le 19è siècle : réchauffement climatique et déprise agricole, d’où une tendance à l’incision et au méandrage.

Pour compléter cette synthèse, voici quelques orientations bibliographiques :

Bravard et Petit (1997 ; « Les métamorphoses fluviales », pp. 184-191).

Bravard et Salvador (2009 ; « Paléo-hydrologie depuis le Tardiglaciaire », pp. 123-125).

Knighton (1998 ; « Channel changes through time », p. 261-).

Référence bibliographique spécifique concernant l’évolution holocène des fonds de vallées de la Moselle et de la Meurthe :

Carcaud N., 1992. Remplissages des fonds de vallées de la Moselle et de la Meurthe en Lorraine sédimentaire. Thèse de doctorat, Université Nancy 2, 281 p.

Référence générale :

Bravard J.P., Salvador P.G., 2009. Géomorphologie et sédimentologie des plaines alluviales. In. Bravard J.P., Nehlig P., Poupet P., Salvador P.G., Wattez J. (eds). La géologie. Les sciences de la terre appliquées à l’archéologie. Editions Errance, 91-126.

Relations entre forêts, sols et rivière - Annik Schnitzler, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Relations_forets_sols_riviere.pdf.

La végétation alluviale agit sur le niveau hygrométrique de l’air, en interceptant la pluie et la rosée par les racines et le système aérien ou en l’absorbant pour la photosynthèse, et en restituant l’eau dans l’atmosphère par évapotranspiration (très forte après les crues estivales). En fait, l’origine de l’eau dans la plaine alluviale résulte d’une combinaison dynamique entre les précipitations, l’humidité atmosphérique (que la végétation et les sols accentuent) les inondations, l’eau dans le sol et dans le sous-sol. Mais la végétation ne restitue pas immédiatement l’eau captée. Celle-ci est conservée dans les structures végétales durant la saison de photosynthèse, notamment dans les grands arbres.

En conservant une partie de l’eau, la forêt et les sols alluviaux réduisent ainsi les pics de crue. Ils contribuent également, par leur rugosité, à dissiper l’énergie cinétique des inondations. Les forêts naturelles, riches en bois morts, sont particulièrement efficaces à dissiper cette énergie : plus elles sont encombrées de bois vivant et mort, plus elles sont difficiles à traverser. Sauf bien sûr lorsqu’il s’agit d’inondations de grande compétence. Dans ce dernier cas, les eaux sont capables d’arracher des pans entiers de forêts, qui flottent sur l’eau avant d’être déposés plus en aval.

Des amoncellements considérables de bois mort se produisent naturellement dans les plaines alluviales. Ces processus d’accumulation et d’expulsion vers l’aval ont disparu depuis des siècles en Europe. Toutefois, nous pouvons avoir une idée par des récits historiques.

Histoire du radeau de la Rivière rouge, affluent du Mississipi (Triska, 1984)

Un cas spectaculaire de radeau sur les cours d’eau a été étudié sur un affluent du Mississipi, la Rivière rouge, à partir de récits historiques (1829, 1841, 1873). Cette rivière présentait de grandes difficultés pour la navigation locale, en raison de la présence d’un énorme radeau de bois morts d’une longueur d’environ 225 km et qui d’après les sources locales prises auprès des autochtones, existait depuis 4 siècles. Ces débris étaient composés de troncs de peuplier, chêne, liquidambar, platane, cyprès, orme, dont certains atteignaient d’énormes dimensions (jusqu’à 35m de hauteur pour 1,75 m de diamètre), associés à des débris plus petits à moitié enterrés sous les sédiments. Les plus gros troncs se décomposaient lentement (durée estimée à 140 ans). Le radeau, de volume de plus en plus considérable, se déplaçait lentement à la faveur des crues vers l’aval, à une vitesse estimée à 1,6 km par an en moyenne. A un certain volume, le radeau provoqua une élévation du niveau des eaux dans le lit majeur, et l’apparition de marécages. La forêt alluviale, engorgée, finit par dépérir localement, contribuant encore à augmenter les apports de bois. L’accumulation de débris organiques et de sédiments dévièrent les eaux dans des chenaux latéraux, de plus en plus nombreux. Une grande crue finit par déplacer le radeau, et le chenal désengorgé s’élargit graduellement par reprise de l’érosion, mais les marécages persistèrent. Ce processus fut arrêté par des travaux d’aménagement de la rivière à la fin du 19ème siècle, ce qui fait qu’il est impossible d’imaginer le destin ultérieur d’un tel bouchon.

D’autres descriptions historiques ont été faites sur l’environnement de la rivière Willamette en Oregon. Autour de 1800 cette vallée était totalement couverte d’une forêt alluviale dense et continue, tout au long du cours d’eau et sur 1,5 à 3,5 km de large de part et d’autre du cours d’eau. La largeur de la forêt atteignait 10 km dans les zones de confluence. Les inondations, qui pouvaient dépasser 3m à ses niveaux les plus hauts, apportaient de grandes quantités de débris de toutes sortes. Ces accumulations d’arbres formaient des « radeaux » qui dérivaient lentement vers l’aval à la faveur des crues ultérieures. Ils pouvaient parfois atteindre plusieurs kilomètres, provoquant alors des élévations de niveaux d’eau, et créant localement des marécages.

Les vallées alluviales actuelles en bon état de conservation : une grande richesse en bois mort

Des recherches effectuées dans des rivières en bon état de conservation (libre dynamique, présence d’une forêt alluviale continue et non exploitée) indiquent combien la chute de gros arbres dans la rivière peut grandement contribuer à modifier le style fluvial en créant des îles qui grandissent au fur et à mesure de l’accumulation des matériaux, ou en provoquant des défluviations.

Lorsqu’une vallée n’est plus utilisée, les forêts reviennent rapidement à partir des pâtures et des prés, et fournissent rapidement du bois mort à la rivière. Cette fourniture peut se produire rapidement. Ainsi dans la basse vallée de l’Ain, en France la reconquête forestière après déprise agricole a permis l’accumulation de bois conséquente en 50 ans : 716 troncs répartis sur 23 sites de la rivière ont été répertoriés en 1989 ; 1553 troncs répartis sur 43 sites en 1999. Les volumes des débris végétaux avaient notamment augmenté entre ces deux dates.

Des données similaires seraient intéressantes à collecter dans la vallée de la Moselle sauvage, soumise depuis plus de 50 ans à une forte déprise agricole dans les zones proches de la rivière. Les bordures de rivière anciennement déboisées se sont reboisées (Fig. 1) On peut observer de nombreux troncs posés sur le fond dans la rivière. Certains arbres ne meurent pas immédiatement, et continuent à produire des feuilles (Fig. 2).

Références

Abbe T.B., Montgomery, D.R. 1998. Large woody debris jams, channel hydraulics and habitat formation in large rivers. Regulated Rivers: Research and Management, 12, 201-221.

Triska F.K. 1984. Role of wood debris in modifying channel gelmorphology and riuparian areas of a large lowland river under pristine conditions: a historical case study. Verhandlungen des internationalen Verein Limnologie, 22, 1876-1892.

Lassettre NS, Piégay H., Dufour S., Rollet AJ 2007 Decadal changes in distribution and frequency of wood in a free meandering river, the Ain River, France. Earth Surface Processes and Landforms, 33, 1098-1112.

Schnitzler A. 2007. Forêts alluviales d’Europe. Ecology, biogéogrpahie, valeur intrinsèque. Editions Tec & Doc, Lavoisier, Paris.

L’effet filtre de la végétation - Jean-Michel Gobat, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Effet_filtre_vegetation.pdf.

Les matériaux grossiers déposés par les crues ont pour effet de « casser » l’énergie hydraulique. Si l’obstacle est ajouré, comme dans le cas d’un tas de branches, l’énergie est filtrée à travers les trous et l’eau est ralentie par les frottements des surfaces de contact. Une retenue d’eau apparaît à l’amont de l’obstacle, provoquant, selon la vitesse restante, le dépôt de particules fines, sableuses ou limoneuses (fig. 1).

Si l’obstacle est massif, sans possibilité pour l’énergie de le « traverser », le courant d’eau sera dévié de part et d’autre, laissant à l’aval immédiat du barrage une zone tranquille, dans laquelle on observe même parfois des courants remontants. La figure 2 illustre un cas mixte, dans lequel des feuilles mortes se sont accumulées à l’amont contre l’obstacle (à droite), alors que d’autres se sont déposées de manière tranquille à l’aval, dans la zone calme (à gauche). Les gros troncs emportés lors des crues majeures (cf. aussi complément No 3 : Forets_duree_de_vie.pdf) provoquent les mêmes effets (fig. 3). Les sédiments fins déposés retiennent l’eau durant les périodes sèches, permettent aux microorganismes de se développer et sont autant de possibilités de réservoirs d’éléments nutritifs, qui ne seraient sinon pas fixés par le matériel grossier. Les conditions deviennent alors favorables à la germination de toutes sortes de graines, de plantes, herbacées comme ligneuses (fig. 4). Quelques années plus tard, on pourra observer, dans ces zones d’accumulation fine, les premiers stades d’une nouvelle succession végétale. Ces plantes pionnières vont peu à peu se développer. Elles seront alors elles-mêmes des filtres actifs lors de crues ultérieures, permettant l’accumulation de nouveau matériel, minéral, organique ou organo-minéral (cf. complément No 2 : Formation_sol_alluvial.pdf), à leur aval (fig. 5) ou directement dans leurs touffes et tapis (fig. 6).

Cette capacité de filtration et de retenue de matériel fin n’est pas l’apanage des plantes vasculaires. Un processus semblable a été mis en évidence à l’échelle des bryophytes, sur des terrasses alluviales anciennes, stables, et souvent formées de matériel grossier (Arnold & Gobat, 1998). Avec le temps, des tapis de mousses se développent, dans lesquels sont bloqués des débris organiques très fins, ainsi que des sables et des limons (fig. 7 et 8). La quantité de matériel déposé dépend prioritairement de la hauteur des bryophytes, mais aussi de leur morphologie: taille et espacement des feuilles, ramification des tiges, etc. (fig. 9 et 10). Les mini-sols ainsi formés présentent des textures pouvant varier fortement d’un horizon à l’autre. Deux situations existent: soit le matériel est grossier en profondeur et devient plus fin en surface, soit il est plus ou moins fin de bas en haut du profil (fig. 11). Ces observations permettent d’établir un modèle général de la formation de ces mini-sols, sur la base de deux processus de rétroaction (feedbacks), l’un, positif, l’autre, négatif (fig. 12). Dans les deux cas, et peu importe la situation de départ, les bryophytes provoquent la formation de sols dominés par les particules fines en surface, ce qui fournit d’excellentes conditions pour la suite de l’évolution du sol et de la végétation.

Référence

Arnold, C. & Gobat, J.-M. - 1998. Modifications texturales des sols alluviaux de la Sarine (Suisse) par les Bryophytes. Ecologie, 29, 3: 483-492.

Ecologie des forêts à bois tendre - Annik Schnitzler, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Ecologie_foret_bois_tendre.pdf.

Saules et peupliers (famille des Salicacées) colonisent les bords de rivière de toutes les rivières de l’’Europe de l’Ouest et l’Europe centrale. En effet, les Salicacées sont des espèces pionnières, incapables de se régénérer sous les parents. Pour germer et s’établir, il leur faut des substrats dépourvus de végétation qu’ils coloniseront rapidement.

Dans la vallée de la Moselle, les saules (Salix alba, S. fragilis et leurs hybrides), très tolérants aux longues périodes d’inondation, dominent sur les terrasses alluviales et à l’arrière des bancs vifs, lorsque le cours de la Moselle s’est quelque peu déplacé. Les peupliers (Populus nigra, P. tremula, P. alba) sont infiniment plus rares dans la vallée. On les trouve en général sur les terrasses alluviales hautes.

Si on laisse ces espèces se développer, ils peuvent atteindre de grandes dimensions en un temps record (50 m en 100-150 ans).

La faible densité de ces formations pionnières, associée à un feuillage filtrant vis-à-vis de la lumière, explique la luxuriance des sous-étages, riches en grandes herbacées héliophiles, et en lianes. Ces forêts sont aussi très accueillantes pour les herbacées exotiques. La Renouée du Japon (Fallopia japonica) et ses hybrides (F. x bohemica), ainsi que l’Impatience baldingère (Impatiens glandulifera) peuvent former de véritables tapis sous les saulaies des bords de la Moselle. Actuellement, la vigne vierge (Parthenocissus sp) s’installe en masse dans ces saulaies (Fig. 1).

Caractéristiques architecturales des forêts alluviales à bois dur avant les travaux de canalisation (milieu du 20ème siècle) Annik Schnitzler, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Caracterist_forets_alluviales.pdf.

Emparez vous du Schéma architectural de la forêt alluviale à bois dur d'Erstein (JM Walter, 2007) : Architec_forets_alluviale_Erstein.pdf.

[in Schnitzler-Lenoble A., Carbiener R., 2007. Forêts alluviales d'Europe : Écologie, biogéographie, valeur intrinsèque. Editions Lavoisier Tec et Doc, Paris.]

Avant les travaux hydrauliques, les caractéristiques architecturales et fonctionnelles de la forêt alluviale à bois dur de la vallée du Rhin supérieur étaient les suivantes :

1) Une productivité primaire très élevée, associée à une accélération des cycles biogéochimiques, se traduisant, entre autres exemples spectaculaires, par un gigantisme des espèces végétales (des arbres aux buissons) et une décomposition très rapide de la litière.

2) Une grande densité de la végétation, notamment dans les strates basses. Les sous-bois des forêts rhénanes sont riches en buissons, petits arbres et juvéniles des arbres de la canopée.

3) Une richesse en espèces ligneuses très élevées au regard de la latitude : on compte environ 20 espèces, des sous-étages à la canopée.

4) La présence de grandes lianes ligneuses dans la canopée (vigne, lierre, clématite) Fichier Planche_lianes_ligneuses.pdf.

5) La fructification des buissons et petits arbres dans les sous-étages

De telles caractéristiques se retrouvaient dans toutes les grandes vallées alluviales européennes à régime nival, avec bassin-versant est issu des Alpes (Danube, Rhône, Pô).

Les niveaux élevés de ressources minérales liées aux apports réguliers de sédiments et à la foret activité microbiologique des substrats, la luminosité dans les sous-bois, l’ambiance humide de la plaine liée aux larges surfaces d’eau libre et à la présence en faible profondeur de la nappe phréatique expliquent donc en grande partie ces caractéristiques végétales. Un autre facteur explicatif d’importance est celui de la période des grandes inondations. Le long du Rhin, elles se produisent lors de la fonte des neiges entre mai et juin. Cette période de l’année, durant laquelle la végétation est déjà en plein développement, est très sélective pour les espèces. Elles éliminent notamment les espèces d’ombre telles que le hêtre (Fagus sylvatica) et le charme (Carpinus betulus), qu’on ne trouve qu’à l’état isolé sur les terrasses les plus externes. En revanche, les espèces à petites feuilles fines, arrangées de manière à laisser pénétrer une grande partie de la lumière directe vers les strates inférieures, sont dominantes (orme, chêne, frêne, peuplier, vigne sauvage, clématite). C’est pour cette raison d’ailleurs, que les forêts alluviales des grands fleuves sont parfois dénommées « forêts à arbres de lumière » par opposition aux forêts à arbres d’ombre dont le type est la hêtraie, et ceci en dépit de la grande densité foliaire des sous-bois, qui rendent le milieu relativement opaque dans les strates basses.

La lumière dans les sous-bois, qui favorise tant le développement des buissons et des petits arbres, provient aussi des ouvertures créées par le chevelu de cours d’eau qui parcourent la forêt, ainsi que de la chute fréquente des arbres tombés au sol (chablis), provoquée par les inondations. L’importance de ces chablis explique que la canopée reste toujours relativement ouverte. Au-dessus des couronnes et dans les espaces entre celles-ci, se développent souvent de grandes draperies de lianes telles que le lierre, la clématite ou le houblon. La vigne sauvage, également très présente dans ces forêts, a disparu progressivement depuis une centaine d’années.

Un dernier facteur contribue à la luminosité des forêts du Rhin : la succession des types phytosociologiques (bois durs, bois tendres), liée aux événements hydrologiques et aux gradients topographiques).

Les relations entre forêt et eaux d’inondation sont multiples et complexes. Elles sont particulièrement efficaces lorsque les inondations se produisent en période d’inondation. Mais toutes les forêts alluviales interfèrent avec les eaux par le biais de la nappe souterraine, qui reste accessible aux racines dans la plus grande partie de la plaine. La présence de cette nappe d’eau augmente les rendements de la photosynthèse. Par ailleurs, la chaleur humide émanant des sols et de l’évapotranspiration active fait effet de rétroaction positive en favorisant la productivité primaire et la densité foliaire.

Les litières des forêts alluviales sont riches en éléments minéraux et aisément décomposables. Les sols sont en général bien aérés en surface et à pH faiblement acide à basique en fonction de la géochimie des alluvions. Le pluviolessivage joue aussi dans les processus de décomposition des litières Si le trajet de l’eau ruisselant de la canopée au sol traverse des strates denses, les pluviolessivats se chargent progressivement en éléments biogènes, en vitamines, mais aussi en toxines (polyphénols, monoterpènes, tanins) Certaines de ces substances peuvent influencer les vitesses de décomposition des litières.

Référence

Schnitzler-Lenoble A., Carbiener R., 2007. Forêts alluviales d'Europe : Écologie, biogéographie, valeur intrinsèque. Editions Lavoisier Tec et Doc, Paris (bibliographie sur les forêts en fin de cet ouvrage).

En savoir plus sur les thématiques suivantes :

1. Les forêts alluviales sont très favorables à la croissance des petits arbres et des buissons (Repons_conditions_supraoptimales.pdf).

2. La biodiversité des forêts alluviales est en grande partie dépendante de la tolérance des plantes aux conditions d’anoxie (Adaptation_plantes_anoxie.pdf).

3. La fonctionnalité des forêts alluviales peut se résumer en trois grands points (Biodiversite_fonctionnelle.pdf).

Les vignes - Claire Arnold, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Les_vignes.pdf.

Répartition du genre Vitis

Les Vitaceae font partie des premières Angiospermes à avoir colonisé la terre il y a près de 100 millions d’années. En effet des feuilles et des graines fossilisées de cette famille ont été retrouvées sur l’ensemble des continents. Très récemment (à l’échelle géologique), au cours des périodes froides du Quaternaire, l’aire globale de la famille s’est considérablement rétrécie. Cette aire a été particulièrement réduite au cours de la dernière période glaciaire, qui a été la plus longue, la plus aride et la plus froide de toutes (notamment autour de 20 000 ans BP), se limitant à quelques zones refuges disponibles dans les parties méridionales des continents eurasiatiques et nord américains. Puis, lors du dernier réchauffement climatique, les taxons survivants (un total de 70 espèces pour le seul genre Vitis) sont repartis à la conquête des zones tempérées, mais de manière très modifiée par rapport à la période géologique précédente. Certains continents, comme l’Asie et l’Amérique du Nord, ont pu conserver bien davantage d’espèces que l’Europe : l’Asie compte ainsi près de 40 espèces, l’Amérique une trentaine alors que l’Europe centrale et le Moyen Orient n’en comptent qu’une seule.

Les raisons pour lesquelles le processus d’extinction a été le plus important à l’extrémité du continent eurasien sont essentiellement biogéographiques. En Europe, la plupart des chaines montagneuses telles que les Alpes, les Pyrénées ou le Caucase sont orientées d’Est en Ouest, ce qui a fait barrière aux migrations vers les zones chaudes du Sud. En revanche, en Amérique du Nord et en Asie, les grandes chaines de montagnes sont orientées dans un sens nord sud favorable aux migrations. Les vignes, comme bien d’autres plantes d’ailleurs ont pu plus aisément atteindre les zones refuges subtropicales ou tempérées chaudes. Le nombre d’espèces conservées a été donc pu être bien supérieur.

Ironie de l’histoire, la seule vigne consommable par l’homme est justement cette vigne eurasienne, Vitis vinifera L. qui est à la base des principaux cépages de table ou de cuve cultivés dans le monde !

La vigne sauvage

Vitis vinifera L. ssp sylvestris Gmelin Hegi est principalement dioïque avec des individus mâles et femelles distincts. Chez les individus femelles, les étamines sont présentes, mais atrophiées et le pollen est stérile. Chez les individus mâles, les fleurs sont composées d’un gynécée atrophié et de cinq étamines bien développées (Planche_vignes.pdf, Fig. 1). Il existe cependant des individus naturellement dioïques dans ces populations sauvages.

Les feuilles de la vigne sauvage sont normalement peu découpées, mais il y a une très grande plasticité phénotypique. Chez les individus femelles, les grappes sont lâches, formées de raisins en principe noirs avec une pulpe blanche au goût acerbe, les baies ont un diamètre de moins de 1cm et recèlent souvent 4 grosses graines rondes.

La vigne sauvage est distribuée sur tout le pourtour méditerranéen, remontant actuellement jusqu’au 49èmedegré de latitude nord.

Héliophile (aimant la lumière) comme la plupart des grandes lianes, la vigne sauvage grimpe dans les arbres jusque dans leurs couronnes à plus de 30 mètres du sol. On la trouve parfois en zones colluviales ou mixtes, mais toujours en présence d’eau et de lumière.

La culture de la vigne

Au Paléolithique et Néolithique les amas de pépins de raisins retrouvés dans les cavernes et les sédiments lacustres attestent d’utilisations fréquentes de la vigne sauvage dans le régime alimentaire de nos ancêtres. Il y a près de 10 000ans, c’est depuis la région transcaucasienne, berceau de la domestication primaire de la vigne, que la viticulture s’est étendue à l’ensemble du bassin méditerranéen. Ce furent principalement les vignes aux fleurs hermaphrodites qui furent domestiquées. Assez curieusement cependant, certains cépages georgiens actuels sont dioïques.

On imagine souvent que ce furent les Romains qui contribuèrent à l’essor de la viticulture en Europe, mais les Phocéens semblent aussi avoir transmis la viticulture aux Gaulois ce qui explique que quelques vignobles étaient déjà installés en Europe centrale avant l’arrivée des Romains. A l’inverse de son parent sauvage, les vignobles cultivés sont volontiers implantés sur les sols caillouteux en pente, exposés au Sud.

En Lorraine, la culture de la vigne a pris son essor durant l’Antiquité romaine, lorsque la Gaule a reçu officiellement la permission de cultiver la vigne et produire du vin. A l’heure actuelle, les principaux vignobles sont établis près de Toul et de Metz ainsi que le long de partie allemande de la Moselle. La totalité des vignobles lorrains recouvre 180ha.

Impacts anthropiques sur les populations sauvages et cultivées

Au XIXème siècle la vigne sauvage était fréquente dans les vallées alluviales, en France et ailleurs en Europe. Elle était même souvent représentée sur les peintures de cette époque. Puis les maladies (Oidium, Mildiou) et les insectes (Phylloxera) introduits depuis le Nouveau Monde au milieu du XIXème siècle qui avaient eu raison de l’ensemble des vignobles européens, ont éradiqué également la parente sauvage de la vigne. La vigne sauvage s’est toutefois maintenue plus longtemps partout où le phylloxéra ne pouvait survivre, soit dans les forêts alluviales inondées. Malheureusement, la correction générale des cours d’eau a permis à cette espèce de s’étendre dans ces milieux, générant un déclin rapide de l’espèce. D’autres facteurs liés aux aménagements des cours d’eau (intensification de la sylviculture, « nettoyage » des sous-bois, élargissement des routes et des chemins forestiers) ont exercé une pression supplémentaire sur les populations restantes. Eliminées directement ou souffrant d’isolement par la fragmentation de l’habitat, les populations de vigne sauvage se sont fortement appauvries génétiquement.

A l’heure actuelle, la vigne sauvage bénéficie en France d’une protection très stricte. Malheureusement dans la vallée de la Moselle elle a complètement disparu.

Les porte-greffes échappés

Actuellement les porte-greffes sont issus de 3 espèces du genre Vitis qui ont été croisées artificiellement entre la fin du 19ème siècle et le début de 20ème siècle par des sélectionneurs de renom tels que Kober, Millardet ou Richter (ONIVINS 2007). Ces croisements ont été sélectionnés pour s'adapter aux différentes conditions écologiques des terroirs et optimiser les rendements des vendanges.

Les principales espèces utilisées pour les porte-greffes les plus courants sont Vitis riparia, V. berlandieri (synonyme de Vitiscinerea (Engelm) Engelm. ex Millard var. helleri) et V. rupestris. Le porte-greffe 5BB et le SO4 sont issus d'un croisement entre V. berlandieri et V. riparia, pour le Couderc 161-49 c'est le contraire. Couderc 3309 est issu d'un croisement entre V. riparia et V. rupestris et le Richter 110 a pour parents : V berlandieri et V rupestris.

Jusqu'à récemment, ces porte-greffes ne posaient aucun problème dans la nature car ils restaient cantonnés aux vignobles, mais depuis une quinzaine d'années, on observe de plus en plus de porte-greffes naturalisés dans les zones alluviales. Ces néophytes trouvent là les conditions écologiques similaires à celles présentes dans leurs aires de distribution initiale et se reproduisent de manière végétative et sexuée. Bien qu'issus de croisements interspécifiques, les hybrides de Vitis gardent le caractère dioïque de leurs parents et sont parfaitement fertiles (Fig. 2).

Lors d'une étude effectuée en 2007, nous avons été surpris par la grande diversité génétique des populations de porte-greffes échappés (Arrigo & Arnold 2007). Ces néophytes sont à surveiller de près car non seulement elles colonisent les mêmes milieux que sa parente sauvage, mais elles se propagent également dans les milieux naturels, des maladies initialement inféodées aux vignobles, contribuant ainsi d’une manière supplémentaire à l’éradication de la vigne sauvage endémique.

En Moselle sauvage, les porte-greffes échappés sont rares dans les forêts. En revanche, une autre Vitacée d’origine américaine (Parthenocissus sp) échappée des jardins envahit les saulaies et les friches en bordure de la rivière, reprenant sans aucun doute la place occupée jadis par la vigne sauvage (Fig. 3).

Les bancs vifs ou « grèves » - Annik Schnitzler, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Bancs_vifs.pdf.

Les grèves (ou bancs vifs), espaces sédimentaires transitoires intimement liés à la dynamique fluviale, sont caractérisées par des bancs de sables ou de galets en général très mobiles. Ils peuvent être en extension active, occupant d’assez larges surfaces par voie d’accumulation, ou au contraire très arasés dans les zones d’incision. On les trouve en bordure de rivière ou sous forme d’îles au sein même du lit mineur.

Les grèves font donc intimement partie du fonctionnement alluvial. On leur octroie une grande valeur écologique au regard de l’originalité de leur fonctionnement (végétations transitoires, avifaune spécialisée), et de leur extrême instabilité. Les communautés végétales inféodées aux grèves s’organisent en fonction de conditions très particulières : des inondations répétées par eaux dynamiques, qui occasionnent des traumatismes par arrachage ou dépôt de sédiments ou de bois mort ; des fluctuations de nappe importantes qui font alterner périodes de sécheresse et d’hydromorphie, substrats en général grossiers à très grossiers et donc très filtrants, qui rendent les conditions de survie estivale difficiles. Les grèves sont également caractérisées par des variations dans les textures et la topographie à très petite échelle (souvent le mètre), qui peuvent agir dans un sens positif pour la plante (par exemple : un substrat grossier associé à un niveau topographique bas diminue le risque de dessication l’été ; en revanche, les bombements de gravier haut perchés sont particulièrement difficiles pour les plantes, car l’eau n’est accessible qu’à une profondeur peu inaccessible aux racines des herbacées.

L’intensité des perturbations par les inondations et la sévérité des stress sélectionnent les stratégies des plantes : elles sont globalement caractérisées par une dynamique de colonisation active; une résistance élevée aux frottements et à l’enterrement sous les sédiments, une croissance rapide, notamment des axes souterrains. L’aspect original des grèves est également l’instabilité spatio-temporelle des formations végétales, qui sont temporaires et variables dans leur composition floristique d’une année à l’autre.

Les stress sont nombreux sur les grèves, par arrachement, excès de chaleur sur les cailloux surchauffés l’été, l’absence de sol. Dans les situations d’extrême sécheresse estivale, sur bombements de graviers très exhaussés, les espèces qui arrivent à survivre sont disséminées (avec sans doute des racines bien développées explorant en profondeur et sur une assez large surface), parfois rouges (réaction aux excès d’UV), De nombreux individus sont sans doute incapables de se reproduire : ils sont apportés par les eaux, survivent quelque temps, puis meurent, remplacés par d’autres.

D’autres stratégies liées probablement à une situation stressante ont pu être observées : un port en boule chez Saponaria officinalis, Lythrum salicaria ; un port rampant, soit dans une seule direction (Galium mollugo, Polygonum lapatifolium) soit dans toutes les directions (Convolvulus arvensis). La mortalité des individus est assez fréquente dans les situations les plus extrêmes de bombements de graviers.

Dans des situations optimales, certaines plantes peuvent former de véritables buissons de plus d’un mètre de hauteur et fleurissent abondamment : Lycopus europaeus (1m) ; Lythrum salicaria (2m) (sur sol argileux humide) ; Echium arvense (1m), Melilotus albus (2m); Phalaris arundinacea (2m), et Pastinaca sativa (1m50) (sur sable humide). Certaines espèces sont systématiquement isolées (Plantago major, Silene inflata).

Aucune liane (Rubus sp, Solanum dulcamara, Convolvulus arvensis, C. sepium, Rubus fruticosus) ne devient recouvrante sur les grèves.

Le caractère ouvert de la grève, le balayage régulier par les eaux eutrophes favorisent aussi l’installation d’exotiques, qui s’y reproduisent par voie clonale et sexuée. Les plus fréquentes sont Fallopia sp, et Oenothera sp.

Les grèves sont des milieux fragiles, en raison de leur stricte dépendance des conditions alluviales. Elles disparaissent vite avec certaines activités humaines telles que les endiguements, les extractions de granulats, la canalisation. Le surpâturage, la surfréquentation humaine (feux, passages de voiture) sont d’autres atteintes à leur fonctionnement.

Espèces invasives et Espèces exotiques - Claire Arnold, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Especes_invasives_exotiques.pdf.

Introduction

L’intensification des échanges internationaux notamment au niveau maritime implique de nouvelles sources de dispersion des espèces, suscitant parfois un remaniement profond dans leur répartition mondiale. Certaines d’entre elles atteignent des niveaux d’abondance tels qu’on les qualifie d’ « invasives », car elles portent préjudice aux activités humaines, créant même, dans certains cas, des problèmes sanitaires.

Dans la discipline de l’écologie, les processus d’expansion des espèces invasives sont beaucoup étudiés, en raison de leur implication dans la raréfaction, voire la disparition d’espèces autochtones. Ces espèces présentent également un incontestable intérêt scientifique, car elles illustrent des expériences spatiales et temporelles, certes involontaires, menées à grande échelle. On connaît généralement l’historique d’introduction, le matériel se trouve en suffisance et se reproduit aisément. Les études scientifiques visent principalement deux approches, l’une étudiant le pouvoir envahissant de l’espèce (l’approche cherche à comprendre les mécanismes intrinsèques qui permettent à l’espèce de se faire une place dans un nouvel « écosystème et devenir invasive), l’autre l’invasibilité (approche qui vise à se placer du côté du milieu qui est envahi et de comprendre pourquoi ce milieu est sujet à l’invasion).

Différentes phases de l’invasion

On distingue trois phases différentes,

- Introduction

- Naturalisation

- Invasion

Dans la phase d’introduction l’apport fréquent de nouveaux individus / propagules accroit les chances de survie de l’espèce dans son nouveau milieu. Car il faut bien le reconnaître, les individus fondateurs ne sont qu’un échantillon minime de la diversité génétique initiale. Des introductions multiples dans des lieux différents augmentent toutefois leur diversité, sans atteindre jamais la diversité génétique des populations dans leur milieu d’origine. Pour qu’une espèce puisse devenir invasive, elle doit tout d’abord franchir une barrière géographique puis environnementale. Il faut donc qu’elle soit importée dans un milieu dont l’écologie est proche de celle d’origine. Elle doit y trouver une niche libre. Elle peut aussi une niche afin de pouvoir s’y reproduire, et ce malgré la concurrence des espèces locales. Comme la concurrence est souvent faible dans les milieux perturbés (friches, zones alluviales, zones urbanisées), c’est souvent dans ces milieux que l’invasion démarre.

Dans la phase de naturalisation, les individus sont capables de se reproduire et de former de nouvelles générations d’individus. Dans cette phase certains événements évolutifs sont possibles : 1) Il arrive qu’une sélection de génotypes pré-adaptés au sein de la population introduite s’opère ; 2) il arrive aussi que des espèces voisines, qui ne se côtoient jamais dans leur aire native, se trouvent réunis dans leur aire d’accueil et s’y croisent, créant de nouveaux génotypes parfaitement adaptés aux conditions locales et très invasifs. Un cas particulièrement célèbre est celui d’une plante d’origine asiatique, la renouée du Japon, qui s’est croisée avec une espèce asiatique proche, la renouée de Sakhalin, et a donné une grande variété d’hybrides dont certains sont très invasifs. Ces croisements évoluent à chaque génération, par hybridations multiples, voire même de polyploidisation (mutation brusque du nombre de chromosomes d’une génération à l’autre, très fréquent chez les plantes).

Entre la phase de naturalisation et la phase d’expansion il y a une phase de latence qui peut durer quelques dizaines voire quelques centaines d’années. Durant cette phase, les individus surmontent les contraintes écologiques et acquièrent de nouvelles capacités liées aux facteurs génétiques.

Dans la phase d’expansion l’adaptation locale est faite, la progénie est capable de se reproduire et même de modifier son écologie, ce qui lui permet d’envahir de nouveaux milieux, jusque là résistants à l’invasion comme les forêts.

Le secret du succès des invasives

Il y a beaucoup d’hypothèses, mais en résumé, les processus écologiques de l’invasion suggèrent, que chez certaines espèces, cette capacité est innée. En effet, il ressort que certains groupes phylogénétiques possèdent plus d’invasives que d’autres. Les processus évolutionnaires de l’invasion suggèrent que cette capacité s’acquiert. Les deux processus ne sont pas exhaustifs.

Malgré les nombreux facteurs à considérer, il y a quelques prédicteurs de l’invasion qui ont été trouvés :

- large distribution et amplitude écologique dans l’aire d’origine

- grande plasticité phénotypique

- petite taille des graines

- large production de graines

- cycle rapide de reproduction

- autofécondation

- capacité à se reproduire de manière végétative

- grandeur du cerveau par rapport à la taille du corps chez les mammifères

Certains habitats sont également moins susceptibles à l’invasibilité en effet les milieux où les perturbations sont faibles et le stress est important :

- Forêts denses et matures

- Habitats arides

- Sols sableux ou de serpentine (groupes de silicates riches en éléments tels que fer, aluminium, chrome, cobalt, magnésium, calcium, nickel etc.)

- Habitats largement fragmentés

- Marais salants

- Habitats de haute montagne

En ce qui concerne les plantes invasives, les milieux contenant beaucoup d’eau et de nutriments semblent plus propices aux invasions. C’est le cas des zones alluviales. Des essais ont montré qu’en augmentant les fertilisants dans le sol, les plantes invasives étaient favorisées, en effet elles avaient d’avantage accès aux nutriments (moins de compétition) et en contrepartie les plantes autochtones ressentent l’augmentation de fertilisant comme un stress.

D’autres hypothèses telles que (Enemy release hypothesis (ERH) suggèrent que l’absence d’ennemis permet aux plantes et aux animaux invasifs d’atteindre des densités plus élevées. En poussant la réflexion un cran de plus, l’EICA (Evolution of increased competitive abilityhypothesis) suggère que les invasives peuvent ainsi concentrer leur investissement énergétique dans des traits de compétitivité tels que la croissance et la reproduction ou d’autres traits influençant les performances notamment la lutte chimique. Ce sont ces deux hypothèses qui sont principalement utilisées dans la lutte biologique.

Les espèces exotiques végétales dans la vallée de la Moselle

Les espèces exotiques végétales introduites volontairement ou involontairement par l’homme sont nombreuses dans les forêts alluviales, dans lesquelles elles s’établissent plus aisément que dans d’autres écosystèmes, en raison de leur caractère ouvert et régulièrement perturbé, et l’abondance des ressources en eau, nutriments et eau.

Les inondations participent activement à leur dispersion et leur établissement, en les propageant lors des crues et en facilitant leur installation dans les sites libres de végétation permanente. A partir de ces sites, les plantes colonisent les forêts, notamment les saulaies, et s’intègrent dans les prairies. Certaines espèces herbacées (essentiellement des herbacées pérennes géantes) forment des clones de très grande surface. On les trouve essentiellement à l’arrière des bancs vifs et dans les saulaies. Elles sont moins abondantes et stériles dans les forêts à bois dur, ainsi que dans les forêts marécageuses.

Douze espèces végétales terrestres ont été répertoriées dans la vallée de la Moselle sauvage. Les plus abondantes sont les exotiques de la renouée du Japon (Fallopia x bohemica) (Planche_invasives_exotiques.pdf, Fig. 1 et 2) et l’Impatience baldingère (Impatiens glandulifera), deux espèces qui ont déjà un long passé invasif derrière elles, puisqu’elles ont actuellement colonisé une grande partie de l’hémisphère nord. On retrouve également quelques arbres, échappés des cultures : le robinier faux acacia (Robinia pseudacacia) et l’érable negundo (Acer negundo), mais leur expansion est limitée. En revanche d’autres montrent des signes très nets d’invasion, dans les prés, les forêts et sur les bords de rive, comme le topinambour (Helianthus tuberosus) (Fig. 3) et surtout une Vitacée lianescente d’origine américaine, du genre Parthenocissus.

Il est impossible de lutter contre l’expansion des plantes dans les forêts et dans les prairies, en raison du coût et de l’inefficacité des méthodes utilisées. Il reste toutefois important de sensibiliser la population locale à ce problème qui prend une grande ampleur dans la vallée. Il serait indispensable de ne plus déposer de rhizomes ou de tiges lors des opérations de destruction des plantes, qui sont faites autour des plans d’eau et gravières pour permettre un meilleur accès aux promeneurs et aux pêcheurs, et de ne pas rajouter jeter des espèces reconnues comme invasives dans les décharges végétales ou au bord du cours d’eau.

Références

Inderjit, 2005, “Plant invasions: Habitat invasibility and dominance of invasive plant species”, Plant and Soil (2005) 277:1–5.

Kowarik, I. 1995. “Time lags in biological invasions with regard to the success and failure of alien species”. Pages 15 38 in P. Pysek, K. Prach, M. Rejmánek, and P. M. Wade, ed. Plant invasions general aspects and specialproblems. Amsterdam: SPB Academic Publishing.

Schnitzler A., Hale B.W., Alsum E., 2007. “Examining native and exotic species diversity in European riparian forests”. Biological Conservation, 138 (1-2): 146-156.

Schnitzler A., Aumaître D., Schnitzler C., 2011. “From rurality to ferality, a case study in the upper Moselle valley, France”. Revue d'Ecologie-La Terre et la Vie, 66 (2).

Sol et al 2008, Brain Size Predicts the Success of Mammal Species Introduced into Novel Environments the American naturalist vol. 172, supplement, july 2008.

Williamson M.H., Fitter A., 1996, “The characters of successful invaders”, Biological Conservation 78 (1996) 163-170.

La formation du sol alluvial - Jean-Michel Gobat, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Formation_ sol_alluvial.pdf.

L’eau, les sédiments et la végétation constituent les parties immédiatement visibles de la zone alluviale. On oublie trop souvent que l’interaction de ces trois éléments conduit à la formation d’un nouveau compartiment de l’écosystème: le sol. Comme partout, celui-ci débute par l’intégration de la matière organique humifiée et de la matière minérale fine au sein d’un horizon de surface organo-minéral. Ces matériaux ne sont guère abondants dans les zones alluviales actives, puisque la végétation, principale pourvoyeuse de matière organique, est régulièrement rajeunie par les crues (cf. complément No 3 : Forets_duree_de_vie.pdf). La litière (fig. 1) n’a ainsi guère le temps de se transformer en humus, seul capable de former ce qu’on appelle « la terre ». De même, les matières minérales fines – les argiles – manquent souvent totalement (fig. 2), à l’exception des zones d’eaux très calmes où elles ont le temps de se déposer. Heureusement, les crues sont aussi capables de déposer des petites particules de sol déjà formées en amont et arrachées par l’eau: on appelle ce processus « l’héritage », qui permet de donner souvent un sérieux coup de pouce à l’initialisation du sol. On le repère par la charge sédimentaire qui colore l’eau en brun lors des crues (fig. 3) ou par des dépôts limoneux recouvrant la surface du sédiment grossier (fig. 4).

A l’instar de tous les sols, celui des zones alluviales a aussi besoin d’agents capables de former cette liaison entre la matière organique et la matière minérale. Parmi eux, les vers de terre sont les plus efficaces. S’ils apprécient l’eau du sol alluvial, ils ne supportent guère les sables et les graviers. Les petites poches de matière minérale fine, de type limons et argiles, déposée dans des mini-dépressions (fig. 5 et 6), revêtent alors une importance majeure pour l’accueil de ces organismes. On a ainsi pu prouver que des vers de terre typiques de sols relativement évolués, correspondant à des forêts à bois durs, étaient déjà présents au sein de fourrés pionniers de saules, dont les sols, à l’exception de ces petites dépressions, sont sinon totalement hostiles à ces animaux (fig. 7 à 9; Bullinger-Weber et al., 2007). Ces points constituent alors des centres de rayonnement, qui permettent aux organismes de peu à peu coloniser les zones voisines. D’autres organismes comme les fourmis sont également capables d’initialiser la formation du sol, par exemple en remontant à la surface, à travers un sédiment déposé, les particules d’un sol enfoui (fig. 10).

On verra ainsi progressivement le sol alluvial s’enrichir en matière organique humifiée (fig. 11). Le stock de carbone fixé dans la partie supérieur du sol est d’ailleurs un excellent indicateur du degré d’évolution de ce dernier (fig. 12; Fierz et al., 1995). Avec le temps et la croissance de la végétation, l’horizon organo-minéral s’épaissit et offre des niches écologiques à d’autres organismes du sol, notamment par une structure grumeleuse de mieux en mieux exprimée (fig. 13). La dynamique de la formation du sol est alors lancée, qui peut aboutir à un sol très semblable à celui des zones non alluviales. Mais il faut pour cela plusieurs siècles sans crues, ce qui n’est pas toujours souhaité !

Grâce à l’imbrication de pas de temps très variés, de la crue journalière à des terrasses stables durant des millénaires, la zone alluviale constitue un des meilleurs observatoires de l’évolution du sol « en temps réel », toutes les situations temporelles pouvant se côtoyer sur de petites distances. Elle rejoint ici les zones récemment dégagées par les glaciers (cf. complément No 4 : Zones_alluviales_alpines.pdf) ou les dépôts volcaniques, en tant que modèle d’intérêt majeur pour comprendre la capacité de stockage du carbone dans le sol.

Références

Bullinger-Weber, G., Le Bayon, R.C., Guenat, C., Gobat, J.-M. 2007. Influence of some physicochemical and biological parameters on soil structure formation in alluvial soils of the Sarine River, Switzerland. Eur. J. Soil Biol. 43 : 57-70.

Fierz, M., Gobat, J.-M., Guenat, C. - 1995. Quantification et caractérisation de la matière organique de sols alluviaux au cours de l'évolution de la végétation. Ann. Sci. Forest., Paris, 52(6): 547-560.

Les embâcles - Gabrielle Thiébaut, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Embacles.pdf.

Définition : Amoncellement de glace ou de débris ligneux pouvant obstruer une rivière.

L’accumulation de bois, provenant des ripisylves adjacentes, dans le lit d’un cours d’eau modifie la dynamique fluviale en créant des embâcles qui influencent l’écoulement et bouchent certaines annexes partiellement ou complètement par l’amont. Ce processus est actif le long de la Moselle. Les embâcles contribuent aussi à augmenter la biodiversité en retenant les sédiments et leur banque de graines et en bloquant les propagules dispersés par le courant. Ils peuvent permettre la formation de nouveaux herbiers. Les poissons tirent profit de ces abris afin de se protéger des prédateurs, les invertébrés colonisent ces supports. Les embâcles participent au fonctionnement de la Moselle et ne sont pas des facteurs d’altération des milieux. Les embâcles participent à la dynamique fluviale en créant et en fermant partiellement ou totalement l’alimentation en eau des annexes. A moins de présenter un risque pour les populations ou les infrastructures, les embâcles doivent être laissés dans le milieu.

Fig. a, b, c : Planche_Embacles.pdf.

Restauration - Réhabilitation - Réaffectation des Ecosystèmes - Gabrielle Thiébaut, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Restauration_rehabilitation.pdf.

Restauration (Aronson, J., 1993a et 1993b)

La restauration écologique est « le processus d’assister la régénération des écosystèmes qui ont été dégradés, endommagés ou détruits ».

Il s’agit donc d’une activité intentionnelle qui initie ou accélère le rétablissement d’un écosystème antérieur par rapport à sa composition spécifique, sa structure communautaire, son fonctionnement écologique, la capacité de l’environnement physique à supporter les organismes vivants et sa connectivité avec le paysage ambiant.

La restauration tend donc vers le retour d’un écosystème à sa trajectoire historique.

Réhabilitation

La réhabilitation insiste sur la réparation et la récupération des processus, et donc sur la productivité et les services de l’écosystème, tandis que la restauration vise également à rétablir l’intégrité biotique préexistante, en termes de composition spécifique et de structure des communautés. La réhabilitation concerne des écosystèmes ayant subi des dégradations plus importantes et pour lesquels les seuils d’irréversibilité biotique voire abiotique ont été franchis. L’objectif est d’améliorer ou de rétablir certains processus ou certaines fonctions avec pour modèle l’état de l’écosystème précédent la dégradation.

Des interventions influençant l’environnement physique, telles que le recouvrement des processus d’érosion latérale, l’amélioration des ressources du sol ou un remodelage de la topographie, sont alors mises en œuvre afin de réparer les sites dégrades (Whisenant, 2002).

Ces interventions permettent parfois le retour à l’écosystème d’origine mais aboutissent le plus souvent à un état alternatif ou intermédiaire.

Réaffectation

La réaffectation décrit ce qui se passe lorsqu’un nouvel usage apparaît. Lorsque l’action de l’homme est permanente il s’agit également de réaffectation. Par exemple lorsque les apports d’intrants sous forme d’énergie d’eau ou de fertilisants sont permanents. La réaffectation peut être appliquée à un écosystème quelque soit son état.

On parle de réaffectation d’un espace à un autre usage pour lequel aucune référence historique n’est requise. La réaffectation décrit les interventions sur des écosystèmes très fortement dégradés pour lesquels la récupération de la structure et des fonctions de l’écosystème d’origine est impossible.

La réaffectation peut consister à « renaturer » le site pour en faire une zone de loisir, ou simplement pour assurer la stabilité et la sécurité du site.

Références

Aronson, J., C. Floret, E. Le Floc'h, C. Ovalle & R. Pontanier 1993a. Restoration and rehabilitation of degraded ecosystems in arid and semi-arid lands. I. View from the South. Restoration Ecology 1:8-17.

Aronson, J., C. Floret, E. Le Floc'h & R. Pontanier 1993b. Restoration and rehabilitation of degraded ecosystems in arid and semi-arid lands. II. Case studies in Southern Tunisia, Central Chile and Northern Cameroon. Restoration Ecology 1:168-187.

Bernhardt E.S., Palmer M.A., Allan J.D., Alexander G., Barnas K., Brooks S., Carr J., (…) Sudduth O., 2005. Synthesizing U.S. river restoration efforts. Science, 308, 5722, 636-637. [En ligne]

Pour plus d'informations, voici quelques références sur le sujet :

Aronson, J. & S. Alexander 2013. Ecosystem Restoration is now a global priority : Time to roll up our sleeves. Restoration Ecology. DOI. 10.1111/rec.12011.

Simberloff, D., J-L Martin, P. Genovesi, V. Maris, D. A. Wardle, J. Aronson, F. Courchamp, B. Galil, E. Garcia-Berthou, M. Pascal, P. Pysek, R. Sousa, E. Tabacchi & M. Vilà . 2013. Impacts of biological invasions: What’s what and the way forward. Trends in Ecology & the Environment 28:58-66.

Whisenant, S. G. 2002. Manipulating the physical environment, terrestrial systems. In: Ecological Restoration Handbook, Volume 1. Principles of Restoration. pp. 83-105. Tony Davies and Martin Perrow (Eds.). Cambridge University Press. Cambridge.

Actions de restauration - Gabrielle Thiébaut, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Action_restauration.pdf.

La gestion et la restauration des annexes hydrauliques dépendent de l’état de référence sur lequel on se base. Le mauvais état de conservation de la plupart des annexes hydrauliques, évalué par rapport à la référence, résulte essentiellement des modifications d’origine anthropique du fonctionnement des cours d’eau. La préservation et la reconquête de la qualité de l’eau (réduire l’eutrophisation amont de la Moselle et les apports par le bassin versant et les rejets) et de la qualité physique des annexes sont les objectifs à atteindre. Si ces objectifs sont atteints, ils favoriseront le maintien et la restauration de la qualité biologique.

1. Restauration de la qualité des habitats

Il existe plusieurs types d’actions :

a) Restauration de la connexion des annexes.

b) Lutte contre le piétinement

c) Maintien, développement de la ripisylve

d) Restauration à vocation piscicole et halieutique

1.1. Restauration de la connexion des annexes : un objectif relevant de la dynamique fluviale

Sur la Moselle, pourvue d’un large lit majeur, la gestion douce caractérisée par des actions ponctuelles sera préférable à des actions lourdes de reconnexion d’annexes hydrauliques. Les interventions ponctuelles ont pour but de maintenir l’annexe dans un état écologique et fonctionnel et non pas de recréer un fonctionnement disparu. Il est nécessaire de raisonner non pas au niveau de l’annexe mais au niveau du bassin versant. La fermeture d’une annexe à un endroit se traduira par la formation ou le rajeunissement d’une annexe ailleurs dans le lit majeur, dans un secteur où la Moselle n’est pas corsetée entre des gravières, le Canal de l’Est et des enrochements. Cette politique devrait permettre de conserver des annexes « jeunes » et très actives, d’autres plus « matures » et d’autres « en voie de comblement» sur la Moselle Sauvage, et de conserver une mosaïque d’habitats diversifiée. Cette hétérogénéité d’habitats sera favorable à une richesse biologique élevée. Les situations dégradées liées à des berges stabilisées (enrochements…) sont, dans certains cas, réversibles.

Dans la mesure du possible, il s’agira de privilégier la dynamique naturelle de la Moselle sans engager de lourds travaux de reconnexion. Toutefois, suite à l’incision du lit mineur, la différence de niveau altitudinal entre le fond « naturel » de l’annexe et le fond du cours d’eau peut être importante (de l’ordre de 1 à 1.5 m) comme c’est le cas à l’aval du barrage de Charme. Des travaux plus lourds de terrassement ne semblent pas opportuns. De la même manière, lorsque le milieu se comble petit à petit suite aux aménagements du lit, des travaux lourds sont à prévoir comme la modification de la géométrie du lit (augmentation de la vitesse d’écoulement de l’eau, augmentation de la pente, diminution de la sinuosité, modification de l’angle de connexion entre l’annexe et le chenal…). Ces solutions ne peuvent être envisagées que dans des cas extrêmes.

1.2. Lutte contre le piétinement

Cette action doit être prioritaire. Elle peut se décliner à une échelle locale et à une échelle plus large. La mise en place de clôtures le long des annexes devrait permettre d’éviter que le bétail ne vienne boire et piétiner les sols. En parallèle, il serait nécessaire de prévoir des abreuvoirs à pompe pour le bétail dans les parcelles mitoyennes aux annexes.

1.3. Maintien, Développement de la ripisylve

En l’espace d’une dizaine d’années, une rangée de saules de plusieurs mètres de haut peut se développer sur les bords d’une prairie et former une ripisylve continue. Cette évolution devrait permettre à une forêt alluviale secondaire de se reconstituer et favoriser la stabilité des berges. Cette formation végétale peut assurer un rôle de filtre des nutriments.

1.4. Restauration à vocation piscicole et halieutique : objectif piscicole

La plupart des projets ont pour objectif principal et parfois unique de restaurer des frayères à brochets. Pour cela, il est nécessaire d’assurer la continuité hydraulique entre le chenal et l’annexe au moins une partie de l’année en étendant les surfaces inondables productives et les périodes d’inondabilité et en ouvrant le milieu pour favoriser le développement de la strate herbacée (support des pontes) et l’augmentation des températures en période d’incubation des œufs. Ces restaurations du milieu physique peuvent favoriser la colonisation des annexes par les espèces végétales invasives comme Elodea nuttallii largement présente sur la Moselle.

2. Restauration de la qualité chimique

Les degrés de trophie élevés rendent la réversibilité faible car une charge en nutriments élevée favorise la productivité primaire et l’envasement. Une approche bassin versant est à privilégier. La préservation et la reconquête de la qualité de l’eau (réduire l’eutrophisation amont de la Moselle et les apports par le bassin versant et les rejets) sont les objectifs prioritaires à atteindre. La Qualité Ecologique devra être atteinte en 2015 et la qualité chimique en 2027 (SIERM). La Moselle souffre dès l’amont d’une dégradation de la qualité des eaux qui se traduit par exemple par les proliférations de renoncules au niveau des Eloyes. Les apports d’eau souterraine en amont de la RNR augmentent les chances de réussite d’une éventuelle restauration car ils peuvent freiner l’eutrophisation des eaux. Il est indispensable de poursuivre les efforts entrepris dans le cadre d’une politique de gestion intégrée du bassin versant et d’éliminer les rejets des effluents dans le milieu naturel.

Il apparaît aujourd’hui important de privilégier une restauration de la fonctionnalité de l’hydrosystème afin d’assurer les services rendus par la Moselle et ses annexes (rôle écrêteur de crues, autoépuration, réservoir de biodiversité….) et non pas vouloir maintenir à tous prix une approche espèce ou habitat.

3. Conservation des habitats d’intérêt communautaire

Les groupements à Elodea nuttallii forment souvent des herbiers monospécifiques qui envahissent les milieux et servent de support aux macroalgues. Ils reflètent une dégradation des milieux. La conservation des communautés passe par la préservation de la qualité de l’eau, la diminution des teneurs en nutriments dans les eaux et par la lutte contre l’envasement.

L'eutrophisation, la diminution de la transparence de l'eau, l'envasement et le développement des hélophytes ont fait considérablement régresser les communautés de characées. La création de milieux neufs (mares, gravières...) permet parfois l'installation de nouvelles végétations. Sur le secteur de la Moselle sauvage, on peut donc s’attendre à trouver des characées dans les annexes oligotrophes nouvellement crées.

L’évolution naturelle des habitats eutrophes conduit à une réduction des macrophytes aquatiques submergés. Une colonisation par les hélophytes et amphiphytes des berges est fréquente et peut amener à la régression des hydrophytes, voire à leur disparition.

L’objectif majeur est d’améliorer la qualité chimique de l’eau qui devrait permettre de restaurer des habitats méso-eutrophes et de maintenir la qualité écologique des annexes.

Il faut lutter contre les espèces exotiques aquatiques invasives comme Azolla filiculoides, Lemna minuta, Elodea nuttallii. Planche_vegetation_aquatique.pdf.

4. Connaissances : renforcer les suivis et poursuivre les études

Devant la difficulté des travaux de restauration du fait de la complexité du fonctionnement des hydrosystèmes fluviaux, et au manque de recul général que l’on note pour les restaurations/réhabilitations de systèmes fluviaux (Bernhardt et al., 2005), de nombreux travaux soulignent le besoin de suivis (ou évaluations, ou monitorings) post-restaurations, notamment pour améliorer l’efficacité de futures restaurations. Ces suivis post-restaurations doivent bien entendu être précédés d’une caractérisation de l’état initial antérieur à la restauration et d’une étude de la trajectoire temporelle de l’hydrosystème (plusieurs décennies à plusieurs siècles, voire davantage).

Dendrochronologie - Annik Schnitzler, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Dendrochronologie.pdf.

Dans les sédiments des fleuves déposés au cours depuis le début de l’Holocène, il est fréquent de trouver des troncs d’arbre parfois gigantesques, atteignant plus de 2m de diamètre. Les plus anciens de ces arbres géants reposent sous plusieurs mètres de graviers. Ces arbres constituaient les éléments majeurs des forêts à bois dur préhistoriques. Ils ont été le plus souvent déracinés à la suite d’une inondation, puis déplacés sur de courtes distances avant d’être couverts par plusieurs mètres de sédiments. L’intensification de l’exploitation des gravières au cours des trente dernières années a permis de les mettre à jour, parfois sous forme de véritables forêts-cimetières.

Les largeurs de cernes et les critères anatomiques du bois (en particulier du chêne) permettent de définir l’évolution postglaciaire du climat et de la végétation, les périodes de grandes inondations et de défluviation, ainsi que les transformations paysagères induites par ces facteurs naturels et l’influence des sociétés humaines.

Tronc subfossile de La Maxe, en Moselle

Les périodes de forte activité de la Moselle entre Chamagne et Thionville (~8000 BP, 6500 BP, 5000 BP 4500 BP, 3200 BP) peuvent se déduire des travaux de dendrochronologie. (Voir Fig. 1 - Tronc de chêne dégagé par le creusement d’une gravière mosellane.

La figure 2 indique les sites où ont été prélevés les troncs de chênes subfossiles dans les vallées de la Moselle, de la Meuse, du Rhin, de la Seine, de l’Aube et de la Marne et les périodes où ces arbres ont vécu (échelonnées sur une très large échelle, entre 9000 BP à l’an 1000). Toutefois, en l'absence d'un contexte archéologique susceptible de livrer un cadre chronologique préliminaire et dans l’impossibilité d’ordonner ces bois dans le temps sur la base d’observations stratigraphiques, les datations dendrochronologiques sont associées à des facteurs d'incertitude. Pour cette raison, les chercheurs ont eu recours à des datations par radiocarbone. Mais il subsiste toujours de nombreuses séries dites ‘flottantes » ou non datées. Mais, avec l'accumulation de données qui serviront à leur tour de matériel de référence, le succès des datations se multiplie d'une façon exponentielle, et il devrait être prochainement possible d'élaborer prochainement une chronologie continue pour le chêne dans l'Est de la France (d’après Tegel W. 2003. « Troncs subfossiles des bassins de la Meuse, de la Moselle et du Rhin », Prospection Thematic 2000. Rapport 1.)

Pour en savoir encore plus, téléchargez le fichier Troncs_subfossiles.pdf).

Dans le Nord de la vallée, sept terrasses ont ainsi été construites par le fleuve, dont six au cours de l’Holocène. Les dates de dépérissement sur ce site s’insèrent dans la même fourchette que celles qui ont été mises en évidence par une analyse récente sur le cours de la Moselle près de Trèves (DÖRFLER/ EVANS/LÖHR 1998). Il s’agit là du début d’une phase d’apogée de l’activité des fleuves dans l’Europe moyenne, entre 2400 et 1800 av. J.-C.

Annexes hydrauliques : degré de connectivité - Gabrielle Thiébaut, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Degre_connectivite.pdf.

On distingue différents types d’annexes hydrauliques en fonction de leur degré de connectivité avec le chenal principal (Malavoi 2004).

EUPOtamon (EUPO) = bras secondaire actif.

Le chenal récemment recoupé communique avec le cours d’eau principal par l’aval et par l’amont, quel que soit le débit. Le fonctionnement hydraulique s’apparente un certain temps à celui d’un chenal secondaire.

PARApotamon (PARA) = ancien bras en cours de déconnexion.

Le bras mort est connecté par l’une de ses extrémités, généralement par l’aval du fait du dépôt massif d’alluvions et de bois morts à l’entrée de l’ancien chenal. On distingue 3 stades évolutifs :

a) PARA1 : connexion par l’aval quel que soit le débit et par l’amont en eaux moyennes ;

b) PARA2 : connexion par l’aval en eaux moyennes et par l’amont en hautes eaux;

c) PARA3 : connexion par l’aval en hautes eaux et par l’amont en crue annuelle.

PLESIOpotamon (PLESIO) : pas de connexion nette par l’aval ni par l’amont.

Mise en eau lors de la crue annuelle.

PALEOpotamon (PALEO) : le bras mort est complètement séparé du chenal.

La mise en eau se produit lors des crues dépassant le débit de «pleins bords» (crue biennale et supérieure).

On distingue 2 stades évolutifs :

a) PALEO1 : les restes d’un chenal, même très colmaté, sont visibles. Il existe une continuité sur une certaine longueur.

b) PALEO2 : on n’observe plus que des petites dépressions discontinues.

Référence

Malavoi J.R., 2004. Etude géomorphologique de la basse vallée du Doubs. Rapport, Syndicat Mixte Saône et Doubs.

Annexes hydrauliques : définition - Gabrielle Thiébaut, 2013

Les anciens bras fluviaux sont appelées « Lônes » sur le Rhône et l’Ain, « Boires » sur le bassin de la Loire moyenne, et « Noues » ou « Reculées » dans l’Est et le Nord de la France ou annexes hydrauliques.

Pour mieux comprendre la fonctionnalité des annexes hydrauliques et leur état de conservation, emparez vous du document Annexes_hydrauliques_etat_conserv.pdf.

Végétation aquatique - Gabrielle Thiébaut, 2003

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Macrophytes_aquatiques.pdf.

Les plantes aquatiques sont appelées : « Macrophytes aquatiques ».

Ce sont de grands végétaux aquatiques (bryophytes, ptéridophytes, spermatophytes) et des algues filamenteuses (Cladophora sp., Characées), visibles et le plus souvent identifiables à l’œil nu sur le terrain.

On distinguera :

- Les macrophytes réellement aquatiques ou hydrophytes (algues, bryophytes aquatiques, hydrophytes vasculaires).

- Les végétaux amphibies ou amphiphytes qui différenciant des formes aquatiques et des accomodats terrestres selon la profondeur de l’eau.

- Et les végétaux de marais qui poussent « les pieds dans l’eau » ou hélophytes.

L’avifaune des milieux alluviaux. L’exemple de la Moselle sauvage - Annik Schnitzler, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Avifaune.pdf.

Introduction

La productivité primaire extraordinaire des forêts alluviales et leur forte hétérogénéité spatio-temporelle, visualisée par une juxtaposition des milieux très divers et surtout très instables, constituent d’importants facteurs de biodiversité. Les oiseaux réagissent rapidement à ces facteurs, grâce à leurs grandes capacités de colonisation. Les grandes vallées alluviales peuvent ainsi concentrer plus de la moitié des espèces nicheuses. A grande échelle, on décèle une organisation des peuplements d’oiseaux nicheurs calqués sur les profils en long et en travers des fleuves, ainsi que des espèces caractéristiques de certains tronçons de rivière. Globalement, la richesse spécifique et la quantité de guildes d’oiseaux augmentent de l’amont vers l’aval Toutefois, les capacités d’accueil des milieux alluviaux pour l’avifaune sont importantes toute l’année, non seulement pour les oiseaux nicheurs, mais aussi pour les espèces de passage ou hivernantes

La caractérisation précise de l’avifaune des écosystèmes alluviaux est devenue difficile en raison de l’exploitation intensive des milieux, et l’absence de références à des milieux alluviaux vierges inexistants en Europe, et très rares dans les zones tempérées de la planète. On sait toutefois que depuis quelques décennies, les aménagements drastiques des plaines alluviales, associés à des modifications d’usages dans les aires de distribution globale des oiseaux ont profondément affecté les dynamiques de l’avifaune, induisant régression ou augmentation des effectifs des espèces fréquentant les milieux alluviaux

L’avifaune nicheuse des bancs vifs de la Moselle (Planche_especes_oiseaux.pdf)

Son caractère composite résulte de l’omniprésence de milieux contrastés, aquatiques et terrestres, ouverts et fermés, secs et humides. Les milieux alluviaux abritent des espèces aquatiques et terrestres, voire de milieux secs sur les levées sableuses du lit des fleuves

Pour plusieurs espèces d’oiseaux, le fleuve et ses berges constituent l’habitat originel, bien que non exclusif, pour la nidification C’est le cas du Petit Gravelot (Charadrius dubius), du Chevalier Guignette [en ligne], Chevalier aboyeur tous deux nicheurs sur les délaissées et la végétation pionnière rase, de la Sterne pierregarin (Sterna hirundo), de la Sterne naine (Sterna albifrons), du Guêpier d’Europe (Merops apiaster) et de l’Hirondelle de rivage (Riparia riparia) – dont certaines colonies peuvent regrouper plusieurs centaines de couples (au niveau de la Moselle Sauvage en ralliant les parties aval et amont on note une bonne vingtaine de colonies sur 30 kilomètres de rive –, du Martin pêcheur, tous présents le long de la Moselle sauvage. Les trois premières nichent sur les bancs d’alluvions grossières (sables et galets) quoi sont remaniés à chaque grande crue et qui sont exempts de végétation permanente Les deux dernières creusent leurs tunnels de nidification dans les matériaux fins des parois verticales des berges concaves Ces espèces sont liées à la dynamique naturelle des cours d’eau.

Leurs prédateurs, qu’on peut voir souvent le long des rivières sont de grands rapaces tels que le Milan noir (se nourrit de poissons et de cadavres), le Faucon hobereau, (se nourrit d’hirondelles et d’insectes, et chasse souvent le soir au crépuscule). On peut trouver également sur les bancs vifs de la Moselle, le Balbuzard pêcheur en migration, parfois observé pendant plusieurs mois.

L’avifaune des ripisylves

La ripisylve accueille un plus grand nombre d’espèces nicheuses que les bords de rivière, en raison des multiples niches écologiques que procure le volume végétal. La linéarité des milieux alluviaux et la présence d’eau occasionnent par ailleurs deux effets de lisière qui favorisent l’existence de microhabitats caractéristiques des écotones : l’un du côté de l’eau, l’autre du côté de l’intérieur des terres.

Au sein de la ripisylve, on distingue ainsi les oiseaux forestiers au sens strict, les oiseaux de la lisière aquatique » (écotone forêt/cours d’eau) et ceux de la lisière « terrestre » (écotones entre habitats terrestres : stades de succession, forêt/milieux ouverts)

Les oiseaux vivant en forêt ne sont pas exclusifs des forêts alluviales : on les retrouve dans toutes les forêts d’Europe occidentale de plaine. Une cinquantaine d’espèces constitue ce fond commun.

Toutefois, leurs densités sont bien supérieures En effet, la forte productivité primaire générée par les inondations qui génère une densité foliaire élevée, associée à un étagement complexe de la végétation procurent une gamme élevée de microhabitats pour l’avifaune nicheuse, et en particulier dans les forêts à bois dur. Une des caractéristiques les plus frappantes, qui est la cohabitation d’un grand nombre d’espèces typiques des strates hautes et basses, se trouve dans les forêts alluviales à bois dur. Ainsi les espèces cavicoles primaires des grands arbres (pics, sittelle torchepot Sitta european, Mésange bleue Parus coeruleus) cohabitent avec les espèces des buissons telles que le Pouillot véloce (phylloscopus collybita), Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla). La richesse en lierre arborescent (à feuillage sempervirent) typique des forêts alluviales explique aussi la présence d’espèces des montagnes telles que le Roitelet à triple bandeau (Regulus ignicapilla) et le Grimpereau des bois (Certhia familiaris).

La diversité des oiseaux est encore plus élevée si on considère à présent les successions bois tendres/bois durs qui, chacunes, possèdent une avifaune spécifique. Ces forêts à bois tendre, plus âgées, sont riches en cavitées faciles à creuser par plusieurs espèces (pic vert, épeiche, épeichette, huppe fasciée), le loriot d’Europe (Oriolus oriolus), le Gobe-Mouche gris (Muscicapa striata). La Tourterelle des bois (Streptopelia turtur) abonde dans les stades de transition entre bois tendres et bois durs. (Fichier Avifaune_nicheuse_forets.pdf)

Selon certains auteurs, les successions variables dans le temps et dans l’espace des fourrés de saules, qui envahissent périodiquement les îles graveleuses des rivières et les chenaux mobiles constituent le biotope d’origine et la zone de spéciation du genre Hypolais et Sylvia (Fauvettes tête noire, jardin, grisette, babillarde) et des rossignols en nombre.

Dans la végétation arbustive ont trouve la basse linotte, rousserole turdoide, effarvatte.

La ripisylve fait aussi fonction de corridor pour des oiseaux d’autres biomes qui y pénètrent occasionnellement et de dortoirs pour d’autres oiseaux qui ne trouvent plus de boisements ailleurs dans les plaines très aménagées. Enfin, les ripisylves jouent un rôle important vis-à-vis des espèces migratrices : elles font office de relais pour de nombreux oiseaux forestiers qui les utilisent lors de leurs migrations

Les milieux forestiers de l’écotone forêts milieux ouverts

Sur la lisière de la ripisylve s’installent des espèces qui utilisent à la fois la forêt et les milieux ouverts pour s’alimenter. Les plus caractéristiques sont les rapaces diurnes (Bondrée apivore Pernis apivorus, Buse variable (Buteo buteo) ou nocturnes (Hibou moyen-duc Asio otus), pigeon columbin (Columba anas) ou Corneille noire (Corvus cornix)…

Références

Dronneau, C. (2007) - Avifaune des milieux alluviaux des grands fleuves européens. LPO Alsace infos, 38 : 22-23. Fichier Avifaune_milieux_alluviaux.pdf.

Dronneau, C. (2008) - Avifaune des milieux alluviaux des grands fleuves européens. 2ème partie. LPO Alsace infos, 39 : 18-19

Dronneau, C. (2008) - Avifaune des milieux alluviaux des grands fleuves européens. 3ème partie. LPO Alsace infos, 40 : 22-24

Dronneau, C. (2009) - Avifaune des milieux alluviaux des grands fleuves européens. 4ème partie. LPO Alsace infos, 41 : 24-27

Dronneau, C. (2007) - Peuplement d'oiseaux nicheurs d'une forêt alluviale du Rhin (première partie). Alauda, 75 : 215-226. Fichier Peuplement_oiseaux_1.pdf.

Dronneau, C. (2007) - Peuplement d'oiseaux nicheurs d'une forêt alluviale du Rhin (suite et fin). Alauda, 75 : 373-338. Fichier Peuplement_oiseaux_2.pdf.

Reptiles et amphibiens de la Moselle sauvage

Nous vous proposons ici de télécharger une planche représentant quelques reptiles et amphibiens présents sur la Moselle sauvage : Fichier Reptiles_et_amphibiens.pdf.

Les impacts de l’homme sur les vallées alluviales - Annik Schnitzler, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Impacts_homme.pdf.

Chroniques alsaciennes 18ème siècle :

« A la Saint-Jean de l’an 1480, l’Alsace, l’Allemagne et la Haute-Italie, après de longues pluies et une fonte des neiges subite, furent affligées de la plus terrible inondation qui, de mémoire d’homme, ait dévasté l’Europe On la nomma « le déluge du Rhin » La région de Strasbourg fut submergée à 30 kilomètres à la ronde De nombreuses maisons, une partie des murs de la ville, des ponts et des moulins s’écroulèrent, la moisson fut anéantie et lorsque les eaux rentrèrent définitivement dans leur lit, au bout d’un mois, les champs étaient couverts de cadavres d’hommes et d’animaux Cette inondation fut suivie d’épidémies et de famines ».

Des récits dramatiques d’inondations sont nombreux dans les chroniques européennes, restant associés à des tragédies humaines, telles que guerres, famines et épidémies. Certes, de tels événements étaient associés à des causes hydrologiques naturelles, mais les activités de l’homme y ont aussi contribué, notamment en défrichant les bassins-versants à très large échelle. Les déforestations massives ont engendré une forte érosion des sols sur fortes pentes, induisant une augmentation des charges alluvionnaires et de nombreuses défluviations au cours des temps historiques.

Les ripisylves qui ont subsisté aux défrichements ont aussi eu beaucoup à souffrir des barrages, digues, endiguements locaux destinés à l’alimentation en eau ou à l’assèchement des terres pour la culture. Les digues étaient également destinées à protéger les habitats des inondations. Toutefois, elles ne protégeaient pas les habitants des grandes inondations. Ainsi les chroniques du Rhin relatent les dégâts faits par le fleuve en 1342, 1374, 1421, 1480 (déluge du Rhin, cf. plus haut) Les grandes inondations furent également très fréquentes au cours du 16ème siècle avec 19 inondations majeures, dans tout le bassin-versant Rhin-Meuse.

Les travaux lourds du 19ème au 20ème siècle

Les travaux d’aménagement qui ont démarré à partir du 19ème siècle ont été bien plus efficaces que ceux des siècles précédents. En Europe, ils ont touché tous les bassins-versants, des laces montagnards aux basses plaines jusqu’aux deltas qu’après la deuxième guerre mondiale. En 1930, le monde totalisait 5268 barrages de plus de 30m de haut En 1971 l’effectif passait à 12 707 retenues, dont environ 12 000 structures de plus de 15m de haut, englobant 4 000 km² de surfaces d’eau libre et éliminant près de 800 000 m² de zones inondables. En 1988, le nombre de retenues s’élevait à 18200. Les dégradations sont aussi nombreuses dans les embouchures, bétonnées et transformées en zones portuaires et soumises à une urbanisation croissante

Les objectifs ont varié au cours du temps : protection contre les inondations, maitrise des eaux pour divers usages (irrigation ou drainage pour améliorer les rendements agricoles et exploiter des terres nouvelles), amélioration de la navigation, lutte contre le paludisme. Après la deuxième guerre mondiale, d’autres usages se sont développés : exploitation à grande échelle de l’énergie hydraulique, centrales nucléaires, création de grands réservoirs d’eau potable pour l’alimentation des grandes villes, la liste est longue. Les bénéfices en termes d’énergie ont été énormes : en Suisse par exemple, 60% de l’énergie électrique sont générés par des barrages hydrauliques.

Les dégradations écologiques induites par les travaux lourds

Les impacts des travaux hydrauliques sur les fleuves et les hydrosystèmes sont considérables, synergiques, irréversibles pour la plupart, et dangereux pour l’humanité sous certains aspects.

En rétrécissant l’emprise de l’eau dans les plaines alluviales, l’homme modifie les rythmes naturels du système pulsé, la charge alluvionnaire, accentue la pression sur les dernières zones humides et leur biodiversité.

Impact sur la charge alluvionnaire

Les travaux hydrauliques ont causé un tarissement dans l’entrée des sédiments dans la plaine alluviale. En fait, les hommes ont durant des millénaires augmentés les flux de sédiments en défrichant ripisylves et bassins-versants, puis les ont retenus au niveau des barrages et réservoirs. Rappelons que les fleuves libres répartissent leur charge solide dans toute la plaine alluviale lors des inondations, permettant le maintien d’eaux claires et modérément eutrophes. Filtrées par les écosystèmes riverains, les alluvions fertilisent les écosystèmes forestiers, qui en retour agissent comme filtres épurateurs avant l’infiltration des eaux dans le sous-sol.

Le long des fleuves canalisés, les sédiments restent bloqués sous forme de dépôts de vases en amont des barrages. Quant aux annexes, elles subissent des atterrissements vaseux par perte des autocurages qui auparavant étaient effectués par les eaux courantes.

Dans les cours d’eau canalisés, l’accumulation des vases entraine une cascade d’effets nocifs lorsque les eaux sont polluées. Ces polluants diffusent dans les profondeurs des nappes souterraines et circulent dans les rivières, altérant la faune benthique et la faune des zones intersticielles de la nappe alluviale.

Les fleuves libres absorbent mieux les pollutions que les fleuves canalisés, notamment s’ils sont bordés d’une végétation arborescente sur de larges surfaces, car les polluants sont dilués lors des inondations, et pour partie absorbés par la végétation.

Modification des surfaces inondables

Les travaux hydrauliques réduisent et assèchent les surfaces inondables par arrêt ou forte réduction des surfaces inondables et des périodes d’inondation, et provoquent un enfoncement des lignes d’eau. La réduction des zones inondables serait d’environ 66% pour l’Europe depuis le début du 20ème siècle.

La perte des surfaces forestières inondable au cours du 20ème siècle est estimée à 95% en Europe. Les forêts qui subsistent sont le plus souvent déconnectées de la rivière, et privées de tous les bénéfices qui y sont associés : instabilité des géoformes, gradients écologiques Les habitats forestiers se simplifient et se banalisent, en perdant les spécificités de leur sylvigenèse : non renouvellement des premiers stades de succession, simplification des cycles, arrêt des dispersions par l’eau des propagules, et évidemment chute de la productivité primaire, estimée de 50 à 70% par arrêt de l’apport des nutriments par les inondations, mais aussi la fragmentation parmi les écosystèmes anthropisés et le déclin des espèces vulnérables liées aux activités hydrologiques.

L’altération fonctionnelle des forêts alluviales a été parachevée par le développement d’une sylviculture intensive, généralisée après les années 1960 pour l’Europe de l’Ouest. L’expression extrême de cette activité a été la conversion de forêts productives et riches en espèces et en habitats en peupleraies intensives de cultivars à courte révolution de coupe. Les plantations à large échelle après coupes à blancs sont également des pratiques sylvicoles inadéquates pour ces milieux sensibles. Elles sont aussi favorables aux invasions d’espèces exotiques qui s’installent en clones denses.

Accentuation de la pression des activités humaines

La réduction des champs d’inondation a permis d’accentuer la pression humaine sur les vallées alluviales. Actuellement, 70% des plaines alluviales sont intensément cultivées, et bien des forêts et des prairies extensives issues de défrichements anciens ont été également détruites pour l’industrie, l’urbanisation et le creusement de gravières Le danger lié à la réduction des champs d’inondation particulièrement aigu en cas de crues extrêmes, a incité à la construction de zones de rétention artificielles, qui servent de déversoir en cas d’urgence Ces réservoirs ont des effets pervers sur l’environnement, en encourageant une spirale d’artificialisation dans les plaines Le tourisme peut également être une cause non négligeable de destruction ou de dérangement de la faune et de la flore l’aménagement de zones aux bords des rivières, la navigation de plaisance, le raft ou le canoë associé aux campings sont autant de sources de dérangements

Référence

Schnitzler A. 2007. Forêts alluviales d’Europe. Editions Tec & Doc, Lavoisier, Paris.

L’incision des rivières alluviales - Laurent Schmitt, 2013

Evolution morphodynamique récente de la Moselle [Voir Maire G., Corbonnois J., en ligne]

L’incision des rivières alluviales (Fichier Incision_rivieres_alluviales.pdf)

Les incisions de rivières alluviales, qui peuvent être naturelles (variations climatiques, néo-tectonique…), sont fréquemment accentuées par des activités humaines :

à l’échelle du bassin versant :

- reboisement (spontané ou volontaire), qui réduit la fourniture sédimentaire,

- imperméabilisation d’une partie des bassins versants (périurbanisation…).

à l’échelle du lit fluvial :

- aménagements de cours d’eau : rectifications, endiguements, stabilisation de berges…,

- construction de retenues,

- extraction de granulats en lit mineur (actuellement interdit en France, sauf exception).

Référence

Bravard J.-P., Kondolf G.M., Piégay H., 1999. Environmental and societal effects of channel incision and remedial strategies. In: Darby S.E., Simon A., Incised river channels, Ed. J.Wiley & Sons, Chichester, chapter 12, pp. 303-342.

Evolution morphodynamique récente de la Moselle

La lecture proposée de l'article de Maire et Corbonnois (2000) [en ligne] est particulièrement recommandée à partir de la sous partie "Evolution du lit et du milieu riverain entre 1990 et 2000, état actuel" (p. 310) jusqu'à la fin.

Des aspects liés à la dynamique latérale de la Moselle (défluviation ou recoupement...) et à la gestion y sont particulièrement bien présentés.

Référence

Maire G., Corbonnois J., 2000. Evolution morphodynamique récente de la Moselle entre Charmes et Bayon. Diagnostic de l'état actuel du lit, choix d'un type de gestion de l'espace fluvial. In: Géocarrefour. Vol. 75 n°4, 2000. pp. 305-315.

La conscience de la restauration - Annik Schnitzler, 2013

Ce prolongement est téléchargeable : Fichier Conscience_restauration.pdf.

Les conséquences néfastes des aménagements des cours d’eau ont longtemps été ignorées, les populations et les politiques ne prenant en compte que les aspects positifs des travaux hydrauliques. Pour Aubry (2004), le 19ème siècle fut « le temps des grandes entreprises agricoles ou industrielles, puis l’ère des ingénieurs-aménageurs, rectificateurs redoutables de fleuves et de deltas. Le 20ème siècle peut se résumer en une longue suite de transformations prédatrices, dont les conséquences environnementales, loin d’être prises en compte, ne sont même pas imaginées Agriculture productiviste, excès d’irrigation, barrages de plus en plus monumentaux… c’est au nom du triomphe de l’homme sur la nature que s’accomplissent les pires erreurs Ce triomphalisme prenant souvent sa source, outre les besoins du développement, voire l’urgence de la survie, dans des idéologies sommaires – socialisme bureaucratique à la soviétique, nationalismes – et une ignorance tenace des conséquences environnementales des grands travaux entrepris... »

En Europe de l’Ouest, la canalisation du Rhin et du Rhône a été saluée comme un immense progrès, les forêts rhénanes, les seules qui subsistaient sur des surfaces conséquentes en France, ont été détruites sans soulever la moindre protestation. Quant aux pollutions des eaux, elles ne choquaient à l’époque personne.

Valeurs de la biodiversité et des services écosystémiques

Un moyen convainquant de persuader les sociétés humaines de l’intérêt de la préservation est d’attribuer une valeur économique à la biodiversité, par les services qu’elle peut rendre. Mais la notion de valeur marchande, ou valeur anthropocentrique, ne saurait effacer celle de valeur intrinsèque ou valeur propre de l’écosystème La valeur intrinsèque est avant tout une question d’éthique : l’homme attribue une valeur à un système sans considérer ses ressources, mais en fait les deux valeurs sont difficiles à différencier. Citons, parmi les valeurs prises en compte, la protection des plaines alluviales contre les inondations par ralentissement des crues, la qualité de l’eau, épurée par les écosystèmes naturels, le stockage du carbone dans l’énorme biomasse forestière, les charges sédimentaires, l’humidité permanente des plaines en périodes de sécheresse estivale. Comme valeurs dérivées, citons l’alimentation en eau pure, les produits forestiers, le fourrage des prairies, la biomasse animale pour la pêche et la chasse, les zones récréatives. A cela s’ajoutent les valeurs immatérielles : la beauté des sites, la recherche scientifique, les plaisirs naturalistes.

De telles évaluations ont été faites dans plusieurs pays d’Europe, et notamment dans la vallée du Danube en Autriche, afin de convaincre les Viennois de créer un parc national plutôt que des barrages sur le fleuve (Gren et al. 1995).

Les efforts consentis pour améliorer la fonctionnalité des fleuves

Ces efforts sont désignés par divers termes: restauration, réhabilitation, revitalisation, renaturation, revalorisation, plus ou moins synonymes. Toutefois, il existe des nuances sémantiques intéressantes. Ainsi, la restauration dans le contexte alluvial correspond à l’enlèvement des digues ou canaux d’irrigation afin de rétablir la connectivité entre biocénoses, de réactiver les zones alluviales en tant que zones d’épandage et donc de rétention des eaux dans les aquifères, de favoriser les relations eaux de surface et eau souterraines pour une eau de bonne qualité : on écarte les digues, on augmente les débits, on supprime les prélèvements de granulats et les enrochements. La réhabilitation est plutôt une action compensatrice de revalorisation d’un milieu indépendamment de son état initial, celui-ci n’étant pas connu ou ne pouvant pas être atteint (Piegay et al. 2003). Il s’agit donc de reconstituer un contexte jugé écologiquement acceptable, mais qui exige un entretien permanent : on stabilise et on revégétalise les berges rendues vulnérables, on réintroduit des espèces manquantes (poissons) et…. La revitalisation concerne l’ensemble des actions visant à rétablir les processus dynamiques de l’eau et des sédiments dans une zone perturbée par l’homme, en agissant sur les débits, en mettant à disposition plus d’espace à la rivière.

Ces travaux ne restituent certes pas l’écosystème dans son intégrité, et ils ont parfois un coût énorme pour des résultats maigres, car ils ne peuvent concerner que de petites portions des lits majeurs. Ils sont toutefois indispensables, au regard des dégâts commis sur les bassins-versants, et ils ont aussi l’immense mérite de mettre en exergue l’étendue des dégâts écologiques faits par les sociétés modernes.

Un bilan intéressant, quoique déjà ancien, fait par Waal et al. (1995) souligne l’absence de vision intégrée de la plupart des restaurations, souvent liée aux contraintes énormes qui pèsent, en termes d’espaces disponibles, de systèmes de défense mis en place contre les inondations, des usages locaux et surtout des contraintes liées à l’urbanisation En outre, il est souvent difficile de convaincre les populations locales de la restauration des plaines qu’ils fréquentent journellement : la restauration est considérée comme un retour en arrière, et ce malgré l’avancée des idées en matière d’environnement. Les actions locales des protecteurs de la nature sont à ce titre d’une très grande importance, pour faire accepter les projets des politiques régionales novateurs.

Ces considérations ne doivent pas décourager les efforts entrepris. La prise de conscience globale, touchant une gamme aussi large que possible des sphères du social, est indispensable pour protéger ce qui reste, comme la Moselle sauvage, et pour améliorer l’état de conservation des bassins-versants. Cela empêche aussi que des projets aberrants économiquement, et écologiquement catastrophiques, voient encore le jour. Dans la Moselle sauvage, il s’agit de la construction d’un large canal qui détruirait le peu qui reste de biodiversité bien préservée.

Références

Aubry C. 2004. Deltas du monde. Editions de la Martinière.

Gren I.M., Grouth K., Sylven M. 1995. “Economic values of Danube floodplains”. Journal of Environment Management, 45, 333-345.

Piegay H., Oaytiy G., Ruffinoni C. (eds) 2003. « Les forêts riveraines des cours d’eau, écologie, fonctions et gestion ». Institut pour le Développement forestier, 94-123.

Waal de. L., Large A.R., Wade P.M. 1995 “River and floodplain, rehabilitation in western Europe : opportunities and constraints”, Archiv fur Hydrobiologie, 538, 51-56.

Les poissons de la Moselle sauvage

Nous vous proposons ici de télécharger une planche représentant les poissons présents dans la Moselle sauvage et cités par Jean-Baptiste Schweyer (ONEMA 54) : Fichier Especes_de_poissons.pdf.